Le 2 septembre 2018 un service funèbre fut organisé à la cathédrale de Washington à l’occasion des funérailles du sénateur John McCain, une des grandes figures de la politique américaine. Les 2500 invités comprenaient trois anciens présidents des Etats Unis, le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, ainsi que tout le Gotha de l’Establishment politique et financier des Etats Unis. Le seul qui manquait parmi cette assemblée de notables était Donal Trump. Non seulement il n’aimait pas John McCane et ne le cachait pas mais l’Establishment de Washington, ce n’était pas sa chose. Il choisit donc de ne pas se déranger.
L’establishment
Ce qui passe pour L’Establishment aux Etats Unis est un aggloméré comprenant les deux partis politiques, les fondations, les instituts de recherche, les grandes ONG, les cadres supérieurs de l’armée et les grands dirigeants de la finance et de l’industrie. A l’intérieur de ce magma il n’y a guère de différences idéologiques de substance mais tout au plus des fluctuations politiques d’une ampleur limitée. Et quant à ceux qui opèrent au sein de cette tourbière ils sont généralement issus des mêmes classes sociales et des mêmes universités et leur masse leur permet d’amortir les variations politiques au sommet de l’Etat. Ainsi lorsque un parti politique perd la présidence ses dirigeants trouvent refuge dans les diverses fondations, instituts de recherche, universités ou ONG, quitte à revenir au pouvoir lorsque le vent aura tourné. Le résultat, c’est une continuité dans l’alternance ; ainsi, entre l’invasion de l’Iraq par G.W.Bush et la tentative de Obama d’orchestrer la chute de Assad par personne interposée, la différence n’est que de pure forme.
Le Bien et le Mal
Le ciment qui assure la cohésion de l’Establishment américain est un vision Manichéenne du monde qui se résume en un combat entre le bien absolu et le mal total. Dans cette perspective, l’Amérique représente la force du bien et son combat y trouve sa justification. Il en résulte que la politique étrangère Américaine devient un exercice quasiment religieux et ses intérêts matériels ou géopolitiques sont occultés sous un verbiage qui relève plus de la théologie que de la politique. Ainsi, le refus de Washington, pendant 20 ans de reconnaître la République Populaire de Chine relève de facteurs qui n’on rien à voir avec la raison. De même, « regime change » tel qu’il a été préconisé pour la Syrie, l’Iraq ou la Libye implique toujours que son corollaire sera la « démocratie ».
Ignorer la réalité
Dans ce contexte, l’immense réservoir de savoir et de connaissances dont dispose l’Establishment est quasiment inutile. Entre la CIA, la NSA et les divers services de renseignements du Département d’Etat et des militaires, le fait que la guerre du Vietnam n’était pas gagnable était un mystère seulement pour ceux qui ne voulaient pas le savoir. De même le fait que Saddam Hussein ne disposait pas d’armes de destruction massive était documenté. Mais c’était des vérités qui ne correspondaient pas à la vision du monde de l’Establishment et elles furent délibérément ignorées. Et la masse de renseignements dont l’Establishment disposait se révéla inutile dans la mesure ou une vision idéologique du monde primait sur la raison.
Des fonds sans limites
Ce qui permet à l’Establishment de persévérer, c’est sa base économique. Disposant de la base industrielle la plus performante au monde, l’Establishment dispose d’un revenu imposable quasiment illimité. Il peut donc se permettre de se lancer dans des aventures étrangères sans devoir considérer les coûts. Du Vietnam à l’Afghanistan à l’Iraq, ce sont ainsi des milliards de dollars qui ont été dépensés sans que cela porte à conséquence.
Eviter des choix imprévisibles
L’assise de l’Establishment, c’est sa légitimité qui puise sa source dans un processus électoral bien rodé. Les pères fondateurs des Etats Unis étaient des nantis à l’esprit éclairé, de descendance anglaise et s’ils étaient acquis à un processus électoral ils se méfiaient des masses populaires dont les choix pouvaient être imprévisibles. Pour se prévenir contre de tels possibles débordements ils décrétèrent que l’élection du Président américain serait fait par un collège électoral. Ainsi le peuple élirait le collège électoral lequel élirait le Président, étant entendu que, du moins en principe il serait libre de son choix.
Le système fonctionna jusqu’au 8 novembre 2016.
