Pourquoi parler de suicide dans l’espace public ?

Bonjour et bienvenue !

J’aurai le plaisir d’aborder, via cette plateforme, un sujet de santé publique d’importance : le suicide et, en particulier, le suicide des adolescent.e.s et jeunes adultes en Suisse.

 

La tâche n’est pas des plus simples, car la difficulté à communiquer sur le suicide fait partie intégrante de sa problématique. Pour le comprendre et le prévenir, il est donc nécessaire de surmonter ses propres appréhensions et l’interdit culturel et religieux entourant la question; encore faut-il trouver les mots ensuite pour en parler, sans bousculer son interlocuteur ni craindre de semer des idées dans un terreau fragile.

On préférerait sans doute ne jamais soulever ce sujet dans la sphère publique, tant il peut être dérangeant. Au niveau collectif, il suscite un sentiment d’échec : pourquoi voyons-nous autant de jeunes – et moins jeunes – mettre fin à leur vie dans un pays qui compte parmi les plus prospères de la planète ? Au niveau individuel, il fait remonter en nous soit des souvenirs douloureux et coupables, soit des peurs profondes. Dans tous les cas, il réveille notre colère et notre impuissance, rappelant les failles qui nous constituent.

C’est pourquoi il y a près de vingt ans, à Genève, une association fut créée par un groupe de collégien.ne.s. Indigné.e.s face au silence des adultes suite au suicide d’un de leurs camarades de classe, ils décidèrent ensemble que plus jamais le suicide ne serait réduit au silence. Désormais, ce seraient les mots qui sauveraient.

Au niveau collectif, le suicide suscite un sentiment d’échec : pourquoi avons-nous des jeunes – et des moins jeunes – qui mettent fin à leur vie dans un pays qui compte parmi les plus prospères de la planète ?

Aujourd’hui encore, la question du suicide est taboue dans notre société. Et pourtant, elle est fondamentale.

Parce qu’elle est liée à un questionnement universel sur le sens de la vie et de la mort, auquel nos sociétés accordent si peu de place.

Parce qu’elle est en lien avec ce que nous donnons de sens à nos jeunes et à leur avenir; à la transition adolescente et au difficile devenir adulte.

Parce qu’elle met en lumière l’intégration de ceux dont l’identité est en construction, en crise ou perçue comme différente – et qui sont de ce fait plus vulnérables – pour de nombreuses raisons : l’orientation sexuelle, le harcèlement, les maladies psychiques, l’exclusion sociale, la crise migratoire, la détention en milieu carcéral…

Parce qu’elle est aussi relative au vieillissement de la population et à nos aînés qui, se sentant en marge de la société, peinent parfois à comprendre l’utilité de leur existence.

Parce qu’elle interroge notre rapport à nos enfants, à nos proches, à notre entourage; elle nous bouscule dans notre sensibilité à autrui, dans notre perception et notre compréhension de leur parcours.

Parce qu’en termes philosophiques, elle questionne la frontière entre le libre arbitre (de plus en plus revendiqué par certains) et l’impasse de la souffrance subie ou imposée.

La question du suicide est en lien avec ce que nous donnons de sens à nos jeunes et à leur avenir; à la transition adolescente et au difficile devenir adulte.

Elle nous bouscule dans notre propre intériorité, sur les moments de crise et de détresse que chaque être humain rencontre au cours de sa vie, et sur les ressources que chacun peut mobiliser pour y faire face. Ce faisant, elle est l’occasion de rappeler l’importance de la santé mentale et de sa promotion, sans la banaliser ni la dramatiser.

Enfin, elle exige de système politique des réponses sur la prévention; sur les moyens alloués à la détection, à l’accompagnement et à la prise en charge; sur les soins proposés à tout un chacun, à chaque étape de la vie.

 

Au gré de différents articles, je vous proposerai donc de construire ensemble une réflexion sur cette thématique importante et ses multiples facettes, sans la banaliser mais en l’affrontant de façon simple et directe.

Bonne lecture !

Charlotte Frossard, présidente de l’association Stop Suicide

 

3 réponses à “Pourquoi parler de suicide dans l’espace public ?

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