30 ans après, l’Europe reste la solution

Un dimanche noir

Il y a trente ans, jour pour jour, l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE) échouait dans les urnes. Jean-Pascal Delamuraz, alors conseiller fédéral, avait qualifié cette date de «dimanche noir»: un dimanche noir pour l’économie, pour les soutiens d’une Suisse ouverte, pour la jeunesse.

1992 – 2022: deux mondes

D’une Europe pleine d’espoir, après la chute du mur de Berlin et la fin de la Guerre froide, nous sommes passés à un continent déchiré par la guerre et traversé par les crises – climatique, bancaire, économique, migratoire, institutionnelle, sanitaire, sécuritaire, énergétique.

D’une Suisse face à son destin européen, incapable de monter sur le train en marche, nous sommes passés… à une Suisse qui semble être restée figée, malgré le succès – durant vingt ans – des accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne. Indécise, l’aiguille de sa boussole européenne tourne de façon effrénée, ayant perdu le nord.

L’Europe, la solution

Et pourtant, il suffit de relire le dernier discours de Jean-Pascal Delamuraz (par ailleurs ancien président d’honneur du Nouveau mouvement européen Suisse) du 28 mars 1998 pour le (re)trouver: «Certains pensent que l’Europe est un problème. Je la considère au contraire comme une solution.»

En effet, aujourd’hui plus que jamais, l’Europe est la solution. C’est dans l’union des peuples européens, dans l’unité du continent européen, dans l’étroite imbrication des Etats de notre continent que se trouvent les réponses aux défis de notre temps, la garantie d’un avenir meilleur, l’espoir.

Il est encore temps

Pour conclure avec les mots du fameux Vaudois, tirés de son même discours: «Hâtons-nous de monter dans le train. Nous avons raté les premiers wagons, le train accélère, on peut encore espérer sauter sur la dernière plate-forme. C’est moins confortable, mais possible.»

Selon un récent sondage publié par le Mouvement européen Suisse et réalisé par l’institut gfs.bern, 71% de la population est de cet avis.

Alors reprenons le flambeau et continuons la course. Il est encore temps.

 

Texte publié le 6 décembre 2022 sous forme d’édito dans la Newsletter du Mouvement européen Suisse.

Photo: (c) KEYSTONE/Lukas Lehmann

Suisse-UE: relançons “la” discussion

La question que tout le monde veut éviter

A Lausanne, ce mardi matin, j’ai assisté au débat sur l’avenir des relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) organisé par le journal Le Temps dans le cadre de son «Forum des 100» annuel. A ma grande surprise, c’est la conseillère nationale et vice-présidente de l’UDC Céline Amaudruz qui a posé la question que tout le monde préfère ignorer:

Quelle forme de relation institutionnelle voulons-nous entretenir avec notre voisin européen?

Les options en la matière ne sont guère nouvelles:

  1. le simple libre-échange,
  2. l’Espace économique européen (EEE) et
  3. le statut d’Etat membre de l’UE.

Ladite «voie bilatérale» n’est plus une option, encore moins depuis l’abandon des négociations sur l’accord institutionnel le 26 mai 2021.

C’est donc toujours la même rengaine. D’où l’envie, probablement, chez beaucoup, de ne pas (plus) vouloir en parler.

Le noeud du problème

Or c’est ici que se situe justement le nœud du problème. La Suisse fait l’autruche.

Nous n’arrivons pas à mener ce débat de fond si nécessaire pour notre avenir, notamment parmi celles et ceux en faveur de relations solides et étroites avec l’UE. Elles et ils préfèrent l’éviter et «faire comme si», se concentrant sur les «questions institutionnelles» technico-juridiques sans discuter de «relation institutionnelle», en débattant ad aeternam de protection des salaires, de clauses de sauvegarde, d’aides d’Etat, de règlement des différends et de la directive relative au droit des citoyen∙es de l’UE et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.

Relancer la discussion

Trente ans après la campagne sur l’EEE, et alors que la guerre fait rage en Ukraine, il est temps de boucler la boucle, d’acter la fin de la phase «bilatérale». Il est temps de relancer, sans crainte et sans tabous, la discussion et ouvrir un nouveau chapitre.

