Discours du 1er août

Discours prononcé le 1er août, à l’occasion de la Fête nationale organisée par la Ville de Genève au Parc La Grange (seul le prononcé fait foi).


Monsieur le Maire de Bienne, cher Erich

Madame la représentante du Laboratoire européen pour la physique des particules, le CERN, chère Madame Warakaulle,

Chers habitantes et habitants de Genève

Chères et chers amis,

– salutations en suisse allemand, en italien et en anglais – 

 

Je suis particulièrement heureux que nous soyons réunis aujourd’hui aussi nombreuses et nombreux pour commémorer ensemble la Fête nationale de la Suisse.

Une fête que la Ville de Genève organise dorénavant chaque année dans ce magnifique Parc La Grange. J’avais choisi ce lieu lors de ma première année comme Maire et je me félicite que cela soit devenu une tradition.

L’appartenance de Genève à ce pays n’est historiquement pas si lointaine, comme nous l’a rappelé la célébration du bicentenaire de notre entrée dans la Confédération il y a 3 ans. Mais notre attachement à la Suisse est certainement plus profond qu’il n’est ancien : une journée comme celle d’aujourd’hui nous donne l’occasion d’y repenser.

Le 1er août est en effet un événement qui nous permet de nous retrouver, avec nos proches, notre famille, nos amis, nos voisins, afin de partager ensemble un moment convivial et de célébrer les valeurs fondatrices de notre pays que sont la liberté, la tolérance, la solidarité, la diversité et l’ouverture au monde.

Genève est depuis toujours un carrefour, une terre d’échanges ; déjà à l’époque de la Réforme, il y a 500 ans, Genève comptait 40% de résidents étrangers. Aujourd’hui, plus de 70% des personnes résidentes disposent d’une nationalité autre que Suisse, si l’on compte les binationaux. C’est considérable. Et cela fait de Genève un Canton et une Ville profondément suisses car la Suisse est elle-même une terre de diversité et de migration.

Tout comme la Ville de Bienne d’ailleurs, que nous accueillons aujourd’hui. 10e ville suisse et la plus grande ville bilingue de notre pays, Bienne partage en effet avec notre cité la réputation d’être une ville ouverte et tolérante, une ville qui a su faire de la mixité de sa population une force.

Bienne qui partage également avec Genève, je tiens à le souligner, une tradition horlogère forte ancrée dans un passé glorieux qui a su se réinventer au fil des siècles pour rester vivante aujourd’hui encore.

J’ai en plus un lien très personnel avec Bienne puisque j’ai le plaisir d’y passer mes examens de maturité.

J’aimerais rappeler ici la devise historique, même si non-officielle, de notre pays : « Unus pro omnibus, omnes pro uno ». Les latinistes auront déjà traduit : « Un pour tous, tous pour un », qu’ont également faite leur les mousquetaires d’Alexandre Dumas.

Au 21ème siècle, alors que les tensions et l’individualisme semblent à leur paroxysme, alors que les défis qui touchent notre planète semblent difficilement gérables, vous conviendrez que cette devise représente un véritable défi mais aussi, plus que jamais, une nécessaire volonté.

Je suis persuadé que c’est en valorisant une démarche de création, d’innovation, de curiosité, de découverte, dans une logique d’inclusion et de respect mutuel, que la Suisse pourra concrétiser son « Unus pro omnibus, omnes pro uno ».

C’est en affirmant une ouverture assumée, confiante, dynamique, que la Suisse saura relever les défis d’aujourd’hui et de demain. Et faire honneur à sa devise. Car la Suisse moderne est bien le fruit de l’ouverture. Fille d’Helvetia plutôt que de Guillaume Tell, la Suisse d’aujourd’hui est née d’une union confiante entre des régions aux langues, aux religions et aux cultures différentes, misant sur des équilibres en constante évolution à travers les siècles, incluant avec intelligence les apports en provenance d’ailleurs.

Même si 1291 reste la date de référence pour l’acte d’origine de cette alliance confédérale, cette Suisse moderne prend ses racines bien plus dans la Constitution de 1848, ou dans l’introduction des droits populaires, initiative et référendum, en 1874 et 1891, ou encore dans la Paix du travail en 1937.