Deux Amériques
Ce qui est qualifié de Etats Unis d’Amérique est en substance deux pays. Le gouvernement, les grandes universités, les fondations, les instituts de recherche, les banques et les grands centres urbains se trouvent essentiellement dans une zone de cent kilomètres de large qui s’étend des deux côtes, est et ouest vers l’intérieur des terres. Au-delà de ces 100 kilomètres commence une autre Amérique ; ignorée et méconnue, c’est l’Amérique profonde pour ne pas dire l’Amérique perdue.
L’Américain profond, si on peut le qualifier ainsi, sans être inconditionnellement isolationniste ne regarde pas vers l’étranger. Travailleur, il croit en Dieu et s’il n’est pas ouvertement raciste préfère la compagnie de blancs a ceux d’une autre ethnie. De même il a peu d’empathie pour la lutte des femmes pour l’égalité mais en revanche tient dur comme fer a son droit de posséder une arme. Il a fait au mieux quelques années d’école secondaire, ne lit pas les journaux, regarde sa télévision locale et a été souverainement ignoré par l’Establishment. Sauf en cas de besoin évidemment. Durant la guerre du Vietnam, c’est l’Amérique profonde qui a répondu à l’appel sous les drapeaux et est allé se faire massacrer pour une cause que l’Establishment savait perdue et cela alors que les étudiants de Yale et de Harvard obtenaient des exemptions pour raison d’études. Aujourd’hui, elle fait partie des laissés-pour-compte de la globalisation qui ont vu leurs emplois fondre comme neige au soleil alose que les usines qui les employaient relocalisaient leur production en Chine. En 2008 ils restèrent muets alors qu’un noir était élut Président. Huit ans plus tard c’était le tour d’une femme de postuler pour l’élection suprême. Pour l’Amérique profonde le point de rupture avait été atteint. Et cela d’autant plus qu’un candidat à la présidence leur promettait de refaire une Amérique, leur Amérique, « grande ». L’heure de Donald Trump avait sonné.
Venu de nulle part.
Politiquement Trump venait de nulle part. En fait c’était un promoteur immobilier à la réputation pas totalement transparente. Contrairement à pratiquement tous ses prédécesseurs qui avaient été sénateurs, gouverneurs d’un Etat ou même vice-président il n’avait aucune expérience de la gestion du pouvoir. N’ayant jamais gravi les échelons du pouvoir politique il n’était pas entouré d’une équipe de collaborateurs qui lui étaient dévoués et dont la carrière politique dépendait de la sienne. Sur le papier, Trump était un Républicain. En fait, c’était un anarchiste qui avait réussit à s’approprier le parti Républicain. Une fois élu, il se retrouva seul au pouvoir.
Un anarchiste.
Manquant une équipe de fidèles, Trump fut obligé de recruter ses collaborateurs parmi ceux avec lesquels il avait des affinités et qui étaient d’accord de le servir, à savoir des hauts gradés de l’armée et la faction la plus conservatrice du parti Républicain. Or ceux-ci, indépendamment de leurs compétences ou de leur orientation politique n’avaient aucune loyauté personnelle envers lui. Il en résulta des changements constants de personnel parmi les hautes sphères de l’administration avec en plus des milliers de postes qui ne furent pas pourvus.
Si cette gestion par à-coups fut systématiquement pointée du doigt par la classe politique, elle laissa sa base électorale totalement indifférente ; non seulement ils leur importait peu qu’il change son assistant pour la sécurité tous les trois mois mais ils ne savaient même pas qu’il en avait un. En fait, ce que l’Establishment considérait comme ses tares, ses électeurs voyaient comme ses qualités ; il n’avaient pas fait de brillantes études et eux non plus ; il affichait sa richesse et eux auraient bien aimé en faire autant ; il était contre toute aide étrangère et eux ne voyaient pas pourquoi le fruit de leur travail devait servir a nourrir des palestiniens. Quant aux chinois qui avaient pendant des années manipulé à leur profit le système économique américain il leur tombait dessus sans avoir de politique de rechange. En fait, tant que l’économie marchait et qu’il leur disait qu’ils étaient les meilleurs ils n’en demandaient pas plus.
