Congé paternité, suite…

Nous allons donc voter sur l’introduction en Suisse d’un congé paternité au rabais.

Il est piquant de voir le parti des valeurs traditionnelles s’opposer par référendum à une mesure qui favorise les familles. Le congé paternité sur lequel nous allons voter est un congé paternité au rabais mais c’est un début d’aide aux familles. Il va dans le bon sens… 

L’ UDC s’oppose à ce congé paternité au rabais, y compris par la fraude aux signatures. N’est-ce pas bizarre? Sans doute et ce n’est pas la première ni la dernière fois que ce parti expose son ambiguïté. Ce qui est défendu par le référendum, ce ne sont pas les familles mais les rôles traditionnels: l’homme au volant et la femme à la poussette. 

Ah… mais l’évolution sociale a déjà fait exploser ces rôles depuis longtemps et personne ne les fera revenir! Les femmes votent, elle travaillent, conduisent et prennent des responsabilités. Les hommes cuisinent, ont des émotions et élèvent les enfants. Ce n’est pas un scoop. 

Lors de redistribution de richesse, on perçoit le processus comme prendre d’un côté pour donner d’un autre. C’est le cas lors de conflits salariaux par exemple. Mais en matière d’évolution des genres, la dynamique n’est pas la même. L’amélioration de la condition féminine profite aux femmes et aux hommes. Il n’y a qu’à penser, parmi de nombreux exemples, aux fantastiques bouleversements de la sexualité que l’émancipation féminine a permis. 

L’amélioration de la condition masculine profite elle aussi aux hommes et aux femmes. En Norvège (pays dont le niveau de vie est semblable au nôtre), le congé parental est bien plus ambitieux que notre timide congé paternité au rabais. C’est 3 semaines à la naissance pour le couple, 15 semaines pour la mère, 15 semaines pour le père et 16 semaines à se répartir. 

Les hommes au bénéfice du congé parental à la norvégienne sont transformés par l’expérience et beaucoup plus à même de gérer le partage des tâches et à assumer une présence auprès des enfants (Le Temps, 23.12.19). Le couple peut s’adapter avec plus de souplesse à relever ses défis d’organisation et de répartition. 

Dans un tel cas, l’homme est gagnant: il a l’occasion d’apprendre à développer ses compétences latentes, compétences qui ne se révèlent pas par la magie des bonnes intentions. 

La femme peut préserver et développer son activité professionnelle sans craindre de le faire aux dépens des enfants  (https://www.rts.ch/info/monde/10486302-le-conge-parental-norvegien-favorise-les-carrieres-feminines-.html).

Quant aux enfants, ils ont deux parents plutôt qu’une mère à la maison et un père perdu quelque part au travail. Ils apprennent l’égalité par l’expérience vécue, c’est un apprentissage bien plus profond que par la théorie.

Un vrai congé parental donne au couple quelque chose de plus: le choix. Et le choix implique le dialogue. Le dialogue est essentiel à la survie et à l’harmonie des couples. Ce n’est pas un psy qui dira le contraire. Le dialogue nous manque et la vie contemporaine, avec la généralisation du stress et des écrans, entrave sa pratique.

Le dialogue fait peur parfois: dans les années 70, les opposants au droit de vote féminin craignaient que les familles soient détruites par les disputes que ce choix allait créer. 

Bonne nouvelle: les familles ont survécu et plus personne n’attribue au droit de vote des femmes l’augmentation du nombre des divorces! 

Il s’agit donc de changer de point de vue: il n’y a pas d’opposition objective entre hommes et femmes lorsqu’il s’agit d’évolution de genre. Si opposition il y a c’est entre ceux qui bougent (femmes et hommes) en acceptant de questionner les rôles traditionnels et ceux qui freinent (femmes et hommes) en s’arcboutant sur la tradition pour pérenniser les rôles masculins et féminins périmés que nous avons hérité du passé.

« Les femmes sont folles de ne pas se faire confiance et les hommes sont fous de se priver de leur apport » (Gisèle Halimi, Le Monde, 22.09.19)

« Oui la violence faite aux femmes est insupportable. Mais je m’inquiète d’un autre phénomène: la montée d’une forme de séparatisme entre les femmes et les hommes » (Elisabeth Badinter, Le Temps, 10.12.19)

« L’idée est de favoriser l’autonomie et de parler de sécurité en termes de liberté et non pas de restriction de droits d’autrui » (Marylène Lieber, 24 heures, 26.11.19)

Alexis Burger

Alexis Burger est psychiatre et psychothérapeute, il anime régulièrement des groupe d'hommes en recherche lors de voyages dans le Sahara. Il aborde la masculinité par l'angle clinique et sociologique. Il a publié «Le Défi Masculin» aux éditions Favre et à participé au film «Le Souffle du Désert», dans lesquels il expose son travail et ses réflexions.