Règles de droit

Dans l’actualité, entre la réforme des retraites en France et la guerre en Ukraine, on entend parler du congé menstruel, et cela a de quoi nous réjouir !

un concept séduisant et compréhensible à première vue car être une femme, oui, c’est subir des menstruations, qui sont pour certaines très douloureuses et qui restreignent le quotidien.

Le congé menstruel est déjà en place en Espagne, qui fait office de précurseur en Europe. En effet, c’est en décembre dernier que des députés ont accepté un projet de loi comportant les premières dispositions européennes en la matière. Dans le monde, on constate que la mise en place d’un tel congé n’est pas récente, notamment dans les pays asiatiques comme la Corée du Sud, Taiwan ou encore au Japon. Ce dernier est applicable depuis 1947, bien que très peu utilisé par les femmes en pratique (moins d’1% des femmes en font usage). En Corée du Sud, les employées sont autorisées à prendre un jour de congé menstruel par mois, mais ces jours ne sont pas payés. À Taïwan, on reconnaît également le droit au congé menstruel pour les employées dans la limite d’un jour par mois, et d’un total de trois jours par an. Autre exemple outre occidental, plus récent en Afrique australe, la Zambie a depuis 2015 également une loi accordant aux femmes le droit à un congé menstruel représentant un jour de congé supplémentaire par mois en cas de règles douloureuses, sans que celui-ci ne doive faire l’objet d’un préavis ou certificat médical.

En Suisse, c’est le canton de Zurich qui ouvre le bal avec la mise en place d’un projet pilote sous l’impulsion des deux élues vertes, Sélina Walgis et Anna-Béatrice Schmaltz, qui souhaitent soutenir les personnes concernées en leur offrant la possibilité d’en parler ouvertement. Le projet étant encore en cours d’élaboration, c’est une affaire à suivre notamment dans sa mise en place et les conditions d’accès retenues.

Si cette démarche cantonale séduit, on espère voir naître un postulat ou une motion à l’Assemblé fédérale qui permettrait d’avoir un réel débat commun sur cette notion et l’adoption potentielle de dispositions uniformes dans notre législation du droit du travail fédérale allant dans ce sens. Dans cette même impulsion, on constate d’ailleurs que toute une série de congés spéciaux est entrée en vigueur récemment dans la législation fédérale visant à promouvoir une conciliation entre la vie familiale et professionnelle : congé pour enfants gravement malades, congé paternité, congé pour proches aidants, etc. 

Le droit suisse connaît plusieurs congés. Les vacances sont un type de congé payé prévu spécialement par l’art. 329 CO. C’est un laps de temps durant lequel le travailleur a droit de se reposer tout en étant payé. Il y a également les congés maladie inscrits à l’art. 324a CO (incapacité du travailleur non-fautif) et une référence très abstraite à diverses formes de congés dits usuels, qui prennent en compte des congés à octroyer à tout employé pour des causes d’enterrement, d’adoption, de mariage ou encore de déménagement. Le législateur suisse n’a pas expressément prévu de rémunération pour ces congés, laissant libre place à diverses interprétations à la doctrine, qui reconnait toutefois majoritairement une rémunération pour les contrats de durée indéterminée.

Cela dit, le congé menstruel, comme il est actuellement pensé, se placerait en nouveau congé spécial pour cause d’absence en lien avec une incapacité non fautive de travail d’une employée. En ce sens, il représenterait un prolongement de l’art. 324a CO qui est actuellement la base légale permettant à des femmes d’être absentes en cas de menstruations douloureuses.

La question demeure de savoir s’il est nécessaire et indispensable de passer par une adoption d’une disposition légale particulière alors que la législation légale actuelle contient déjà des dispositions relatives à des absences pour cause de maladie. Dans quelle mesure cette première alternative pourrait péjorer les discriminations indirectes opérées par les employeurs à l’embauche sur les femmes ou l’égalité de genre dans les fonctions, voire multiplier les licenciements représailles ?

Les défenseurs du projet sont conscients du risque, mais espèrent que cela permettra aux femmes de parler de leurs douleurs menstruelles et de recevoir le soutien adéquat pour continuer à travailler de manière efficace durant l’ensemble de leur cycle. D’autre part, les critiques émises à l’encontre de ce projet relèvent d’une crainte selon laquelle ce type de dispositions spéciales serait susceptible de stigmatiser les femmes ou de les fragiliser dans le monde du travail.

Tout débat à ce sujet ne saurait se tenir qu’à la lumière de différents éléments : de combien de jours de congé parle t’on ? Quelles seraient les conditions d’accès ? Est-ce que ce type de congé serait rémunéré ? Dans l’affirmative selon quel mode de prise en charge ?

Premièrement, quant au nombre de jours, on imagine qu’il soit limité, par une norme relative mensuelle et une limitation du nombre de jours absolu annualisé.

