La campagne de désinformation du lobby pro-pesticides de synthèse

Sur fond d’élections américaines, de crise sanitaire et économique et d’urgence climatique, sévit depuis plusieurs semaines déjà une campagne acharnée de désinformation au sujet des pesticides de synthèse. Alors que nous voterons en juin prochain sur deux initiatives populaires qui visent à une sortie programmée de leur usage, le lobby concerné met déjà toute son énergie à brouiller les pistes, confondre les esprits et distiller le doute. Nous assistons à une stratégie déjà bien rodée par l’industrie du tabac ou du pétrole. Il s’agit de diffuser un maximum de mensonges, tout en traitant ceux qui osent affirmer le contraire de menteurs. Dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique, nous avons ainsi perdu de précieuses années avant qu’enfin les évidences scientifiques prennent le dessus, et encore cela est loin d’être réalisé partout. Allons-nous répéter le même scénario avec la pollution chimique due à la dissémination des pesticides de synthèse dans notre environnement et nos corps ? Allons-nous cumuler les impacts de cette pollution permanente silencieuse sur la biodiversité et la santé publique aux effets des crises déjà bien visibles du COVID et du climat ?

Ces derniers temps, nous avons pu constater l’effort de désinformation et de manipulation dont use l’industrie des pesticides à travers l’exemple précis du Gaucho : un insecticide néonicotinoïde à base d’imidaclopride suspendu en 2018, suite à un moratoire partiel de 6 ans, en raison de son impact sur les colonies d’abeilles et au sujet duquel pourtant les betteraviers font pression sur le gouvernement pour en obtenir la ré-homologation d’urgence au prétexte d’une diminution de la production.

Quand les menteurs se targuent de détenir la vérité

Suite aux pressions du lobby du sucre, Apisuisse, l’association des apiculteurs suisses a réagi rappelant la toxicité de l’imidaclopride sur les abeilles et préconisant de rechercher d’autres solutions pour venir en aide aux betteraviers, tout en relativisant les pertes évoquées par ces derniers, contradictoires avec les propres chiffres publiés par la branche. Un article de Francis Saucy, président de la Société Romande d’apiculture donne le détail de cette première manipulation des chiffres et des faits en ce qui concerne la productivité des betteraves:

La supercherie ayant été démasquée, on aurait pu s’attendre à ce que Sucre suisse rectifie les choses, au lieu de cela les apiculteurs ont été accusés sur le site de Swiss-food.ch de répandre des « fausses nouvelles » et se sont vus attribués 3 « Pinocchios ». Selon les auteurs inconnus de ce texte : « La discussion sur les produits phytopharmaceutiques nécessite un peu moins d’imagination florissante et plus de fidélité aux faits ». Cela est reproché tant à Bio Suisse qu’aux apiculteurs. Selon cette communication : « La protection des végétaux est largement évoquée dans les médias. Tout n’est pas vrai. Parfois, les faits se mélangent. Il arrive même parfois que de fausses nouvelles soient diffusées massivement. Nous signalons les déclarations et les représentations problématiques dans notre revue de presse. Nous distribuons également les Pinocchios. Les Pinocchios indiquent un conflit avec les faits. Selon la force du conflit, il y a un à trois Pinocchios. » Mais sur quelles bases ce « système d’évaluation », qui se targe de distinguer les fausses des vraies « nouvelles » est-il construit ? Qui gère cette communication ? Qui se cache derrière Swiss-food.ch ?

Qui est Swiss-food ?

Swiss-food se définit comme « l’industrie de la recherche qui assure une production régionale ». Il s’agit en réalité d’une plateforme de communication reliée à Scienceindustries.ch, qui regroupe les industries de la chimie, du pétrole, de la pharma, et de l’agroalimentaire, tels que Dow Europe, DSM Nutritional Products AG, EuroChem Group AG, Future Health Pharma, Lonza AG, Nestlé SA, Novartis International AG,  Sandoz, Sanofi-aventis suisse AG, Selectchemie AG, Sika AG, Société Suisse des explosifs, etc. Parmi elles la holding EMS chimie dont la conseillère nationale Magdalena Martullo-Blocher est directrice. Elle est également membre du comité de Scienceindustries suisse. Au sein de ce conglomérat géant, le groupe Agrar se distingue. On y retrouve toutes les grandes firmes mondiales et suisses productrices de pesticides de synthèse (qui se définissent elles-mêmes comme les spécialistes du domaine de la protection des plantes…) : BASF, BAYER (qui a englobé depuis 2018 Monsanto), Leu+Gygax, Omya Suisse Agro et bien sûr Syngenta.