D’ailleurs, selon l’étude Sophia 2022 du Temps et de M.I.S. Trend (p. 10), 63% des leaders et 52% de la population considèrent qu’il est temps de reparler de l’adhésion de la Suisse à l’EEE.

Pourquoi donc pas réenvisager une participation de notre pays à l’EEE?

 

Texte publié le 13 octobre 2022 sous forme d’édito dans la Newsletter du Mouvement européen Suisse.

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Suisse-UE: il reste un tabou à briser pour enfin avancer

Où en étais-je? Cela fait des mois que je n’ai plus publié de billet sur ce blog, à mon grand regret – l’année 2021 a été un vrai tourbillon.

Le cap du Nouvel An étant propice aux réflexions, je m’autorise à jeter un regard sur l’année écoulée et partager quelques réflexions sur ce que les mois à venir pourraient nous réserver.

2021, une année noire en matière de politique européenne

L’année 2021 démarre en trombe: de nouveaux mouvements eurosceptiques issus des milieux économiques émergent, investissant des milliers – voire des millions – de francs dans une campagne contre l’accord institutionnel. Ils profitent alors du vide laissé par les partisans de ce dernier, trop peu audibles.

Coup de grâce: le Conseil fédéral décide le 26 mai d’abandonner les négociations sur l’accord institutionnel. Il précipite ainsi la Suisse dans l’inconnu, fâche ses partenaires européens et manque à ses responsabilités au vu de l’absence de propositions alternatives crédibles de sa part. Les réactions outrées face à un tel comportement fusent. Le Conseil fédéral a fait fi de l’avis des cantons, de celui des Chambres fédérales et n’a pas daigné vouloir consulter le peuple. Malgré la gravité de la situation, les titres des grands journaux passent rapidement à autre chose. Aucun débat de fond sur le rôle et la place de la Suisse en Europe s’en suit. En effet, peu de citoyennes et citoyens se sentent concerné∙es par cette tragique décision – l’urgence et leurs préoccupations est ailleurs. Pas étonnant, vu l’absence crasse de tout débat européen ouvert et constructif depuis grand nombre d’années.

En septembre, les Chambres fédérales libèrent enfin le deuxième «milliard de cohésion» à la demande express du Conseil fédéral qui se doit de trouver de quoi faire preuve de “bonne volonté”. La Commission européenne et les Etats membres de l’Union européenne restent toutefois de marbre – il s’agit selon eux d’une dette. Leur position ne change guère, la participation de la Suisse aux programmes européens tels qu’Horizon Europe reste ainsi toujours bloquée.

Alors que le Chef du Département fédéral des affaires étrangères obtient un vis-à-vis au sein de la Commission européenne en la personne du Commissaire Maroš Šefčovič (également en charge du suivi du Brexit!), l’année se termine sans que rien n’ait bougé.

L’Union européenne avance et la Suisse ne la regarde même plus – elle l’ignore. Une aberration pour un pays au coeur du continent européen.

Que peut donc nous réserver 2022?

L’on ne peut qu’espérer que l’année 2022 sera meilleure.

Le Conseil fédéral établira peut-être enfin son «dialogue politique» avec l’Union européenne sur la base d’une feuille de route commune. En effet, à quoi bon vouloir initier un tel dialogue sans savoir ce que l’on veut discuter, négocier, conclure? Le partenaire européen attend des autorités suisses qu’elles lui fassent part de leurs intentions. Il est clair que Berne ne pourra échapper à la reprise de discussions sur les “questions institutionnelles” (mécanisme de règlement des différends, paiement régulier de contributions financières, interprétation et application du droit européen) – l’Union européenne souhaite clarifier ces points de façon “horizontale”. La balle est dans le camp de la Suisse.