Quant aux conditions, il y a lieu de questionner la nécessité pour une femme de produire à son employeur un certificat maladie et, dans l’affirmative, sa nature. Il faut tenir compte du fait qu’un certificat médical rendu obligatoire pour chaque absence, soit pour chaque mois au maximum, suppose des frais médicaux conséquents et réguliers à la charge de l’employée. Est-ce qu’une attestation gynécologique unique à renouveler suffirait ? Certains courants plaident d’ailleurs pour un congé menstruel réservé aux femmes souffrant de pathologies gynécologiques recensées et reconnues par le corps médical, comme l’endométriose. D’autres sont d’avis que la question de la qualification subjective de la douleur ressentie doit être laissée à la libre appréciation des praticiens du domaine médical en charge des patientes. Toutes ces possibilités démontrent bien le pluralisme de la conception du congé menstruel et des conséquences sur l’égalité de traitement de son accès.

Dans un troisième temps, se pose encore la question d’une rémunération de ces congés et, cas échéant, de leur prise en charge. Là encore, les possibilités sont multiples car il est possible de prévoir une prise en charge par l’assurance publique allocation pour perte de gain (ci-après : APG) ou par l’employeur, via l’application de l’art. 324a CO et, par conséquent, son assurance indemnité collective perte de gain, s’il en a souscrit une. La prise en charge de ces congés par l’APG justifierait le fait qu’une femme donne les raisons de son absence, contrairement au cas maladie pris en charge par l’employeur. En effet, les types d’absence pris en charge par l’APG, tels que le service militaire, le congé maternité ou encore le service civil, donnent lieu à une transparence quant aux raisons de l’absence de l’ayant-droit. Il est plus choquant que les raisons de l’incapacité doivent être données et connues par l’employeur dans le cas d’une prise en charge par ses soins car à l’heure actuelle, sous certificat médical, une employée n’est pas contrainte de donner les raisons de son incapacité.

Adopter des dispositions spécifiques pour un congé menstruel donnerait lieu à un congé pour « règles » qui, dans la pratique, contribuerait, selon moi, à discriminer la place des femmes dans le monde professionnel. ,Cela pourrait également conduire à des dérives au détriment de la sphère privée d’une collaboratrice, telle que: « Elle ne prend plus ses congés, elle est enceinte ?! ou ménopausée ? » ; « Je crois qu’elle a mis un stérilet ! » ; « Elle était de mauvaise à cause de ses règles la semaine dernière ». Cela dit, le débat permet de mettre en lumière ce thème, d’en parler et de le rendre plus palpable et explicable pour des hommes qui trop souvent encore ne comprennent pas très bien ces cycles avec lesquels une femme est tenue de dealer une bonne partie de sa vie.

A mon sens, le droit suisse actuel serait donc suffisant et des congés pris par des employées souffrant de menstruations douloureuses devraient être considérés comme des congés maladie standards (art. 324a CO). Il s’agira toutefois d’œuvrer pour une amélioration du processus d’accès, aujourd’hui insuffisant, qui représente le chemin le plus judicieux à prendre. Il contribuerait effectivement, d’une part, à améliorer l’accès à un tel congé et, d’autre part, à éviter des mesures discriminatoires postérieures qui pourraient être prises par l’employeur.

Dans cette idée, je pense qu’une liste tenue par le médecin cantonal permettrait aux gynécologues traitants d’envoyer une attestation à son Service en cas de traitement de patientes démontrant des symptômes de menstruations douloureuses. Par la suite, le médecin cantonal pourrait, par le biais de la demande des employées répertoriées, fournir des certificats maladie mensuels. Cela permettrait de ne pas faire supporter à ces femmes le poids économique d’une consultation mensuelle tout en assurant une centralisation des informations qui garantirait la non-divulgation à l’employeur des raisons de l’absence.

Par la suite, cette centralisation permettrait également et utilement, en cas de licenciement de l’employée postérieurement à l’usage de tels congés – ou d’autres mesures qui s’ensuivent de nature discriminatoire – de prévoir un renversement complet du fardeau de la preuve. Ce procédé demanderait à l’employeur de prouver que la mesure discriminatoire opérée sur l’employée ou que son licenciement est effectué pour d’autres motifs que les congés menstruels pris par l’employée.

Ce répertoire permettrait en effet de satisfaire à l’art. 6 Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (ci-après : LEg) qui prévoit que la partie qui fait valoir une discrimination fondée sur le sexe supporte le fardeau de la preuve. Une femme répertoriée auprès du médecin cantonal apporterait les indices suffisants permettant de rendre la discrimination « vraisemblable ». La discrimination serait ainsi « présumée » et le fardeau de la preuve renversé. Il incomberait alors à l’employeur d’établir que la différence de traitement est justifiée par des motifs objectifs.

