Le débat sur la mixité, ou l’art de créer un problème là où il n’y en a pas.

On se rappelle Amanda Gorman réciter son poème bouleversant à l’inauguration de Joe Biden. Sa poésie est maintenant traduite dans de nombreuses langues. Scandale aux Pays-Bas, sa traductrice, une des meilleures du pays, est blanche. Comment peut-on laisser une blanche traduire une poétesse noire ? Du racisme!
Ailleurs, dans un grand syndicat français, un groupe de travail sur les problèmes de racisme est réservé aux gens de couleur. Scandale dans la presse française: comment peut-on faire des groupes réservés au noirs ? C’est du racisme anti blancs!

On pourrait multiplier les exemples. Qu’il s’agisse de mixité raciale ou de genre, il semble qu’on fasse un problème là où il n’y a en fait que du choix et du contexte.

En ce qui concerne les groupes d’hommes, la question de la non mixité se pose aussi. Est-il sensé de faire des groupes réservé aux hommes? Et bien oui il est très important qu’à certains moments les hommes puissent se parler entre eux. Il y a des sujets qui touchent les hommes au quotidien dont ils ne parlent pas. Parmi ceux-ci, certains peuvent être chargés de honte, de culpabilité, de secret. Comment par exemple imaginer des hommes décrire, élaborer, dépasser les sujets les plus embarrassant de la sexualité masculine en présence de femmes ? Quelles sont les conditions pour pouvoir aborder le rapport à la pornographie, entrer dans les détails de ce qui nous excite ou nous révulse, partager des fantasmes que l’on a jamais pu exprimer tant ils peuvent être crus?
La confidentialité en est une. La non mixité, dans ce cas, en est une autre.

Dans les années 70, la vague féministe était forte et parmi les femmes certaines se sont posé la question suivante: comment se fait-il que seul le gynécologue (homme la plupart du temps, à cette époque) sache mieux que moi comment mon sexe est fait? Est-ce que je ne pourrais pas voir par moi-même? Au sein du mouvement féministe se sont constitués des groupes d’auto observation. Il s’agissait par exemple de regarder son anatomie intime à l’aide d’un miroir et d’un spéculum.
Cette pratique a été très utile. Elle a aidé les femmes à prendre confiance en elles-même, en leur corps et en leur féminité. Et bien sûr il était impensable de faire de telles recherches en présence d’hommes.

L’introduction de la mixité dans les écoles au siècle passé a été un grand progrès. Aucun doute là-dessus. L’ouverture de toutes les activités sociales, professionnelles, etc. à tous les genres est une évidence.
Mais dans certains cas, à certains moments, de façon spécifique, il est essentiel de pouvoir se réunir entre hommes ou entre femmes. Cela permet à chaque genre d’augmenter sa confiance en soi et de s’adresser à l’autre genre depuis une position de tranquillité et de sécurité. Cela permet de nettoyer des conditionnements difficiles à verbaliser et de mettre en lumière des composantes de nos sexualités que nous ne pouvons pas faire émerger dans la relation avec nos partenaires mais qui peuvent, une fois élaborés et transformés, enrichir nos relations au plus grand bénéfice de toutes les parties.
L’utilité de la non mixité est liée à un contexte précis. En soit elle n’est ni bonne ni mauvaise, tout dépend de ce qu’on en fait.

Un livre actuel

C’est  un livre de Marie-Claire Zaugg qui arrive au bon moment: à l’heure où l’on pense congé paternité, à l’heure où l’égalité des genres est sur le devant de la scène, ce livre est important.

Dans son activité professionnelle, Marie-Claire Zaugg, doula, haptonomiste, propose aux parents intéressés, et notamment aux hommes, une démarche exploratoire: comment se préparer à l’arrivée d’un enfant, comment établir le contact pendant la grossesse, comment envisager la naissance et les multiples aspects de la périnatalité. Elle accompagne le couple conjugal dans sa transition vers le couple parental. Transition désirée, crainte, épanouissante ou épuisante, selon les vécus de chacun.