Leur message principal est grosso modo qu’il ne serait pas possible de nourrir les Suisses sans leurs produits. Il s’agit du même slogan utilisé depuis ses débuts par l’agroindustrie à l’échelle mondiale. Monsanto, sur fond de champ de céréales à perte de vue et de coucher de soleil, écrivait déjà sur son site dans les années 2000: « We feed the World ». Le même laïus est appliqué à l’échelle du pays. Pour justifier ces affirmations, il devient nécessaire pour cette industrie de discréditer l’agriculture biologique, qui, toujours selon le site Swiss-food.ch, non contente de représenter une menace pour notre sécurité alimentaire, serait « mauvaise pour le climat » !!! Alors là on croit tomber sur la tête, surtout quand on est climatologue ! Manifestement, ces individus font fi du dernier rapport de l’IPCC sur les sols (2019) qui préconise explicitement d’adopter au plus vite des modes de cultures respectueux afin de lutter contre leur dégradation. Celle-ci est directement liée aux destructions affligées par les épandages systématiques depuis des décennies de molécules qui tuent les micro-organismes des sols. Cela entraîne une baisse de la fertilité, de la résilience aux sécheresses et aux inondations, donc aux effets du réchauffement climatique, ainsi qu’une baisse de la capacité des sols à stocker le carbone ! Autrement dit, lutte pour le climat et lutte pour la biodiversité, même combat ! Cela passe nécessairement par une réduction drastique de l’usage de ces substances. Qu’à cela ne tienne pour Swiss-food and Co, inversons carrément le message du panel international d’experts du climat ! Pour se faire, ces maîtres de la manipulation arguent de se référer à « deux études scientifiques » alors que le rapport de l’IPCC intègre 7000 références.

Quand le mensonge est édifié en vérité

Ces procédés relèvent de la « communication perverse ». Elle est d’abord faite de fausses vérités, que l’on retourne contre l’adversaire. Par la suite, dans le conflit ouvert, elle fait un recours manifeste, sans honte, au mensonge le plus grossier. Ce processus est bien décrit par le psychiatre Olivier Labouret (1) et nous avons tous pu en apprécier l’application ultime à échelle gouvernementale et internationale avec l’ascension au pouvoir de personnages totalement exempts d’empathie, de scrupules ou de moralité tels que Trump et Bolsonaro.

A l’échelle individuelle, les psychiatres et psychologues connaissent bien les caractéristiques de ces personnages, ce sont les pervers-narcissiques. Ils créent autour d’eux une confusion permanente entre la vérité et le mensonge qui plonge leurs victimes dans le trouble et le doute.  Vérité ou mensonge, cela importe peu pour les pervers : ce qui est vrai est ce qu’ils disent dans l’instant. Le mensonge correspond simplement à un besoin d’ignorer ce qui va à l’encontre de son intérêt narcissique (2). Ainsi le pervers narcissique ne s’intéresse pas à la réalité, mais au pur jeu du langage. Ce refus du réel se dénomme « déni ». Seul compte son désir, dans l’instant.

Identifié au sujet d’un individu, ce comportement est clairement qualifié de pathogène. Il n’en va malheureusement pas de même lorsqu’il est prôné à l’échelle collective et sociétale, associé à la culture capitaliste du consumérisme. Plusieurs auteurs ont dénoncé la signification d’une telle dérive et les risques qu’elle comporte pour la démocratie et le respect de l’environnement (3) On parle de système de prédation, dans lequel la roublardise, la capacité à embobiner autrui est valorisée si elle aboutit à accroître son pouvoir et surtout à s’enrichir. Le célèbre historien Yuval Noah Harari parle même de « religion de l’argent »(4). Dans un tel système, la conscience se désagrège ; comme le mensonge remplace la vérité, le mal devient le bien. Ce processus psychosocial génère une confusion de masse. La réalité est effacée. Dans de telles conditions, comment faire reconnaître à ces « maîtres du monde » les limites planétaires?

L’industrie du mensonge

Swiss-food est manifestement l’outil de relais d’opinion sur internet d’Agrar, voir plus globalement de Scienceindustries Suisse. Il semble construit exclusivement pour répondre à un besoin spécifique de la branche : convaincre l’opinion publique de ne pas voter pour la sortie programmée des pesticides de synthèse. Il s’agit dans le jargon des agences d’affaires publiques d’une « communication de crise », qui, avec la valorisation du capital, la manipulation de l’opinion et l’acceptabilité du risque par cette même opinion constituent tout le savoir-faire de ces spécialistes de la communication et de la psyché humaine (la psychologie du subconscient est au cœur du développement de la propagande ou publicité). En ce qui concerne le risque, rappelons-en la définition : « probabilité d’exposition à un danger, à un événement (maladie, décès, accident) pendant un intervalle de temps défini ». La manipulation de l’opinion aura donc pour objectif de lui faire totalement oublier le risque qu’elle que soit son importance.

Ainsi de la dangerosité de l’introduction du plomb dans l’essence qui a été « comme effacée des mémoires » des populations comme des gouvernements depuis les années vingt et pendant plusieurs décennies alors que la toxicité du plomb était bien connue. Marie-Monique Robin relate dans les détails les malversations de Dupont, Exxon Mobil et General Motors dans le processus de mise sur le marché de l’essence au plomb: « …ce qui se joue en ce mois d’octobre 1924 est capital : c’est la première fois que des industriels qui représentent trois secteurs clés de l’économie – la chimie, le pétrole et l’automobile – unissent leurs efforts pour mener un programme de désinformation systématique, destinés à « embrouiller » les politiques, le presse et les consommateurs, et à museler la recherche indépendante. Le modèle qu’ils vont élaborer servira bientôt à tous les vendeurs de poisons, avec en tête les fabricants de pesticides, d’additifs et de plastiques alimentaires, tous membre in fine de la même famille»(5).