Le poète Pierre Reverdy a écrit qu’il « n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour ». La Suisse est née de ces preuves d’amour. Amour de raison peut-être. Mais preuves d’amour néanmoins, comme l’instauration d’une solidarité indispensable pour affermir le lien entre les cantons d’un pays naissant. Plus largement, la solidarité doit être aujourd’hui constamment réaffirmée, martelée, étendue pour constituer ce lien qui permet notre « vivre ensemble ». Un « vivre ensemble » qui implique surtout de construire ensemble.

Alors que l’actualité peut nous faire craindre que notre pays se replie sur lui-même, il est essentiel d’évoquer cette attention à l’autre et de rappeler que, sans ouverture, sans acceptation de la différence, la Suisse telle que nous la connaissons n’existerait tout simplement pas. Lorsque nous voterons, en novembre de cette année, sur l’initiative dite « pour l’autodétermination », ou « contre les juges étrangers », je vous invite à conserver cette nécessaire ouverture, cette confiance dans notre capacité à avancer avec les autres, et à vous opposer à cette initiative qui n’est rien d’autre qu’une chape de plomb sur un ciel étoilé.

Cette initiative représente la négation de ce qui constitue l’un des piliers fondamentaux de nos sociétés démocratiques modernes, à savoir l’Etat de droit. Un Etat de droit qui inclut nécessairement des normes de droit international, vitales pour organiser notre coexistence et les droits fondamentaux de toutes et tous, de chacune et chacun. Accepter cette initiative signifierait, par exemple, renier notre adhésion à la Déclaration universelle des Droits humains, dont on marque justement les 70 ans d’existence cette année ! Je profite d’ailleurs pour rappeler que le groupe de rédaction, sous l’égide d’Eleanor Roosevelt, ancienne Première dame des Etats-Unis et fer de lance des droits des femmes, notamment, s’est réuni justement dans la Villa La Grange, juste ici à côté, en décembre 1947.

Comme l’a dit une fois le Général de Gaulle, « Le patriotisme c’est aimer son pays. Le nationalisme, c’est détester les autres. » Vous aurez compris que je me définis volontiers comme patriote, ouvert aux autres !

Pour en revenir à l’innovation nécessaire évoquée il y a quelques instants, et comme vous le savez certainement, j’ai souhaité placer mon année de mairie sous le signe de la digitalisation. Car le monde numérique, digital, électronique, est devenu en grande partie notre monde. Nous vivons dans un univers dominé par les enjeux numériques. Un numérique parfois choisi, parfois subi. Parfois visible, parfois invisible. Parfois positif, parfois négatif.

Il nous faut donc envisager de manière différenciée, nuancée, les situations et les réponses à donner.

Mais d’une manière générale, je tiens à ce que le numérique soit mis au service du vivre-ensemble. Qu’il serve la cohésion et le partage, plutôt que l’exclusion et la ségrégation.

Genève bénéficie depuis de longues années maintenant de la présence du CERN sur son territoire. Ce Centre de recherche à l’aura mondiale nous place au cœur des innovations marquantes – je pense que tout le monde sait que le world wide web y a vu le jour le 13 mars 1989, il y a bientôt 30 ans.

Et c’est en dialoguant entre pouvoirs publics, institutions de cette ampleur et petites structures innovantes que nous pourrons nous projeter vers le futur, inventer et développer des projets au bénéfice de l’ensemble des citoyennes et citoyens de Genève bien sûr, mais également du monde entier.

La digitalisation doit être abordée comme une chance. La chance de profiter d’un élan pour construire une ville plus inclusive, qui sache mieux tenir compte de la place de chacune et chacun. Une ville qui s’inscrive dans la devise « un pour tous et tous pour un ».

Merci au CERN et à la Ville de Bienne d’avoir accepté de nous rejoindre aujourd’hui, et à toutes les équipes qui ont permis d’organiser cette belle manifestation.

Je vous remercie toutes et tous pour votre attention et vous souhaite une magnifique fête nationale !

Vive Genève, vive la Suisse !


Télécharger ici le discours en PDF > Discours 1er août 2018 – Fête nationale

Lien vers la galerie photos de la Fête nationale > Galerie – Ville de Genève

Lien vers l’événement “entre tradition et innovation” proposé par la Ville cette année > Evénement – Ville de Genève

Sami Kanaan

Sami Kanaan est Maire de Genève 2014-2015, 2018-2019 et 2020-2021, Conseiller administratif en charge du Département de la culture et de la transition numérique, Président de la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse, Vice-président de l'Union des villes suisses et de l'Union des villes genevoises.