Télétravail ou canapé: comment éviter les « sitting diseases »? Homo plus assez Erectus …

Ces dernières semaines nous ont tenus enfermés plus que nous n’aimerions, et nous avons usé nos chaises de télétravail (souvent inadaptées) et nos canapés, et, par la force des choses, limité nos multiples petits mouvements quotidiens.

 Le confinement nous a encore davantage cloués sur nos sièges; finis les trajets à pied jusqu’à la gare, les montées dans le train, les parcours de couloir vers la cafétéria. Et ça ne nous fait pas de bien: on a les jambes lourdes, la nuque raide, des maux de tête, et on engraisse … Beaucoup d’entre nous se trouvent anormalement fatigués, même celles et ceux qui ne font pas de télétravail.

Dès 2010 déjà, divers chercheurs alertaient le monde du travail sur les « sitting diseases », méfaits de la sédentarité, maladie de nos civilisations due à nos interminables heures de chaises quotidiennes.

Parmi les premiers, le Dr James Levine * avait étudié les maladies diverses provoquées ou aggravées par la position assise de longue durée: obésité, maladies cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux (ACV), diabète, et tous les soucis du squelette sont concernés.

Comment réagir ?

Des bienfaits largement sous-estimés : les petits mouvements

Il a été démontré que c’est l’ensemble de tous nos petits efforts et mouvements, ainsi que l’alternance entre position assise (si possible brève) et position debout, associée à des mouvements de jambes adaptés qui nous maintiennent en forme dans la durée. Toutes les positions statiques sont malsaines pour nos cellules, y compris celles du cerveau!

 Bon pied, bon œil: un peu de « plomberie » humaine

Le sport est un plaisir utile, certes, mais il ne peut satisfaire seul les besoins d‘oxygène permanent des cellules. Comme on le sait, notre cœur est placé dans la partie haute de notre corps, et la gravité terrestre attire notre sang veineux vers nos pieds. C’est à nous, par nos mouvements, de le recycler sans cesse.

Pour qu’il soit réoxygéné par le cœur et la respiration pulmonaire, nous devons faire fonctionner, en bons plantigrades verticalisés que nous sommes, la pompe mécanique qui se trouve dans nos pieds et nos mollets pour le faire remonter. Jusque-là, ça paraît évident.

Mais ce n’est pas si évident en fait ! oui, il y a un gros « Mais » ici :

Marcher correctement est inné, mais se perd facilement

Comme le dit joliment la Dr Anne Taquet **, angiologue française qui milite pour la marche en propulsion depuis des années, « c’est à nous de remplir notre cœur ».

Pour elle, « l’Homme actuel s’est trop éloigné des lois physiques de la nature et du vivant qui le constituent ».

« C’est le flux sanguin qui sculpte les vaisseaux et les remodèle en permanence, pas l’inverse ». Si nous ne faisons pas le nécessaire, notre cœur se fatigue. Et nos cellules manquent d’oxygène. « Or notre marche et notre respiration sont des automatismes inconscients, que l’on n’utilise pas toujours à bon escient » dit-elle.

Pour Léonard de Vinci, l’anatomie et la mécanique du pied tient du chef d’œuvre,  c’est un petit bijou d’ingénierie. Pour Hipocrate, la marche est régénérative.

Cette bipédie performante caractérise l’espèce humaine. Nous l’avons exercée seuls, sans apprentissage, lors de nos premiers pas. Pourtant il arrive trop souvent que l’on en perde le bon mode d’emploi en cours de vie. Il deviendrait alors nécessaire de nous la ré-enseigner.

Le ré-expliquer aux jeunes et aux adultes permettrait de faire un grand pas (si j’ose dire!) vers la prévention des maladies chroniques. En d’autres termes, c’est aussi un vrai sujet de santé publique.

C’est le pied!

Et en ces temps de sédentarité forcée, pour aller de l’avant (encore une métaphore encourageante) nous pourrions donc, avec peu de moyens mais avec les techniques adéquates, entretenir et reconquérir notre « bonne marche » et nous mettre sur ON plutôt que sur OFF. Et mieux poser nos pieds sur Terre !

*James Levine https://www.nytimes.com/2011/04/17/magazine/mag-17sitting-t.html

** Dr Anne Taquet https://vimeo.com/17150057

Interviewée dans plusieurs magazines:

  1. in Marianne avril mai 2012 ,Ma chaise m’a tué, article de Clotilde Cadu. https://www.marianne.net/societe/ma-chaise-ma-tue
  2. in Rebelle -Santé N°217, Les pas qui nourrissent le coeur, article de Christophe Guyon.https://www.rebelle-sante.com/les-pas-qui-nourrissent-le-coeur
  3.  in Le Monde, Sens et Santé N°7, avril 2018 La meilleure façon de marcher, article de Sylvaine Frézel Article_Sens_&_Santé_A4.pdf

 

 

 

Véronique Dreyfuss-Pagano

Spécialisée dans les domaines de communication inter-humaine, de proxémie et de développement durable, Véronique Dreyfuss Pagano est professeur de géographie et de littérature. Mettre la pensée systémique au service de la résolution de problèmes complexes dans les sciences humaines est l'une de ses activités.

4 réponses à “Télétravail ou canapé: comment éviter les « sitting diseases »? Homo plus assez Erectus …

  1. Lorsque votre nouvelle missive est arrivée, Madame Véronique Dreyfuss Pagano, je songeais justement que je devais livrer mon corps confiné, aujourd’hui, aux commandements rudes et amicaux de Billy Blanks, l’inventeur du tae-bo. Je ne céderai ni à la paresse, ni à une quelconque manoeuvre de diversion. D’habitude, le printemps est le temps idéal pour parcourir les plages de la mer du Nord; la brise revigorante nous sort de notre longue eclipse hivernale. J’arpente les dunes clairs et j’entends le doux murmure d’Alain Souchon, un poète perdu dans notre monde de brutes:
    “Oh le grand air
    Tournez le vent la dune à l’envers
    Tournez le ciel et tournez la terre
    Tournez tournez le grand air
    La Belgique locale
    Envoyait son ambiance musicale
    De flonflons à la française
    Des fancy-fair à la fraise.”
    Hélas, c’est juste une rêverie car Billy Blanks et sa fille, tous deux en sergeants instructeurs du Corps des Marines, m’ordonnent de me mettre en rang et de leur obéir sans broncher.

    1. Cher Terrien, oui, lorsque nous sommes loin de la nature et des grands espaces, nous devons vraiment nous motiver pour nous agiter dans notre plus ou moins grand bocal … et faire ce qu’il faut pour ne pas devenir de plus en plus immobiles… D’habitude on parle de homesickness, ou de Heimweh, mais là, on aurait envie plutôt de parler de spacesickness … et d’ailleurs en français on dit “mal du pays” et c’est un peu ce que l’on ressent à rester confinés dans nos logements. Encourageons-nous!
      Bon, sport et bonne marche en propulsion en chambre, on reste en forme pour l’après-confinement !!

    1. Oui,vous avez raison! En fait en allemand,ça insiste sur la notion de patrie (Heim) il me semble,or en ce moment les gens ont surtout le mal de campagne ,de balades dans la nature ,de grands espaces … de paysages,et ceci principalement dans les villes,à Paris par exemple où le confinement est nettement plus étroit qu’en Suisse, ou dans les pays ultra stricts comme l’a été l’Espagne … d’où mon idée d’espèce de jeu de mots sur espace ou sur pays, moins spécifiquement patriotique .

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