De la même manière, dans ce livre, c’est le lecteur qui est accompagné, invité à envisager cette expérience marquante de la vie qu’est la parentalité. Au fil de la lecture, nous allons passer par les étapes les plus probables de l’aventure, recevoir des informations très documentées, et nous allons nous préparer à faire des choix. 

Faire des choix n’est pas toujours facile en cette matière, surtout pour les hommes dont l’implication est nouvelle dans ce domaine. Issu d’années d’expériences, l’ouvrage présente une information claire leur permettant de mieux se représenter ce que vivent leurs compagnes et de se situer quant à la place qu’ils veulent prendre à leurs côtés. Nous, comment voulons-nous vivre l’arrivée de l’enfant ? Le père souhaite-t-il participer? Veut-il prendre une place active? Quelles seront les statuts respectifs du père et de la mère? Le couple conjugal va-t-il survivre? Et la sexualité du couple?

L’auteure relève un défi délicat: donner un maximum d’informations aux parents tout en reconnaissant leur liberté de choisir leur façon de faire, selon leurs valeurs et leurs approches. Là encore, les hommes avancent en terrain peu familier. Et en tant qu’homme, être accepté et reconnu dans notre  potentiel nous aide à nous reconnaître nous-même comme le père que nous souhaitons devenir.

L’expérience de Marie-Claire Zaugg avec les parents l’a sensibilisée  aux statuts respectifs des hommes et des femmes. Celui des hommes parait souvent mal défini lorsqu’il s’agit de gestation, de naissance ou de relations précoces avec les enfants. S’il semble évident que la femme devient mère par la grossesse, l’accouchement, l’allaitement, toutes choses qu’elle seule peut faire avec son corps, qu’est-ce qui fait de l’homme un père? 

L’évolution des genres n’est pas synchrone. Les femmes ont questionné en profondeur leur nature, leurs rôles et leur place dans la société. Les hommes évoluent différemment et leur implication dans les processus de périnatalité est récente. Ils sont invités à participer à l’accouchement ce qui apparaît comme un immense progrès. Mais que vont-ils faire de l’occasion? Assister passivement? Soutenir leur partenaire? Rassurer? La place des pères n’est pas définie par leur corps. Il leur revient de prendre cette place selon leurs désirs et leurs convictions. 

Il émane de ce livre une grande confiance dans les compétences des parents, dans leur aptitude à construire une triade favorable à l’évolution de chacun. Il donne envie. Il encourage chaque famille à écrire sa propre histoire. Et surtout, il redéfinit la place de l’homme dans un domaine peu connu de lui: celui de la périnatalité. Qu’il soit écrit par une femme, hors de toute « guerre des sexes »,  nous encourage à concevoir une parentalité heureuse, animée par l’échange et la reconnaissance mutuelle. 

La démarche proposée aide les couples. Mais dans ce domaine c’est aussi la vision future des enfants qui est en jeu. Ce livre nous montre que l’enfant a besoin d’un père charnel, réel plus que symbolique. Un père qui s’invente dans l’expérience concrète de la vie avec un ou plusieurs enfants. 

Ayant été reçu et par une femme et par un homme, l’enfant développe naturellement une compréhension de l’égalité des genres et du respect que chaque genre mérite. C’est une compréhension profonde, durable, loin des acceptations théoriques qui ne sont pas encore acquises après 50 ans.

Naissance d’un père, Marie-Claire Zaugg, ed Slatkine. 

Disponible en librairie ou sur le site des éditions Slatkine.

Dédicaces: samedi 26 septembre de 11 à 12h30 chez Payot, Nyon

Congé paternité et politique familiale: le changement de perception prend du temps.



Ainsi le PLR ne soutiendra pas le congé paternité (https://www.letemps.ch/suisse/surprise-plr-refuse-conge-paternite). Cela ne devrait pas être trop grave vu le large soutien dont jouit l’initiative. Mais le refus d’un changement tel que ce congé paternité, pourtant peu ambitieux, pose question. Nous voterons sur une formule au rabais mais elle va dans le bon sens.

