Réforme de la LPP: un affront envers les femmes et les salarié-e-s

La réforme de la LPP conduit à une baisse des rentes à des coûts élevés. Ce n’est pas seulement un non-sens du point de vue de la politique sociale, c’est aussi une violation flagrante de la parole qui a été donnée par la majorité bourgeoise du Parlement. Voici le discours que j’ai tenu ce matin lors de la conférence de presse de lancement du référendum organisée par l’Union syndicale suisse. Je vous invite à signer le référendum sur le site de la campagne des syndicats.

Des promesses non tenues

Durant la campagne de votation sur AVS 21, les partis bourgeois avaient promis qu’après le relèvement de l’âge de la retraite des femmes, on allait enfin empoigner le problème des rentes trop basses, surtout celles des femmes. Pour mémoire : les rentes des femmes sont en moyenne inférieures d’un tiers à celles des hommes. Cela s’explique d’une part par la discrimination salariale, d’autre part par le désavantage systématique des femmes dans le 2e pilier. Or la droite bourgeoise n’a pas tenu ses belles promesses. Au lieu d’améliorer les rentes, c’est le contraire qui risque de se produire pour une majorité de femmes, et d’hommes également : la réforme de la LPP décidée par le Parlement mène à une baisse drastique des rentes. C’est un mauvais calcul, pas seulement pour les femmes, mais aussi pour tout le monde.

Une attaque contre le pouvoir d’achat

Ce qui nous attend, c’est un projet de démantèlement qui entraînera des détériorations importantes pour les assuré-e-s. D’une part, les déductions salariales augmenteront par endroits de plus de 7 points de pourcentage pour les personnes à faibles revenus. Dans un contexte d’inflation et d’augmentation du coût de la vie, cela affaiblirait encore le pouvoir d’achat des salarié-e-s. D’autre part, les rentes des caisses de pension seront réduites. Et ce alors que les nouvelles rentes dans le 2e pilier ont déjà baissé de plus de 10% depuis 2015.

Payer plus pour toucher moins

Bref : il faudra payer plus pour toucher moins de rente. Voilà ce que signifie cette réforme de la LPP pour la grande majorité des salarié-e-s. Elle sera particulièrement dévastatrice pour les femmes d’âge moyen touchant un salaire moyen, car le retard dans leurs revenus reste très important. La moitié des femmes gagnent moins de 4500 francs par mois. Et même celles dont le revenu brut à 100% est supérieur à cela ont souvent moins dans leur portemonnaie en termes réels, car les emplois à temps partiel sont très répandus : près de 60% des femmes travaillent ainsi. Environ un quart de million de femmes souffrent de sous-emploi. Beaucoup d’entre elles ont plus de 40 ans. Globalement, le taux de manque de travail – donc de personnes qui souhaiteraient travailler plus qu’elles n’en ont la possibilité – est avec 11,2% presque deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes (6,5%). Des taux d’occupation trop bas impliquent toujours aussi des salaires plus bas et des rentes plus basses. Après le relèvement de l’âge de la retraite, voilà que ces personnes seraient touchées de plein fouet par la baisse du taux de conversion minimal et l’augmentation des déductions salariales.

Ce que signifie concrètement la réforme de la LPP

Voici quelques exemples qui montrent ce que cette réforme ratée signifie pour les salarié-e-s:
Prenons une coiffeuse qui a aujourd’hui 23 ans et gagne 40 000 francs par an (ce qui correspond à un revenu mensuel d’un peu plus de 3300 francs). Elle devrait payer chaque mois 157 francs de plus, soit 4,7% de son revenu. Où devrait-elle prendre cet argent, avec une inflation de 3%, une augmentation des primes d’assurance maladie de 6% pour cette seule année et l’explosion des frais de loyer et des charges annexes? Dans 42 ans, elle pourrait alors compter sur 335 francs de rente en plus par mois, et selon toute vraisemblance, elle serait ainsi bien loin d’avoir une rente suffisante pour vivre. Son revenu ne devrait donc pas augmenter à la retraite, car le supplément serait simplement à nouveau déduit des prestations complémentaires.
La situation serait encore moins bonne pour une vendeuse dans la fin de la quarantaine qui gagne 55 000 francs par an (près de 4600 francs par mois). Elle devrait payer chaque mois 147 francs de plus, soit 3,2% de son revenu. Pour obtenir quoi? La rente de sa caisse de pension, déjà faible, diminuerait par rapport à aujourd’hui.
Cela ne concerne pas seulement la vendeuse, mais aussi le cuisinier, l’infirmière, le menuisier, la peintre en bâtiment et le plâtrier. Les personnes à bas et moyens revenus, professionnel-le-s des branches les plus diverses, paieront plus cher avec cette réforme et recevront en fin de compte des rentes moins bonnes.
Qu’en est-il de l’ouvrière spécialisée de 50 ans disposant d’un revenu annuel confortable de 88 200 francs (7350 francs par mois) ? Elle devrait certes payer 40 francs de plus dans le 2e pilier, mais subirait tout de même une énorme baisse de rente de 270 francs par mois.

Cela sera sans nous !

Où est passée la promesse d’améliorer les rentes des femmes et des personnes à bas revenus ? Elle est oubliée, sacrifiée au profit des bénéfices des compagnies d’assurances. Disons-le clairement: la réforme de la LPP est une attaque frontale contre le niveau de vie des personnes qui, par leur travail, contribuent à faire fonctionner ce pays. Les partisans des baisses de rentes peuvent être certains que nous allons combattre ce projet dévastateur avec la plus grande fermeté.

 

 

Vania Alleva

Vania Alleva est présidente d’Unia, le plus grand syndicat du secteur privé en Suisse qui représente les intérêts de quelque 190 000 membres. Elle est aussi vice-présidente de l’Union syndicale suisse. Auparavant elle a travaillé comme journaliste, enseignante et experte en migration.