Les partis politiques, les milieux économiques et aux autres actrices et acteurs engagé∙es? Elles et ils avanceront certainement dans leurs réflexions, élaboreront des propositions (comme la feuille de route du Parti socialiste du 22 décembre 2021 ou les projets d’initiative populaire) et initieront des discussion. Le chemin à parcourir pour enfin arriver à provoquer un vrai débat européen reste cependant bien long. Peut-être que la déterioration des relations entre la Suisse et l’Union européenne réveillera les (ou du moins certaines) consciences. L’espoir fait vivre.

Il reste un tabou à briser pour enfin avancer

Peu d’entre-elles et eux devraient cependant avoir le courage de briser le tabou de l’adhésion à l’Union européenne ou d’une participation à l’Espace économique européen (EEE) qui bloque et pollue «notre» débat européen depuis belle lurette.

Or aujourd’hui, quoi qu’on en pense, il ne reste plus que l’adhésion et l’EEE pour stabiliser, sécuriser et développer les relations entre la Suisse et l’Union. L’option d’un accord institutionnel a été écartée par le Conseil fédéral et les partis gouvernementaux. Quant au statu quo, à un simple accord de libre-échange ou à un accord de commerce et de coopération similaire à celui conclu entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne: tous trois seraient synonyme de régression, des chemins aux conséquences néfastes pour notre pays.

Mais peut-être qu’elles et ils seront plus nombreux à avoir le courage d’enfin briser ce tabou. Car trente ans après le vote du 6 décembre 1992, il est temps de crever l’abcès. Il nous faut avancer, et vite!

Je garde espoir. 2022 sera européenne, tout comme 2021 l’a été. Car c’est là notre avenir commun – l’Europe est notre destin.

Pour un Département fédéral des affaires européennes et internationales

A Berne, les «affaires européennes» disparaissent et personne ne s’en offusque. Cela devrait pourtant nous alarmer: alors que le monde traverse une crise sans précédent, la Suisse ne réussit pas à (re)penser son futur européen, pourtant une nécessité tant elle ne peut y échapper.

«Stratégie, structures, personnes» 

Voilà le mantra répété à maintes reprises par le conseiller fédéral Ignazio Cassis, chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), mercredi 14 octobre en conférence de presse. Le Conseil fédéral venait alors de confirmer la nomination de Livia Leu Agosti au poste de secrétaire d’Etat et négociatrice en chef avec l’UE. Ambassadrice de Suisse en France jusqu’à lors, elle remplace Roberto Balzaretti, en poste depuis 2018 et à qui l’on doit la finalisation des négociations sur l’accord institutionnel. 

Stratégie, structures, personnes. Au-delà de l’annonce concernant le dernier des trois points, peu se sont intéressés au deuxième – celui des structures – alors même que le gouvernement a aussi approuvé une réorganisation du DFAE. Exceptionnel? Cela ne devrait pas être le cas. Au contraire, l’on ne peut que souhaiter que l’organisation de ces derniers soit régulièrement repensée afin de leur permettre un fonctionnement efficace. Et pourtant…

Disparition des « affaires européennes »

Selon M. Cassis, les structures doivent être mises au service de la stratégie. Ainsi, le rapport «La Suisse dans le monde en 2028», rédigé par un groupe de travail composé de hauts fonctionnaires et de patrons de grandes entreprises et publié en juillet 2019 par le DFAE, ainsi que la «Stratégie de politique étrangère 2020-2023» du Conseil fédéral, adoptée en janvier 2020, présageaient la réorganisation du DFAE annoncée le 14 octobre. En effet, alors que l’importance de l’Union européenne (UE) pour la Suisse est largement reconnue dans ces deux papiers, et ce dans bien des domaines, la «vision» et les objectifs quant au futur des relations avec notre voisin européen s’arrête à l’adoption d’un accord institution et la conclusion de nouveaux accords bilatéraux sectoriels. Le service minimum.

Début 2018, suite à son arrivée à la tête du DFAE en novembre 2017, Ignazio Cassis avait pourtant procédé à une «petite» restructuration en confiant à la Direction des affaires européennes (DAE) la conduite des relations bilatérales avec les Etats membres de l’UE, alors sous la responsabilité de la Direction politique et sa Division Europe, Asie centrale, Conseil de l’Europe et OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe]. Couplé à la nomination de Roberto Balzaretti à la tête de la DAE, en qualité de secrétaire d’Etat, la DAE en ressortait ainsi renforcée et la cohérence dans la conduite des relations Suisse-UE également. Une ambition nouvelle?