Comment comprendre le refus d’une politique qui est favorable pour les familles, favorable pour les enfants, pour les pères et pour les mères? Car il s’agit bien de cela. On sait l’apport important que pourrait jouer la présence paternelle auprès des enfants. Ceux ci profitent d’avoir la dyade parentale comme interlocuteur et pas seulement leur mère. C’est bon pour leur développement, leur santé psychique et pour favoriser une reconnaissance profonde de l’égalité des sexes. C’est bon pour les pères aussi qui découvrent souvent avec surprise la richesse des interactions précoces qu’ils peuvent vivre avec leurs petits. Et c’est bon pour les mères. La carrière des femmes est favorisée par la présence paternelle auprès des enfants. Moins de ruptures dans leurs parcours et plus de stabilité leur permet de rester actives dans leurs professions et d’y évoluer tout en vivant leur maternité.

Alors? Pourquoi refuser un tel projet? Laissons tout de suite de côté l’argument du financement. La Suisse est à la traine des pays à haut standard de vie pour ce qui est de la politique familiale. Des pays moins prospères en font plus. Et la Suisse peut financer l’absence des hommes de leur travail sans difficulté lors qu’ils font leur service militaire. Le système de l’ APG (assurance perte de gain) pourrait fonctionner sans problème.

On peut se demander si les motivations du refus ne viennent pas d’ailleurs. D’un sentiment d’injustice, peut-être inconscient, lié au fait que pour la plupart d’entre nous, nos pères ont été absents, sinon physiquement, du moins psychiquement. Nos pères étaient terriblement pris dans leurs responsabilités professionnelles et dans le vieux modèle de l’homme qui pourvoit aux besoins financiers et de la femme qui gère la vie de famille. Leur amour passait par leur capacité à correspondre à ce vieux modèle et pas par le contact direct, senti, éprouvé avec leurs enfants. Ils étaient fiers de réussir à pourvoir au besoins matériels de leur famille et leur souffrance passait au second plan. Mais une fois leurs enfants grands, combien n’ont pas soupiré en constatant qu’il avaient manqué les meilleures années de la vie avec leur filles et leurs fils?

Les enfants, eux, n’ayant pas de point de comparaison, ont pris l’absence paternelle comme quelque chose de normal. Cela ne veut pas dire qu’il n’en n’ont pas souffert, bien sûr. Mais devant une absence douloureuse, ils se sont persuadé qu’il s’agissait d’une  norme  et qu’ils devaient avoir la force et le courage d’accepter cette norme. Ils se sont construits autour de ce manque avec un certain succès mais pas sans dommages. Dès lors, devant l’irruption d’un changement possible pour les futures générations, les douleurs du manque, soigneusement refoulées au nom de la  norme, refont surface. Avec la révolte: Pourquoi eux et pas nous? Pourquoi maintenant? Mon bel effort pour surmonter le manque n’a-t-il servi à rien? Les enfants ne seront-ils pas trop gâtés? Je me suis endurci pour surmonter l’absence, ne vont-ils pas devenir des mous? J’ai surmonté la frustration, qu’ils s’en sortent eux aussi!

L’absence paternelle a une autre conséquence: en tant qu’homme nous n’avons pas appris à pouponner. Ou plutôt, nous n’en avons pas fait l’expérience de la part de nos pères. On sait que les femmes ont appris la maternité avec leur propres mères. La plupart des hommes n’ont pas eu cette chance avec leur pères. Cela les met en position délicate et les incitent à laisser la responsabilité des enfants aux femmes qui s’en sortent mieux. C’est ce constat qui a poussé un pays avancé comme la Norvège à mettre en place un congé parental dans lequel une partie du temps imparti est consacré aux hommes pour les inciter à apprendre ce nouveau rôle (https://blogs.letemps.ch/alexis-burger/2020/02/09/conge-paternite-suite/).
Cette partie du congé parental ne sera pas octroyé si l’homme ne la saisit pas. Il s’agit d’une action positive qui vise à restaurer une égalité réelle, sentie, intégrée, à même de modifier dans la durée, chez les femmes et chez les hommes, la perception de la dynamique des genres.