Il demeure possible de formuler une critique face à cette proposition. Il reste une inégalité claire entre les employées qui sont au bénéfice d’un contrat ou d’une CCT qui prévoit un régime d’assurance maladie collective de l’employeur obligatoire et celles qui devront se contenter de l’échelle bernoise. En réalité, le droit à une rémunération durant la période d’incapacité n’est pas du tout le même puisque l’échelle bernoise ne prévoit que 3 semaines durant la première année de service, contrairement aux assurances APG qui prennent en charge le salaire dans la plupart des cas à hauteur de 80% du salaire dès le 3ème jour.

A noter encore que le régime de prise en charge par les assurances perte de gain collectives privées n’est à l’heure actuelle pas totalement satisfaisant puisque beaucoup d’assurances prévoient une prise en charge des jours de maladie uniquement dès le 3ème jour d’absence, ce qui, pour des absences dues à des menstruations douloureuses, représentent souvent des périodes d’absences courtes.

En conclusion, il est certain qu’il y a encore matière à réfléchir dans l’élaboration d’une proposition afin de satisfaire au mieux au but premier de ces réflexions, soit l’égalité des sexes dans la vie professionnelle.

*Illustration réalisée par “W”, à Neuchâtel

Work

I would prefer not to

Durant l’année 2022 est apparue un concept encore peu connu en Suisse le « quiet quitting », traduit généralement en français par « démission silencieuse ». Sans origine définie, la médiatisation de cette, on dira, modalité d’exécution du travail, a connu un bon viral en 2022, principalement par le biais de l’application TikTok. Le « quiet quitting » nouvelle religion au travail ! Le principe consiste à s’engager dans son activité professionnelle uniquement pendant les heures définies. Effectuer son travail et uniquement son travail, pas de surpassement dans une productivité effrénée au détriment de son temps libre, de sa santé tant mentale et/ou et physique. Le « quiet quitting » voue même une religion à une déconnection systématique en dehors de ses heures de boulot. Force est toutefois de constater que le concept n’est pas clairement défini et qu’il englobe à l’heure actuelle toutes sortes de variantes dans son application, selon sa source, ses adeptes ou encore les régimes politiques et légaux disparates dans lesquels ce modèle d’exécution du travail évolue. Dans tous les cas, attention à son nom, car le « quiet quitting » n’est pas lié à l’abandon d’un emploi, mais plutôt au fait de précisément ne faire que ce que l’emploi exige et pas plus, i would prefer not to..

On comprendra au sens large que le salarié qui adhère au « quiet quitting » en fait le strict minimum pour préserver son bien-être tout en ne violant pas ses devoirs contractuels envers son employeur. Le but premier n’est pas de perturber le lieu de travail ni même d’exercer une pression sur son employeur, mais plutôt d’éviter l’épuisement professionnel et de mettre en priorité sa santé et son épanouissement. Bien que l’expression « quiet quitting » ait été très médiatisée en 2022, ses adeptes ne datent pas d’hier. Ce concept s’est par exemple retrouvé dans la série à succès « the Office » sortie dans les années 2020 qui retraçait en autre le parcours d’un salarié nommé Jim en quête de sens harassé par sa routine professionnelle et dans laquelle il œuvre à en faire le moins possible, mais également dans une grande figure du refus du travail de Bartelby, émanant de la nouvelle de Herman Melville, en 1853 avec cette formule devenue célèbre « I would prefer not to ». Le « quiet quitting » est également le prolongement de mouvements sociaux tels que The Big Quiet qui a vu le jour aux Etats-Unis mais également dans le Tang ping (“s’allonger à plat“), en Chine apparu comme une nouvelle philosophie de vie à contre-courant de la politique productiviste prônée par le président Xi Jinping.  La « grève du zèle » soit « Work to rule » s’y apparente également sur certains points tout en n’aspirant pas au même but.

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Le droit suisse ne fait pas expressément référence à la productivité de l’employé. On peut toutefois se poser respectivement les questions suivantes dans une mise en exécution par un employé de son travail en « quiet quitting ». En soi effectuer son travail et uniquement son travail suppose, pour le travailleur, un respect de ses obligations, telles que définies dans le Code des obligations du 30 mars 1911 (ci-après : CO), mais également d’obligations définies par une éventuelle convention collective applicable ou découlant des modalités même du contrat de travail convenu entre les parties.

Le Code des obligations énumère différentes obligations principales auxquelles un employé doit se tenir, notamment, l’obligation de diligence et de fidélité à observer (321a al. 1 CO), et l’obligation corolaire d’un employé d’effectuer des heures supplémentaires (art. 321c CO). En raison de son obligation de diligence et de fidélité, le travailleur doit sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 321a al. 1 CO) et par conséquent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice économiquement. Ainsi, il ne doit pas faire concurrence à l’employeur pendant la durée du contrat (art. 321a al. 3 CO). L’obligation de fidélité complète l’obligation de diligence en ce sens qu’elle confère au travail un but, des objectifs et la défense des intérêts de l’employeur (ATF 140 V 521 consid. 7.2.1). Cela veut dire qu’un employé qui exécute son travail doit renseigner son employeur sur sa charge de travail, son avancement, mais également l’informer d’éventuels dommages à l’entreprise ou perturbations dans l’exécution du travail, ainsi que d’irrégularités ou d’abus.