Deux ans plus tard, alors qu’aucun consensus n’a encore pu être trouvé, en Suisse, sur l’accord institutionnel et que le débat sur la suite à donner à l’intégration européenne de notre pays est tout simplement inexistant, les «affaires européennes» sont supprimées de l’organigramme du DFAE pour être confiée à la Division [géographique] Europe de la Direction politique.1

Aussenpolitik ist Innenpolitik

Un rapide retour en arrière s’impose.

Au vu de l’importance grandissante des relations avec les nouvelles institutions européennes, le Conseil fédéral avait créé, dès 1961, des divisions spécifiques chargées des relations avec l’Europe.2 Ainsi, un Bureau de l’intégration était mis sur pied sous la responsabilité conjointe des départements des Affaires étrangères et de l’Economie.3 Après l’échec de l’adhésion à l’Espace économique européen, le succès de la «voie bilatérale» et la re-qualification de l’adhésion à l’UE d’objectif stratégique à «option à terme» dans le rapport Europe de 20064, le Bureau de l’intégration a été transformé, le 1er janvier 2013, en DAE, sous la forme d’une Direction du DFAE5.

Polluée par le discours europhobe de l’UDC – martelé avec une efficacité exemplaire durant trente ans par Christoph Blocher et son parti –, la politique européenne du Conseil fédéral s’est enlisée, a perdu sa boussole, ne sait plus vers où aller. A défaut de vision commune, l’on se retranche derrière le plus petit dénominateur commun: la définition géographique de ce qu’est «l’Europe».

Comme le dit souvent le Chef du DFAE, Aussenpolitik ist Innenpolitik – la politique extérieure est fortement liée à la politique intérieure. L’organisation du DFAE en est le reflet. Et pourtant l’UE se développe, se renforce, gagne en puissance au niveau économique mais aussi politique. Or la Suisse semble incapable de saisir cette nouvelle réalité.

Gouverner, c’est prévoir

Quelle que soit la forme que prendront les relations institutionnelles entre la Suisse et l’UE, il ne fait aucun doute: le monde se polarise, la globalisation ne pourra que difficilement être stoppée et les défis auxquels nous faisons face nécessitent des réponses dépassant les frontières nationales. Dès lors, les institutions européennes continueront à jouer, à l’avenir, un rôle primordial, y compris pour la Suisse.

Plutôt que de faire un pas en arrière pour se conformer à l’état de la politique interne du moment, le Conseil fédéral se devrait de gouverner, de prévoir:

  • Stratégie: en élaborant un nouveau rapport Europe6 brossant le portait des différents scénarios possibles pour le futur européen de la Suisse (sans tabou et en n’ignorant aucune option, y compris celle de l’adhésion);
  • Structures: en renommant le DFAE en Département fédéral des affaires européennes et internationales [le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) a été renommé en 2013, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) en 1998] et en octroyant à nouveau aux Affaires européennes, au niveau des structures, l’importance qu’elles méritent;
  • Personnes: en encourageant, au sein de l’administration, parmi les actrices et acteurs politiques, mais aussi au niveau de la population, une conscientisation européenne.

 

***

1 DFAE, Le Conseil fédéral nomme Livia Leu au poste de secrétaire d’Etat, 14.10.2020, en ligne [consulté le 19.10.2020]

2 DFAE, Histoire du DFAE, 30.01.2020, en ligne [consulté le 19.10.2020]

3 DFAE, Au coeur de la politique européenne suisse, octobre 2020, en ligne [consulté le 19.10.2020]

4 Arcinfo | Christine Imsand, Le pragmatisme l’emporte, 29.06.2006, en ligne [consulté le 19.10.2020]

5 Ibid.

6 Conformément à sa réponse au postulat 17.4147 «Participation à la coopération européenne» et aux postulats Aeschi 13.3151 et du groupe des Verts 14.4080, le Conseil fédéral est chargé «de présenter un rapport sur l’état des relations entre la Suisse et l’UE comprenant également une évaluation des accords bilatéraux. Le Conseil fédéral transmettra un tel rapport qui présentera l’état des lieux de sa stratégie au Parlement dans le courant de la législature actuelle.» Cela n’a pas encore été fait.