Congé paternité, suite…

Nous allons donc voter sur l’introduction en Suisse d’un congé paternité au rabais.

Il est piquant de voir le parti des valeurs traditionnelles s’opposer par référendum à une mesure qui favorise les familles. Le congé paternité sur lequel nous allons voter est un congé paternité au rabais mais c’est un début d’aide aux familles. Il va dans le bon sens… 

L’ UDC s’oppose à ce congé paternité au rabais, y compris par la fraude aux signatures. N’est-ce pas bizarre? Sans doute et ce n’est pas la première ni la dernière fois que ce parti expose son ambiguïté. Ce qui est défendu par le référendum, ce ne sont pas les familles mais les rôles traditionnels: l’homme au volant et la femme à la poussette. 

Ah… mais l’évolution sociale a déjà fait exploser ces rôles depuis longtemps et personne ne les fera revenir! Les femmes votent, elle travaillent, conduisent et prennent des responsabilités. Les hommes cuisinent, ont des émotions et élèvent les enfants. Ce n’est pas un scoop. 

Lors de redistribution de richesse, on perçoit le processus comme prendre d’un côté pour donner d’un autre. C’est le cas lors de conflits salariaux par exemple. Mais en matière d’évolution des genres, la dynamique n’est pas la même. L’amélioration de la condition féminine profite aux femmes et aux hommes. Il n’y a qu’à penser, parmi de nombreux exemples, aux fantastiques bouleversements de la sexualité que l’émancipation féminine a permis. 

L’amélioration de la condition masculine profite elle aussi aux hommes et aux femmes. En Norvège (pays dont le niveau de vie est semblable au nôtre), le congé parental est bien plus ambitieux que notre timide congé paternité au rabais. C’est 3 semaines à la naissance pour le couple, 15 semaines pour la mère, 15 semaines pour le père et 16 semaines à se répartir. 

Les hommes au bénéfice du congé parental à la norvégienne sont transformés par l’expérience et beaucoup plus à même de gérer le partage des tâches et à assumer une présence auprès des enfants (Le Temps, 23.12.19). Le couple peut s’adapter avec plus de souplesse à relever ses défis d’organisation et de répartition. 

Dans un tel cas, l’homme est gagnant: il a l’occasion d’apprendre à développer ses compétences latentes, compétences qui ne se révèlent pas par la magie des bonnes intentions. 

La femme peut préserver et développer son activité professionnelle sans craindre de le faire aux dépens des enfants  (https://www.rts.ch/info/monde/10486302-le-conge-parental-norvegien-favorise-les-carrieres-feminines-.html).

Quant aux enfants, ils ont deux parents plutôt qu’une mère à la maison et un père perdu quelque part au travail. Ils apprennent l’égalité par l’expérience vécue, c’est un apprentissage bien plus profond que par la théorie.

Un vrai congé parental donne au couple quelque chose de plus: le choix. Et le choix implique le dialogue. Le dialogue est essentiel à la survie et à l’harmonie des couples. Ce n’est pas un psy qui dira le contraire. Le dialogue nous manque et la vie contemporaine, avec la généralisation du stress et des écrans, entrave sa pratique.

Le dialogue fait peur parfois: dans les années 70, les opposants au droit de vote féminin craignaient que les familles soient détruites par les disputes que ce choix allait créer. 

Bonne nouvelle: les familles ont survécu et plus personne n’attribue au droit de vote des femmes l’augmentation du nombre des divorces! 

Il s’agit donc de changer de point de vue: il n’y a pas d’opposition objective entre hommes et femmes lorsqu’il s’agit d’évolution de genre. Si opposition il y a c’est entre ceux qui bougent (femmes et hommes) en acceptant de questionner les rôles traditionnels et ceux qui freinent (femmes et hommes) en s’arcboutant sur la tradition pour pérenniser les rôles masculins et féminins périmés que nous avons hérité du passé.