Un employé est ainsi également obligé d’effectuer des heures supplémentaires (art. 321c CO) sous certaines conditions, même si cela n’entre pas dans son cahier des charges initialement établi. Il faut que deux conditions soient remplies pour que l’employeur puisse contraindre son personnel à fournir ces heures. La première est qu’elle soit acceptable pour lui, les limites résidant dans sa capacité de travail, ainsi que la protection de sa santé (art. 6 LTr et art 328 CO) et de sa personnalité (art. 328 CO). La deuxième est que les circonstances l’exigent pour l’employeur, soit que l’exécution d’une charge supplémentaire de travail soit nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts économiques. Si ses conditions sont remplies, le travailleur est tenu d’effectuer des heures supplémentaires à celles initialement contractuellement prévues pour respecter ses obligations. Ainsi un employé qui exécute son travail en « quiet quitting », doit, dans certains cas particuliers effectuer des heures supplémentaires pour respecter ses obligations, même si ça ne rentre pas initialement directement dans son cahier des tâches.

Dans ce contexte, on peut se demander comment un travailleur qui exécute son travail et uniquement son cahier des charges est protégé d’un éventuel licenciement. La réponse: pas suffisamment. Le droit suisse est un droit libéral qui octroie une grande marge de manœuvre aux employeurs dans la gestion de leur personnel, notamment pour se départir du contrat dans le respect du délai de congé applicable. Ainsi, un employeur peut licencier son personnel en respectant le délai de congé sans grief particulier, même si le travailleur exécute parfaitement bien son travail. L’unique protection accordée au travailleur est, dans ce contexte une protection contre un licenciement donné pour un motif abusif (art. 336 CO). Si le motif abusif existe, l’employé peut prétendre uniquement au versement d’une indemnité et en aucun cas une réintégration n’est possible. Une liste non exhaustive de motifs considérés comme abusifs découle de l’art. 336 CO. L’art. 336 let. a CO définit spécifiquement qu’un congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre partie, à moins que cette raison n’ait un lien avec le rapport de travail ou qu’elle porte sur un point un préjudice grave au travail de l’entreprise. Cela voudrait dire qu’un employeur pourrait se départir du contrat avec son employé pour le motif simple que sa productivité a baissé, pour le moins dans les cas où le préjudice grave est démontré.

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A mon sens, le constat est sans appel, notre législation doit se réinventer et rapidement pour répondre aux défis tant sociaux, qu’économiques et écologiques que doit relever le salariat d’aujourd’hui.

Parce que oui, une crise évidente frappe le monde du travail et le statut de salarié, dans son essence et son évolution. Après la révolution industrielle, le travail s’est construit autour de la prévalence de l’économie. Tout est devenu économique, commercial, business. Cette crise se manifeste notamment ces dernières années par la chute des mouvements syndicaux et plus généralement collectifs. Les commissions du personnel sont désertées, le taux de syndicalisation chute. Des études démontrent parallèlement qu’un salarié est d’autant plus démotivé et se sent d’autant plus mal quand il travaille pour une entreprise, peu investie sur les questions écologiques et sociales, voire polluante.  Les crises sanitaires et géopolitiques jouent également un rôle dans cette reconsidération du rapport au travail qui a émergé. On a changé notre manière de travailler, nos habitudes de rassemblement, ainsi que nos peurs. On peut comprendre qu’un certain nombre de personnes s’interrogent sur le rôle qu’ils jouent et c’est d’autant plus évident lorsqu’ils travaillent dans des entreprises dont on ne sait parfois pas très bien, ni en quoi elles ont une quelconque utilité pour notre société, ni ce qu’elles produisent, qu’il s’agisse de produits nocifs pour la santé, de mauvaise qualité ou polluants, ou de services plus ou moins abstraits et superfétatoires.

Cette crise de sens est exacerbée ces derniers mois également par un déclassement économique qui s’accélère et qui touche une partie de la population jusque-là sauvegardée. Montée du prix de l’essence ; du mazout, de l’électricité et les salaires stagnent !  Les emplois se paupérisent et une partie de la population jusque-là restée en dessus de la vague, boit la tasse, se retrouve précarisée avec un pouvoir d’achat réduit parfois par moitié.

Ce que nous vivons et ce qu’illustre en partie le « quiet quitting » est peut-être la fin du contrat social contemporain, soit un contrat libéral qui dit qu’un travail doit permettre de s’épanouir, de se libérer, de gagner sa vie, et de se développer librement. En vérité, aujourd’hui, et pour beaucoup, le travail n’est pas épanouissant, mais simplement indispensable pour vivre tout en restant insuffisant pour faire face à la flambée des prix. L’envie de faire des nouvelles générations dans ce modèle s’érode et leur quotidien se réinvente pour laisser place à de nouvelles formes de travail. Le spectacle est-il sur le point de prendre fin ? Guy Debord l’avait si bien dit ! 

