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Le potentiel de l’hydrogène

La Commission européenne a adopté mi-décembre une nouvelle série de propositions législatives visant à réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre. Et l’hydrogène en est un élément-clé : on ne fera pas sans. Ni en Europe, ni en Suisse.

Multifacette et polyvalent, l’hydrogène s’applique à plusieurs secteurs (transports, énergie, industrie) et offre une large palette d’applications. Il peut non seulement servir de vecteur énergétique ou de matière première, mais également être utilisé pour stocker de l’électricité renouvelable saisonnière. Il est aussi dans le viseur pour faciliter la décarbonation de secteurs industriels ou encore remplacer les carburants fossiles pour les modes de transport lourds. L’Europe affiche d’ailleurs de grandes ambitions sur ce dernier point : d’ici à 2035, le territoire devra proposer un point de ravitaillement tous les 150 kilomètres pour les véhicules à hydrogène.

Chez nous, on compte également sur ce vecteur énergétique pour réussir la transition. Dans son étude thématique consacrée au développement de l’hydrogène en Suisse publiée en décembre 2021, CleantechAlps constate qu’« en dopant la production d’énergie renouvelable et en la stockant sous forme d’hydrogène, la Suisse pourra résoudre certains problèmes énergétiques tout en préservant le climat (…). Des acteurs économiques sont prêts à déployer des applications (…). Le cadre réglementaire doit également rapidement évoluer afin que des installations de démonstration à l’échelle préindustrielle puissent être réalisées dans notre pays pour convaincre les futurs clients. »

L’HYDROGÈNE SOUS LA LOUPE

Chez Romande Energie, l’hydrogène a fait l’objet d’une attention toute particulière ces derniers mois. En effet, Jérémie Brillet, en charge du développement hydrogène, vient de passer une année à évaluer, avec le concours de parties prenantes internes et externes, le potentiel de l’hydrogène (production, transport, stockage, utilisation) pour Romande Energie. À quelques semaines de présenter le résultat des réflexions sur ce thème aux organes de décision de l’entreprise, il rappelle « les trois leviers » pour décarboner nos sociétés :

  • se diriger vers la sobriété en gaspillant le moins d’énergie possible et soutenant un développement raisonnable.
  • électrifier là où c’est possible (systèmes de chauffage, parc automobile, etc.) ; « mais augmenter les usages électriques tout en visant une réduction des consommations pose l’épineuse question de l’approvisionnement. »
  • utiliser l’hydrogène là où il fait sens écologiquement et économiquement, et là où l’électrification directe n’est pas adéquate. Car il n’est pas possible de tout électrifier, comme dans le cas de la mobilité lourde. « Prenez l’exemple d’un transporteur qui chargerait ses 50 camions électriques durant la nuit. Le réseau ne supporterait pas de si fortes puissances, il faudrait le redimensionner. Ce n’est économiquement pas viable. »

L’HYDROGÈNE POUR…

… décarboner la mobilité

H2 Energy mène un important projet en matière de mobilité lourde, avec l’ambition de faire circuler 1600 camions à hydrogène dans notre pays d’ici à 2030. Le projet est mené en joint-venture avec PanGas, Hyundai, Alpiq et Hydrospider, un dernier acteur dont le rôle est d’assurer la production et la distribution de l’hydrogène… renouvelable ! Un tour de force, quand on sait que la production mondiale est composée de 95% d’hydrogène gris et de 5% d’hydrogène vert.

  • Hydrogène vert (renouvelable) : produit par électrolyse de l’eau à partir d’une électricité produite de manière durable ou provenant d’une source renouvelable
  • Hydrogène gris : produit à partir de combustibles fossiles sans capture du carbone
  • Hydrogène bleu : produit à partir de combustibles fossiles avec capture du carbone

 

potentiel-hydrogene

 

Nicolas Crettenand, chef des opérations chez Hydrospider, est donc particulièrement fier d’annoncer la couleur. « C’est de l’hydrogène vert, produit sur la centrale au fil de l’eau d’Alpiq à Gösgen (ZH). L’électricité utilisée pour l’électrolyse (processus qui vise à séparer les molécules de l’eau en hydrogène et oxygène) est d’origine renouvelable, puisqu’elle est prise directement sur l’ouvrage de production hydroélectrique. » Il précise que l’idéal reste un lieu de production proche du lieu de consommation. « Mais les centrales au fil de l’eau, tout comme d’autres sources d’énergies renouvelables, ne sont pas toujours proches de l’utilisateur final. » Et s’il reste convaincu que l’hydrogène (vert) a un rôle à jouer, il est persuadé que le changement passe par les collaborations. « La transition énergétique doit être gérée d’un point de vue systémique. Tous les secteurs et les métiers qui travaillent de près ou de loin avec l’hydrogène doivent communiquer. Il faut également aborder la question de l’hydrogène sous l’angle de l’économie circulaire, où on cherche à valoriser notamment la chaleur fatale. » En effet, cette perte calorifique lors du processus d’électrolyse pourrait être à l’avenir récupérée, puis injectée dans les réseaux de chauffage à distance.