Championne de la distorsion entre la vérité et le mensonge, l’industrie du tabac qui a réussi à faire croire en l’innocuité de ses produits pendant des décennies malgré les évidences médicales, est à l’origine du terme « Junk science » (science poubelle) qu’elle, comble du cynisme, a adopté pour discréditer les recherches scientifiques qui tentaient de rétablir la vérité. En 1992, l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) publia un rapport proposant de classer le tabagisme passif comme « cancérigène pour les humains ». Le 17 janvier 1993 Ellen Merlo, vice-président de Philip Morris, écrit à son président William Campbell: « Notre objectif numéro un est de discréditer le rapport de l’EPA et d’obtenir de l’agence qu’elle adopte une norme pour l’évaluation toxicologique de tous les produits. Parallèlement, notre but est d’empêcher les États, les villes et les entreprises d’interdire le tabac dans les lieux publics ». Sa réponse : « (il s’agit de)..former des coalitions locales pour nous aider à éduquer les médias et plus généralement le public sur les dangers de la Junk science en les mettant en garde contre des mesures règlementaires prises sans estimer au préalable leurs coûts économiques et humains »(6)… ça ne vous sonne pas familier en ces temps de pandémie ?…N’entendez-vous pas encore Trump crier à la « Junk science » en parlant du COVID alors que des fosses communes étaient creusées? Ou encore hurler « Fake news » aux médias alors que lui-même encourage les réseaux complotistes les plus délirants…

En 1995 Rampton et Stauber dénonçaient les activités aux USA de l’industrie des relations publiques, renommée « Industrie du mensonge ». Depuis, celle-ci a conquis l’Europe et la Suisse. Ces sociétés se sont spécialisées dans la fabrication du consentement, de la désinformation, de l’instrumentalisation de la science et de la création du doute. Ses clients historiques sont l’industrie du tabac, du nucléaire, de la pétrochimie, etc. Les méthodes oscillent de méthodes musclées tels l’espionnage des militants, la discréditation de scientifiques en passant par la corruption ou l’intimidation de fonctionnaires à la douce persuasion et manipulation des foules. « Les années 2000 ont été le décor du lobbying de ces “marchands de doute” et de leurs études sponsorisées dissimulant les dangers de leur chimie, de leurs sodas, de leurs gaz à effet de serre. Mais elles furent aussi, sans nul doute, celles du grand dévoilement. »(7). Depuis 2017, avec la révélation des « Monsanto papers » et le scandale du glyphosate, nous savons à quoi nous en tenir:  la firme est allée jusqu’à faire signer par des scientifiques, contre rémunération, des textes rédigés par ses propres employés. Cette pratique, aussi appelée ghostwriting, constitue une grave fraude. Elle implique également de puissants conflits d’intérêts entre l’industrie et les institutions scientifiques. Le Monde donne l’exemple d’un biologiste américain associé à la Hoover Institution, think tank sis à la prestigieuse université Stanford, qui signe plusieurs fois par mois des tribunes dans la presse américaine. Ainsi du New York Times qui ouvre ses colonnes aux harangues contre l’agriculture biologique et à l’apologie des OGM et des pesticides.

Plus près de nous, Arcinfo a publié ce 11 novembre, un véritable playdoyer pour les pesticides directement « parrainé » par la Chambre neuchâteloise d’agriculture et de viticulture. Cette pratique est malheureusement de plus en plus courante alors que les médias sont aux abois confrontés aux baisses de recettes publicitaires et les universités, toujours à la recherche de financement, à la merci des intérêts particuliers. Ainsi, manifestement, fournir des infos toutes prêtes aux journalistes et entretenir un pool « d’experts » prêts à intervenir auprès des médias sont devenues des méthodes courantes de désinformation et de manipulation de l’opinion également de ce côté-ci de l’Atlantique.

Et les producteurs ?

Au sein de la campagne de désinformation concernant les pesticides de synthèse que deviennent ceux qui sont en première ligne, les agriculteurs ? Alors que notre pays ne dispose même pas d’études épidémiologiques les concernant, celles qui ont été réalisées dans les pays voisins font état d’une surreprésentation de maladies graves comme le cancer de la vessie ou la maladie de Parkinson précoce. On assiste tant au sujet de la toxicité de ces substances pour les utilisateurs qu’au sujet de la pollution des eaux souterraines à une forme de déni dans ce milieu professionnel. En effet, comment supporter une telle réalité ?

