Écrire sagesse ou délire, écrire pour ne pas mourir

S’apercevoir qu’il faudra se presser

J’ai commencé ce blog en 2018. La passion qu’il a éveillé en moi m’a permis de découvrir des poètes, d’entretenir de magnifiques échanges avec des auteurs, des écrivaines, des libraires, des bibliothécaires et de nombreuses personnes qui s’investissent dans le monde de l’édition. A cet espace je me suis donnée corps et âme. A ma grande et heureuse surprise, le nombre de mes abonnés a constamment augmenté. Une superbe récompense.

Sans la littérature, sans les personnes qui la font, sans vous qui suivez ces lignes, cet endroit n’aurait pas pu exister. Alors merci, merci à tous, à toutes, d’avoir posé vos yeux sur mes mots. Merci de m’avoir confié vos livres et vos phrases, vos émotions, vos concepts et vos pensées. Merci !

Cependant, les flammes de la passion demandent de la constance et du temps. Ce blog m’en réclamait avidement et je les lui ai offerts sans compter.

Avant d’être invitée par le quotidien Le Temps, j’ai écrit pendant une quinzaine d’années pour le blog du journal Le Monde avant qu’il ne disparaisse presque subitement. Je m’y étais investie autant qu’en ce lieu qui ferme aussi ses portes. Je reçois cette deuxième rupture comme un signe : je dois me consacrer entièrement à mes futurs livres. Le moment est venu de totalement plonger dans mes écrits, de mettre en forme les projets, les idées, les sentiments, les sensations qui ne demandent qu’à égoïstement posséder sans partage ma peau et mon esprit. J’ai donc décidé de mettre un terme à mes aventures avec les blogs. D’enfin devenir fidèle à celle qui me réclame, pour elle seule, depuis longtemps : mon écriture littéraire. Or, tout à coup, je m’aperçois qu’il faudra me presser pour tout accomplir.

J’ai choisi d’imager ces impressions avec quelques mots d’Anne Sylvestre. Des mots qui me ressemblent, qui sont également miens depuis que j’écris et qui, au fur et à mesure que le temps passe, s’apparentent de plus en plus à ma réalité. Je me réfère à sa chanson Écrire pour ne pas mourir dont je vous laisse un extrait ci-dessous. Vous pouvez facilement la retrouver dans son entier sur la toile.

Les parutions de mes trois prochains livres – très différents les uns des autres – sont agendées. Si aucun imprévu ne vient contrarier ce timing, ils paraîtront successivement cet automne 2023, au printemps 2024 et au cours du premier semestre 2025.

Je vous invite à régulièrement suivre mon actualité sur mon site officiel : dunia-miralles.info

D’une manière plus ludique, je figure aussi sur Facebook et Instagram. J’utilise également ces voies pour annoncer les nouvelles publications à mon lectorat.

Au plaisir de vous retrouver bientôt.

Dunia Miralles, le 28 juin 2023

 

 

Dunia Miralles : livres parus entre mars 2000 et juin 2023 :

Swiss trash, roman, Baleine, 2000. Réédition : éditions L’Âge d’Homme, 2015

Fille Facile, nouvelles, Torticolis et frères, 2012

Inertie, roman, éditions L’Âge d’Homme, 2014

Mich-el-le, une femme d’un autre genre, roman, éditions L’Âge d’Homme, 2016

Alicante, poésie bilingue français-espagnol, Torticolis et frères, 2018

Folmagories, nouvelles, éditions L’Âge d’Homme, 2018

Le baiser d’Anubia, instants autobiographiques, Torticolis et frères, 2023

 

L’image qui illustre l’article est un détail de la couverture du recueil collectif Les Affolés et du bandeau qui l’accompagnait. Ce livre est à présent épuisé.

Marilyn Monroe : une sensibilité et une intelligence innées

Pour la découvrir :  3 livres hors du tapage Netflix

Ai-je vu le film Blonde ? Non. Je fais partie des extraterrestres qui n’ont pas Netflix. Ai-je envie de le voir ? Non. Le film est tiré du roman éponyme de l’immense écrivaine Joyce Carol Oates qui précise au début de son ouvrage : « Blonde est une œuvre de fiction. Si la plupart des personnages de mon livre présentent quelques ressemblances avec les proches et les contemporains de Marilyn, leur description et les événements rapportés sont entièrement le fruit de l’imagination de l’auteur. Il faut donc lire Blonde comme un roman et non comme une biographie de Marilyn Monroe. »

Pour cette raison, il m’a paru important de donner la parole à Marilyn elle-même que l’on laissait si rarement parler, ou à son meilleur ami, l’écrivain et poète Norman Rosten.

Hollywood la broyeuse

Que Marilyn ait été broyée par Hollywood me semble évident. Qu’elle n’ait été qu’un piètre objet dans la machine hollywoodienne me paraît, en revanche, discutable. Jayne Mansfield, formatée pour la remplacer, n’eut que des rôles de vulgaire et ravissante idiote. Elle était pourtant pianiste et violoniste classique, parlait cinq langues et avait un QI de 163. Avant de mourir dans un effroyable accident de voiture, Hollywood la transforma en une actrice déchue et pathétique, alcoolique, et bourrée de psychotropes. Quant à la brillante Hedy Lamarr, star de la MGM dans les années 1930-1940 et inventrice peu considérée de notre incontournable Wifi, elle finit enfermée chez elle, terrifiée par le vieillissement et ravagée par les successives chirurgies esthétiques. Hollywood a également détruit quelques hommes. Je me contenterai de n’en citer qu’un seul : River Phoenix, dont on parle beaucoup ces jours. La mâchoire de l’industrie du film américain a déchiqueté bon nombre de personnes. Nul besoin d’être femme ou imbécile pour se laisser happer par elle.

Un corps et un cerveau

L’essayiste et poétesse britannique Edith Sitwell, avec qui Marilyn Monroe parlait de poésie, écrivit à son propos « Elle était très calme et avait une sorte d’immense dignité naturelle et elle était extrêmement intelligente. Elle était aussi d’une sensibilité maladive… Au repos son visage était par moments étrangement tragique et prophétique, comme le visage d’un beau fantôme ».

Contrairement à Jayne Mansfield ou à Hedy Lamarr, issues de milieux cultivés et privilégiés, qui auraient peut-être pu échapper au chant des sirènes hollywoodiennes, Marilyn Monroe ne connut, durant son enfance, que les orphelinats et les familles d’accueil qui la traitaient en servante. Consciente de manquer de culture, pour échapper à son destin elle ne possédait que son corps. Un corps que son esprit affuté sut savamment utiliser pour fuir l’ignorance et la pauvreté, même si effleurer les étoiles et laisser son empreinte sur le plus célèbre boulevard de Los Angeles lui coûta cher. Mais rien ne nous indique que sa vie aurait été plus heureuse si elle s’était contentée de rester « à sa place » de « pauvre fille» désargentée fruit d’institutions.

Marilyn Monroe : Fragments

Marilyn Monroe aimait la littérature et la poésie. En 2010, les éditions du Seuil, grâce à l’éditeur et écrivain suisse -jurassien- Bernard Comment, publiait les notes et poèmes inédits que l’actrice avait légués à son professeur de théâtre Lee Strasberg. A travers ces écrits pour la première fois dévoilés au public, on découvrait une personne sensible, avide de culture et d’amitiés sincères. Exigeante envers elle-même et travailleuse, les uniques motivations de Norma Jeane Mortenson (son vrai nom) furent de toujours améliorer son jeu de comédienne, de se cultiver et de trouver un équilibre grâce à la psychanalyse. A n’en point douter, elle était une personne très éloignée des rôles d’idiote manipulatrice, vénale et dévoreuse d’hommes qu’on lui prêtait dans les films.

La forme poétique, ou plus largement celle du fragment, lui permit probablement d’exprimer des fulgurances et des sensations ponctuelles. Mais qui voulait vraiment entendre et comprendre cette voix ? Après sa mort, Arthur Miller dira : « Pour survivre, il aurait fallu qu’elle soit plus cynique ou du moins plus proche de la réalité. Au lieu de cela, elle était un poète au coin de la rue essayant de réciter ses vers à une foule qui lui arrache ses vêtements. »

Marilyn Monroe : Confession inachevée

En 1954, l’agent de Marilyn demande au célèbre scénariste Ben Hecht d’aider l’actrice à écrire ses mémoires. A 28 ans, elle compte une vingtaine de films à son actif, et elle est déjà plus que lasse des inventions et des potins que les journaux à scandales colportent à son sujet. Elle dicte ses mots, d’une grande liberté et maturité, au dramaturge qui les retranscrit sur le papier. Pour des raisons personnelles, elle ne terminera pas cette autobiographie qui s’achève comme s’achèvera sa vie : abruptement, au moment où elle se rend en Corée, par un froid polaire, pour chanter devant les soldats américains. Toutefois, l’on y apprend le calvaire que fut son enfance, les problèmes psychiatriques de sa mère, le viol subit alors qu’elle n’a que 8 ans, et comment à 12 ans, alors qu’elle n’est encore qu’une fillette innocente, elle s’aperçoit de la puissance évocatrice de son corps. Sans tabous Marilyn dévoile également ses états d’âme; les dessous cauchemardesques de l’usine à rêves; sa volonté acharnée à devenir une actrice contre vents et marées; comment ce fut une femme qui, la première, commença à la transformer physiquement; sa lutte continuelle pour être considérée en tant que talentueuse actrice et non comme un tapageur objet sexuel décérébré.

Ces textes intimes, bouleversants et féministes, ont été publiés pour la première fois aux États-Unis et dans les pays francophones en 1974.