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Dossier Suisse-UE: bon, et maintenant?

Quel soulagement en ce dimanche 27 septembre: les Suissesses et Suisses remettent les isolationnistes à leur place et refusent sèchement leur initiative de résiliation. Même si les sondages prédisaient une victoire pour notre camp, la joie que j’ai éprouvée à l’issue du scrutin a été grande.

Bon, et maintenant? La discussion technico-juridique sur l’accord institutionnel est relancée, maintenant que la longue parenthèse de la campagne de votation (prolongée en raison du report de la votation) est enfin refermée. Encouragé∙es par le silence du gouvernement, les opposant∙es n’y vont plus par quatre chemins, ajoutant même aux trois points à clarifier du Conseil fédéral (mesures d’accompagnement, aides d’Etat et directive sur la citoyenneté européenne) celui du tribunal arbitral. A trop tergiverser, les partisans du texte sont devenus inaudibles. Les semaines à venir s’annoncent difficiles.

Les derniers mois ne nous auront-ils donc rien appris? Nous traversons une crise sanitaire et économique majeure et réalisons à quel point notre monde est interdépendant. Les autocrates (y compris en devenir, comme aux Etats-Unis) s’épanouissent. Les libertés, la démocratie et l’Etat de droit sont attaqués. Malgré cela, nous débattons encore, en Suisse, des paragraphes et alinéas d’un accord – résultat d’un compromis – négocié durant plus de cinq ans avec notre premier partenaire économique, notre voisin géographique, une union de 450 millions d’habitant∙es aux valeurs similaires aux nôtres.

La question qui se pose à nous est pourtant simple: voulons-nous construire notre avenir seul∙es ou ensemble avec nos sœurs et nos frères européen∙nes?

Ma réponse l’est tout autant: je suis Européen, nous sommes Européen∙nes!

Alors allons-y!

2019: quel bilan pour les relations Suisse-UE?

Voilà l’année 2019 qui touche à sa fin: quel bilan tirer de ces douze derniers mois en matière de politique européenne?

Six mois de perdus

En décembre 2018, le Conseil fédéral – indécis quant au soutien à apporter ou non à l’accord institutionnel négocié avec l’Union européenne (UE) – décidait de lancer une phase de consultation pour «sonder le terrain»

Après six mois de silence de sa part et la récolte d’un grand nombre de réactions, il reconnaît en juin les qualités du texte sur la table tout en souhaitant en clarifier trois points. Le dialogue avec les partenaires sociaux – rompu après le malheureux couac de communication du conseiller fédéral Cassis en été 2018 – peine cependant à reprendre. Résultat: l’été se termine et aucune proposition concrète n’est faite à Bruxelles pour sortir de l’impasse.

Silence durant les élections fédérales

La campagne des élections fédérales ne fait que renforcer la paralysie – le sujet des relations Suisse-UE étant absent des débats, malgré son importance fondamentale. Depuis, un nouveau Parlement est entré en fonction: plus vert, plus jeune, plus progressiste et plus féminin. Difficile toutefois de savoir si cette configuration influencera positivement le dossier européen

Au niveau du gouvernement, statu quo: ce n’est donc probablement pas demain, ni en 2020, que nous retrouverons un Conseil fédéral assumant pleinement ses responsabilités et faisant preuve de leadership dans le dossier européen. Raison donc de plus de bien garder les yeux rivés sur les parlementaires et le positionnement des partis politiques.

Rien ne bouge à Bruxelles

Du côté européen? Le Parlement de Strasbourg tout comme la Commission européenne ont été renouvelés. La position des partenaires européen∙nes sur l’accord institutionnel n’a toutefois pas changé (l’interlocuteur de M. Cassis non plus). Elles et ils patientent – toujours et encore!