A propos : quelle heure est-il ? Bartleby n’est peut-être pas le malade, mais le médecin d’une Amérique malade, le Medicine-man, le nouveau Christ ou notre frère à tous.

*Illustration réalisée par, Manuel Boschung à Neuchâtel

 

Interruption volontaire de réflexion

Je suis pour ! Non ceci n’est pas une mauvaise reprise de Michel Sardou ou une critique du procès de Patrick Henri, promis ! Simple volonté d’ouvrir une réflexion quant aux turbulences actuelles suscitées par la question de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (ci-après : IVG), dans le contexte de changements régnant Outre Atlantique.

Très brièvement, en Suisse, l’interruption de grossesse n’est pas punissable si elle est pratiquée sur demande écrite de la femme enceinte dans les douze semaines qui suivent les dernières règles et si une situation de détresse est invoquée. Le médecin doit au préalable avoir un entretien approfondi avec la femme enceinte et la conseiller. De plus, cette dernière se verra remettre une liste d’associations et d’organismes pouvant lui apporter une aide morale ou matérielle.  Dans tous les cas et à n’importe quel stade de la grossesse l’interruption de grossesse n’est pas punissable si un avis médical démontre qu’elle est nécessaire pour écarter le danger d’une atteinte grave à l’intégrité physique ou d’un état de détresse profonde de la femme enceinte. Le danger devra être d’autant plus grave que la grossesse est avancée. Les dispositions pénales actuellement en vigueur dans notre ordre juridique suisse sont ainsi formulées. Il est à relever que ces dispositions et leur contenu ne cessent, par différentes voies, de revenir dans le débat politique, notamment par la voie de motion au parlement ou de dépôt d’initiative populaire. Deux sont en cours de récoltes de signatures jusqu’en 2023 (cf. Accès au texte complet des initiatives “La nuit porte conseil” et “sauver les bébés viables”)

Aux Etats-Unis, en 1973, soit il y a bientôt 50 ans, dans l’arrêt Roe v. Wade la Cour suprême a estimé que la Constitution américaine protégeait le droit des femmes d’interrompre volontairement leur grossesse sous certaines conditions. Aujourd’hui, pas de bol, une fuite, une capote défaillante, et voilà l’actualité éclaboussée d’un projet de décision en cours de gestation.

En substance, il en ressort que la Cour suprême renoncerait à consacrer le droit à l’IVG comme l’expression du respect du droit à la vie privée garantie par le quatorzième amendement de la Constitution des Etats-Unis. Si ce projet de décision devient définitif, la gestion fédérale légale du droit à l’IVG serait abandonnée et cette compétence serait restituée aux différents Etats. De facto, cela signerait une disparition de ce droit dans la majeure partie des Etats-Unis, 13 des Etats disposant déjà de « Trigger laws » qui interdiraient automatiquement l’avortement si le revirement de jurisprudence « Roe v. Wade » devenait opérant. C’est un accident nous dira-t-on, mais la Cour suprême semble être bel et bien convaincue de mener ce projet à son terme. Brève mais réussie représentation pour les Juges concernés de leur badge de « coolitude » envers leurs copains conservateurs.

Résultat direct : une opinion publique outrée, scandalisée et de multiples mouvements de revendications prenant d’assaut l’espace public, avec comme cri de ralliement « mon corps mon choix ». Si tu es un homme ? Tu te tais, au risque en cas de position peu claire d’être qualifié de machiste, ou de « réac » conservateur. J’espère au moins que tu n’es pas blanc et quand même un peu écolo sinon là, c’est bon, tu peux te refaire des potes et déménager au Texas. «Mon corps mon choix», slogan féministe des années 70, deuxième vague centrée sur la liberté sexuelle repris pour justifier le droit inconditionnel à l’avortement, la totale liberté des femmes d’avoir les enfants qu’elles veulent.

Ce qui me frappe ce n’est pas que des citoyens américains manifestent pour ce droit auquel je suis entièrement favorable, mais la pauvreté des arguments. On est sommé de s’enthousiasmer sans trop réfléchir. Complaisance d’une paresse intellectuelle, manque de nuance, on est pour ou on est contre. Une pensée binaire, simpliste qui ne laisse aucune place au débat. Le droit à l’IVG est un progrès incontestable pour toutes les femmes, mais cela ne nous affranchit pas de toute réflexion. La question est profonde complexe, philosophique, sociétale, pour certains théologique, et elle va bien au-delà d’une fixette obsessionnelle du corps de la femme sur laquelle le débat se cristallise (croptop, voile, décolleté, épilation, maquillage pour n’en citer que quelques une). Dans la réflexion menée, il s’agit de définir et de se positionner sur le moment auquel un embryon devient un être humain et d’arbitrer entre le droit de disposer de son corps et le respect de la dignité d’un être à venir, sans oublier le droit de père. Ces questions sont profondes ! La réponse des grandes marques surfant sur cette vague, à l’image de GUCCI promettant à ses employés de rembourser leur frais d’avortement est émétique. Greenwashing, purposewashing, wokewashing, abortionwashing ? Quand va t’on cesser d’accepter cette lamentable récup marketing de toutes les questions de sociétés qui sont aujourd’hui constamment réduites à des arguments pour vendre tout et n’importe quoi. Bientôt une voiture hybride, des casseroles made in local auto-recyclables, ou encore un produit ménage au superpouvoir contre les mauvaises odeurs et le patriarcat.