Quant à la mobilité plus légère, elle n’est pas en reste. La société genevoise Stor-H Technologies SA y croit et annonce la commercialisation dès ce printemps de cartouches réutilisables d’hydrogène vert, destinées aux véhicules de moins de 12kW et de 500 kg maximum. Si le déploiement est prévu en Europe, au Maroc et en Chine, quelques véhicules alimentés à l’hydrogène circulent depuis juillet 2020 déjà chez le partenaire ABB.

… remplacer les vieilles chaudières

Depuis l’été 2021, le projet Aurora – qui réunit en consortium Romande Energie, Realstone, la Fondation Nomads et GreenGT – évalue le potentiel et la pertinence de l’hydrogène pour le parc immobilier, d’abord au niveau romand, puis sur un territoire plus large en cas de résultats concluants. Si les expérimentations menées jusqu’ici par d’autres acteurs concernaient uniquement des maisons individuelles ou des sites isolées, Aurora cherche les fenêtres de pertinence sur des immeubles collectifs connectés au réseau. « À certains endroits et pour certains usages, comme le chauffage par exemple, il n’existe pas de solutions bas carbone faciles à mettre en œuvre, explique Yorick Ligen, responsable Infrastructures et Territoires chez GreenGT, société active dans les technologies électriques-hydrogène. Dans ces cas, il faut alors se demander quelle énergie utiliser et comment l’acheminer jusqu’au lieu de consommation. » Comme dans les centres-villes historiques, où il est parfois impossible de forer pour installer des pompes à chaleur géothermiques. Voilà le genre de situations où le choix de chaudières à hydrogène pourrait alors être envisagé.

Mais le projet Aurora n’a pas encore livré tous ses résultats. Après avoir répertorié les technologies existantes et s’être questionné sur l’ensemble de la chaîne hydrogène (production, transport, stockage et conversion), les acteurs du projet ont abouti à plus de 5000 configurations possibles. « On en a gardé une dizaine, qu’on a intégrées dans un outil de modélisation, précise Yorick Ligen. Nous étudions aujourd’hui leur pertinence technico-économico-environnementale.» Et il en est convaincu : le vecteur hydrogène est une chance pour beaucoup de secteurs lents ou difficiles à décarboner, à condition de l’utiliser là où il est le plus pertinent et en bonne intelligence avec les autres solutions. « C’est une option parmi tant d’autres dans le mix énergétique. Il faut saisir les opportunités qui ont le plus de sens pour viser les objectifs climatiques. »

… pallier au déséquilibre saisonnier de production

En matière d’énergie renouvelable et à une échelle suprarégionale, il y a un déséquilibre de production journalier et saisonnier. Si les batteries sont efficaces pour du stockage à court terme (journalier), il n’en est rien pour le plus long terme (saisonnier), comme l’explique Jérémie Brillet, responsable du développement hydrogène chez Romande Energie : « Éteignez votre téléphone durant trois mois, puis essayez de le rallumer, et vous comprendrez. Le Graal est de trouver des modèles où on arrive à mobiliser les excédents d’énergie solaire en été pour produire de l’hydrogène qu’on stockerait, puis qu’on réutiliserait en hiver. » Mais le stockage de l’hydrogène, qu’il soit comprimé, liquéfié, enterré ou injecté dans le réseau de gaz naturel, reste un vrai casse-tête. Il se stocke mal et les solutions technologiques sont coûteuses. Pour Jérémie Brillet, rendre ces approches économiquement viables est un véritable enjeu.

 

Joëlle Loretan

Journaliste

Romande Energie

Energéticien de référence et premier fournisseur d'électricité en Suisse romande, Romande Energie propose de nombreuses solutions durables dans des domaines aussi variés que la distribution d’électricité, la production d’énergies renouvelables, les services énergétiques, l’efficience énergétique, ainsi que la mobilité électrique.