De nouveaux visages pour un nouvel élan?

Sur le fond, rien n’a donc changé depuis une année – nous sommes là où nous étions il y a douze mois. Le texte négocié est toujours là, inchangé. Les points contestés sont connus – ce sont les mêmes qu’en décembre 2018.

2019 a toutefois apporté un léger renouveau au niveau du personnel politique, surtout au sein des parlements. Dès lors, qu’attendre de 2020? L’accord institutionnel restera relégué au second plan encore pour quelques mois, le temps de la campagne sur l’initiative de résiliation de l’UDC. Le 17 mai prochain, jour de votation, le camp du non devra s’assurer d’un résultat clair en faveur de la libre circulation des personnes et de l’intégration européenne pour permettre, dès le lendemain, de relancer la discussion sur l’accord institutionnel et en garantir une conclusion rapide.

Souhaitons aux nouvelles et nouveaux élu∙es d’apporter l’énergie et les idées nécessaires pour un réveil européen.  Si nous ne voulons pas courir le risque d’un isolement croissant, nous devons approfondir – maintenant! – l’intégration européenne de notre pays.

Nous, Européen∙nes, avons du pain (d’épices, en ces jours de Noël) sur la planche!

Tic. Tac. Le temps va finir par manquer!

A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. Il en va de même pour le temps: à force de tergiverser, on finit par en manquer. La Suisse en fait l’expérience ces jours, dans le cadre du dossier européen.

Tic. Tac. Tic. Tac.

Vendredi dernier, après une phase de consultation initiée en janvier et alors que l’accord institutionnel avait été négocié durant cinq années déjà, le Conseil fédéral se prononce enfin en faveur du texte sur la table, sous réserve de clarifications en matière de mesures d’accompagnement, d’aides d’Etat et de citoyenneté européenne. Tout ça pour ça? Cette phase de consultation 2.0 aura eu un (seul) mérite: permettre au gouvernement, dans sa nouvelle composition, de se réapproprier le dossier des relations Suisse-Union européenne et gagner en assurance. Ce n’est pas rien.

Tic. Tac. Tic. Tac.

Le calendrier du partenaire européen est bien connu et n’a quant à lui pas changé. L’Union européenne avait depuis plusieurs mois fait savoir qu’une renégociation était exclue mais que des précisions pouvaient être rapidement fournies, si la Suisse devait en souhaiter. Par ailleurs, Juncker et la Commission européenne dans sa composition actuelle n’ont jamais caché leur volonté de finir leur mandat sur un succès avec la Suisse. Ainsi, sans surprise, la réaction de Bruxelles à la communication du gouvernement suisse du 7 juin dernier a été rapide et limpide: les clarifications au texte négocié doivent être apportées d’ici au 18 juin et l’accord institutionnel signé avant le départ de Juncker, c’est-à-dire jusqu’au 31 octobre. La Suisse n’aime pas être mise sous pression. Mais à force de jouer avec le feu…

Tic. Tac. Tic. Tac.

La Suisse a tout intérêt à saisir la balle au bond et conclure cet accord institutionnel tant que Juncker est encore là. En effet, les candidat∙es à la présidence de la Commission européenne semblent ne pas vouloir faire plus de concessions. Aux actrices et acteurs suisses impliqué∙e∙s de prendre leurs responsabilités, laisser leurs calculs électoraux de côté pour un bref moment et écouter le bruit des aiguilles de la montre. Il leur reste encore un peu plus de quatre mois. Au pays de l’horlogerie, nous devrions le savoir: le temps ne s’arrête pas.

Un renouveau du Conseil fédéral bénéfique pour les relations Suisse-UE?