Face à cette situation, quelle est la position de l’Union suisse des paysans (USP)? Prend-elle les bonnes décisions pour protéger ses membres face aux risques réels que représente l’exposition directe et régulière à ses substances même en respectant les mesures de sécurité (masque, gants, etc.) ? Défend-elle ses membres engagés dans la production biologique face aux diffamations de l’industrie ? Encourage-t-elle les « conventionnels » à se convertir dans la production biologique qui leur offre une bien meilleure condition de vie, de meilleurs prix et la garantie du soutien des consommateurs ? Non, bien au contraire, l’USP est la principale commanditaire d’une « étude» qui vise à dénigrer l’agriculture biologique. Pourtant, en y regardant de plus près, cette analyse très simpliste et sans fondement agronomique sérieux ne risque que de nuire à son auteur et à la prestigieuse Université de St-Gall qui voit sa réputation ternie. Francis Egger, fin stratège et vice-directeur de l’USP, a annoncé la couleur dans l’Agri du 5 novembre dernier : « Nous cherchons davantage de moyens pour contrer ces mouvements », tout en déplorant que la population se souvienne encore des résultats des analyses de l’eau potable du rapport de l’Office fédéral de l’environnement de l’été passé, l’USP prend clairement position en faveur de l’agroindustrie, grande pourvoyeuse de moyens financiers…Mais, il s’agit encore une fois d’évacuer la réalité, celle du risque pour la santé publique et pour la biodiversité de ces substances, en focalisant uniquement sur la productivité. Ainsi, il recommande à ses membres de « défendre leur métier » : « N’ayez pas de complexe à défendre votre métier, à montrer clairement les conséquences que les initiatives auront sur votre revenu et sur les rendements agricoles ». Message parfaitement reçu par les betteraviers semble-t-il, et tant pis pour les abeilles ! Ne nous y trompons pas, l’offensive pour la ré-homologation de l’imidaclopride fera office de test dans ce qui n’est que le début d’une guerre idéologique impitoyable !

Évidences scientifiques

Puisque nous sommes face à une stratégie bien rodée de manipulation des faits et de déni, soit d’évacuation du réel, il me reste à rappeler ce que Swiss-food et ses commanditaires s’évertuent à nous faire oublier ou minimiser la réalité de l’omniprésence de leurs molécules artificielles dans notre environnement et désormais dans nos corps comme les analyses existantes de sang, d’urine ou de cheveux le démontrent. Quels sont les risques REELS pour notre santé et pour le vivant en général de la dissémination de ces produits toxiques que leurs créateurs souhaitent tant pouvoir continuer à vendre ici et ailleurs dans un mépris total des conséquences ?

La pollution chimique des sols, de l’eau, de l’air et des organismes vivants par des milliers de molécules de synthèse issues de l’industrie constitue l’une des principales causes du déclin de la biodiversité (8) et se répercute gravement sur la santé humaine. Elle constitue l’une des neuf limites planétaires et une menace tout aussi grave que le réchauffement climatique. Parmi ces molécules, la catégorie des pesticides de synthèse est particulièrement problématique, non seulement en raison de leur diffusion à large échelle partout dans le monde depuis les années 50, mais également en raison de leur toxicité. N’oublions jamais que ces substances ont été élaborées spécifiquement pour leur effet nocif, mortel et/ou perturbateur d’organismes vivants, qu’il s’agisse de plantes, de champignons ou d’animaux. En outre, de par leur structure artificielle, elle se distinguent par une persistance dans l’environnement. Ces molécules de synthèse sont résistantes aux dégradations biologiques naturelles, elles subsisteront plusieurs années ou dizaines d’année sous leur forme originelle ou se subdiviseront en métabolites, leurs produits de dégradation qui sont souvent plus mobiles et plus persistants que leur substance mère (ex : l’AMPA pour le glyphosate). Substances mères et/ou métabolites s’accumulant dans les écosystèmes, ils ne sont pas biodégradables ; les formules les plus résistantes peuvent rester intactes pendant de très longues périodes, de plusieurs dizaines, centaines ou même milliers d’années. Ils sont capables de contaminer ainsi à large échelle l’environnement et peuvent être transportés à longue distance dans l’air. De par leur résistance et les processus naturels (infiltration, ruissellement, etc.), ces molécules contaminent les sols et l’eau, y-compris nos réserves d’eau potable, comme l’a clairement démontré le rapport de l’Office fédéral de l’environnement.

Non seulement ces substances saturent notre environnement, mais elles ont également la capacité de s’accumuler au sein même des organismes vivants, on parle de bioaccumulation. Elles vont se concentrer dans les corps des espèces en tête de la chaîne alimentaire (poissons carnivores, mammifères marins, oiseaux de proie et évidemment êtres humains). Nous appelons ce processus bioamplification.

Le déclin des insectes et des oiseaux semble être directement lié à l’intensification de l’agriculture et à l’usage des pesticides de synthèse. Chaque pesticide de synthèse autorisé présente un risque spécifique, des centaines de molécules différentes s’accumulent ensemble dans notre environnement et nos organismes, c’est l’effet cocktail. De plus, les réglementations reposent sur le principe de « c’est la dose qui fait le poisson », alors que l’on sait depuis 20 ans au moins que les perturbateurs endocriniens agissent à des doses infinitésimales et que le moment de l’exposition est déterminant, en particulier pendant la vie fœtale. Enfin, l’exposition chronique à long terme à laquelle la biodiversité et la population est confrontée n’est pas prise en compte par le système de régulation. Face à cette contamination généralisée, on essaye de nous faire croire que le risque global est sous contrôle, alors que, par exemple, l’exposition par voie aérienne n’est même pas prise en compte par le gouvernement.