Il n’est là pas question d’une liberté mais bien d’un droit.

Il faut peut-être réécouter Simone Veil, en 1974 lors de son discours pour faire décriminaliser l’avortement devant l’Assemblé nationale. L’esprit de cette démarche est à l’époque un pas gigantesque, Elle dit, « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement » « c’est toujours un drame, cela restera toujours un drame ». Aujourd’hui les mentalités ont évolué et pour certaines femmes cet acte n’a plus rien de dramatique. C’est un fait qui est le résultat d’une évolution des mœurs et des valeurs de notre société et cela ne fait pas d’une femme un monstre. La place dans le débat des constats de cette évolution de mentalités découlant de la déchristianisation de nos populations est bien entendu à prendre en compte et cette réalité n’est pas même conscientisée par une grande partie de la population. A mon sens, une interdiction totale de recours à l’IVG n’est dans tous les cas pas acceptable et rejetterait des femmes dans l’opprobre, la honte, la solitude mais aussi dans l’anonymat de poursuites pénales, si elles choisissaient d’y recourir illégalement. Le droit à l’IVG est central dans nos identités respectives et nous concernent tous. Cette question mérite une réflexion plus approfondie qu’un slogan qui ressemble à une banderole publicitaire reflétant une époque consumériste et nombriliste « mon corps mon choix ».

Le débat doit pouvoir exister.

Le choix aujourd’hui doit être celui du débat, le choix de s’exprimer, le choix de converser, le choix de s’écouter et de se forger une opinion. A l’heure d’un libéralisme idéologique accru où tout doit être accepté, égal, entendu et reconnu, une fascisation de notre pensée n’est en tout cas pas une solution. Ce manque de connexion envers les autres, de capacités d’écoute et de discussion, nous formate à une dictature du politiquement correct.
«Mon corps, mes choix », oui mais cela n’enlève aucune nécessité d’ouvrir l’espace public à mener une réflexion sur l’essentialité de cet acquis sociétal pour les femmes et de manière plus générale pour la bonne interaction des genres. Sans débat, en vase clos, le projet des Juges de la haute Cour ne pourra qu’être confirmé. Faute de quoi une américaine enceinte en détresse pourra toujours, aux noms de ses droits constitutionnels, acquérir un fusil d’assaut pour se tirer une balle dans le crâne ou qui sait faire une descente au cœur d’une réunion de la Cour suprême.

 

*Illustration réalisée par, Marie-Morgane Adatte, Illustratrice/graphiste à Neuchâtel, Marimo Adatte

Trop vieux pour plaire

Trop vieux pour plaire? Que se cache-t-il derrière la nouvelle rente transitoire en vigueur depuis le 1er juillet 2021 ?

En suisse, les personnes qui perdent leur travail quelques années avant d’arriver à l’âge de la retraite se retrouvent généralement rapidement dans une situation économique précarisée.

Les protections accordées contre de tels licenciements par la législation en vigueur sont inexistantes. La dernière jurisprudence fédérale ayant dû trancher d’un tel cas a d’ailleurs encore réduit la portée du caractère abusif d’une résiliation de contrat d’un travailleur en fin de carrière professionnelle (cf. Arrêt du Tribunal fédéral 4A_44/2021 du 2 juin 2021). Dans les faits, la pratique permettait jusqu’ici usuellement de faire encore valoir, pour ce type de licenciement, le paiement par l’employeur d’une indemnité se montant au maximum à six mois de salaire, pour ainsi dire un dédommagement moindre en contrepartie des multiples et néfastes conséquences auxquelles conduit de tel renvoi. A noter qu’une éventuelle réinsertion du travailleur dans l’entreprise n’est dans tous les cas pas prévue par notre législation.

La « rente-pont » a été présentée par nos autorités comme LA solution magique. Elle a été institutionnalisée avec la promesse de limiter les dommages collatéraux découlant du manque d’attractivité sur le marché de cette main-d’œuvre âgée, considérée comme fatiguée et obsolète par notre système économique libéral de rentabilisation et de production effrénées. Dans les faits, ne parvenant pas, dans la plupart des cas, à retrouver un emploi et arrivant en fin de droit dans l’assurance-chômage, les chômeurs âgés en Suisse puisent dans leur fortune personnelle, anticipent le versement de leur rente AVS, et souvent entament leurs avoirs de vieillesse du 2ème et du 3ème pilier, avant de recourir, en tout dernier lieu, à l’aide sociale. L’effectif des 60 à 64 ans à l’aide sociale est passé de 8065 personnes en 2011 à 11 832 en 2017 (+47 %)[i].

