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Une caisse maladie unique et fédérale, c’est pour quand ?

Loyers, assurances, aliments: tout augmente et la guerre en Ukraine a bon dos. Pour l’assurance-maladie obligatoire, que j’avais déjà évoquée dans un précédent article – Assurances-maladie: le Suisse est-il maso? –, elle continue à augmenter, comme chaque année, et comme chaque année, chacun se renvoie la balle pour dire « C’est pas moi, c’est l’autre ».

On ne voit pas bien ce qui pourrait changer dans le proche avenir, à moins de modifier radicalement le système, qui non seulement écrase les assurés mais est devenu hors de prix pour l’État à tous les niveaux.

L’ASSURANCE-MALADIE EST DEVENUE CHÈRE POUR L’ÉTAT

Dans un article paru récemment (le 15 janvier 2023) – Les cantons romands versent 2,8 milliards de subsides maladie à la population – la RTS révélait que les cantons dépensent de plus en plus pour aider les assurés à payer leurs primes maladies et donnait des chiffres et des statistiques cruellement précis:

Les assurés se saignent les veines et les assurances-maladie privées, privilégiées par ce marché privatif – l’assurance maladie est obligatoire en Suisse et on doit s’assurer auprès d’un assureur privé et suisse, donc on ne peut même pas jouer sur une concurrence internationale – continuent à se frotter les mains et à faire des bénéfices stratosphériques et des réserves qui le sont tout autant, ce qui ne les empêche pas de lésiner sur les paiements, voire de les refuser catégoriquement, obligeant certains généralistes, eux-mêmes pris à la gorge, à refuser des patients de certaines assurances, comme ça a été récemment le cas à Neuchâtel (Des médecins neuchâtelois refusent de nouveaux patients affiliés à Assura, 15 octobre 2022, RTS).

Cette assurance-maladie obligatoire entrée en vigueur en 1996 – avant, elle était facultative – avait été prévue au départ pour ne représenter qu’une part supportable d’un budget moyen, et c’est ce qui s’est passé pendant quelques années. Puis les primes ont pris l’ascenseur et on s’est retrouvés avec une augmentation annuelle de primes qui met souvent les assurances en deuxième place dans le budget des familles, juste après le loyer qui, lui aussi, n’arrête pas de monter (et ne parlons pas de l’inflation galopante, et des salaires qui, en valeur réelle, baissent chaque année).

UN SYSTÈME DE SANTÉ DE LUXE ?

Pour compenser ces visions négatives, on continue à nous vendre un système de santé vanté par les assureurs et une majorité de politiciens comme le nec plus ultra de ce qui se fait sur le marché comparé aux autres systèmes de santé européens de type sécurité sociale et couverture universelle à la française ou à l’anglaise, dont on relève les manques (médecins imposés, attentes pour toute opération, surcharge du personnel, coûts faramineux avec les dépassements budgétaires que l’on sait).

Pas de ça chez nous, qu’ils disent. En Suisse on a une médecine de luxe avec (en vrac et en principe) :

La réalité est tout autre: le personnel manque, épuisé par la période covid mais aussi dégoûté depuis longtemps par une gestion du personnel inadaptée et stressante, un manque de personnel chronique que l’immigration ne suffit pas à compenser, des horaires interminables, des conditions de travail épuisantes et des salaires insuffisants. Le peu de considération pour toutes les catégories professionnelles concernées n’arrange pas les choses.

MÉDECINE SUISSE 2.0

Du coup, le délai d’attente s’allonge pour certaines hospitalisations, pour certains traitements coûteux comme pour certaines opérations, qu’on n’est plus sûr de pouvoir obtenir ou se faire rembourser partiellement ou en totalité.

Le choix du médecin est tout relatif, vu le manque chronique de généralistes et de spécialistes, tous surchargés.

Quant aux frais, entre la franchise obligatoire, celles de plus en plus élevées choisies par les assurés modestes pour pouvoir boucler leurs fins de mois, les pourcentages non payés sur les médicaments, les prestations non remboursées par les assurances car pas considérées comme des gestes médicaux – alors qu’elles font partie intrinsèque du traitement qui, on le sait bien, ne consiste pas seulement à traiter mais à soulager et à accompagner – on en arrive à des situations équivalentes à ce qu’on reproche aux systèmes de santé européens, les énormes factures en plus, tant pour les patients que pour les collectivités.

MAIS COMMENT FONT LES AUTRES ?

À côté de ça, l’Autriche – l’autre pays neutre et germanique du continent –  bénéficie d’un système de sécurité sociale universel et généreux apprécié de tous, accessible à tous, sans système de franchise et apparemment ça marche et ça ne ruine pas les finances publiques.

De leur côté, Chypre, l’Espagne et la France – pour cette dernière, certains soins dentaires sont aussi pris en charge – offrent un système de soins universel pour les soins de base (accidents, urgences, vaccination…) pour tout le monde, pauvres, exclus du système et sans-papiers inclus, avec des mutuelles accessibles en option pour compléter la couverture, notamment pour tout ce qui concerne les examens et la prévention.

Alors, en Suisse, à ce stade, et compte tenu des 2,4 millions de personnes qui bénéficient de la réduction individuelle de la prime, et des énormes sommes dépensées par tous les cantons pour soutenir les assurés et par là-même les compagnies d’assurances et leurs bénéfices, est-ce que ça ne reviendrait pas moins cher pour tout le monde, et d’abord pour l’État, de simplement créer une caisse maladie unique et fédérale financée par un petit pourcentage déduit du salaire et peut-être co-financée par l’employeur, au même titre que l’assurance-chômage et que l’AVS, et sur le même principe de solidarité qui a si bien fonctionné pour ces deux assurances sociales ?

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