En ce qui concerne le cas particulier des néonicotinoïdes, 1200 études scientifiques indépendantes en démontrent l’impact sur l’environnement, en particulier sur les insectes pollinisateurs bien sûr, plus récemment on vient de comprendre leur impact également sur les milieux aquatiques. L’Office fédéral de l’agriculture a retiré l’homologation de trois d’entre eux seulement en 2018, soit 14 ans après l’interpellation du conseiller national Fernand Cuche qui demandait déjà l’interdiction du Gaucho au nom du principe de précaution!

Épilogue

La ré-homologation du Gaucho vient d’être refusée par l’Office fédéral de l’agriculture, ce dont nous aurions pu nous réjouir si ce refus ne s’accompagnait d’une nouvelle autorisation de deux autres pesticides de synthèse pour le traitement des betteraves. L’un est également un néonicotinoïde, donc potentiellement tout aussi toxique que la substance qu’il vient remplacer ! L’autre appartient à une nouvelle famille de pesticides de synthèse, les kétoénoles, qui présentent d’autres risques pour les insectes pollinisateurs en perturbant la biosynthèse des lipides, et au sujet desquels nous ne disposons pas suffisamment d’études indépendantes. Celles dont nous disposons indiquent déjà des effets perturbateurs endocrinients préoccupants. Une fois de plus, le principe de précaution n’est pas appliqué!

(1) Au chapitre « La mondialisation de la perversion narcissique » de son ouvrage « Le nouvel ordre psychiatrique » (2012)

(2) Marie-France Hirogoyen, “Le Harcèlement Moral”, page 94

(3) S.Rampton & J.Stauber, L’industrie du mensonge. Relations publiques, lobbying & démocratie, Agone, coll. « Eléments », 2012

(4) Yuval Noah Harari, « Le credo capitaliste » in Sapiens, 2015, pp.357-384

(5) Marie-Monique Robin, Notre poison quotidien ; la responsabilité de l’industrie chimique dans l’épidémie des maladies chroniques, Ed. La Découverte, 2011,2013, p. 147

(6) Ibid, p. 159

(7) Foucart, Horel et Laurens, Les gardiens de la raison : Enquête sur la désinformation scientifique, Ed. La découverte, 2020.

(8) Sanchez-Bayo F & Wyckhuys KAG, Biological Conservation 232: 8-27, 2019

 

 

 

Valentine Python

Docteure EPFL, climatologue et géographe, Valentine Python s’investit dans l’éducation à l’environnement. Consultante scientifique, elle transmet les connaissances nécessaires pour comprendre le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité. Conseillère nationale depuis 2019, elle s’applique à créer des passerelles entre Science et Politique.

31 réponses à “La campagne de désinformation du lobby pro-pesticides de synthèse

  1. Au vu des mensonges répandus dans l’actuelle future votation, d’une brochure “fédérale” partisane double anti, à ce qu l’on peut lire ou entendre, l’on peut se demander ce que notre Parlement (et nos CF) a encore à envier au plus mondialisé des pervers narcissiques.

    Si on voit d’ailleurs le nombre de séries et autres documentaires consacrés de WWI à WWII, en passant par l’entre-deux guerres, jusqu’au trente glorieuses et connaissant l’instant prémonitoire des créatifs, ça fait froid dans le dos.

    Le malade outre-Atlantique est capable de mettre le feu aux poudres pour faire croire qu’il avait raison!

    Win-Win, la guerre est un grand business;
    Réduire la population mondiale permettrait de continuer à se remplir les poches sans effort 🙂

    1. P.S. et last but not least, la guerre permettrait d’effacer (en tous cas pour certains) les dettes colossales, sous lesquelles le monde croule et ce n’est pas fini, puisque le (la Covid) n’a pas fini de l’empoisonner (et sans être complotiste, mais?).

  2. Félicitations pour cette prise de position éclairée. On constate une fois de plus que des offices fédéraux se soumettent aux exigences de ce marché devenu néolibéral qui a complètement dénaturé le marché libéral d’origine. Cela a été évidemment bien dommageable pour notre environnement. On l’avait bien compris, le pouvoir financier et multinational de ces divers organismes déviants et cyniques veille encore au grain, mais péniblement vu leurs besoins impérieux de recourir aux manipulations et aux mensonges.
    C’est à notre démocratie et à ses élus de prendre sans concessions le relais pour une remise au pas de ces organismes prédateurs et prétentieux, afin de sauver notre environnement. Et l’avenir de mes enfants et petits enfants.

  3. Madame, des personnes telles que vous rendent ces blogs précieux. Sans vouloir sombrer dans le complotisme absolu, nous vivons une période où la vérité est si malmenée qu’il devient parfois difficile de savoir si elle vit encore. Derrière un mince paravent, des lobbies s’agitent sans que la notion d’intérêt général ne parvienne plus à les atteindre.
    La situation devenant toujours plus précaire, la société civil de plus en plus éduquée supporte de moins en moins cette dérive.

    1. je suis absolument d’accord document très précieux car cela est un travail de longue halaine et complet, je l’imprime papier afin de le conserver.

  4. Nos sociétés me font de plus en plus penser à ce qui était montré dans le film de Terry Gilliam : Brazil.

  5. Chère Madame Python, je trouve vraiment pertinent votre article. Il y a peu d’article comme le votre dans les journaux censés nous informer. MERCI !
    Je constate que nos politiciens n’écrivent habituellement pas des textes aussi engagés!
    Faites en sorte qu’il soit publié dans nos journaux et surtout en Suisse Allemande ou les lobbyistes pourrissent le débat démocratique avec des fake news et compromettent nos institutions.