 

Norman Rosten : Marilyn ombre et lumière

De 1955 et jusqu’au jour de sa mort, le poète et écrivain Norman Rosten et son épouse Hedda furent les plus proches amis de Marilyn. C’est à lui qu’elle donnait à lire ses textes.

« Elle me tendait souvent un bout de papier avec quelques mots dessus et demandait :

– Penses-tu que c’est de la poésie ? Garde-le, tu me diras.

Ou bien elle m’envoyait par la poste une feuille griffonnée, demandant ce que j’en pensais. Je l’encourageais toujours.

Elle aimait la poésie. Elle comprenait, avec l’instinct d’un poète, que la poésie menait au cœur des choses. »

Avec amitié et tendresse, Norman Rosten raconte la Marilyn qu’il connut. Ses hauts, ses bas, ses déconvenues avec le psychiatre qui la suivait, et son plongeon final. Il ne se remettra jamais vraiment de la brutale disparition de son amie. De n’avoir pas compris son appel à l’aide, alors qu’elle et lui, que les tendances suicidaires habitaient aussi, s’étaient promis de s’aider mutuellement si l’un d’eux se sentait sur le point de passer à l’acte.

Les trois livres contiennent de nombreuses photographies de la star.

 

Sources :

– Fragments, Marilyn Monroe, Points, 2012.

Confession inachevée, Marilyn Monroe, Pavillon Poche, Robert Laffont, 2022.

Marilyn ombre et lumière, Norman Rosten, Éditions Seghers, 2022. La couverture du livre illustre cet article. Il s’agit du détail d’une photographie     réalisée par Sam Shaw en 1957.

Blonde, Joyce Carol Oates, Stock, Le Livre de Poche, 2000.

– Wikipédia

Un livre, une vidéo et 2 questions : « Le baiser d’Anubia » le dernier livre de Dunia Miralles

Trouble de la personnalité borderline : témoignage

Une fois n’est pas coutume, c’est dans mon univers que j’emmène aujourd’hui les lecteurs de cet espace. Mon dernier livre, des fragments autobiographiques sur le trouble de la personnalité limite (borderline) vient de paraître. Comme il est difficile, pour un-e auteur-e de parler de soi et de son propre ouvrage, j’ai choisi de publier l’article de l’écrivaine et critique littéraire Bernadette Richard, paru le 28 janvier 2023 dans l’hebdomadaire Le Ô.

Dunia Miralles : une œuvre bousculante

Le dessous des cartes, les arrière-cours de notre société malade, la dope, les petits secrets inavouables, la transidentité, les paumés en tout genre – selon le regard moraliste des citoyens dits raisonnables –, autant de sujets que Dunia Miralles traite dans ses romans.

Au début du millénaire, il avait fallu une *Espagnole pour dénuder dans « Swiss trash », son premier livre, une certaine face cachée de la Suisse, celle de la drogue. Entre les lecteurs qui avaient adoré, ceux qui s’étaient enfin reconnus et les heureux normés qui peinaient à croire que notre patrie propre en ordre abritait de tels cas sociaux, l’ouvrage est devenu culte.

Vaille que vaille, Miralles a poursuivi sa route dans le labyrinthe des mots – souvent des maux pour elle. S’ensuivirent « Fille facile », « Inertie », autres explorations d’univers peu conventionnels, puis le très décalé « Alicante », bilingue français-espagnol, une suite de pensées, de regards, agrémentée d’un CD.

Arrivèrent ensuite « Mich-el-le, une femme d’un autre genre », qui donna lieu à un spectacle émouvant, et « Folmagories », des nouvelles qui sont comme des hommages à Edgar Poe, Oscar Wilde ou encore Stephen King, inscrites (sauf deux) dans le décor des Montagnes neuchâteloises.

Le Baiser d’Anubia : une entrée pour les montagnes russes du TPL

Et voici « Le Baiser d’Anubia », un livre qui pourrait déranger, des pages qui ne laisseront aucun lecteur indifférent : une plongée dans la tête de l’auteure. Audace ? Exhibitionnisme ? Règlement de compte avec cette salope de vie qui ne ménage pas les borderline(s) ? Un peu de tout, principalement sous forme de phrases courtes, entre des perceptions, des souvenirs jetés dans l’urgence sur le papier, et des illuminations esthétiques, historiques, journalistiques, échappées d’une angoisse sous-jacente, celle qui ne permet pas à l’écrivaine de vivre selon les codes sociaux en vigueur.

Une deuxième partie fait office de reportage concernant ce fameux trouble de la personnalité limite, décortiqué avec précision. Miralles évoque également ses rapports difficiles avec les psys. Et, comme un phare bienveillant dans la nuit noire d’une existence difficile, l’amour de son compagnon.

L’auteure s’est longtemps interrogée sur le fonctionnement de son psychisme. Qui suis-je, en fait ? Pourquoi son mental est-il si fluctuant, la privant d’un bonheur facile et accessible à tous ?

Elle y répond – du moins pour le lecteur – à travers cette confession qui bouscule les codes littéraires. Qui sait ? Son témoignage permettra peut-être aux esprits étroits et emplis de préjugés de revoir leurs certitudes. 

 

 Dunia Miralles : l’interview

 Avec cette confession, vous ne craignez pas les commentaires désobligeants ?

Dans tous mes livres, excepté peut-être « Folmagories », je me suis mise en danger. Mais au final, je suis récompensée par la réaction de mes lectrices et lecteurs, concernés par les problématiques que j’aborde. Pour une fois, ils se sentent compris, écoutés et moins seuls. Je sais que j’écris des choses qui peuvent me valoir un retour de boomerang désagréable.

Ça ne vous gêne pas de vous mettre ainsi à nu ?

Ça fait partie de ma démarche littéraire de faire du funambulisme sur le fil d’une épée, en risquant de nuire à mon cheminement d’écrivaine, de nuire à ma réputation de femme, mais je m’en moque. Il est important pour moi de mettre au jour des choses que l’on tient généralement bien cachées.

Célébrités psychoatypiques

Dans  « Le baiser d’Anubia » le lecteur peut aussi rencontrer des célébrités psychoatypiques et neuroatypiques : Jean Cocteau, Billie Eilish, Kurt Cobain, Virginia Woolf, Elon Musk, Gérard de Nerval…

Ci-dessous, une lecture du « Baiser d’Anubia » mise en images par Chingón.

 

Site Dunia Miralles – Ecrivaine : ici

*A noter : je suis née en Suisse et naturalisée depuis 1987.

Source :

– « Le Baiser d’Anubia », de Dunia Miralles, éditions Torticolis et Frères, 2023

– Hebdomadaire Le Ô

Un livre des questions : “Les indiennes” de François Berger illustré par Isabelle Breguet

Mots simples en robe dorée

La poésie de François Berger rappelle la douceur des étangs reflétant l’onctuosité des nuages et les saules lascifs. Sous l’apparente sérénité de leurs eaux, s’agite un monde obscur, qu’on devine sans jamais le voir et dont les plantes, superbes à la surface, s’enracinent dans la vase. Avocat fort connu en pays de Neuchâtel, romancier publié aux Éditions l’Âge d’Homme, François Berger dont la carrière dans la littérature émane avant tout de la poésie, est un habitué des prix littéraires puisqu’il a obtenu le Prix Louise-Labé pour Mémoire d’anges, une Distinction de la Fondation Schiller pour Gestes du Veilleur, puis le Prix Auguste-Bachelin. Pour Le Voyage de l’ange, il a reçu le prix du roman poétique de la Société de poètes et d’écrivains d’expression française. La première parution du recueil Les indiennes remonte à 1988 aux Éditions Eliane Vernay, à Genève. Epuisée depuis des années, elle vient d’être rééditée aux éditions Soleil d’Encre embellie par les tableaux de l’artiste Isabelle Breguet. Un livre au parfum de fruits, de baisers matinaux et de billets d’amour, alors que la toile des indiennes se souvient encore d’un homme jeune défilant sous les drapeaux.

François Berger est également membre de la Société européenne de la culture. Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en italien, roumain, macédonien, grec et arabe.

Interview : cinq questions à François Berger

Qu’est-ce qui a motivé la republication de votre recueil de poésie Les indiennes ?

Des amis, connaissances et critiques littéraires m’avaient encouragé à le rééditer.

La rencontre avec l’œuvre picturale d’Isabelle Breguet, artiste peintre neuchâteloise, laquelle a magnifiquement illustré ce livre, aura été déterminante.

Vous sentez-vous davantage poète, romancier, éditeur ou avocat ?

Depuis que j’ai fermé mon Étude d’avocat, en 2019, à Neuchâtel, et ce après quarante ans d’exercice du barreau, je puis évidemment consacrer plus de temps à l’écriture romanesque.

Est-ce à dire que je suis davantage romancier que poète, avocat ou éditeur ? Le poète, l’avocat, demeurent présents dans ma vie et à travers un gros roman que je suis en train de terminer, lequel n’est cependant point une autobiographie mais pure fiction, si tant est que celle-ci puisse être pure. J’ai également des projets éditoriaux.

Je répondrai donc que je me sens à la fois romancier, poète, avocat et éditeur, même si l’activité de romancier m’occupe plus qu’avant. Le temps investi dans un travail n’est pas le seul critère pour juger de son importance. Cependant je dois admettre être davantage romancier depuis la fermeture de mon Étude.

Les poèmes de ce recueil sont-ils un hommage à l’industrie textile qui fit les beaux jours de Neuchâtel entre le XVIIIe et le XIX siècle ?