Dans ces situations, les prestations transitoires veulent garantir le versement mensuel d’une somme d’argent et le remboursement des frais de maladie et d’invalidité jusqu’à l’arrivée à l’âge officiel de la retraire.

Pour pouvoir bénéficier d’une rente-pont, les conditions cumulatives suivantes doivent être remplies :

    • arriver en fin de droit dans l’assurance-chômage au plus tôt pendant le mois au cours duquel le travailleur a atteint l’âge de 60 ans (1) ;
    • avoir été assuré à l’AVS en Suisse pendant au moins 20 ans, dont au moins cinq ans après l’âge de 50 ans, et avoir réalisé un revenu annuel provenant d’une activité lucrative d’un certain montant (2) ;
    • ne pas disposer d’une fortune supérieure à CHF 50’000.00 (personne seule) ou
      CHF 100’000.00 (pour un couple) – le bien immobilier servant d’habitation à son propriétaire n’est pas pris en compte à ce stade – le sera pour le calcul du montant de la prestation à verser (3),
    • présenter un excédent de dépenses, c’est-à-dire que les dépenses reconnues excèdent les revenus déterminants (condition économique) (4).

Le montant de ces prestations résulte d’un calcul savant de la différence entre des dépenses reconnues et un revenu déterminant (pour un exposé complet et détaillé des dépenses et revenus pris en considération dans le calcul, cf. 5.03, Prestations Transitoires, état au 1er juillet 2021 in http://www.ahv-iv.ch/p/5.03.f).

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D’un point de vue personnel, je ne peux que saluer cette nouvelle législation sociale, malgré, certaines incohérences constatées qui annihilent la portée du ballon de sauvetage social de ses dispositions.

Sans conteste, l’incohérence la plus problématique qui doit être rapidement ajustée par nos autorités législatives est aujourd’hui le refus d’octroi d’une telle prestation à un chômeur âgé dont le conjoint est déjà à la retraite ou bénéficiaire d’une rente invalidité. Cette condition inique à la vocation première de la loi conduit indubitablement à un renvoi en fin de course de ces chômeurs âgés à la case aide sociale.

En outre, le calcul savant à opérer afin d’établir l’excédent de dépenses requises comme condition, exclut et décourage bon nombre de chômeurs âgés. Candidats ou non à recevoir de telles prestations ? Je ne peux que les encourager à entreprendre les démarches en remplissant préalablement le formulaire suivant, au plus tôt quatre mois avant la fin de leur droit à des indemnités-chômage : Prestations transitoires | Formulaires | Mémentos & Formulaires | Centre d’information AVS/AI (ahv-iv.ch). C’est par la suite l’autorité cantonale compétente qui doit procéder à l’analyse des conditions et la procédure est gratuite. Ils n’ont donc rien à perdre si ce n’est un peu de temps.

Dans tous les cas, il reste utopique de considérer que l’octroi de telles prestations solutionnera complètement la précarisation croissante de cette tranche de la population qui souffre du démantèlement opéré par nos autorités de l’état social. Espérons alors qu’un jour, nos autorités législatives fédérales auront vocation à s’engager pour l’adoption d’une protection légale efficiente contre les licenciements de personnes âgées, afin de garantir à tout citoyen la possibilité d’arriver en Suisse dans des conditions dignes à l’âge de la retraite.

 

*Illustration réalisée par TTT

[i] Bénéficiaires de l’aide sociale | Office fédéral de la statistique (admin.ch), in https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/securite-sociale/aide-sociale/beneficiaires-aide-sociale.html

 

Illustration réalisée par Joakim Monnier, artiste/illustrateur à Neuchâtel  JO MO - AV - Swiss Artist

Manager ou enfanter, il faut choisir

En date du 7 février 2022, les tribunaux neuchâtelois ont rendu un arrêt attendu en matière d’égalité.

Dans les faits, d’un côté, une employée en âge d’enfanter et de l’autre, le géant des « Happys Meals ». Au milieu, un poste de manager à repourvoir, un congé demandé en vue de la cérémonie d’un mariage, et des propos tenus par la gérante du restaurant dans le cadre d’une discussion quant à un poste à repourvoir de manager. Invoquée par l’employée, la violation de dispositions de la Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (ci-après : LEg), en vigueur depuis plus de 15 ans et ayant pour but de promouvoir dans les faits, l’égalité entre femmes et hommes.