  6. Super article !
    Dans le LAVAUX, des dizaines de personnes souffrent de l’épandage sauvage des hélicoptère, à moins de 15 m des maisons, des écoles, des chemins, directement sur des gens et même sur des zones de foret ou des rivières !
    Pourquoi le lobby des vignerons continuent de dire que ce n’est que du BIO qui est épandu ? C’est Faux, du sulfate de cuivre, des phosphonate de potasium de bicarbonate de potassium, de souffre et encore plein d’autre produits sont déversé en énorme quantité!
    Les service de l’environnement du canton de Vaud, l’OFAG sont parfaitement au courant mais ne font rien ! Pourquoi ?
    Car comme vous le dites trés bien, Leu+Gygax, Omya Suisse Agro et bien sûr Syngenta travaille avec les politiciens lors de chaque vote du parlement !
    Et comme tout travail mérite salaire … Sur “parlement.ch vous pourrez facilement voir quels sont les politiciens qui participent à ce scandale sanitaire et écologique.
    Sur le Lavaux c’est un écocide caractérisé !

    1. Bonjour Martin,
      En effet, il n’y a pas de garantie que les traitements diffusés par hélicoptère ne soient que des traitements autorisés en bio; à l’heure actuelle, il n’y a que 2 hélicos qui ont un programme de traitement 100% bio, à Chamoson et à Martigny. Attention cependant dans la liste que vous donnez: le soufre, le sulfate de cuivre et le bicarbonate de potassium sont justement autorisés en bio. (ce ne sont pas des pesticides de synthèse). Seul le phosphonate de potassium (nom commercial Stamina) ne l’est pas.
      Dans tous les cas, les mesures et l’observation des pratiques démontrent qu’il y a bien un problème récurrent de dérives et de non-respect de l’ordonnance “Epandage par aéronef de produits phytosanitaires, de biocides et d’engrais”.

    2. Le sulfate de cuivre est certes un produit utilisé dans l’agriculture bio car il n’est pas d’origine synthétique et donc répond à la définition légale de la production bio.
      Malheureusement, le sulfate de cuivre est un produit irritant pour l’homme et toxique en exposition chronique (foie, sang), et avec un certain danger pour l’environnement (poissons).
      A la fin, il faut examiner les alternatives pour les vignerons. Alternatives qui peuvent être pires !

  7. Cette focalisation sur les « pesticides de synthèse » est irrationnelle et anti-scientifique, sachant que le côté « de synthèse » n’implique aucune caractéristique chimique ou biologique particulière. On peut produire des saloperies de synthèse, mais aussi des produits de synthèse fort utiles – des médicaments, par exemple.

    À l’inverse, le côté « naturel » (terme par ailleurs peu scientifique) d’une substance n’est pas un gage d’innocuité. Bref, il faudrait s’intéresser aux effets secondaires de *tous* les pesticides. Mais là, en plus du lobby « chimique », on se taperait le lobby « bio ».

    Bref, « créer des passerelles entre Science et Politique » est louable, encore faut-il que cela ne revienne pas à instrumentaliser la science pour un combat politique.

    1. C’est sûr que ce n’est pas parce qu’une molécule est inventée par l’homme qu’elle est mauvaise. Mais ce qui nous intéresse ici ce ne sont pas les médicaments bien sûr (c’est hors sujet) mais les pesticides.

      Et pour cette catégorie de molécules depuis un siècle les chimistes n’ont fait que chercher à inventer et produire les molécules les plus toxiques possibles, en s’inspirant parfois des molécules produites par les plantes pour se protéger des insectes (nicotine, pyrethre) et le modifiant en ajoutant des atomes de chlore, de fluor ou de soufre le plus souvent ce qui les rends plus toxiques et par là même plus résistants à la dégradation biologique donc leur conférant une grande rémanence dans l’environnement et la capacité de bioaccumulation le long des chaînes alimentaires.

      Les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui (déclin de la biodiversité, problèmes de santé publique) sont essentiellement le fait de notre mode de vie destructeur de la nature. Si ces modifications sont multiples certaines sont beaucoup plus difficiles que d’autres à changer/améliorer. Les pesticides de synthèse sont à la fois une des causes majeure du déclin de la biodiversité et une cause contre laquelle on peut faire quelque chose à court terme, contrairement au réchauffement climatique ou la destruction des écosystèmes par exemple. C’est donc pertinent d’agir sur ce levier-là en priorité.

