Débacle a Damas

Le 3 février 1982 un groupe armé appartenant à la Confrérie des Frères Musulmans s’empara  d’une partie de la ville de Homs. La réaction du régime Syrien, dirigé par le père de Bachar, Hafez el Assad, fut immédiate. Après avoir bloqué les quartiers de la ville contrôlés par les insurgés il  lâcha contre eux son artillerie et son aviation. Quand le siège  fut levé, 27 jours plus tard la partie de la ville occupée par les insurgés avait été réduite en  poussière. Et quant aux victimes civiles,  les estimations allaient de 10 000 à 40 000 morts.

Massacre à Homs

La leçon de Homs porta. Pendant 29 ans le régime, désormais dirigé par le fils de Hafez, Bachar, règna incontesté. Puis en mars 2011 dans la ville de Deraa un petit groupe de lycéens, inspirés par l’exemple du “Printemps Arabe, “ écrivirent sur les murs de leur école des slogans demandant la démission de Bachar El Assad. Le régime réagit en arrêtant et brutalisant les manifestants. Cela provoqua une réaction des parents et de fil en aiguille, les réseaux sociaux aidant, des manifestations contre le régime  éclatèrent dans plusieurs villes du pays.

En d’autres temps le régime, laissé à lui-même, aurait probablement réussi à contrôler la situation. Mais les temps avaient changés. En 1982 Hafez el Assad avait put écraser comme il l’entendait la rébellion des Frères Musulmans. Vingt neuf ans plus tard des puissants intérêts n’allaient pas rater une occasion d’abattre le régime dirigé désormais par son fils Bachar el Assad.

Un équilibre

Jusqu’en 2003 un équilibre des forces avait amené un semblant de stabilité au Moyen Orient. La Syrie et l’Iraq étaient tous les deux gouvernés par des factions rivales du parti Baas qui étaient à couteaux tirés et se neutralisaient mutuellement. En Iraq le régime de Saddam Hussein, d’obédience Sunnite qui se voulait étatiste, pan-arabiste et laïque, régnait sur une population majoritairement Chiite. En guerre larvée avec l’Iran il était également, après son incursion au Koweït, une menace constante pour les monarchies du Golfe.

Aussi abjecte que puisse être son régime, les orientations de politique étrangère de Saddam Hussein faisaient de lui un allié objectif des Etats-Unis. Non seulement il tenait tête à la Syrie et l’Iran, deux régimes ennemis des Etats-Unis. Enfin  représentant une menace pour les monarchies du Golfe  il les rendait dépendantes de leurs alliances avec Washington. Mais à Washington, les “Neocons”  qui entouraient le Président G.W. Bush ne voyaient pas les choses sous cet angle.

Les “neocons” en action

Issue d’une mouvance libérale, les “Neocons” avaient une du monde qu’il appartenait, selon eux, aux Etats Unis d’imposer fut-ce par la force. Pour eux “ l’hégémonie américaine est la seule défense contre un effondrement de l’ordre mondial”…et  la promotion des “valeurs américaines “ au Moyen-Orient  le seul moyen pour instaurer la “démocratie” dans le monde Arabe. Or cette démarche passait inévitablement par la chute de Saddam Hussein. Quant à la présence, ou absence d’armes de destruction massive, c’était là un détail sans importance.

Ayant fait tomber Saddam Hussein l’Amérique se retrouva avec un Iraq affaibli, gouverné désormais par des Chiites. Celui-ci,  ayant fait sa paix à la fois  avec l’Iran et avec la Syrie constituait le maillon d’un croissant Chiite allant de Téhéran à Damas avec son ancrage sur la Méditerranée assuré par le Hetzbollah Libanais. Pour Washington, un cauchemar géopolitique était devenu réalité. Mettre l’Iran en échec en abattant son allié Syrien était devenu un impératif. Mais ce n’était pas le seul :

Le nerf de la guerre

La dépendance de l’Europe sur l’importation de gaz russe était pour les chancelleries occidentales une source constante de préoccupation. Celle-ci allait de paire avec les efforts des monarchies Sunnites du Golfe de  diversifier leurs moyens de transport d’énergie dont les exportations de carburant étaient toutes dépendantes de la libre circulation par le détroit d’Hormuz.