Les semaines passent, l’attente se prolonge: y aura-t-il un accord institutionnel? Le nouveau délai fixé par l’Union européenne (UE) arrive à échéance lundi prochain. Les négociateurs suisses semblent ne pas avoir perdu l’espoir d’en finaliser un – nous sommes à bout touchant nous dit-on (depuis bien des mois). Encore un peu de patience…

Nous traversons une période cruciale pour l’avenir de la place de la Suisse en Europe avec les votations qui nous font face, les négociations en cours sur un accord institutionnel avec l’UE, les élections européennes et fédérales de 2019 mais aussi, et surtout, le renouvellement partiel du Conseil fédéral.

La course à la succession de Mme Leuthard et de M. Schneider-Ammann a été lancée et son résultat aura certainement un impact sur la conduite de la politique européenne de la Suisse. En effet, M. Schneider-Ammann, ensemble avec sa collègue socialiste Mme Sommaruga et le chef de la diplomatie suisse M. Cassis, est l’un des sept Sages à porter le dossier européen au sein du Conseil fédéral. Mme Leuthard, de par son ancienneté, ses relations avec la démocratie chrétienne européenne – famille politique de l’actuel Président de la Commission européenne M. Juncker – et la taille du département qu’elle pilote, a aussi été une actrice clef du dossier, notamment durant sa présidence de la Confédération l’an dernier.

Les deux sièges laissés vacants ne sont donc pas sans importance. Face aux membres socialistes du Collège – dont le parti est tiraillé à l’interne lorsqu’il en va de la concrétisation de sa politique européenne – et de l’Union démocratique du centre – tenus de maintenir la ligne anti-européenne blochérienne –, les profils des successeurs de Mme Leuthard et de M. Schneider-Ammann, tout comme leurs connaissances préalables des enjeux européens, décideront de la tournure que prendront les relations entre la Suisse et l’UE dans les mois et années à venir. Les défis sont tels que nous ne pouvons nous permettre une paralysie complète du gouvernement en raison d’une méconnaissance technique et politique du dossier par ses membres.

Il est donc réjouissant de voir Mme Keller-Sutter se lancer dans la course: présidente en exercice du Conseil des Etats et à la tête de la Délégation AELE/UE du Parlement, elle connaît parfaitement le dossier européen. Pas de risque donc, après sa probable élection, que nous nous retrouvions avec une novice en la matière (comme ce fut le cas avec M. Cassis). Souhaitons au Parti démocrate-chrétien de pouvoir trouver des candidat∙e∙s au bagage tout aussi solide.

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Relations Suisse-UE: une absence de regards externes

Hasard du calendrier, la journée de mercredi a été marquée par deux événements importants.

D’une part, la Constitution fédérale a fêté son 170e anniversaire. Adoptée le 12 septembre 1848, elle a jeté les bases de notre Etat fédéral actuel. Sa dernière révision date de 1999. Si nous célébrons chaque 1er août un mythe – celui du Serment du Grütli –, nous devrions aussi être en mesure de commémorer chaque 12 septembre un fait historique dont la véracité et la portée ne peuvent, elles, être contestées.

D’autre part, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a délivré son dernier discours « sur l’état de l’Union » à Strasbourg devant le Parlement européen. Selon lui, « l’heure de la souveraineté européenne a sonné ». Fort d’un bilan économique positif, l’Union européenne (UE) se doit de renforcer ses capacités de gestion des frontières, établir un partenariat solide avec le continent africain et œuvrer à offrir à ses citoyen∙ne∙s des perspectives d’avenir, particulièrement en matière d’emplois. Ce discours marque le début d’une période de neuf mois incertaine et à haut risque pour l’Europe : la Commission Juncker se prépare à passer le flambeau, les élections européennes des 23-26 mai 2019 se profilent, le Brexit n’est pas encore réglé, les tensions géopolitiques ne faiblissent pas.