Si hommage il y a, il est alors discret ! Mes premières sources d’inspiration menant à l’écriture des Indiennes furent certes les toiles d’indiennes neuchâteloises. Toutefois nous nous trouvons, ici, en présence d’un récit en prose poétique, librement écrit et nullement documentaire même si certains termes sont directement empruntés à l’industrie textile de l’époque.

Que publie Soleil d’Encre, votre maison d’édition ?

Soleil d’Encre a principalement pour but la réédition de grands textes littéraires (romans, poésie), mais aussi philosophiques. Il s’agit surtout d’écrits insuffisamment connus ou quelque peu oubliés et méritant d’être découverts ou redécouverts. Ont notamment été réédités les excellents Aphorismes du psychiatre et humaniste vaudois Oscar-Louis Forel, des textes connus et moins connus de Paul Valéry, réunis sous le titre de l’un d’eux : La Crise de l’esprit.

A été republié Imago, roman du seul Prix Nobel Suisse de littérature (1919) le Bâlois Carl Spitteler, à l’occasion des cent ans de la remise du Prix. J’ai été le seul, en 2019, en Suisse romande, à rééditer un roman de Spitteler, traduit en français.

Fin 2021, ma maison d’éditions a relancé un essai philosophique de l’écrivain et essayiste Claude Frochaux, L’Ordre humain, et ce avec l’aimable autorisation des éditions Gallimard.

Tout récemment a été republié Les indiennes vu que l’ouvrage était épuisé et qu’il est le résultat d’un travail commun entre l’auteur-éditeur et l’artiste peintre neuchâteloise Isabelle Breguet qui l’a illustré.

Dans quel personnage littéraire aimeriez-vous être incarné ?

Je répondrai : Le narrateur d’A la recherche du temps perdu de Proust, qui est un personnage littéraire à part entière. Ses intérêts sont multiples, entre autres la peinture, l’architecture, la musique, la nature. Il a dépeint, avec une puissance artistique et analytique jamais égalée depuis, en littérature française, les mœurs de son temps, l’amour, la jalousie, la passion, l’hypocrisie et la perversité de l’âme humaine. Aussi est-il un personnage universel.

Interview : cinq questions à Isabelle Breguet

Par quoi votre peinture est-elle inspirée ?

Intéressée par l’ambiance des cabinets de curiosités depuis mon enfance et passionnée par l’art en général, les pierres, la nature, les végétaux, les mousses et les lichens, c’est naturellement que mon travail s’en inspire. Si je dois décrire quel est le style de mon art, je dirais plutôt du surréalisme, mixant abstrait, vanités et de “points de peinture” ou Aborigen dot painting, des petits points de peinture posés sur la toile avec la pointe d’un petit bois, à la manière des aborigènes d’Australie. Mes thèmes de prédilection : l’œuf, l’amour et la vie !

Acteur principal sur une grande majorité de mes toiles, l’œuf est un symbole métaphorique du germe, mystère embryonnaire d’une vie en devenir. Sa ou plutôt devrait-on dire, ses formes si nombreuses, selon l’identité et la nature de son contenu, en font la source intarissable de mon inspiration. Sans jamais faire de projets au préalable, cet « acteur » va s’inviter de lui-même sur la toile, une fois qu’un fond de décor aura vu mes premières nuances en définir les limites de la scène.

L’œil se laisse alors entrainer dans des strates et des failles profondes, animées par une vie grouillante et bouillonnante de cellules de toutes tailles. Une multitude de petits points, avec ou sans virgule, baignant dans un liquide intercellulaire, y trouvent naturellement leur aisance, dans l’eau de la peinture acrylique.

Quels liens entretenez-vous avec la poésie ?

Amatrice des mots depuis toujours, j’écris également des petits textes à mes heures. En fait, je peins comme j’écris et inversement.

Peindre, c’est écrire de la poésie avec des couleurs ; ensuite, le spectateur est libre d’en interpréter l’histoire, le rayonnement des émotions ou la noirceur de l’esprit.

Comment avez-vous choisi les tableaux qui illustrent le livre Les indiennes ?

Avec François Berger, nous avons au préalable, sélectionné un certain nombre de toiles vibrantes et vivantes qui lui plaisaient particulièrement, puis nous avons fait un choix en fonction du texte et des résonances avec mes toiles.

Particulièrement présent dans vos tableaux, quel est le rôle pictural du doré dans votre œuvre ?

L’or qui représente fécondité, préciosité de la vie, richesse et rareté de l’instant de bonheur, est très présent dans mes toiles ; il est volontairement patiné, oxydé par le désir de donner l’idée d’une évolution, d’une maturation de la matière et l’impression que le temps a fait son œuvre !

Je ne peux pas mentionner l’or sans l’associer aux noir et au blanc, mais également par analogie, aux nuances de gris en fonction des lumières de l’instant choisi ! Le rouge et la rouille apportent le feu et l’énergie.
Mystères et chimères se cachent dans des parois fissurées ou lézardées, au gré des toiles, dans un univers à la matière patinée d’une vie passée et présente, face au destin d’une existence qui ne demande qu’à raconter sa propre histoire.

Spirales, cercles, enluminures, le mouvement y est permanent dans un silence apparent.

Mais tout cela ne serait rien, sans la véritable source d’inspiration personnelle de l’âme, au travers du pinceau. Un dialogue intérieur permanent avec son être profond et une gratitude sincère du quotidien qui nous montrent qu’il faut savoir profiter du bonheur de l’instant présent sans oublier de s’aimer !
En guise de fil rouge ou d’estampille, un point rouge. Il est le nez de clown, posé dans chaque toile comme un point de mire pour nous faire sourire !

Si vous deviez être le personnage d’un tableau, qui souhaiteriez-vous être ?

Emilie Flöge , la compagne de Gustav Klimt dans la peinture Le Baiser ! Cette toile emblématique de Klimt représente à elle seule, la puissance de l’amour et de l’instant présent d’un baiser où, tout le reste du monde n’existe plus et n’a plus aucune importance !

 

 

Altruisme en Ô Troubles, 2011. Acrylique sur Toile. Œuvre d’Isabelle Breguet.

 

Le livre à redécouvrir : “Le Chêne brûlé” de Gaston Cherpillod

L’affreux des lettres romandes

« Je ne puis me déprendre tout à fait de ma merde ; alors je la transmue ; écrivant un texte je coule un bronze. Je n’incarne point la norme et pourtant… Qu’on me salue ou non je m’en moque : la célébrité sent mauvais. Les trompes de la renommée ! Lisez mieux : les trompes de la ménorrhée ; la gloire, c’est glaireux. Celui qui en rêve je le conchie : c’est une bête à Bon Dieu, c’est un réac ; il hait ses semblables ; il perpétue leur asservissement en les faisant – sale cabot – s’agenouiller devant lui. « Génie ô tiare de l’ombre… » Pot de chambre plutôt. »

Ainsi écrivait le poète et romancier Gaston Cherpillod, en 1969, dans Le Chêne brûlé que les éditions de L’Aire viennent de republier dans leur collection bleue, avec une préface de Karim Karkeni. Sans chercher les honneurs, et malgré une plume trempée dans le vitriol qui décapa une Suisse ronronnante et satisfaite d’elle-même, Gaston Cherpillod fut par deux fois lauréat du Prix Schiller (1976 et 1986), et reçu le Prix des écrivains vaudois en 1992 pour l’ensemble de son œuvre.

Gaston Cherpillod : témoin d’une époque charnière

Gaston Cherpillod naît en octobre 1925, à Lausanne, dans une famille pauvre et travailleuse. Dans ce premier ouvrage, il nous rappelait que les Suisses ne sont pas tous issus d’une classe sociale favorisée, comme on se l’imagine hors de nos frontières et parfois même à l’intérieur. L’auteur est venu au monde dans un moment charnière du XXème siècle, entre deux guerres et peu avant la Grande Dépression de 1929. Une époque agitée, aujourd’hui oubliée, où montaient tous les totalitarismes. Qui se souvient encore qu’en 1932, à Genève, l’armée tirait à balles réelles lors d’une manifestation contre le fascisme ? Que l’assurance chômage n’existait pas et les aides sociales encore moins ? Révolté par le sort et le mépris réservés aux petites gens, dans Le Chêne brûlé Gaston Cherpillod témoignait de son enfance, de sa jeunesse et de l’ambiance explosive en ces temps troublés de l’Histoire :

« Nous dûmes nous loger dans un quartier où le labeur le disputait à la crapule : les ouvriers y coudoyaient les souteneurs et les prostituées. C’était à Cheneau-de-Bourg. L’appartement suintait ; les chambres donnant sur la façade voisine le soleil ne les visitait jamais. Un soir, mon père sortit respirer un air plus pur. Se trompait-il ? Ça sentait le roussi dehors. Un flic lui intima l’ordre de regagner son domicile. Il ne sut que le lendemain pourquoi l’on portait atteinte à la liberté de circuler : la classe ouvrière lausannoise s’était soulevée ; les pavés étoilaient les vitrines splendides de la rue de Bourg ; parmi les ouvriers les macs, complices de la flicaille, accomplissaient leur besogne : marquaient à la craie d’une croix dans le dos, les émeutiers vrais ou supposés, les travailleurs dans la rue, pour que la police ainsi renseignée pût les embarquer. La veille, des conscrits avaient tiré sur le peuple à Genève : des dizaines de blessés et treize morts. La foule était sans armes évidemment. »

Gaston Cherpillod devint membre du Parti suisse du travail en 1953, avec lequel il rompit en 1959. Il fut également conseiller communal à Lausanne de 1954 à 1956, puis à Renens de 1978 à 1985. En 1986, il se présenta comme candidat au Conseil d’État sur la liste Alternative socialiste verte.