9 réponses à “Le potentiel de l’hydrogène

  1. ça fait des années que je considère l’hydrogène comme une solution élégante et fonctionnelle à un problème épineux :
    on branche barrages, éoliennes et photovoltaïque sur des anodes et cathodes, on extrait l’hydrogène de l’eau, et le compresse (via, là encore, de l’énergie renouvelable), et on stock pour plus tard le surplus d’énergie qu’on va immanquablement avoir (ou gros coup de vent, ou une période particulièrement ensoleillée, par exemple). Et quand vient le moment de palier à un manque de production, on refait de l’eau avec un moteur à hydrogène. La boucle est bouclée.
    ça fait des années qu’on sait qu’on va vers un blackout, ou une pénurie. Mais on s’est accroché à des solutions à (très) court terme, sans voir la suite. Quand maintenant on nous parle de centrales au gaz pour éviter les problèmes en 2025, y a de quoi se poser quelques questions quant à la vision de nos chers politiques.

    Heureusement, certains fournisseurs semblent réfléchir, eux. On verra si les BKW auront aussi la matière grise nécessaire à de telles réflexions…

    À ce sujet, est-ce que la Romande Energie collabore avec les autres fournisseurs (SIG de Genève, BKW, etc) pour des solutions globales ?

    1. Cher Monsieur,

      Merci de votre message. Vos remarques sont parfaitement pertinentes. Il est tout à fait possible de produire de l’hydrogène par électrolyse à partir de sources d’électricité renouvelable, puis de le reconvertir en électricité à l’aide de pile à combustible, en travail mécanique à l’aide d’un moteur à explosion, ou en chaleur à l’aide d’un boiler.

      Si ces technologies sont bien connues depuis des décennies sur le plan technique, l’échelle industrielle n’a jusqu’à peu pas pu voir le jour. Nous vivons depuis deux ans un élan vers l’hydrogène avec des financements et une volonté des pouvoirs publics chez nos voisins européens qui permet d’espérer des rendements acceptables ainsi que la rentabilité économique. Nous pouvons dès lors intégrer l’hydrogène dans nos stratégies énergétiques en Suisse.

      Aujourd’hui, le rendement de la chaine électricité -> H2 -> électricité encore trop faible ainsi que les coûts et volume nécessaires au stockage de l’hydrogène sont encore des freins pour pouvoir considérer ces solutions à des fins de stockage saisonnier de l’électricité. Cependant, d’autres applications sont déjà envisageables pour décarboner nos activités comme la mobilité lourde ou l’industrie par exemple. De plus, les technologies et métriques économiques évoluent très rapidement ; il n’est pas exclu que d’ici à une poignée d’années ces solutions deviennent envisageables.

      Pour répondre directement à votre question, l’émergence du secteur de l’hydrogène demandera à ce que tous les acteurs collaborent, non seulement horizontalement entre énergéticiens mais aussi verticalement sur l’ensemble de la chaine de valeur. Nous œuvrons dans ce sens.

      A bientôt,

      Jérémie Brillet

  2. L’hydrogène est effectivement la seule solution d’avenir car sa production peut-être totalement décorrélée de sa consommation. Un véhicule à hydrogène peut soit utiliser une pile à combustible et un moteur électrique ou simplement un moteur thermique que l’on alimente avec de l’hydrogène de la même façon qu’on le fait pour les véhicules roulant au GPL.
    La voiture électrique est une impasse car la fabrication des batteries lourdes et difficilement recyclables est un premier obstacle qui limite son autonomie. Mais surtout la recharge est un problème insurmontable dès lors que l’on souhaite une recharge rapide. On voit fleurir des bornes de 350 kW !!! Un réacteur nucléaire ne peut recharger que 2500 véhicules simultanément avec des bornes de 350 kW. Sans parler du réseau pour supporter une telle demande si toutes les stations services veulent installer 5 bornes de 350 kW par exemple (soit 1,4 MW par station service).
    Il y a plus de 20 ans Mercedes faisait rouler de véhicules thermiques avec de l’hydrogène remplaçant l’essence et qui ne rejetaient que de l’eau, il est dommage que les politiques se fourvoient ainsi en poussant le véhicule électrique dont on sait qu’il nous emmène droit dans le mur.
    Il faut espérer un sursaut pour l’hydrogène qui est le moyen de stockage et d’utilisation le plus souple qui existe.