En Suisse, nous ne réalisons pas ou très peu à quel point nous évoluons dans une bulle, croyant que nos relations avec notre voisin européen sont d’une telle importance que toutes les capitales et l’entier de « Bruxelles » s’en préoccupent. L’absence de regards externes est criante. Mon séjour à  Bruxelles, la semaine dernière, n’a fait que renforcer ce constat en moi. Rencontrer et échanger, sur place, avec les actrices et acteurs impliqué∙e∙s dans le dossier des relations Suisse-UE et ainsi aborder ce dossier sous un autre angle, depuis l’étranger, m’a obligé de le remettre en perspective. J’en profite pour saluer ici le travail des correspondant∙e∙s des médias suisses installé∙e∙s dans la capitale belge. Hormis celles et ceux de la Radio Télévision Suisse, ils se font toutefois rares, notamment du côté de la presse romande. Nous devons pourtant cultiver ces ponts avec l’externe et informer, expliquer, débattre à l’interne.

Dès lors, lorsque nous parlons d’Europe en Suisse, ne négligeons pas cette actualité européenne – qui n’est pas sans importance pour le développement futur des relations Suisse-UE – ni cette date du 12 septembre. La Suisse est européenne et cela n’est pas un mythe. C’est un fait.

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Accord-cadre, populisme, Europe, Suisse: stop – faisons la part des choses!

La pause estivale est bel et bien terminée, en tous les cas en politique: personne n’échappe ces jours aux innombrables émissions, articles, commentaires et discussions sur le fameux accord-cadre que voudraient conclure la Suisse et l’Union européenne (UE). A bientôt une année des élections fédérales de l’automne 2019, certain∙e∙s diront que nous sommes déjà entré∙e∙s dans la campagne électorale: les coups pleuvent, chacun∙e accuse l’autre, les émotions sont à vif. Difficile dès lors de garder son calme et faire la place nécessaire dans son esprit pour raisonner de façon objective. Pourtant, à mon sens, il est essentiel de faire la part des choses dans le débat actuel.

D’une part, nous discutons de nos relations bilatérales avec notre voisin européen et – surtout – de la question de l’accès au marché unique, primordial pour notre économie d’exportation. Cette voie bilatérale – telle que mise en œuvre comme mesure transitoire après l’échec de l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen en 1992 – s’essouffle. Un renouvellement en est nécessaire si nous souhaitons continuer à bénéficier d’un accès facilité au marché de l’UE et à ses 500 millions de consommatrices et consommateurs. De nouveaux accords sectoriels, qui offriraient des perspectives de développement économique supplémentaires, en dépendent aussi. La conclusion d’un accord-cadre semble dès lors inévitable si la Suisse veut garantir sa prospérité, sa sécurité juridique et maintenir une relation privilégiée avec son principal partenaire économique. Bien sûr, cet accord-cadre a un coût: il est impossible de vouloir s’insérer dans une équipe de football en s’obstinant à ne vouloir appliquer que les règles du volleyball.

D’autre part, il est question de la direction que prend politiquement le continent européen – Suisse y compris – avec la montée en puissance des mouvements nationalistes, conservateurs et antisystèmes. Ne mâchons pas nos mots, l’Union démocratique du centre (UDC) joue ici un jeu similaire à ceux de la Ligue du Nord, du FPÖ autrichien, du Rassemblement national (ex-Front national), de l’Alternative pour l’Allemagne et de bien d’autres encore. Tous remettent en cause les progrès réalisés en matière de droits humains, de démocratie, de libertés et d’Etat de droit. Pourtant, aucun de ces partis ne propose une alternative réellement viable. Face à cette vague populiste et anti-démocratique, les citoyennes et citoyens européen∙ne∙s attaché∙e∙s à un monde ouvert et libre – issus ou non d’Etats membres de l’UE – doivent se réveiller.

Ce sont là deux problématiques qui ne devraient être confondues dans le débat actuel, car un élément central les distingue l’une de l’autre: la non-participation de la Suisse à l’UE. Cet état de fait est à l’origine du débat sur l’accord-cadre. Il n’a cependant rien à faire avec la seconde problématique.

Ce ne sera que le jour où nous serons assis à la table des Etats membres de l’UE, avec le droit de codécision, que nous pourrons pleinement défendre nos intérêts. Nous n’avons toutefois pas besoin d’attendre une adhésion de la Suisse à l’UE pour nous engager à lutter contre les forces politiques dont l’unique objectif est de détruire nos acquis et de nous conduire vers un passé qui n’a jamais existé.

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