Enseignant le latin et le grec, en 1956 on le suspendit de l’enseignement secondaire vaudois en raison de son appartenance au Parti ouvrier populaire. Il quitta alors le canton de Vaud pour vivre au Locle. Plus tard, il s’installa dans le sud de la France.

Gaston Cherpillod : écrire pour inquiéter

Grand consommateur de journaux, il les lisait tous, hormis ceux de l’extrême droite dont il prétendait connaître le contenu. Travailleur nocturne, il écrivait ses livres à partir de 17h et, comme beaucoup d’écrivains, de préférence au bistrot.

Huguenot anticlérical, il concevait l’écriture comme un martyre, c’est-à-dire un témoignage arraché au scribe par la violence sociale ou métaphysique. Pour Cherpillod, la littérature était la chose le plus pénible qu’il lui avait été donné d’accomplir, alors même qu’il avait exercé des travaux particulièrement physiques afin de pouvoir payer ses études, que plus tard il fut enseignant et que son investissement en politique fut total. Cependant, il considérait l’écriture comme l’activité la plus harassante d’entre toutes : « Ce travail de création esthétique demande une énorme concentration nerveuse. Une grosse dépense… Sans compter les agressions psychiques qu’il suppose dans un hôte suivant ce qu’il écrit ». Exigeant envers lui-même, il lui semblait inconcevable que l’on écrive uniquement pour divertir les gens. « Le rôle de l’écrivain c’est de poser des questions. Ce pays me met en colère tous les jours mais je l’aime… Au fond j’écris pour emmerder, pas seulement pour me plaire. Je veux inquiéter. Remuer les fourmilières. Voire les fourmis qui s’échappent affolées. »

Gaston Cherpillod : transclasse avant l’heure

Cet homme dont la plume aiguillonnait la Suisse, aimait la tranquillité du bord de l’eau et l’apaisante quiétude de la pêche à la ligne dont il tirait une grande et fierté. Il tenait beaucoup à son talent de pêcheur, titillant le poisson en s’intégrant dans un paysage afin de – pour une fois – ne penser à rien.

En écrivant Le Chêne brulé Gaston Cherpillod s’était aperçu qu’il était un bâtard culturel. Un transclasse, comme l’on dirait de nos jours, qui dérangeait autant les ouvriers que les bourgeois. D’ailleurs la particularité de son livre, c’est de passer avec une sublime aisance de l’argot au parler vaudois, et du parler vaudois au français le plus précieux. D’emprunter les mots de la rue tout en citant Proust ou St-Augustin, et en se référant à Sophocle, Balzac ou Dostoïevski.

Dans ce premier ouvrage Cherpillod n’occultait rien de ses mouvementées jeunes années. D’une encre altérée à l’acide, il nous emmène non seulement dans un moment de l’Histoire avec un grand H, mais également dans ses rébellions, dans ses beuveries, dans ses amours et dans son goût pour les prostituées.

« Nous avions une soif de damnés : je ne l’ai jamais tout à fait pardonné au soleil. Je trimballai des sacs de bûches des greniers aux caves de l’ancien évêché où se vendait du bois de chauffage à prix réduit ; je le distribuai aux misérables ; la retraite vieillesse n’existait pas encore. La quinzaine terminée je m’amusais comme je le pouvais. Mal. Saoulerie, coucheries : ça ne valait pas tripette ; j’en suais de dégoût. Elle schlingue ferme, une jeunesse de cette espèce-là. Il m’en reste encore du suint. On comprend pourquoi les écrivains du cru ne m’ont jamais tenu pour un des leurs : au nez de ces chatons je puais le fauve. Les frôleurs ! ça vit à la retirette et ça prétend être moniteur de conduite… Je t’en ficherai, moi, du pedigree, faux aristocrate, solipsiste à la manque ! »

Si certains thèmes abordés, ainsi que quelques propos, ont mal vieillis, on se surprend également à voir une multitude de concordances entre les années 1930-1950 et ce que nous vivons actuellement. Plus de cinquante ans après la première édition du Chêne brulé, sa lecture est une gifle magistrale qui ne laisse personne indifférent, quelles que soient ses opinions.

Décédé en octobre 2012, à l’âge de 86 ans, Gaston Cherpillod n’a eu de cesse de dénoncer les injustices infligées aux personnes les plus démunies.

Sources :

Le Chêne brûlé, Gaston Cherpillod, l’Aire bleue, nouvelle édition 2022.

La Voix au chapitre, RTS, le 3 décembre 1971. Les images en N/B sont également issues de cette émission.

LittéraTour de Suisse, RTS, le 1er octobre 1999.

– Wikipédia

 

Collection Lieu et Temps : 20 ans c’est une fête !

Nourritures terrestres et mets littéraires

C’est à l’Atelier Grand Cargo, l’antre d’Yves Robert, auteur de plus de 20 pièces de théâtre et de romans adaptés pour la scène, que l’AACL – Association pour l’Aide à la Création Littéraire – a fêté son vingtième anniversaire ce dernier samedi. Un public particulièrement dense, pour lequel il a fallu faire de la place et rajouter des chaises, est venu suivre des lectures articulées par des gens de plume. Six courts métrages, réalisés par le cinéaste Alain Margot, ont donné un souffle nouveau à plusieurs textes. Des nourritures pour l’esprit agréablement aérées par des pauses aux mets plus terrestres, devant lesquels se sont tissées des conversations littéraires fort animées. A l’extérieur de l’atelier, un itinéraire emmenait les curieux à la rencontre des phrases des écrivaines et écrivains dont on fêtait les livres. Au dernier mot, situé sur un promontoire, l’on découvrait, depuis les hauteurs, une vue donnant sur les quartiers de l’Est de La Chaux-de-Fonds.

Sur scène Claude Darbellay répond aux questions du public.

20 ans, 20 livres, 20 visions du monde

Avec sa collection Lieu et Temps, la bourse de l’AACL vise à constituer, à raison d’un livre par an, une collection d’auteurs neuchâtelois invités à traiter du thème du temps en résonnance avec un lieu vernaculaire de leur choix. En vingt-ans, les hommes et femmes de lettres les plus connus et les plus emblématiques du canton – Anne-Lise Grobéty, Jean-Bernard Vuillème, Antoinette Rychner, Thomas Sandoz, Odile Cornuz, Hélène Besençon…  – se sont suivis pour donner leur vision de la vie et du monde, tout en la mettant en lien avec leur région. Une démarche originale qui ne manque pas d’aboutir sur des ouvrages dont l’intérêt dépasse largement les frontières cantonales.

Odile Cornuz dans le court-métrage “Biseaux” d’Alain Margot, d’après le texte de l’autrice.

La collection Lieu et Temps est née de la volonté d’un homme politique. Dans les feuillets relatant l’histoire de cette épopée, Jean-Bernard Vuillème écrit : « Le très actif et remuant ex-député libéral Bernard Matthey avait déposé au Grand Conseil, en 1995, un projet de loi visant à modifier la loi sur l’encouragement des activités culturelles. Il souhaitait ainsi réformer la pratique de l’Etat en matière de décoration artistique des bâtiments officiels. « C’est presque toujours une œuvre plastique ou picturale » regrettait-il, proposant « d’élargir le bénéfice du pour cent artistique à d’autres domaines des arts et de la culture ». Plutôt qu’une sculpture ou une fresque murale, l’Etat commanderait un court métrage, une création musicale, une pièce de théâtre, un roman… Il est clair qu’une telle idée ne pouvait que rencontrer la ferme opposition de la société des peintres, sculpteurs et architectes ».

Le projet de loi fut enterré mais la petite graine n’était pas tombée dans du terreau stérile. Malgré les intempéries, elle se mit à grandir, et à se laisser pousser des branches et des feuilles grâce à la fertilisation enthousiaste et passionnée de Jean-Pierre Jelmini, ancien directeur du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel et archiviste communal. Auteur d’ouvrages d’histoire neuchâteloise, il fut le premier président de l’AACL.

En 2001, signé par la regrettée Monique Laederach, « L’ombre où m’attire ta main » initia la collection. Les quatre premiers ouvrages de ce projet furent imprimés à Saint-Blaise à l’imprimerie Zwahlen. L’Association se chargeait de la promotion et de la diffusion. Cette manière artisanale de produire du livre rencontra vite des limites. C’est ainsi que, durant de longues années l’édition fut confiée aux Éditions d’Autre Part, de vrais professionnels qui firent pendant longtemps le bonheur des écrivains et écrivaines ayant obtenu le mandat de l’AACL. Toutefois, depuis 2021, la collection a été confié à la prestigieuse maison d’éditions ALPHIL, sise en terres neuchâteloises, et connue dans toute la francophonie pour ses ouvrages universitaires, ses essais et ses parutions sur l’histoire régionale. Souhaitant élargir son catalogue en promouvant de la littérature de qualité, elle a repris le flambeau de cette aventure éditoriale.

Alain Cortat, l’un des fondateurs des prestigieuses Editions ALPHIL.

Après vingt ans d’existence les années 2020 sont, à n’en point douter, celles du coup de jeune de l’AACL. En effet, durant les festivités, son hyperactive présidente Anne-Marie Cornu a officiellement transmis sa place à deux jeunes co-président-e-s : Marie Wanert, 30 ans, qui possède un Master en études muséales, également chargée de diffusion et de communication pour divers projets culturels et à Thibault Ziegler, 28 ans, étudiant en lettres préparant son Master en littératures.