« Les femmes sont folles de ne pas se faire confiance et les hommes sont fous de se priver de leur apport » (Gisèle Halimi, Le Monde, 22.09.19)

« Oui la violence faite aux femmes est insupportable. Mais je m’inquiète d’un autre phénomène: la montée d’une forme de séparatisme entre les femmes et les hommes » (Elisabeth Badinter, Le Temps, 10.12.19)

« L’idée est de favoriser l’autonomie et de parler de sécurité en termes de liberté et non pas de restriction de droits d’autrui » (Marylène Lieber, 24 heures, 26.11.19)

Le congé parental est un investissement gagnant!

On en parle… Le conseil fédéral soutien l’introduction d’un congé paternité… de deux semaines! Quatre mois après la grève des femmes, l’ambiance est à plus d’égalité. La vague rose rend le congé paternité envisageable. Mais que dire du projet actuel? Deux semaines, ça frise le ridicule. On lâche sur le principe mais la mesure reste symbolique tant la durée du congé envisagé est insuffisante. 

Le congé paternité n’est pas un sacrifice et les arguments financiers (« ça coute cher ») sont de mauvaise foi. A ce propos, lire dans 24h l’article de René Knüsel, « Le congé paternité, une option rétrograde? » (https://www.24heures.ch/signatures/reflexions/conge-paternite-option-retrograde/story/25943870).

Un congé paternité ambitieux, version congé parental à la scandinave, par exemple, serait un investissement gagnant. 

Il permettrait aux couples avec jeunes enfants de faire une expérience enrichissante d’une phase de la vie particulièrement difficile.

Il permettrait aux femmes et aux hommes d’avoir plus de choix à la naissance des enfants. Les couples pourraient s’organiser de façon à préserver leur travail tout en s’occupant des enfants. Le partage ds tâches, au choix des parents, serait plus égalitaire.

Il donnerait aux enfants un départ plus facile, avec deux parents disponibles.

Il permettrait aux hommes de découvrir la relation précoce, concrètement, ce que la plupart des hommes ne peuvent se  permettre actuellement. La relation précoce induit un lien père-enfant plus solide, plus naturel et plus à même de renforcer chez l’enfant la sécurité de base nécessaire à son développement. 

Pour les garçons en particulier, la présence paternelle est structurante et permet d’éviter la reproduction des préjugés de genre qui font encore trop souffrir les femmes et les hommes. Pour un père, être auprès des enfants depuis le début est une expérience rare et précieuse qui n’est pas partagée comme elle le devrait. 

Les femmes savent se frotter aux soins, à la relation avec les petits, aux échanges non-verbaux. Cette expérience est moins connue des pères que leurs engagements professionnels  éloignent de la famille. 

L’égalité n’est pas qu’un concept. Elle s’acquiert au fil de la pratique. S’occuper des enfants s’apprend en faisant. Priver les hommes de cet apprentissage, c’est reconduire les bases de l’inégalité qu’on veut combattre en renforçant le stéréotype de l’homme pourvoyeur et de la femme mère de famille.

Un vrai congé parental serait donc bon pour l’harmonie entre les genres, bon pour le développement des enfants, bon pour les femmes qui auraient plus de choix quant à l’équilibre privé-professionnel et très instructif pour les hommes qui pourraient découvrir des aspects d’eux-mêmes qu’ils n’imaginent pas.

Le congé parental est un investissement gagnant.

50 ans après Stonewall, l’homophobie comme affirmation de sa masculinité?

50 ans après l’émeute de Stonewall, moment historique qui a marqué le début du mouvement gay, retour sur une étude signalée l’hiver dernier par la RTS: va-ton enfin comprendre ce qui se cache derrière l’homophobie, ce puissant rejet qui intrigue par ce qui le sous-tend, la hargne, le mépris, l’acharnement, la haine même… 

L’homophobie frappe en effet par la charge émotionnelle qui l’accompagne. Aimer ou pas l’homosexualité est affaire de goût mais généralement, nos goûts n’impliquent pas le rejet brutal de ce que nous laissons de côté. On peut préférer les spaghetti carbonara sans détester la bolognaise. Pourquoi assiste-t-on dans le cas de l’homophobie à autant de lourdeur et de rejet? 