      Il existe bien sûr des molécules naturelles très toxiques (souvent produites par des bactéries ou champignons, entre autres pour lutter les uns contre les autres pour éviter que l’espèce concurrente ne profite des molécules organiques qu’elle rendent accessibles en produisant des enzymes extracellulaires n’étant pas capables d’ingérer leur nourriture pour la digérer dans leur cellules contrairement aux amibes par exemples qui comme vous le voyez ne se contentent pas d’être belles !), (citation Prof.Ed.Mitchell)

    2. Bravo à Antoine de mettre en avant le concept de “produit de synthèse”. Il est effectivement juste que le mode de fabrication est une question différente de la structure qui peut être identique ou nouvelle inventée par l’homme. Ainsi on peut avoir des molécules de synthèse qui sont “identiques” à celles naturelles. Peut-être l’exemple le plus fameux est la vanilline, l’arôme de la vanille qui peut être d’origine synthétique ou naturelle.
      Mais la problématique soulignée par Valentine est celle des produits phytosanitaires qui sont basés sur des molécules de structure nouvelle (et donc des propriétés nouvelles). La persistance plus ou moins longue de ces produits dans l’environnement et non pas le mode de synthèse est la vraie problématique. A l’opposé, une molécule de structure inventée par l’homme rapidement et totalement biodégradable aura un effet et donc un risque circonscrit dans le temps et l’espace. Aux chimistes de proposer des produits entièrement biodégradables !

  8. Valentine,
    Très bonne tribune qui embrasse bien la problématique des pesticides.
    La manipulation est toujours la même : évoquer la science en permanence selon les préceptes que John Hill du cabinet Hill et Knowlton à mis au point pour l’industrie cigarettière à partir de…1953. Ils la pousse jusqu’à la caricature : quand c’est pas la science for better life de Bayer pour sa cropscience, l’ AgriScience de Corteva, la science-based agtech company de Syngenta, voir la Dow AgroScience, on retrouve la version suisse de la Scienceindustrie. En fait, il ne s’agit que de poisoning science. Tout le reste est à l’avenant. La politique basée sur les “faits”, les “fausses nouvelles” propagées par les détracteurs des innovations agricoles, la notion de risque vs danger (directement issu des campagnes de manipulations de Monsanto pour le glyphosate), le chantage “sans produits phytopharmaceutiques pour la protection des végétaux vous n’aurez rien à manger” (ah oui chez eux on ne parle pas de pesticide ça fait trop british), l’instrumentalisation des agriculteurs pour porter leur message, le dénigrement de l’agriculture biologique, les études d’impact réalisées avec les méthodologies qu’ils ont eux même développées il y a 25 ans quand ils se sont aperçu que la réglementation était complètement inadaptée et qu’un jour la question de l’utilité réelle de leurs saloperies serait sur la table.
    Ce jour est arrivé.
    Vous êtes forts. Ils sont faibles. Ils le savent parce qu’ils se sont déjà pris les pieds dans le tapis aux Etats-Unis et en France où la justice même très (très) ralentie est en marche…
    Votre combat est essentiel pour nous tous.
    Bon courage!

  9. Merci Valentine Python pour ce magnifique travail autour des pesticides de synthèse. Je rêve de pouvoir trouver un même travail de cette qualité pour cette problématique dans le domaine des ondes électromagnétiques et le déploiement de la 5G.

  10. Merci pour ce post qui entre en profondeur sur les campagnes de lobbying de l’agrochimie. Il y a des exemples patents. Toutefois, votre post a de sérieuses limites aux yeux de médecin-scientifique que je suis:
    – la plus gênante est celle de démoniser son adversaire avec vos propos tels “Ces procédés relèvent de la « communication perverse »” ou “les psychiatres et psychologues connaissent bien les caractéristiques de ces personnages, ce sont les pervers-narcissiques”. Démoniser son adversaire ne fait pas avancer une analyse des faits et finalement n’est pas à la hauteur de votre propos intéressant.
    – parler de “doses infinitésimales” à cause de l’effet coktail est trompeur pour un public général. En toxicologie comme en pharmacologie, les combinaisons peuvent induire des effets réduits, augmentés (additifs ou synergiques) ou inchangés. Faire croire que l’effet dose-réponse lors de combinaison de produits chimiques n’existe plus revient presque à faire croire à la mémoire de l’eau ou l’homéopathie dans des études d’environnement.
    – présenter les risques augmentés de cancer de la vessie chez les agriculteurs est très bien et à propos mais il faut une mise en contexte de la gravité du risque et du risque général. Selon l’étude de cohorte “AGRIculture and CANcer cohort” on trouve presque un risque augmenté de 2x de cancer de la vessie, un effet clair mais pas au niveau du risque de tabagisme et le cancer du poumon. Des grandes études épidémiologiques en Amérique du Nord suggèrent un taux de cancer général plus bas que le reste de la population avec toutefois des cancers spécifiques augmentés possiblement liés à leur travail. Ces données épidémioligiques ne soutiennent pas un alarmisme général tel que vous semblez promouvoir.

    1. Bonjour,

      En réponse à votre deuxième point, je rappelle que les opposants à une sortie programmée des pesticides utilisent exactement l’image de l’homéopathie pour prétendre que les affirmations des initiants sont infondées. Or, selon le prof. biologiste Edward Mitchell, 0.1 ng/g de néonicotinoides, qui est la plus faible dose pour laquelle un effet négatif a été démontré sur l’abeille correspond à une pièce de 5 centimes dans 10km de train ICN ou 1.7x la masse de la tour Eiffel. Or a cette concentration effectivement infime on a 230 millions de molécule dans le cerveau d’une abeille !