 

Anne-Marie Cornu, la présidente sortante de l’AACL, en compagnie des deux nouveaux co-présidents : Marie Wanert et Thibault Ziegler.

Les ouvrages de la collection Lieu et Temps

Le premier, « L’Ombre où m’attire ta main », est une lettre d’amour à un mort composée en 2001 par l’inoubliable Monique Laederach.

Jean-Bernard Vuillème nous lègue ses « Meilleures pensées des Abattoirs », ceux de La Chaux-de-Fonds, où l’auteur mêle à ses souvenirs d’enfant vivant à proximité des Abattoirs les idéologies contradictoires qui jalonnent le parcours d’un bâtiment aussi dérangeant qu’encombrant.

L’une des images du film “Meilleures Pensées des Abattoirs” d’après le texte de Jean-Bernard Vuillème. Une peinture de Chaïm Soutine (1925) sur le modèle du “Bœuf écorché” de Rembrandt (1665) qui figure aussi dans le film. On y voit également la toile de Pieter Aertsen dit Lange Pier (1508-1575) intitulée Étal de boucherie (1551).

Roger Favre se promène « Ici est ailleurs » en 2003. Décédé en ce début d’année 2022, l’auteur nous laisse ce roman né dans le son des grelots d’un traîneau dans les neiges de Le Locle. Une musiquette qui entraîne le lecteur vers des contrées lointaines comme l’Afrique ou l’Amérique du sud.

Après un séjour dans un Berlin en chantier naît « Mémoire pendant les travaux » en 2005, sous la plume d’Hélène Bezençon. La trajectoire décrite dans ce livre, correspond autant que faire se peut, à l’état des lieux qui était visible à Berlin en mai-juin 2003.

Jean-Pierre Bregnard, établi en France, écrit le quatrième ouvrage. « NE » voit le jour dans un questionnement permanent qui ramène l’auteur vers son passé. « … si j’étudie les grands évènements du monde, les philosophes ou les galaxies lointaines, lorsque j’ai des calculs rénaux, un minuscule bout de calcaire me semblera plus vaste qu’un astéroïde ».

« Dérapages », c’est le titre de l’ouvrage de Jean-Marie Adatte qui livre cinq nouvelles très différentes qui pourtant s’enchaînent avec une porosité qui offre des explorations intimes inattendues.

Avant que la maladie ne l’emporte en 2010, Anne-Lise Grobéty a écrit « L’Abat-Jour » deux ans auparavant. « Ces champs de ruines où je scrute de toutes mes forces, comme si une part de moi y était restée pétrifiée, même si je n’étais pas née… »

En 2009, Odile Cornuz porte un regard en « Biseaux » sur les utopies humaines. L’acceptation d’une réalité rude, râpeuse, exigüe, mais avec une exigence de poésie.

« Même en terre » sort de la marne et de la plume de Thomas Sandoz. Il imagine un narrateur, un fossoyeur entêté dans une démarche d’accompagnement, qui refuse d’abandonner les enfants morts. L’ouvrage, publié en 2010, a été réédité chez Grasset puis également publié en allemand.

L’écrivain Thomas Sandoz.

« Léa » est le personnage imaginé par Gilbert Pingeon. Pour utiliser le langage cinématographique, on peut dire que Léa est une sorte de « remake » d’Adolphe. Benjamin Constant y fait même une brève apparition, en «guest star».

En 2012, paraît « L’Affaire », une fiction politique recomposée par Claude Darbellay. L’ascension, la grandeur et la décadence d’un conseiller d’Etat, raconté au scalpel dans ses agissements politiques mais aussi dans ses dérives intimes.

Valérie Poirier l’« Ivre avec les escargots », un recueil de 24 tableaux chaux-de-fonniers. Un voyage entre paradis et enfer.

En 2014, Yves Robert suit « La Ligne obscure » d’un personnage qui apprend qu’il est condamné. Le roman d’un homme qui meurt et s’en va seul, loin des siens.

Laure Chappuis propose de « S’en remettre au vent »  en 2015 et, en 2016, Antoinette Rychner de « Devenir pré ». Deux fabuleuses propositions venues de femmes qui ont les yeux et le cœur ouverts.

Bernadette Richard écrit « Heureux qui comme » en 2017. Clément a arpenté les continents pour son travail en cherchant à s’affranchir de son coin de terre, à la recherche d’un Graal illusoire. Son retour aux sources prend alors des allures de poésie et d’apaisement. Ce roman a permis à Bernadette Richard de recevoir le prix Edouard-Rod.

En 2018, Alexandre Caldara choisit d’associer Peseux  à Paterson, la ville du New Jersey et le titre du poème composé par William Carlos Williams, créant un chassé-croisé poétique entre les lieux et les êtres.

Une image du court-métrage “Peseux Paterson” d’après le texte d’Alexandre Caldara.

Julie Guinand imagine « Survivante » en 2019. Son personnage, seul au bord du Doubs, écrit après un effondrement. Un journal de fin du monde au bord de l’eau. Pour ce roman Julie Guinand a reçu le prix Auguste-Bachelin 2021 et le prix CiLi de la même année.

Le Covid a imposé une interruption dans le rythme que s’était imposé l’AACL de sortir un livre par an, mais les parutions ont repris en 2021 avec Emanuelle Delle Piane qui propose au lecteur une visite dans la tanière de son enfance avec son titre « Grenier 8 ». « Pendez-le haut et court » de Reda Bekhechi, paraîtra au printemps 2023.

De gauche à droite, les écrivains Alexandre Caldara et Karim Karkeni, qui viennent de publier une année d’échanges épistolaire ” Ce grand remous en nous”  – éd. de L’Aire -, en compagnie de Gilbert Pingeon.

Immersion dans la police genevoise (2) : interview de l’ex-flic Lucien Vuille

Un ancien de l’identité judiciaire se livre de son plein gré

Ancien inspecteur de l’identité judiciaire genevoise et ensuite neuchâteloise, Lucien Vuille avait quitté son métier d’enseignant pour entrer dans la police où il a passé plusieurs années. A présent il est retourné à l’enseignement, mais il nous livre un ouvrage sans détours – voir la première partie de cet article – sur ses années passées dans La Grande Maison, comme les policiers dénomment eux-mêmes la police. Un récit coup de flingue qui décrit les débuts d’un inspecteur de la police judiciaire dans la ville de Genève. J’ai voulu savoir ce qui avait motivé Lucien Vuille, qui prétend qu’il y a peu de différence entre la police et l’enseignement, à relater cette expérience en nous dévoilant l’envers du décor.

La Grande Maison : interview de Lucien Vuille

N’avez-vous pas peur que votre livre n’apporte de l’eau au moulin de certaines idées populistes, qu’elles soient de gauche ou de droite ?

Lucien Vuille, ex-inspecteur de l’identité judiciaire, vient de publier “La Grande Maison”, ou il témoigne de son passage à la police.

Ce que j’ai fait, c’est décrire de manière factuelle ce que j’ai vécu, en restant le plus objectif possible, quel que soit le sujet abordé, la violence éventuelle de celui-ci et l’impact qu’il a pu avoir sur moi. J’ai écrit ce livre de la même façon qu’on nous avait appris à rédiger un rapport de police, soit être complètement objectifs dans notre manière de décrire les événements : « les faits, rien que les faits ». Ne pas écrire « alors que nous patrouillons le long de la rue de Berne, nous avons contrôlé un individu qui nous semblait louche » mais « notre attention a été attirée par un individu et nous avons procédé à son contrôle », ne jamais être subjectif pour que notre rapport soit inattaquable de ce point de vue-là. Ainsi, je n’ai pas de scrupules à mentionner les nationalités des délinquants, les agissements de certains collègues ou la façon de fonctionner de l’état-major parce que j’ai écrit avec sincérité. Tout ce qui est mentionné, je l’ai vu et vécu. Chaque lecteur, quelles que soient ses affinités politiques, ses opinions sur la délinquance ou autres, peut suivre le parcours de ce jeune flic et lorsqu’il se confronte aux différents écueils de sa progression, il est confronté à ses propres perceptions ses a priori. Cela n’aurait pas de sens dans cette optique de divulguer mes propres opinions au fil du récit alors je me contente de transmettre ce que les individus que je croise me confient. Je cherche à ce que chaque lecteur y trouve quelque chose qui résonne par rapport à son propre vécu, certains y voient un livre sur la détresse des habitants d’une grande ville contemporaine, d’autres une critique du milieu du travail en général, un hommage à des méthodes policières à l’ancienne et désormais désuètes, un Entwicklungsroman… On y trouve ce qu’on vient y chercher, selon sa sensibilité. Si qui que ce soit lit ce livre et y voit une attaque dirigée contre lui, c’est qu’on s’est mal compris.

Avant d’intégrer la police, imaginiez-vous que de telles choses arrivaient en Suisse ?

Je n’ai travaillé que quelques années et pourtant j’ai vu de quoi remplir plusieurs bouquins. J’ai été inspecteur de police à Genève puis dans le canton de Neuchâtel et j’ai été encore plus choqué de ce qui se passait dans mon canton d’origine. J’ai découvert Genève à travers mon job, je ne connaissais pas du tout la ville et ses environs avant d’y bosser. Je me suis construit une image sans doute trop lugubre, mais je n’avais aucun a priori. Tandis qu’à Neuchâtel, j’ai été d’autant plus marqué parce que j’imaginais mon canton d’origine beaucoup plus préservé de toute cette noirceur. Meurtres, enlèvements, stupéfiants, viols, pédophiles… On n’est absolument pas épargnés et la plupart des citoyens ne s’en rendent sans doute pas compte. Et c’est tant mieux. Pas mal de lecteurs imaginent que j’ai inventé certains passages, certains me demandent si tel ou tel passage est authentique. Je dois souvent répéter que rien n’est faux, que tout est vrai et que le pire n’est pas publié.