Cet arrêt rappelle les bases de la notion de harcèlement sexuel ou sexiste dans les relations de travail. De tels comportements constituent des atteintes à la personnalité (art. 328 CO) à la santé (art. 6 LTr), ainsi qu’une forme particulière de discrimination « à raison du sexe » (art. 3 LEg). Le Tribunal a retenu une violation de l’art. 4 LEg à défaut d’éléments de preuves suffisants pour retenir une violation de l’art. 6 LEg (discrimination à la promotion). Dans ce contexte, cela signifiait que la gérante du restaurant avait discriminé l’employée en lui disant que sa candidature au poste de manager du restaurant ne serait pas considérée en raison du fait qu’elle allait se marier engendrant de facto le risque d’une grossesse, tout en précisant qu’il en serait allé différemment si elle avait été un homme.

On entend par comportement discriminatoire au sens de l’art. 4 LEg, « tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail ». La définition de l’art. 4 LEg comprend également tout « autre acte portant atteinte à la dignité du travailleur et ne relevant pas d’un abus d’autorité, mais contribuant à rendre le climat de travail hostile » (ATF 126 III 395, consid. 7, cité par WYLER/HEINZER, Droit du travail, 3e éd., Berne 2014, p. 873). A noter que les comportements récriminés par l’art. 4 LEg sont également les remarques concernant les qualités ou les défauts physiques ou les propos sexistes (KAUFMANN CLAUDIA, in Commentaire de la LEg, Lausanne 2007, art. 4 N 27).

Cet arrêt rappelle encore que l’art. 4 LEg trouve bien application lors d’interactions entre personnes du même sexe : une personne peut donc harceler une personne du même sexe « qui s’écarte[rait] du rôle attribué à son sexe », ce qui est même fréquent dans la réalité. Le harcèlement sexuel peut ressortir d’un comportement d’éviction par un supérieur hiérarchique, et est donné déjà par le fait de créer un « climat de travail hostile », ressenti comme tel par la victime (KAUFMANN, op. cit., art. 4 N 18, 21, 23) (consid. 5 du Jugement du Tribunal régional du littoral et du Val-de-Travers du 7 février 2022).
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D’un point de vue personnel, je salue ce jugement qui constitue une référence à une application sociale des tribunaux régionaux, de dispositions de protections de la personnalité des travailleurs. C’est également un signal de rappel bienvenu pour tous les employeurs et les employés actifs.

Non ! dans la jungle libérale de législation suisse, il n’est tout de même pas possible pour les détenteurs des moyens de productions de faire tout et n’importe quoi dans le seul but d’optimiser leurs profits. Que ce soit avec des femmes travailleuses, – comme il est ici question – mais également dans un sens plus large, quand il est question d’employés non-formés, âgés, malades ou ceux portant un nom à consonnance étrangère.

Cet arrêt donne ainsi non seulement une direction juridique à l’application des dispositions topiques de la LEg, mais permet également de poser la base d’une réflexion plus globale quant à des sujets et changements sociaux et sociétaux, dont nous sommes aujourd’hui tous acteurs.

Je souris, à la relecture du Jugement qui me conduit d’ailleurs définitivement à me poser la question suivante : la véritable discrimination dans toute cette histoire ne réside-t-elle pas dans le fait d’imputer à toute femme trentenaire une hypothétique volonté d’enfanter pour arriver à bout touchant dans son épanouissement personnel ? Si ce n’était pas le cas, elle serait suspectée ! Est-elle lesbienne ou alors stérile ? Quelle aurait été ma réaction à la place de la gérante ? Au-delà d’une volonté de ne pas lui donner le poste, aurais-je également pensé qu’une grossesse était à prévoir ? Est-ce que c’est mal ?

Je ne peux également m’empêcher de faire un lien avec le référendum lancé contre la Loi AVS 21, adoptée en décembre dernier par les Chambres fédérales. Dans les faits, soyons clair, d’un point de vue économique, au mieux cette grossesse, lui permettrait de cumuler des trous dans son capital LPP, qui découlerait d’une réduction souhaitée de son taux de travail durant quelques années. Car oui aujourd’hui encore une femme qui ne réduit pas son temps de travail pour éduquer ses enfants est une mauvaise mère, une arriviste, opportuniste, dénuée de tout instinct maternel (Elisabeth Badinter : biographie, actualités et émissions France Culture mais aussi : L’instinct maternel existe, et ce n’est pas une bonne nouvelle – Le Temps).

L’application de dispositions légales suffira-t-elle pour sortir de ses discriminations systémiques et endémiques que subissent les minorités dans notre société ?

Que pouvons-nous faire à notre échelle pour contribuer à ce changement de mentalité dans le respect de nos valeurs et surtout en restant bienveillants avec nos héritages moraux accumulés depuis notre naissance qui prendront plus d’une seule génération à se déconstruire. Quelle est la place du droit et de la jurisprudence rendue par nos autorités judiciaires dans ce changement ?

A défaut de réponse claire et définitive, j’espère que cette brève pourra ouvrir des perspectives de réflexions, au sein de vos foyers respectifs.

 

*Illustration réalisée par Joakim Monnier, artiste/illustrateur à Neuchâtel  JO MO – AV – Swiss Artist