50 ans après Stonewall, l’homophobie comme affirmation de sa masculinité?

50 ans après l’émeute de Stonewall, moment historique qui a marqué le début du mouvement gay, retour sur une étude signalée l’hiver dernier par la RTS: va-ton enfin comprendre ce qui se cache derrière l’homophobie, ce puissant rejet qui intrigue par ce qui le sous-tend, la hargne, le mépris, l’acharnement, la haine même… 

L’homophobie frappe en effet par la charge émotionnelle qui l’accompagne. Aimer ou pas l’homosexualité est affaire de goût mais généralement, nos goûts n’impliquent pas le rejet brutal de ce que nous laissons de côté. On peut préférer les spaghetti carbonara sans détester la bolognaise. Pourquoi assiste-t-on dans le cas de l’homophobie à autant de lourdeur et de rejet? 

Cette charge nous indique qu’il ne s’agit pas là d’un choix comme un autre. L’homophobie pourrait bien faire partie d’une lutte plus profonde, interne, pour se trouver.

Ces émotions fortes ne seraient peut être que le masque d’un processus plus caché, moins visible et parfois même inconscient.

Pour le conditionnement masculin, la peur est bien plus grave que la haine. Nous venons d’une ère où être homme est un effort, une lutte constante. Effort d’être fort, lutte contre la tendance au ramollissement et à la douceur, lutte contre tout ce qui nous rapproche de l’enfance, lutte contre tout ce qui pourrait être féminin en nous. 

Détester l’autre apparait donc moins grave qu’en avoir peur. En détestant l’autre, on trouverait une identité par défaut, on appuierait notre masculinité sur quelque chose. En ayant peur de l’autre, on perdrait notre masculinité parce qu’on échouerait dans la compétition permanente qui nous définit.

Mais comment comprendre un tel processus psychique? 

Le masculin s’est beaucoup défini par opposition (cf. « XY » d’Elisabeth Badinter, chez Odile Jacob). Ne pas être faible, ne pas être féminin, ne pas être enfantin, ne pas être homo. 

Ces valeurs (ou anti valeurs?)  ont eu leur heure de gloire dans un passé plus guerrier. Elles n’ont plus la cote au 21e siècle, du moins dans cette partie du monde. 

Mais si de nouvelles valeurs ne viennent pas remplacer les anciennes, il y a un vide qui fait peur. On ne peut se définir par le vide. Se définir par le rejet de l’autre peut dès lors nous rassurer un peu.

Mais à quel prix? Cette charge qui accompagne le rejet ne fait qu’aggraver les choses en pompant dans notre énergie de vie. Et notre énergie n’est pas infinie. Ce qui nous permet de détruire ne peut pas en même temps nous permettre de construire. Tous les investissements ne produisent pas de nouvelle valeur. La haine ou le rejet ne produisent rien de bon pour personne.

Consacrée à rejeter l’autre notre énergie ne peut plus plus être consacrée à nous découvrir, à nous connaitre ou à nous construire. Elle nous laisse plus pauvre, plus vide encore et tout est en place pour un cercle vicieux toxique.

La même énergie pourrait être consacrée à nous approcher de l’autre, à nous y frotter, à faire connaissance au delà de nos conventions. Cela fait peur aussi parce que ce frottement nous expose. Mais dans ce cas, la peur est à la mesure du courage qu’il faut pour évoluer. Le rapprochement mène à des découvertes, à des surprises aussi. La peur de l’inconnu cède vite la place au plaisir des découvertes.

Nous partons régulièrement dans le désert avec des groupes d’hommes. Avec l’objectif de mettre en question notre vécu de la masculinité. 

Dans ces groupes d’hommes à majorité hétéro, la présence d’hommes gays offre l’occasion de rencontres sensibles autour de nos préférences sexuelles. La curiosité se libère, les partages sont possibles dans un climat de respect. La différence d’orientation sexuelle est reconnue sans nous séparer. La dimension humaine est plus importante que la différence d’orientation.

Toute la définition du masculin se modifie dans une telle dynamique. Nous cessons de nous définir par nos oppositions, nos rivalités ou par la compétition. La définition de soi comme homme s’appuie sur l’adhésion à une expérience vécue et à un ressenti intérieur qui nous enrichit et que nous pouvons partager.

Cela change tout.

Alexis Burger

Alexis Burger est psychiatre et psychothérapeute, il anime régulièrement des groupe d'hommes en recherche lors de voyages dans le Sahara. Il aborde la masculinité par l'angle clinique et sociologique. Il a publié «Le Défi Masculin» aux éditions Favre et à participé au film «Le Souffle du Désert», dans lesquels il expose son travail et ses réflexions.

Une réponse à “50 ans après Stonewall, l’homophobie comme affirmation de sa masculinité?

  1. C’est rigolo, votre démarche.

    Jeune, on pourrait dire que j’étais agressé par les hommes (au sens actuel des femmes).
    Ne voulant pas les blesser, j’étais gêné, au point que certains amis m’ont soupçonné d’être homo!!!

    Bon, mais j’ai vu que la meilleure joueuse de foot du mondial (rien contre, ni pour le ballon) était née comme moi le 5 juillet.

    Aucune surprise, mais qu’en pensez-vous, une alliance de date, plutôt que de sexe?

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