10 réponses à “Réforme de la LPP: un affront envers les femmes et les salarié-e-s

  1. Chère Madame, merci et bravo d’empoigner ce dossier qui fait mal. Je signerai le referendum. Permettez-moi cependant de poser ici la question suivante: face à la désinvolture et à l’arrogance des auteurs de cette réforme et des élus chargés de protéger la société suisse, ne se trouve-t-on pas devant ce que j’appelle “le train qui passe sans s’arrêter mais auquel on a ajouté un wagon”? En effet, le referendum, tout légitime qu’il soit dans notre système démocratique, agit comme “réaction” et non comme action. En matière d’injustice et d’inégalité, comme pour la confiscation des richesses, notre gouvernement a déjà pris les devants: seuls les privilégiés survivront. Exemple? Conférence de presse CF & al. dimanche 19 mars, solution CS/UBS; à un journaliste très calme et courtois (germanophone) qui demande en fin de réunion si “les petits épargnants et clients doivent se faire du souci ou peuvent désormais dormir sur leurs deux oreilles”, écoutez bien la réponse de Madame K. K.-S.

  2. Hé oui ! Les promesses rendent les fous joyeux. Quant à la votation sur l’AVS21; que faire lorsque seulement 52% de la population exprime son opinion alors que ce sujet concernait le 100% des votants.
    Conclusion : On ne peut faire le bonheur des gens malgré eux.

    1. Unia n’est ni un parti politique, ni ne défend l’augmentation de l’âge de la retraite.

  3. Ce sont des questions légitimes pour lesquelles il n’y a pas de réponse évidentes et binaires, car elles seront forcément tranchées par les volontés politiques.

    En actuariat, il n’y a pas de mauvaises solutions. Il y a prestations et financement.
    Il s’agit ensuite de se mettre d’accord afin de s’assurer que le financement correspond aux prestations. Toutefois aussi longtemps que nous serons dans un système en capitalisation, soit nous acceptons de prendre des risques sur les marchés financiers afin de conserver des prestations élevées mais dans ce cas qui va payer les pertes liées aux volatilités qui explosent et qui deviennent ainsi mathématiquement plus fréquente pour un objectif de rendement donné (sans parler d’une dépendance aux marché financiers assez malvenue dans le contexte actuel), soit nous diminuons les prestations en conservant un financement identique ou alors nous maintenant les prestations en augmentant le financement…

    Il n’y a pas d’autres leviers d’action.

    Ou alors, on change le système en y réintroduisant une solidarité.
    En effet nous pourrions aller vers un système moins individualiste qui autoriserait des financement croisés, par exemple pour les salariés pauvre qui pourraient être financés non pas par le travailleur uniquement mais par la collectivité ou alors par les caisses de pensions qui assurent quasi exclusivement les prestations “surobligatoires”. Nous pourrions aussi avoir des caisses “minimum LPP” gérées et sécurisée par la puissance étatique.
    Cela reviendrait à avoir un système mixte qui conserve des caisses indépendantes mais avec une solidarité entre les différentes caisses afin d’éviter que les caisses qui assurent les plus aisés soient également celles qui ont les meilleures performances et le moins de risques…
    Mais la classe politique n’est absolument pas prête à ce genre de débat et la problématique est trop complexe pour faire voter ce type de changement démocratiquement et qu’il y ait une chance de succès. D’autant que les plus aisés seraient perdants et n’ont donc absolument pas envie d’une modification systémique de ce genre.
    Désolé de vous le dire, mais vous êtes au pied du mur.

    1. Bonjour, merci de votre commentaire. Il ne fait aucun doute que des solutions existent pour améliorer les retraites en Suisse. Le compromis des partenaires sociaux pour la réforme de la LPP était une bonne proposition, mais il a été vidé de sa substance par le Parlement. Aujourd’hui, nous sommes face à une réforme totalement déséquilibrée.

      1. Ben justement, je ne suis pas sur que des solutions politiquement acceptables existent…
        Que proposeriez-vous? Selon ma compréhension (peut-être erronée) la différence entre le compromis initial et la version finale du parlement concerne uniquement les compensations n’est-ce pas? Ou peut être ais-je raté une information?

        1. Le compromis des partenaires sociaux permettait d’assurer le niveau des rentes pour toutes et tous et d’améliorer les rentes des personnes travaillant à temps partiel grâce à l’introduction d’un mécanisme de répartition. C’était une solution politique valable, discutée entre les syndicats et l’Union patronale Suisse. La majorité bourgeoise du Parlement n’a pas voulu en entendre parler et a décidé d’un projet de démantèlement avec une hausse des cotisations et une baisse des rentes. Leur “solution” ne profite au bout du compte qu’au lobby des banques et des assurances. Nous n’en voulons pas.

          1. Merci de vos explications.
            C’est le problème d’une réforme qui ramène de la répartition dans le 2ème pilier, ceux à qui profite le système actuel n’en veulent pas car ils craignent un précédent qui ouvrirait une faille et pourrait faire jurisprudence pour d’autres mesures sociales.
            Comme toujours, ils ont l’argent (et donc le parlement) avec eux et nous verrons toute la puissance et la force de frappe des lobbies lors de votations populaires… vive la démocratie des moutons…

            Bonne chance pour votre combat, il est noble. Malheureusement, comme beaucoup de combats nobles, il semble être perdu d’avance aussi longtemps que nous ne faisons pas le ménage dans nos institutions.

          2. Ce n’est pas seulement un combat noble, c’est un combat nécessaire et un combat qui en vaut la peine. Celui qui se bat peut perdre, celui qui ne se bat pas a déjà perdu.

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