  3. Je pense aussi que le problème des batteries est l’obstacle majeur au développement des véhicules électriques (VEL). Mais n’oublions pas qu’une pile à combustible (PAC) produit de l’électricité et donc que le véhicules qui marche avec une PAC est aussi un VEL. L’avenir est donc aux VEL, mais pas à batteries !
    En effet, imaginons un parc national de 4 millions de VEL qui seraient tous pourvus de batteries pour stocker, disons 100 kWh, avec une autonomie de 500 km, à raison d’une consommation de 20 kWh/100 km. La capacité des batteries lithium-air (les plus denses possible en énergie, en kWh par kg de lithium) atteindront peut-être un jour 3 kWh/kg de lithium (mais on en est encore bien loin… plus de trois fois moins). Avec un minimum de 33 kg de lithium par VEL, cela ferait 132’000 tonnes de lithium. En regard, il faut savoir que le marché annuel mondial du lithium est encore en dessous de 100’000 tonnes !
    Les PAC pour alimenter les VEL sont l’avenir. Cependant, je ne crois pas que ces PAC seront alimentées directement par du dihydrogène (H2) qui demande bien trop de précautions pour son emploi (privé) qui reste dangereux. Ce seront des dérivés, des substances chimiques liquides, faciles à manipuler (stockage, transport, plein aisé), comme l’est l’essence. Il y a trois ou quatre candidats envisagés : l’acide formique, le méthanol, le cyclo-hexane, …, toutes des substances contenant des atomes d’hydrogène, qui sont liquides à température ambiante et qui seront synthétisées industriellement à partir du H2, obtenu par électrolyse de l’eau, et du CO2, capté dans l’environnement. À l’entrée de la PAC un dispositif provoque le « cracking – craquage » de la molécule, produisant au fur et à mesure « in situ » le H2 pour alimenter la PAC et du CO2 qui repartira dans un nouveau cycle.
    Quant au processus « P2G2P », soit de l’électricité produisant de l’hydrogène qui redonne de l’électricité, qui serait à mettre en oeuvre à large échelle pour un stockage saisonnier de surplus d’énergie électrique produite par du photovoltaïque (PV) en été, il faut savoir que le rendement global de la chaîne de processus est médiocre, bien en dessous de 50% et donc que, pour pouvoir disposer de 1 TWh en hiver, il faudra transformer en H2 un excès estival de 2 TWh. On parle en Suisse de probables lacunes hivernales allant jusqu’à 6 TWh, voire 10 TWh (soit aussi l’équivalent de 3 à 5 Grandes Dixences !) du fait des restrictions désormais certaines d’importations. Ce serait 12 à 20 TWh de PV à avoir en excès en été, en plus de la production directement consommée. Ces chiffres sont un défi colossal.

  4. Il faut faire attention quand on parle du potentiel de hydrogène : il ne représente pas une source d’énergie , mais uniquement un vecteur énergétique entre la source et le consommateur ( pile à combustible , centrale thermique, …) ou stockage d’énergie .
    Les sources d’énergies restent toujours les mêmes , et si on ne parle que du renouvelable, le solaire reste prioritaire , y compris pour la Suisse qui pourrait être bénéficiaire de cette énergie en été et par contre déficitaire en hiver et par conséquent , l’hydrogène pouvant servir de tampon …
    Il serait par contre tout à fait contreproductif de fabriquer de l’hydrogène à partir de l’électricité des barrages ! Ce serait du gaspillage , sachant que les barrages constituent aussi un stockage très efficace ( pour les variations jour/nuit par exemple ) !
    En attendant que la Suisse et le reste du monde soit autonome avec l’énergie solaire, il faudra toujours compter sur les centrales thermiques au gaz naturel ou pétrole ( même charbon dans certains pays) , voire quelques pour-cent de nucléaire !?
    Le rythme de la transition énergétique reste autant une question écologique qu’économique , mais il serait faux de se précipiter , aucune donnée ne permet de proclamer l’urgence climatique :
    selon les références de l’AGGI (Annual Greenhouse Gas Index ) , donnant l’impact des gaz à effet de serre d’origine anthropique ( https://www.epa.gov/climate-indicators/climate-change-indicators-climate-forcing ) , on voit que c’est le CO2 qui représente la plus grande part , mais tout de même assez modeste ( 2.2 watts / m2 ) en comparaison des sources naturelles ( 150 watts/m2) pour une émission de 140 ppm de CO2 , alors on peut estimer ce que pourra devenir cette valeur dans 10, 20, 30 ,… , ans . Rien de catastrophique …

  5. Si on veut une solution basée sur l’hydrogène, ça doit être l’hydrogène thermique et non l’électrique. Utiliser l’hydrogène dans une pile à combustible conduira, sinon à une pénurie, du moins à une explosion des cours du platine ou autres métaux pouvant catalyser la production d’électricité à partir d’hydrogène.