En parallèle, son instinct politique lui faisait dire des vérités que beaucoup préféraient obnubiler. Ainsi son refus d’assumer une part excessive des frais de l’OTAN est, pour les européens un rappell : l’Amérique ne viendra pas toujours à leur secours et face à une Turquie menaçante le temps es venu pour eux de construire une défense commune. Le problème, pour les Etats Unis comme pour ses interlocuteurs est que ces prises de position n’étaient pas le résultat d’une politique ou même d’une pensée structurée mais plus souvent des à-coups qui ne bénéficient d’aucun suivi politique.
Une aberration Américaine
Sur le paysage politique américain, Donald Trump est une aberration. Ayant détourné à son profit le parti Républicain il a réussi à se faire élire en mobilisant les frustrations de l’Amérique profonde que l’Establishment avait systématiquement marginalisé. Le fait qu’il a perdu le vote populaire au profit de Hillary Clinton aurait dût assurer qu’un un homme de son acabi ne soit jamais élu président. Mais c’était compter sans un Collège Electoral dont le but précis était d’éviter qu’un Donald Trump ne devienne jamais président des Etats Unis.
4 ans ou 8 ?
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si cette faillite institutionelle des Etats Unis portera ses effets sur 4 ans ou sur 8. Mais quelle-que soit sa durée, elle aura marqué une rupture entre l’Establishment et une frange de la population qui ne se reconnaît plus dans les structures traditionelles du pouvoir. Que Joe Biden, lors des prochaines élections, sera le l’incarnation et donc le représentant de ces structures traditionelles est un acquis. Qu’il saura convaincre assez d’américains de se déplacer et de voter pour lui, pour le moment l’est moins.
En attendant l’électorat de Trump est toujours derrière lui. Pour combien de temps ?
Excellent sur le fond, malheureusement truffé de fautes d’orthographe ! Nous attendons mieux de votre journal.
Ce n’est pas la faute du journal. C’est la mienne.
Article tout bonnement passionnant ! Merci beaucoup
A part les fotes d’ortho…
“Quant aux chinois qui avaient pendant des années manipulé à leur profit le système économique américain”
Les chinois doivent à peu près posséder les 60% de la dette de plus de 20’000 milliards d’USD.
Alors qui manipule qui, Donald ou Mickey?
Très bon article, mais je ne pense pas que Donald Trump soit un électron libre au point que le dit l’auteur. Bien sûr, il est atypique. C’est un leader charismatique qui a senti le malaise profond de ce petit peuple conservateur qui est définitivement dégoûté d’un establishment corrompu et acquis à des idéologies potsmodernistes décadentes qui révulsent les gens ordinaires. Mais je pense que l’accession de ce franc-tireur, ou outsider comme on voudra, aux plus hautes responsabilités, n’aurait pas été possible si Trump n’avait pas eu l’appui de certains secteurs patriotes et conservateurs dans l’establishment. Je pense en particulier à certains cercles militaires, qui sont parfaitement conscients du fait qu’une petite clique manipule les Etats Unis pour l’obliger à faire des guerres au profit d’intérêts étrangers, et que ces guerres n’ont aucun lien quelconque avec l’intérêt national des Etats Unis. Et en plus cela ruine financièrement le pays. Tout cela est devenu très clair aujourd’hui pour beaucoup de gens bien informés, qui sont parfaitement conscients de ce qui s’est vraiment passé le 9 novembre 2001. Il y a donc, non seulement dans le petit peuple, mais aussi dans l’élite américaine, des secteurs influents qui ont dit: trop c’est trop! Il faut cesser de laisser la nation saignée pour des intérêts qui ne sont pas ceux du peuple américain. Ces secteurs de l’élite patriote ont aidé Trump à conquérir le pouvoir.
Mouais, je crois que vous vous trompez de cible “…pour l’obliger à faire des guerres au profit d’intérêts étrangers…”.
– Trump s’enrichit et ne cherche nullement l’intérêt des américains qui sont tous les mêmes, démocrates ou républicains, des rejetons des trente glorieuses Post WW I +II;
– Pour la même raison, il est assez bête pour appuyer le plan de paix de son gendre en Israël;
– Enfin, les US n’avaient pas besoin encore besoin du coronavirus, comme l’Europe, ils sont déjà ruinés et les chinois ont déjà le leadership, avant l’Inde qui ronge son frein et le frein du Brexit.
On peut leur mettre le covid-19 sur le dos ou pas, ils ne sont pas aussi stupide et tout ça n’est que le reflet de la bêtise occidentale, qui va d’ailleurs en crever.
L’avénement d’un new World!