S’habitue-t-on à la détresse et à la noirceur de certaines situations ?

Je crois qu’on ne s’habitue jamais aux drames, aux épreuves mais qu’on s’habitue plutôt à la façon d’y répondre, à la manière de réagir. Si on a déjà vécu une situation extrême, on se sait capable de l’endurer quand elle se répète. Il faut savoir s’avouer qu’on ne peut pas être imperméable, mais cette honnêteté dépend des gens. Certains préféreront affirmer qu’ils sont devenus insensibles mais c’est impossible de ne pas subir la détresse, la véritable et profonde détresse d’autrui quand on y est confronté, on peut trouver mille façons de se protéger mais personne n’y est hermétique, à mon avis. Et c’est important d’avoir cela en tête. Enquêter sur une affaire de pédophilie, ça peut vouloir dire visionner des centaines de vidéos pédo-pornos, à des fins d’enquête. Les regarder, et attentivement, pour essayer de trouver un indice qui permettrait d’identifier les auteurs, les victimes, l’endroit où cela se déroule. De retour de mon très bref congé paternité, après la naissance de mon petit dernier, on m’a transmis une nouvelle enquête de mœurs, qui portait sur des viols filmés de nourrissons. J’avais un nouveau-né à la maison et au bureau je devais regarder ce genre de films… On m’a répondu que j’allais m’y faire, qu’au bout d’un moment ça ne me ferait plus rien. Apparemment, demander à passer mon tour dans ces circonstances, c’était faire preuve de trop de sensiblerie. A noter que cette exigence n’a pas eu lieu quand j’étais dans La Grande Maison, à Genève, où se déroule le livre, mais à Neuchâtel quand j’étais à la brigade des mœurs.

A peine formé, vous avez quitté la police pour divers motifs expliqués dans votre ouvrage. Avez-vous des regrets ?

Quand mes élèves « découvrent » ce que je faisais avant de devenir prof (je n’ai plus besoin de leur mentionner ça, ils se transmettent l’info d’une année à l’autre), ils me demandent souvent si je regrette, c’est systématique. « Pourquoi vous avez arrêté ? Vous devez trop vous ennuyer maintenant ! » Je n’ai aucun regret, ni d’avoir été inspecteur, ni d’avoir démissionné. Avec un peu de réflexion sur soi-même et de recul, ce genre d’expérience apporte énormément dans le façonnage de notre identité. Ça m’arrive encore de rêver que j’arpente les rues des Pâquis pour contrôler des dealers, je retrouve la sensation que j’éprouvais alors mais au réveil, aucun regret que tout ça s’évapore. Juste le soulagement de ne plus y être et le plaisir d’avoir connu ça.

Ce n’est pas trop difficile de se passer de l’adrénaline ?

Quand j’étais dans la casserole, je ressentais ce besoin d’action, en arpentant les rues sur les traces des voleurs, on bouillonne, on a envie de ça, il y a peut-être un effet de meute. Mais ça ne me manque pas du tout. Comme la plupart d’entre nous, je déteste la brutalité, quelle qu’elle soit et j’espère bien ne plus jamais prendre ou donner un coup. Mais je suis conscient que j’en ai été capable. C’est quelque chose de s’être battu, pour de vrai, hors d’un ring, de s’être confronté à la violence. Cette même violence qui nous est épargnée, jour après jour, grâce à la police. Il y a une citation d’Orwell à ce propos, qui explique que la part de violence à laquelle chacun d’entre nous devrait être confronté durant sa vie, c’est les flics qui se la coltinent à notre place.

Quand mes amis policiers me racontent leurs affaires ou me parlent des derniers potins à l’intérieur de la grande maison, ça m’intéresse mais je ne les envie pas pour autant. Quand ils me paraissent heureux et épanouis, je suis content pour eux, mais je n’échangerais pour rien au monde ma salle de classe et mes élèves pour une plaque de police et un flingue.

Aviez-vous du temps à accorder à une vie privée ou étiez-vous constamment plongé dans le travail ?

C’est peut-être étonnant à la lecture de La Grande Maison mais durant les faits que je raconte, je me suis marié, j’ai eu mon premier enfant, j’ai voyagé, j’ai rencontré des amis. Cela incombe au parti-pris de rester axé sur les faits objectifs qui concernent la police que je ne raconte quasiment rien de ma vie privée, dans ce livre-là en tout cas.

Dans quel but avez-vous écrit La Grande Maison ?

À un moment donné, j’ai eu envie de raconter ce que j’avais vécu, sans imaginer que quelqu’un d’autre le lirait, en tout cas pas dans l’immédiat. J’avais envie d’en garder une trace écrite, peut-être avant que j’en oublie des morceaux. Et puis petit-à-petit, je me suis dit que mon récit pourrait éventuellement intéresser certains de mes (très) proches. J’ai terminé d’écrire une première fois La Grande Maison en me disant que j’allais proposer à mon épouse de le lire, pour partager cette histoire-là avec elle, ce que j’avais vécu, comment je me sentais, notamment parce qu’on n’était pas ensemble à ce moment-là de ma vie. Or d’écrire ce vécu, je me suis rendu compte que ça me soulageait. Ensuite, je l’ai transmis à ma grande sœur, pour les mêmes raisons. Les choses se sont un peu emballées à ce moment-là, ma sœur l’a confié à son mari (elle a bien fait, je le lui aurais transmis de toute façon). Et un jour, alors qu’il le lisait dans sa boutique, un écrivain de sa connaissance est venu lui acheter des bouquins, il est reparti avec mon manuscrit sous le bras et après l’avoir lu – et apprécié – il l’a transmis à son éditeur, qui est devenu le mien.

Avez-vous l’intention de continuer à écrire des livres avec des policiers et des malfrats ?

J’ai écrit un roman basé sur ce que j’ai vu et vécu lors de mon passage à la police judiciaire neuchâteloise, ma seconde expérience dans la profession. Peut-être que cela pourrait intéresser quelques lecteurs. Je ne sais pas encore si je vais le laisser tel quel ou y ajouter une pointe de fiction, peut-être qu’on ne saura pas vraiment où s’arrête la vérité et où débute l’imagination. Je vais laisser mijoter tout ça un moment.

La formation reçue pour devenir inspecteur, vous sert-elle dans votre métier d’enseignant ?

Je n’utilise pas chaque jour les tactiques d’interrogatoire ou les techniques de menottage, mais ce genre d’expérience de vie apporte énormément, au niveau de l’empathie, du rapport à l’autre, du recul sur les situations, sur le rôle de l’école, de l’enseignement… J’ai été prof quelques années avant de passer par la grande maison et je sais que je suis un enseignant bien différent de celui que j’étais alors. Cela amène du recul. On pourrait croire que j’ai côtoyé des collègues très à gauche dans l’un de ces milieux et que j’ai découvert une façon de penser plus ancrée à droite dans l’autre. Mais la réalité est plus contrastée. Il existe de nombreuses exceptions. Des profs qui regrettent le nombre d’étrangers dans leur classe, qui compliquent selon eux l’enseignement et péjorent le niveau scolaire des braves enfants suisses, tout comme j’ai rencontré des tas d’inspecteurs ou de policiers tolérants et ouverts d’esprits. Ces changements d’environnement permettent d’avoir une vision d’ensemble, modeste bien sûr, mais qui permet d’apprécier certains états de fait avec plus de perspicacité, peut-être, que si j’avais uniquement côtoyé le même milieu professionnel. Ça permet de ne plus voir uniquement les choses en noir ou en blanc, la vérité se cache quelque part dans les niveaux de gris. Par-dessous tout, il n’y a finalement pas une si grande différence entre ces deux jobs, flic et enseignant. Je l’ai beaucoup répété durant mes carrières et je le pense toujours : ce sont deux métiers plus proches qu’on ne croit, parce que ce sont des métiers humains, des métiers de l’humain, dans le sens où la matière première, dans un job comme dans l’autre, ce sont des êtres humains.

La question que je pose à tous les auteurs : à quel personnage de roman vous identifieriez-vous ?

J’aime bien imaginer que je ressemble à un personnage de Jim Harrison, mais c’est sans doute parce qu’il savait les décrire si profondément que je peux me retrouver dans la plupart d’entre eux aisément. Je suis bon client, je lis beaucoup de livres, de BD, je regarde des tas de films et de séries et je pioche à gauche à droite, de ces petits quelques choses qui nous façonnent, qui nous inspirent. Le dernier personnage de roman qui m’a ainsi inspiré, c’est Cigano dans le roman Narcisa de Jonathan Shaw. Un personnage qui se rend compte notamment qu’il faut être fou pour continuer de faire toujours la même chose, de répéter constamment les mêmes erreurs en espérant un résultat différent au final.

Immersion dans la police genevoise (1) : Lucien Vuille, ex-flic, raconte

La Grande Maison : un livre coup de flingue

J’ai demandé à Lucien Vuille, ancien inspecteur de la police judiciaire, si tout ce qu’il relate dans son livre est vrai. « Tout ce que j’écris je l’ai vu mais à l’inverse je n’écris pas tout ce que j’ai vu ». Certes, ce qu’il décrit dans « La Grande Maison » – éditions BSN Press -, a déjà été mâché et remâché dans les films et les séries. Mais une fois sortis du cinéma, ou Netflix éteint, on se dit que ce sont des fredaines de scénaristes. Au pire, que si c’est inspiré d’une certaine réalité, cela se passe ailleurs quelque part à New-York ou à Marseille. Pourtant, cette « Grande Maison » comme les policiers eux-mêmes dénomment la police, est située à Genève. Or, ce témoignage est une assourdissante détonation. Un coup de Glock 9 mm tiré en l’air mais dont la déflagration nous laisse tétanisés.