Cette charge nous indique qu’il ne s’agit pas là d’un choix comme un autre. L’homophobie pourrait bien faire partie d’une lutte plus profonde, interne, pour se trouver.

Ces émotions fortes ne seraient peut être que le masque d’un processus plus caché, moins visible et parfois même inconscient.

Pour le conditionnement masculin, la peur est bien plus grave que la haine. Nous venons d’une ère où être homme est un effort, une lutte constante. Effort d’être fort, lutte contre la tendance au ramollissement et à la douceur, lutte contre tout ce qui nous rapproche de l’enfance, lutte contre tout ce qui pourrait être féminin en nous. 

Détester l’autre apparait donc moins grave qu’en avoir peur. En détestant l’autre, on trouverait une identité par défaut, on appuierait notre masculinité sur quelque chose. En ayant peur de l’autre, on perdrait notre masculinité parce qu’on échouerait dans la compétition permanente qui nous définit.

Mais comment comprendre un tel processus psychique? 

Le masculin s’est beaucoup défini par opposition (cf. « XY » d’Elisabeth Badinter, chez Odile Jacob). Ne pas être faible, ne pas être féminin, ne pas être enfantin, ne pas être homo. 

Ces valeurs (ou anti valeurs?)  ont eu leur heure de gloire dans un passé plus guerrier. Elles n’ont plus la cote au 21e siècle, du moins dans cette partie du monde. 

Mais si de nouvelles valeurs ne viennent pas remplacer les anciennes, il y a un vide qui fait peur. On ne peut se définir par le vide. Se définir par le rejet de l’autre peut dès lors nous rassurer un peu.

Mais à quel prix? Cette charge qui accompagne le rejet ne fait qu’aggraver les choses en pompant dans notre énergie de vie. Et notre énergie n’est pas infinie. Ce qui nous permet de détruire ne peut pas en même temps nous permettre de construire. Tous les investissements ne produisent pas de nouvelle valeur. La haine ou le rejet ne produisent rien de bon pour personne.

Consacrée à rejeter l’autre notre énergie ne peut plus plus être consacrée à nous découvrir, à nous connaitre ou à nous construire. Elle nous laisse plus pauvre, plus vide encore et tout est en place pour un cercle vicieux toxique.

La même énergie pourrait être consacrée à nous approcher de l’autre, à nous y frotter, à faire connaissance au delà de nos conventions. Cela fait peur aussi parce que ce frottement nous expose. Mais dans ce cas, la peur est à la mesure du courage qu’il faut pour évoluer. Le rapprochement mène à des découvertes, à des surprises aussi. La peur de l’inconnu cède vite la place au plaisir des découvertes.

Nous partons régulièrement dans le désert avec des groupes d’hommes. Avec l’objectif de mettre en question notre vécu de la masculinité. 

Dans ces groupes d’hommes à majorité hétéro, la présence d’hommes gays offre l’occasion de rencontres sensibles autour de nos préférences sexuelles. La curiosité se libère, les partages sont possibles dans un climat de respect. La différence d’orientation sexuelle est reconnue sans nous séparer. La dimension humaine est plus importante que la différence d’orientation.

Toute la définition du masculin se modifie dans une telle dynamique. Nous cessons de nous définir par nos oppositions, nos rivalités ou par la compétition. La définition de soi comme homme s’appuie sur l’adhésion à une expérience vécue et à un ressenti intérieur qui nous enrichit et que nous pouvons partager.

Cela change tout.

Pourquoi est-ce si difficile de définir la masculinité?

Dans l’émission « Faut pas croire » du 17 novembre dernier, Aline Bachofner  posait cette question: «Pourquoi est-ce si difficile de définir la masculinité?» 

Peut être parce qu’on commence seulement à se poser cette question. Ou alors parce qu’on la pose de façon complètement nouvelle.

Les hommes n‘ont pas attendu « MeToo » pour se sentir hommes, pour se comparer et pour rivaliser. Mais la définition de la masculinité a reposé jusqu’à récemment sur le rôle masculin plus que sur le ressenti masculin. Et c’est une différence importante. 