    Si l’hydrogène thermique est une meilleure solution, elle n’est pas facile à mettre en œuvre, loin s’en faut. Lors du premier choc pétrolier (1973), j’ai transformé le V8 de ma Camaro pour qu’il fonctionne à l’hydrogène. Ça a fonctionné mais au prix d’une perte de puissance et de sérieuses difficultés pour stocker l’hydrogène. Les cylindres de stockage sont lourds et encombrants. Il reste les hydrures non stœchiométriques mais, dans ce cas aussi, on va faire flamber les cours du samarium.

    Le problème de l’hydrogène reste sa production par électrolyse alors que la puissance installée est déjà insuffisante dans tous les pays occidentaux. Il faut commencer par doubler le nombre de centrales nucléaires et les Verts vont faire un scandale. Quant aux énergies renouvelables dont j’ai toujours été un chaud partisan, je ne les trouve plus très réalistes à partir du moment où on doit les utiliser pour alimenter un pays entier et ses véhicules en électricité verte. La semaine dernière quand j’ai demandé à un ingénieur d’Engie pourquoi le prix de l’électricité augmentait, il m’a répondu sans rire que c’était dû au manque de vent ! Trop d’éolien et pas assez de nucléaire.

  6. L’utilisation de l’Hydrogène comme vecteur énergétique est effectivement fort intéressante et donne lieu à toutes sortes de réflexions. Néanmoins les rendements de la chaine de production d’Hydrogène vert sont faibles (25 % pour le cycle power to gaz to power) et les lois de la chimie ne vont guère changer sur ce point.

    Un ouvrage que j’ai lu récemment sur le sujet (*) m’interpelle et soulève passablement de questions très pertinentes, et indépendamment des opinions qui existent sur son auteur qui n’y va pas toujours par quatre chemins, il reste une dure réalité quantitative. Dans ce domaine comme dans d’autres, cette réalité quantitative ne peut malheureusement pas être ignorée, avec des arbitrages à faire sur les utilisations prioritaires du trop peu d’énergie renouvelable dont nous pouvons disposer à court et sans doute encore à moyen terme. Car en Suisse, comme ailleurs et souvent encore moins qu’ailleurs, nous ne sommes pas les champions d’un développement rapide de ces énergies, il n’y à qu’à voir les obstacles aux éoliennes, aux réhaussements de barrage et j’en passe.

    Est-ce que donc la priorité sera donnée aux utilisations/cycles avec les meilleurs rendements énergétiques? Aux meilleurs rendement économiques ? Ou alors à d’autres considérations ? Pour exemple, le cycle pompage turbinage a un rendement, si je ne m’abuse, de 75%, soit nettement mieux que celui précité de l’Hydrogène. Je me réjouis de lire les réflexions de Romande Energie et d’autres sur le sujet.

    (*) “L’utopie Hydrogène” de Samuel Furfari:
    https://www.amazon.com/Lutopie-hydrog%C3%A8ne-French-Samuel-Furfari-ebook/dp/B08GJ9ZBXH

    1. Cher Monsieur,

      Vos réflexions sont parfaitement pertinentes et nous les partageons amplement. En tant qu’énergéticien local et gestionnaire du réseau de distribution, nous nous devons effectivement de nous interroger sur le détournement de notre électricité renouvelable (déjà en manque et que nous devons à nos clients) pour des applications hydrogène impliquant d’importantes pertes de rendement.

      Cependant, la mission de Romande energie étant de faire de la Suisse romande la première région décarbonée de notre pays, nous devons également explorer les solutions permettant de toucher les applications difficilement électrifiables comme la mobilité lourde ou certaines applications industrielles par exemple.

      Si l’enjeu nécessite aujourd’hui de mobiliser une fraction de notre énergie hydroélectrique pour produire l’hydrogène vert par électrolyse (conformément aux perspectives énergétiques 2050+ de la Confédération), la vision long terme consiste à trouver des façons vertueuses de nous approvisionner. Il faudra entre autres valoriser les pertes en chaleur, utiliser des modes de production d’hydrogène mobilisant d’autres intrants que l’électricité verte (déchets végétaux et plastiques par exemple), et enfin imaginer une production de ce vecteur énergétique en accompagnement de nos déploiements photovoltaïques pour ultimement stocker les excédents estivaux de façon saisonnière (si et quand les progrès technologiques nous le permettent).

      En résumé, nous pensons que l’hydrogène a un rôle à jouer dans la décarbonisation de nos sociétés mais il faut être précautionneux à ne l’utiliser que dans certaines applications qui ont du sens.

      Nous restons à disposition pour approfondir cette conversation.

      Merci de votre message et meilleures salutations.

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