Lucien Vuille : policier par hasard

Avant d’entrer à l’école de police, Lucien Vuille était enseignant dans un quartier difficile de Lausanne. Dans le cadre de ce travail, il rencontrait des enquêteurs de la brigade des mineurs qui cherchaient parfois des renseignements sur des adolescents fugueurs ou qu’ils devaient présenter devant le juge. Leurs récits de la vie de flic le passionnaient. C’est ainsi que l’un des policiers lui suggéra de tenter sa chance. L’idée fit son chemin.

Dans son livre, Lucien Vuille nous raconte toutes les étapes franchies avant de devenir inspecteur. Le début semble fastidieux. Pourtant, très vite, l’on se fait happer par les incohérences, les injustices et le favoritisme relevés au sein même de la police. Une fois le lecteur hameçonné, malgré le procédé d’écriture qui ressemble quasiment à la rédaction d’un procès-verbal, on ne lâche plus ce texte qui, peu à peu, nous mène au bord de l’étouffement.

La Grande Maison : des faits rien que des faits

Entre le racisme banalisé, le jargon professionnel issus des bouchers parisiens, celui-là même autrefois utilisé par les truands de Paname – le louchebém, ça vous dit ? – qui nous donne parfois l’impression que la police genevoise se croit dans une aventure de San-Antonio ou dans un film de Michel Audiard, les délinquants à la dérive parfois très stupides, les gaffes policières qui nous font nous éclater de rire, et la terrifiante détresse de quelques marginaux écrasés par l’existence, on s’immerge totalement dans la vie d’un flic. Un travail qui comporte ses moments fastidieux, ses subites montées d’adrénaline, ses confrontations à l’horreur de la drogue ou de la pédophilie, le tout saupoudré de violence ordinaire. Un livre qui nous apprend que pour être sauvé d’une femme maltraitante, il vaut mieux être son chien plutôt que son enfant.

Lorsqu’on lit les épreuves physiques et psychologiques auxquelles sont soumises les forces de l’ordre, l’on ne s’étonne guère que ce soit un métier avec un risque de suicide particulièrement élevé. Alors oubliez les stars françaises de la rentrée littéraire et leurs livres trop convenus, et lisez La Grande Maison de Lucien Vuille. Vous y apprendrez deux ou trois choses sur ce qui se passe dans nos jolies villes suisses, dans nos quartiers ou peut-être chez vos voisins. Vous y rencontrerez de vrais flics, de vrais dealers, de vrais indics, de vraies prostituées et de vrais paumés. Ces personnes que l’on s’acharne à ignorer et qui pourtant sont là, qu’on les aime ou non, qu’elles nous intriguent, nous peinent où nous révulsent.

Demain, ici même, vous lirez une grande interview de Lucien Vuille. Il abordera son vécu au sein des polices genevoises et neuchâteloises, et ce qu’il en a appris avant de retourner à l’enseignement.

Mais auparavant je vous laisse découvrir sa biographie, telle qu’il me l’a livrée avec beaucoup d’humour, une chose à laquelle l’on ne s’attend pas forcément après avoir lu son ouvrage.

Lucien Vuille : sa biographie

« Je suis né à la Brévine, au cœur d’une vallée entourée de sapins dont on ne voit que le commencement, Sibérie de la Suisse au climat subarctique. J’y ai grandi, dans une ferme située dans un hameau nommé « Le Cachot », ça ne s’invente pas. Une fois mon bac empoché à La Chaux-de-Fonds, j’ai fait un bachelor en français et en histoire à l’université de Neuchâtel, puis un autre en sciences de l’éducation à la HEP. Je suis parti enseigner à Lausanne, dans le quartier haut en couleurs de la Blécherette, avant de partir travailler à la police judiciaire genevoise. Après avoir écumé les artères ténébreuses de la cité de Calvin, j’ai accepté la proposition de l’ancien chef de la police judiciaire neuchâteloise de revenir sur mes terres d’origines pour y rejoindre le bras armé de la justice locale. J’ai passé trois ans à la brigade des mœurs de la Chaux-de-Fonds, puis j’ai décidé de tourner définitivement la page de la vie policière et je suis retourné à l’enseignement. Tout en arrêtant des suspects et rédigeant des rapports de police, j’ai eu des enfants, des lapins et je me suis établi au Landeron, dernière frontière du monde neuchâtelois. Tranquillement installé à l’orée des bois, j’écris des livres, j’enseigne et je fais pousser des enfants, pas forcément dans cet ordre ».

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Sources :

Lectures estivales : Rosa, Dolores, Almudena et María un quatuor ibérique

Littérature espagnole : ces femmes qui l’écrivent

Pour passer leurs vacances après deux ans de Covid, Suisses et Européens ont choisi l’Espagne pour principale destination. Mais la péninsule ibérique n’est pas qu’un pays de plages et d’alcool bon marché. Hormis les châteaux, le flamenco et la paëlla, sa culture comprend aussi quelques grands écrivains dont Miguel de Cervantès, Federico Garcia Lorca et plus proches de nous Miguel Delibes ou Carlos Ruiz Zafón. Mais c’est dans les univers de quatre femmes que j’ai envie de vous emmener. Relativement peu connues des lecteurs francophones, ce sont de véritables stars en Espagne et dans les pays hispaniques. Non seulement elles cumulent les bestsellers, mais en plus elles ont un véritable talent littéraire contrairement à beaucoup d’écrivains ou d’écrivaines à grand tirage dont les livres ne savent satisfaire les amateurs de mots et d’intelligence. Une partie de leur œuvre est traduite en français et se trouve facilement en Suisse, en France ou en Belgique. Alors, n’hésitez pas à vous dorer sur une plage ibérique en lisant une écrivaine locale. Et si vous restez proche de vos pénates, voyagez à Madrid, en Cantabrie, au Pays Basque ou dans les méandres de l’Histoire espagnole avec des autrices qui connaissent parfaitement l’âme humaine, la géographie, la politique et les mythes de leur pays. Avec parfois du crime, du mystère, des ambiances noires ou de l’érotisme selon les plumes.

Rosa Montero : la touche-à-tout

Parce qu’elle est moi avons des point communs, Rosa Montero est sans aucun doute ma chouchou. Formée à la psychologie et au journalisme, elle écrit pour le quotidien El Pais depuis 1976. Avec la publication, en 1979, de La Crónica del Desamor – malheureusement non traduit dans la langue de Molière – elle est devenue l’une des écrivaines de la Movida madrilène, ce grand mouvement de libération et de renaissance de la culture qui explosa après quarante ans de dictature. Depuis, elle cumule les publications. L’œuvre de cette touche-à-tout est à la fois érudite, insolite et abordable par chacun. Ses livres se situent dans le passé, le présent ou le futur. Sa plume aborde tous les genres : littérature blanche, polar, thriller, fantastique, biographie, anticipation, journalisme, essai… Rosa Montero écrit également des récits inclassables qui relient son vécu à la vie de personnes célèbres, dont elle lit et étudie les biographies, ce qui rend le tout extraordinairement universel. Pour ma part, j’ai adoré son roman Le Roi transparent dont l’histoire se déroule au XIIe siècle, et L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir ou elle raconte la perte de son mari, son chagrin après ce décès et sa reconstruction, tout en nous narrant des épisodes de la vie de Marie Curie. Actuellement, je découvre son dernier ouvrage Le danger d’être sain d’esprit qui paraîtra prochainement en français. Je l’ai acheté compulsivement, yeux fermés, dans un grand supermarché durant un séjour en Espagne, sans lire la quatrième de couverture. D’habitude, je me fournis dans les librairies, mais en le voyant si près de ma main, je n’ai pas pu m’empêcher de le mettre dans le caddie. Qu’elle n’a pas été ma surprise de voir qu’il aborde le même sujet que mon livre à paraître cet automne chez Torticolis et frères. On y trouve les mêmes références et elle en tire quasi les mêmes conclusions. Mon ouvrage sera nettement plus succinct, probablement moins savant et traité différemment, mais ciel ! que d’émotion en y découvrant les similitudes.

Parmi ses livres les plus marquants : La bonne chance, La chair, Des larmes sous la pluie, La fille du cannibale, La folle du logis.

Rosa Montero croule sous les prix et distinctions littéraires, notamment le Premier Prix littérature et journalisme Gabriel García Márquez (1999), le Prix National des Lettres Espagnoles (2017) et le Prix Ulysse pour l’ensemble de de son œuvre (2021). Ce sont les éditions Métailié qui la publient en français. Cliquer ici pour découvrir les livres de Rosa Montero.

Dolores Redondo : polars noirs et mythes fantastiques

Auteure de la Trilogie du Baztán, dont on a tiré trois films réalisés par Fernando Gonzalez Molina (Le Gardien Invisible, De Chair et d’Os, Une Offrande à la Tempête), Dolores Redondo écrit des polars empreints d’une touche de fantastique, et des romans historiques. Grande prêtresse du noir et du mystère, elle nous emmène dans des univers très réels qui soudainement dérapent vers l’étrange avant de revenir au tangible. S’adonnant à la littérature depuis l’âge de quatorze ans, ses premiers écrits s’adressent aux enfants et aux jeunes. Après l’abandon de ses études de droit, elle se lance dans la restauration gastronomique. Elle a travaillé dans plusieurs restaurants et en a possédé un, avant de se consacrer entièrement à la littérature. Après la publication du premier volume de la trilogie, le producteur allemand Peter Nadermann, responsable des films de la saga Millenium de Stieg Larsson, a immédiatement acquis les droits pour une adaptation cinématographique.