Traditionnellement, les rôles féminin et masculin étaient bien définis. La voiture, l’argent, la politique, le travail rémunéré: pour les hommes. La famille, la cuisine, les soins aux enfants, le ménage: pour les femmes. En tant qu’homme, le questionnement portait sur ces rôles et la satisfaction masculine venait récompenser celui qui les jouait bien. 

L’époque a changé et cette méthode ne fonctionne plus. Le rôles ont cessé depuis belle lurette de nous informer sur le genre. Les hommes et les femmes qui le veulent peuvent conduire, travailler, cuisiner ou élever les enfants. La fierté d’appartenir au genre masculin ne passe plus par l’incarnation de rôles que tout le monde peut incarner.

Tant mieux pour tous ceux que ces « rôles genrés » étouffaient par leur côté contraignant. La grande remise en question qu’a induite le féminisme est passée par là en libérant les femmes et les hommes de stéréotypes étouffant. 

Mais nous nous trouvons du coup à nouveau confronté à cette question: « c’est quoi un homme? » Avec cette fois un choix: allons-nous chercher de nouveau rôles pour nous définir ou allons-allons-nous prendre le risque d’explorer nos ressentis pour nous définir de façon plus personnelle. En d’autres termes, les hommes sont au défi de parler d’eux, de se découvrir et de se donner à être découvert par les autres. 

C’est une prise de risque d’autant plus que le rôle masculin traditionnel implique le contrôle sur soi plutôt que le partage verbal. Mais ce risque en vaut la peine. Nombreux sont les hommes qui sont sensibles aux bouleversement actuels qui touchent le domaine du genre. Plus parler, plus partager est une façon de participer au débat plutôt que d’y assister.

 

https://www.rts.ch/play/tv/faut-pas-croire/video/lidentite-masculine-en-crise?id=9996900

Des femmes, des hommes, des abus, du respect… Et toujours une forte attraction.

Meetoo représente une formidable occasion de se poser la question des rapports entre genres. De préciser ce que nous entendons par relation de séduction, par consentement, par abus; de redéfinir ce qui se fait et ce qui ne se fait pas en matière d’intimité.

Une formidable occasion de se (re)découvrir entre femmes et hommes, de faire connaissance comme si nous devions reprendre l’évolution de nos rapports après une période de stagnation pendant laquelle l’intimité était sensée aller de soi.

Un dialogue renouvelé grâce auquel chacune et chacun pourrait se faire connaître dans ses envies, ses besoins, ses limites et dans le respect de son intimité.

Les femmes ont pris la parole pour exprimer ce dont elles ne veulent plus: les abus. Et ce qu’elles veulent encore: le respect.

Et les hommes? 

Sommes-nous prêts au dialogue? Sommes-nous prêts à nous faire connaître dans nos envies, nos besoins et nos limites? Il n’y a pas de dialogue sans prise de position sur nous-mêmes ni sans exposition de soi. Et ce n’est pas notre fort l’exposition de notre vie intime, émotionnelle et sensible. Mais ce n’est que depuis nos points de vue que nous pourrons échanger.

Aurions-nous besoin d’une préparation à ce nouveau dialogue?

Il est souvent plus facile de faire le point entre hommes lorsqu’il s’agit de thèmes délicats que nous souhaiterions partager avec les femmes mais que nous ne discernons pas clairement nous-mêmes.

Entre hommes, le tâtonnement de l’exploration et la découverte progressive de notre intimité peuvent se faire sans pression, sans peur de se tromper, à l’abri de tout enjeu de séduction ou de blame. 

Les doutes quant à notre sexualité s’allègent lorsque nous constatons que nous ne sommes pas seuls à les vivre. Quand nous réalisons que ces doutes sont intéressant à explorer, ils deviennent une matière à échanger.

Un passage par une exploration de notre masculinité, entre hommes, est une bonne façon de nous rendre disponibles au dialogue avec les femmes, disponibles à une co-création de nouveaux rapports entre les genres que ce soit au plan social ou au plan de nos relations de couple.