      1. Bonsoir,
        Au lieu de sous-entendre chez moi une culpabilité par association pour avoir évoqué l’homéopathie, il est bien de s’en tenir aux faits.
        Oui vous avez raison que certains néonicotinoides sont très puissants (0.1microgr/kg selon votre source). Peut-être serez-vous heureuse de savoir que certains médicaments oncologiques de dernière génération utilisent des toxines encore plus puissante,telle la Pyrrolobenzodiazepine (PBD) avec un puissance >= 10pg/kg (IC50). Cela n’en fait pas un médicament homéopathique mais un médicament utilisé en combinaison avec le génie génétique qui permet des avancées importantes en médecine.
        La question de mon point 2 n’est pas la puissance d’un pesticite ou un autre. NON, il s’agit de savoir quel est le facteur MULTIPLICATEUR de l’effet cocktail: 0.1x, 0.5x, 1x, 2x, 10x ? A la fin, une combinaison de produits chimiques obéit toujours au principe de la dose-réponse soit “c’est la dose qui fait le poison”. La question responsable est de poser la question du seuil de toxicité du coktail au lieu de tenter de faire croire qu’il n’y aurait pas de seuil. Je vous le concède, ce propos est moins “vendeur”.

  11. Bonjour Valentine,

    Merci pour votre tribune. Lorsque l’invisibilité s’efface restent les maladies : Alzeimer, parkinson et autres cancers. Les principaux touchés sont évidemment les agriculteurs et ensuite leurs riverains.
    Lire ce très instructif reportage sur l’aveuglement collectif et la négation institutionnelle du fléau de la chimie de synthèse.
    https://www.bastamag.net/Parkinson-une-maladie-professionnelle-invisible-causee-par-les-pesticides

  12. Votre blog est plutôt, plus que très précis, mais pourtant, vous gommez un commentaire auquel je réponds, le commentaire et ma réponse???

    Bon, on espère que le nouvel actionnaire du Temps verra les choses d’un autre oeil et qu’il va remettre au pas, ces blogueurs qui se croient tout permis, comme ces commentateurs sous multi-pseudo, d’ailleurs 🙂

  13. Par votre parcours scientifique, j’imagine évidemment que vous aimez aller au fond des sujets avant d’avoir un avis (qui dans le cas présent semble très tranché).
    Or, des gens avec qui j’ai discuté qui connaissent très bien le sujet (un agriculteur et un ingénieur agronome), le cas de la betterave semble être un cas particulier car les abeilles ne sont quasiment pas touchées (raison pour laquelle cette culture a eu une dérogation en France, Allemagne, Belgique alors que les autres ont de suite obtenu un fin de non-recevoir) et votre message semble uniquement parler des NNI de manière très générique, sans prendre en compte les spécificités de la betterave (pas de floraison, pas de culture méllifère suivante, enrobage de semences et non pulvérisation, peu d’irrigation…).
    Aviez-vous vu cet excellent article de fond qui fait un gros travail de vulgarisation sur le sujet précis de la betterave dans le cas français ?
    https://www.futura-sciences.com/alternative/amp/actualite/82678/

    Sans ce genre de nuance, on entre vite dans un débat très caricatural entre les gentils défenseurs des abeilles et les méchants lobbies du pesticide…

    1. Bonjour,
      Jean-Marc Bonmatin, chercheur au Centre de Biophysique Moléculaire à Orléans, vice-Président de la Taskforce (qui regroupe 70 scientifiques de multiples spécialités) sur les pesticides systémiques et chimiste toxicologue spécialiste des neurotoxiques. Il étudie l’impact sur le vivant de substances neurotoxiques employées dans l’agriculture. Spécialiste des neurotoxiques, il dénonce les effets désastreux de l’utilisation systématique des néonicotinoïdes sur les abeilles, l’environnement et la biodiversité. Il travaille sur ces molécules et les preuves catastrophiques sur l’environnement, la biodiversité et la santé humaine depuis 20 ans. 1800 études scientifiques montrent les effets délétères des néonicotinoïde.
      Bizarrement, Bonmatin n’a pas l’avis d’un agronome ou d’un agriculteur.
      Vous pouvez écoutez :
      https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-18-novembre-2020

      1. Bonjour Pauline,
        Merci pour votre commentaire et pour cette référence. Face à cette problématique, ce qui me désole beaucoup, c’est que les agriculteurs se retrouvent trop seuls confrontés à la révolte de la population qui a pris conscience du risque que représente pour leur santé la dissémination de ces substances, alors que nous avons plus que jamais besoin d’eux pour réaliser la transition agricole inévitable qu’implique la sortie programmée des pesticides de synthèse et la lutte contre le réchauffement climatique. Et que la plupart d’entre eux subissent les effets néfastes de l’industrialisation de l’agriculture. Il est selon moi impératif de (re)nouer le dialogue directement, sans intermédiaire. Il y a un énorme enjeu au niveau de la formation de la profession et de la recherche. Parmi les agronomes, comme parmi d’autres disciplines scientifiques, c’est malheureusement souvent les conflits d’intérêts qui déterminent les positions. Mais je ne résiste pas à nommer Marc Dufumier comme un exemple d’agronome engagé et capable de proposer des solutions innovantes.

Les commentaires sont clos.