Dire que j’ai reçu une énorme claque en lisant la Trilogie du Baztán est un euphémisme. Ces ouvrages sont de ceux qui nous obsèdent, qui nous font détester ce quotidien qui nous empêche de reprendre le livre dont on a été obligé d’abandonner la lecture. A lire aussi : La face nord du cœur, grand prix des lectrices du magazine Elle.

Considérée comme le phénomène littéraire espagnol le plus important de ces dernières années, elle est traduite dans 36 langues.

Dolores Redondo a reçu le Prix Planeta (2016) et le Prix Bancarella (2018).

En français elle est publiée par Stock et Mercure de France. Ce sont les Éditions Gallimard et ses différentes collections de poche qui s’occupent des rééditions. A noter : il est conseillé de les lire dans l’ordre de parution. Livres de Dolores Redondo : cliquer ici.

Almudena Grandes : érotisme et Histoire

Quand, en novembre de l’an passé, Almudena Grandes est décédée à l’âge de 61 ans, une partie de l’Espagne s’est sentie en deuil. En effet, ses œuvres situées entre le XXe et le début du XXIe siècle, qui dépeignent avec une extrême justesse des moments bien précis de l’Histoire contemporaine du pays, ont frappé les Espagnols par leur réalisme et par la fine psychologie des personnages.

Almudena Grandes est entrée dans le monde littéraire en 1989 avec Les Vies de Loulou (Albin Michel), un roman qui relate l’histoire d’une femme qui explore son corps et sa sexualité dans un Madrid remué par la Movida. Vendu à des millions d’exemplaires et traduit dans près de 20 langues, ce roman sulfureux lance sa carrière. Cependant, c’est en 1994 avec Malena c’est un nom de tango (paru en français chez Pocket), qu’Almudena Grandes s’installe totalement dans la littérature. Avec ce livre elle devient une romancière populaire qui produit des bestsellers mais dont le style narratif, foisonnant et complexe est admiré et respecté par le milieu littéraire.

Après quatre ouvrages qui explorent les conflits d’identité de la femme espagnole de sa génération (elle est née en 1960) elle s’est aperçue qu’elle n’avait plus rien à raconter sur le sujet. De cette réflexion naîtra son cycle « Épisodes d’une guerre interminable », une fresque sur la guerre et l’après-guerre civile espagnole, écrite d’après les documents et témoignages parus sur le sujet.

Les romans d’Almudena Grandes donnent une voix à ces personnes invisibilisées par l’Histoire : aux humbles, aux oubliés, aux réprimés et particulièrement aux femmes. Proche amie de Pedro Almodovar, ce dernier dira à son propos : “Une écrivaine phare pour ceux d’entre nous qui veulent connaître notre histoire actuelle et d’où nous venons, ces détails importants que l’Histoire officielle avec une majuscule a tendance à nous voler”.

Considérée comme l’une des plus grandes plumes de la littérature espagnole, elle a reçu vingt-neuf prix et distinctions de son vivant et à titre posthume, notamment la prestigieuse Medalla de Oro al Mérito en las Bellas Artes. Par ailleurs, en mars de cette année, la ministre des transports a annoncé que l’une des plus importantes gares ferroviaires du pays, la Estación de Madrid Puerta de Atocha, sera rebaptisée Estación Puerta de Atocha Almudena Grandes.

Plusieurs de ses livres ont été adaptés pour le cinéma ou la télévision notamment par José Juan Bigas Luna et Gerardo Herrero. Dans leur traduction française ils sont, entre autres, publiés par Grasset et JC Lattès. Livres d’Almudena Grandes : cliquer ici.

Maria Oruña : l’admiratrice de Dolores

Admiratrice de Dolores Redondo, en hommage à cette écrivaine dont je parle plus haut, María Oruña a baptisé Valentina Redondo la protagoniste de sa série de polars. Un seul de ses livres a été traduit au français : Le port secret paru chez Actes Sud.

Née dans la région de Galice, Maria Oruña a exercé pendant dix ans la profession d’avocate spécialisée dans le droit du travail et le droit commercial.

Basé sur divers événements réels, en 2013, elle publie un roman à contenu juridique La mano del arquero ayant pour thème le harcèlement au travail et l’abus d’autorité, écrit pour aider les personnes qui se retrouvent dans une telle situation.

En 2015, María Oruña écrit Le port secret son premier roman policier. Ce livre sera également le premier d’une série qui, en espagnol en comprend déjà quatre. Si vous êtes suffisamment nombreux à réclamer d’autres enquêtes de Valentina Redondo, ses autres ouvrages seront peut-être également traduits.

L’histoire : un jeune Anglo-espagnol élevé à Londres revient à Santander pour transformer en hôtel de charme la vieille demeure héritée de sa mère. Pendant les travaux, les ouvriers exhument le cadavre d’un bébé. Ce thriller nous entraîne dans les secrets de famille, avec pour toile de fond une côte cantabrique sauvage et mystérieuse, balayée par les vents océaniques.

Je vous souhaite un délicieux été en compagnie des plus Grandes d’Espagne. Je vous donne rendez-vous à la fin juillet avec du théâtre plus joué qu’écrit.

Dunia Miralles

Sources

– En-tête : détail de la couverture du roman de Rosa Montero La bonne chance. Photo : Marco Grassi.

Site officiel de Rosa Montero

Site officiel de Dolores Redondo

Site officiel d’Almudena Grandes

Site officiel de María Oruña

JC Lattès

– Wikipédia

 

 

Roman graphique : « Le syndrome de l’imposteur » de Claire Le Men

Les angoisses d’une jeune interne en psychiatrie

Lucile Lapierre, jeune interne en médecine en proie à un sentiment maladif d’illégitimité qu’elle traîne depuis l’école primaire, est affectée à une unité pour malades difficiles d’un hôpital psychiatrique. Inexpérimentée mais sachant les biais de la psychiatrie, elle est immédiatement saisie par le syndrome de l’imposteur, un mélange d’anxiété et de manque de confiance en soi qui provoque un sentiment d’imposture amenant les personnes qui en sont atteintes à nier leurs mérites et leurs succès.

Ce roman graphique balaie nos présupposés sur la folie, en brossant un portrait de l’institution psychiatrique et des personnages qui la peuplent. Dans ce récit initiatique inspiré de son expérience personnelle, Claire Le Men interroge les normes pour nous apprendre que les troubles mentaux sont définis selon l’époque ou la culture dans lesquelles évoluent les patients. Par exemple : si vous êtes freegan, – mode de vie alternatif qui consiste à consommer ce qui est gratuit, comme des produits invendus ou jetés dans des containers, afin de dénoncer le gaspillage alimentaire et la pollution engendrée par les déchets – il est probable que vous soyez considéré par les bobos comme un visionnaire politiquement impliqué. En revanche, dans un hôpital psychiatrique, cette habitude viendra renforcer l’hypothèse d’un trouble psy.

Le syndrome de l’imposteur : extraits

« Dans les pays industrialisés, le taux d’homicide et de 1 à 5 pour 100’000 personnes, et 0,16 pour 100’000 sont commis par des personnes ayant un trouble mental, soit 1/20 des homicides. Toutes violences confondues seuls 3 à 5% des auteurs souffrent de troubles psychiques.

Paradoxalement, ça choque moins un mari sain qui bat sa femme avec discernement tous les jours, qu’un « fou » qui frapperait un inconnu une fois parce qu’il croyait qu’il lui voulait du mal.

Il y a sûrement des tonnes de violences faites par des personnes « saines » qu’on ne lit même pas dans les faits divers, mais si c’est un malade ça intéresse soudainement tout le monde. »

« On dit classiquement que tout ça est devenu médical au XIXe siècle quand les médecins aliénistes se sont intéressés aux fous enchaînés de l’hôpital général et les ont libérés pour créer l’asile. Pinel est considéré comme le père de la psychiatrie moderne car il a libéré certains aliénés de leurs chaînes à Bicêtre et à La Salpêtrière.

D’après Foucault, c’est à Pinel que l’on doit le statut médical « moral » de celui qui sait et qui juge. Foucault disait « On croit que Tuke et Pinel ont ouvert l’asile à la connaissance médicale. Ils n’ont pas introduit une science mais un personnage dont les pouvoirs n’empruntent à ce savoir que leur déguisement ou, tout au plus, leur justification.

Ces pouvoirs, par nature, sont d’ordre moral et social, ils prennent racine dans la minorité du fou, dans l’aliénation de sa personne, non de son esprit. Si le personnage médical peut cerner la folie, ce n’est pas qu’il la connaisse mais qu’il la maîtrise.

Si la profession médicale est requise, c’est comme garantie juridique et morale non pas au titre de la science. Un homme d’une haute conscience, d’une vertu intègre et qui a une longue expérience de l’asile pourrait aussi bien se substituer à lui ». »

Claire Le Men : biographie

Claire Le Men est née en 1990 à Paris. Elle suit d’abord des études de médecine et se spécialise en psychiatrie. Son internat, qu’elle commence dans une unité pour malades difficiles, lui inspire Le Syndrome de l’imposteur son premier roman graphique. Elle se consacre désormais à la bande dessinée, entre Paris et Berlin.

Sources :

  •  Le Syndrome de l’imposeur, Claire Le Men, éditions La Découverte
  •  Lisez, plateforme des éditeurs