Il en résultât plusieurs projets visant à désenclaver l’Europe de ses sources d’énergie russes en créant un réseau de gazoducs allant du Golfe directement à la Méditerranée. Un de ces projets, “Nabucco,” qui prévoyait un gazoduc allant de l’Azerbaïdjan à l’Autriche en passant par la Turquie fut abandonné face à l’opposition de Moscou. Un autre aurait relié le Qatar à la Méditerranée. Les négociations autour de ces projets furent menées dans la plus haute discrétion et elles capotèrent toutes faute de l’accord de la Syrie.

Bachar doit tomber

Entre ses liens avec l’Iran et son support à la politique énergétique russe, Obama et les monarchies du Golfe avaient donc deux bonnes raisons de vouloir la chute de Bachar. Téhéran et Moscou avaient eux deux bonnes raison pour s’assurer qu’il reste au pouvoir.

Renverser Bachar était une chose. Le remplacer par un pouvoir acquis aux interêts de Washington était une autre. Or tout comme en Afghanistan, en Iraq et en Libye les américains n’avaient pas de solution de rechange sous la main. Faute d’intervenir directement ils  étaient aussi  obligés d’agir en se servant d’intermédiaires, à savoir les monarchies du Golfe. Or celles-ci avaient chacune leurs propres interets, souvent divergents. Quant à l’état syrien, c’était un amalgame artificiel résultants des interets  historiques divergents de la Turquie, de l’Angleterre, de la France et de pouvoirs locaux maintenus ensemble essentiellement par le parti Baas aux mains de la famille  des Assad.

Moscou intervient

Dans un premier temps le régime de Bachar, face à de multiples mouvements de résistance qui allaient de l’EI, des Kurdes en passant par les salafistes alimentés avec la bénédiction de l’administration Obama par des centaines de millions de dollars en provenance des pays du Golfe, tituba. Certes, il disposait d’une base composée de quelques 2.5 millions d’Alawites, de la bourgeoisie commerçante des villes et des communautés chrétiennes qui, sachant qu’elles ne survivraient pas à un régime Islamiste restèrent dans l’expectative. Mais cela n’aurait pas suffit à le maintenir au pouvoir sans un apport décisif: l’intervention Russe. Les divisions de la résistance aidant, elle a assuré que Bachar reste un élément incontournable de toute solution politique ; et cela d’autant plus que Alawites, Chrétiens, Ismaelites et Druzes ont clairement démontré qu’ils préfèrent le pouvoir de Damas à celui des Islamistes.

Avec le retrait des forces américaines de Syrie décidé par Donald Trump, la tentative de Washington et de ses alliés du Golfe de faire tomber Bachar el Assad en profitant d’un instant de faiblesse de son  régime a fait long feu. A ce jour elle transformé la Syrie en un champ de ruines, a causé quelque 400 000 morts et 11 millions de réfugiés et déplacés, a généré une vague migratoire vers l’Europe  et a fait de la Russie un acteur incontournable au Moyen Orient. Difficile de faire pire.

 

 

 

 

 

Alexandre Casella

Diplômé de la Sorbonne, docteur en Sciences Politiques, ancien correspondant de guerre au Vietnam, Alexandre Casella a écrit pour les plus grands quotidiens et a passé 20 au HCR toujours en première ligne de Hanoi a Beirut et de Bangkok à Tirana.

Une réponse à “Débacle a Damas

  1. Rassurez-moi…, vous êtes conscient que votre article est truffé d’avis personnels, souvent biaisés, et n’expriment que votre vision du conflit… avec quelques faits objectifs par -ci par -là…

    A un étudiant, je lui mettrais une note insuffisante. Ce n’est pas parce que vous abordez les crimes de guerre et contre l’humanité d’une dictature féroce qu’il faut vous écarter de la nécessaire rigueur scientifique… ou alors dites-le clairement: vous vous ennuyez et souhaitez rédiger un essai dystopique…

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