La République de Gaza; on peut rèver

Il n’y a guère d’environnement conflictuel au Moyen-Orient qui ne soit pas soumis à un apport étranger. Et parmi ceux-ci,  Gaza est en première ligne.

 La problématique de Gaza a essentiellement deux composantes. La première est que le territoire n’est pas autosuffisant. Avec près de 80 % de sa population dépendante d’une l’aide exterieur, l’existence même de Gaza est conditionnée par une assistance étrangère. Celle-ci est essentiellement fournie par le Qatar et par les gouvernements occidentaux, qui canalisent leurs contributions par le biais du système des Nations unies ou de la Communauté Européenne.

La seconde est que, depuis 2007, Gaza est dirigée par le Hamas, un mouvement politico-religieux don’t le but final est la destruction  de l’État d’Israël. Certes, les deux se parlent parfois, mais sur le fond, ils sont incompatibles dans la mesure où l’un est voué à la destruction de l’autre.

Conflit permanent ?

 Le résultat final est une situation de conflit permanent. Une situation qui ne sert les intérêts de personne, qu’il s’agisse des donateurs, de la population de Gaza ou des pays limitrophes de Gaza, comme Israël et l’Égypte.

Il est évident que les deux  parties directement concernées, a savoir Hamas et Israel  ne vont jamais se mettre d’accord sur  une formule qui garantirait un degré tangible de paix et de stabilité pour Gaza. Ainsi, pour un avenir prévisible, le résultat est soit la poursuite de l’état actuel du conflit, soit une solution, avec une réserve : tout comme l’existence continue de Gaza dépend d’un apport étranger, une solution ne peut être envisagée que si elle est imposée de l’extérieur.

Un consortium

La première condition d’une telle approche serait qu’un consortium de donateurs adopte un plan directeur, étant entendu qu’ils seraient prêts à couper impitoyablement tout financement ou toute aide à Gaza, quelles que soient les conséquences si le plan directeur n’est pas mis en œuvre. Un tel plan directeur devrait être approuvé par l’Égypte en tant que force dirigeante et par l’Arabie saoudite. Israël devrait approuver le plan directeur mais rester en retrait quant à sa mise en œuvre.

L’étape suivante consisterait à encourager, à moins d’un changement de politique majeur, les hauts dirigeants du Hamas et leurs familles élargies à accepter une retraite honorable et sûre dans un pays arabe. Inversement, les divers services sociaux mis en place par le Hamas devraient être préservés, mais sous une autre direction.

Tutelle

Simultanément, sur la base du plan directeur, le consortium de donateurs dirigé par l’Égypte mettrait en place à Gaza une administration provisoire, voire sous tutelle de l’ONU soutenue par un fort contingent militaire issus des pays arabes.  Cette administration proclamerait l’indépendance, adopterait une constitution et signerait un traité de paix avec Israël. Tous les habitants actuels de Gaza se verraient accorder la pleine citoyenneté du nouvel État.

Viable

 En termes démographiques, il s’agirait d’une proposition viable, surtout si l’on considère que la densité de population de Gaza est de quelque 5500 habitants par km2, contre 7700 pour Singapour.

Avec un accès à la mer, une population généralement bien éduquée et d’importantes réserves de gaz au large de ses cotes, Gaza, de par sa situation, pourrait bien devenir un centre de production prospère à la jonction entre le Moyen-Orient et l’Europe.

Un appui

Une telle approche nécessiterait non seulement un engagement des donateurs à soutenir le nouvel État sur la voie de l’autosuffisance, mais aussi un engagement de Gaza à mettre en place un environnement juridique et politique conforme aux normes internationales.

Le droit au retour

Parallèlement, le “droit au retour” des réfugiés palestiniens qui se trouvent actuellement à Gaza, ne serait-ce que pour des raisons émotionnelles, devrait être abordé. Cela impliquerait une juste compensation, y compris un effort de construction massif qui donnerait aux citoyens de Gaza d’origine palestinienne des droits de propriété complets sur une nouvelle demeure.

Courage politique

Laissée aux aléas du Moyen-Orient, la République palestinienne de Gaza ne verra jamais le jour. Certes, le projet est réalisable et, quels que soient les obstacles, le résultat final devrait être meilleur que l’impasse actuelle. En revanche, ce qui fait défaut, c’est à la fois la volonté politique d’affronter le problème et le courage de le faire. Et compte tenu de la pénurie de leaders dans l’establishment politique mondial, l’émergence d’un gouvernement doté d’une figure visionnaire qui prendrait en main une telle cause est pour le moins improbable.

Et pourtant, on peut rêver.

Alexandre Casella

Diplômé de la Sorbonne, docteur en Sciences Politiques, ancien correspondant de guerre au Vietnam, Alexandre Casella a écrit pour les plus grands quotidiens et a passé 20 au HCR toujours en première ligne de Hanoi a Beirut et de Bangkok à Tirana.

3 réponses à “La République de Gaza; on peut rèver

  1. Certes, on peut rêver; mais la question ici est de savoir qui est censé rêver de quoi. Pour autant que je sache, dans sa majorité, la population de Gaza soutient le Hamas et sa posture intransigeante. Rien ne prouve que la population de Gaza rêve d’autre chose que de la destruction d’Israël.

    1. “Rien ne prouve que la population de Gaza rêve d’autre chose que de la destruction d’Israël.” … et la population d’Israël la disparition pure et simple de toute identité palestinienne! Et la deuxième est bien plus près de réaliser son “rêve” que la première, malheureusement pour les Palestiniens!

  2. Bonsoir Monsieur,

    “Et compte tenu de la pénurie de leaders dans l’establishment politique mondial, l’émergence d’un gouvernement doté d’une figure visionnaire qui prendrait en main une telle cause est pour le moins improbable.”, dites-vous.

    Voilà certainement le résumé le plus affligeant mais aussi le plus lucide que l’on puisse faire sur la gestion de cette cause…et de nombreuses autres.
    Des femmes ou des hommes capables de concevoir le temps long et de tenir bon devant les clivages ou les intérêts partisans ne semblent vraiment pas apparaître sur les scènes politiques et diplomatiques mondiales.

    Une anecdote vécue : étonnamment, ce sont des israéliens qui m’ont parlé avec le plus de conviction de ce que vous nommez une République de Gaza. Des palestiniens me disaient , eux, ne plus vouloir y penser, convaincus que rien ne pourrait changer.

    Vous remerciant pour ce blog et cette réflexion,

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