Vignette à 100 francs: contre l’objection de droite

Vous votez à droite ? Voici pourquoi vous devriez soutenir l’augmentation du prix de la vignette autoroutière à 100.-. Second volet d’un diptyque dont le premier est disponible ici.

Le 24 novembre prochain, nous nous prononcerons sur l’augmentation du prix de la vignette autoroutière de 40.- à 100.-, augmentation censée rapporter annuellement 300 millions de francs à investir dans l’extension, la maintenance et la mise à niveau de nos infrastructures autoroutières.

Une grande partie de la droite et une forte majorité des milieux automobilistes combattent cette hausse du prix de la vignette, au motif que cela suffit, l’automobiliste n’a pas à être la « vache à lait » de l’état fédéral, n’a pas à subir une nouvelle et insupportable hausse de taxe. Les revenus de la route suffiraient largement à payer pour la maintenance et l’extension du réseau, s’ils étaient utilisés exclusivement à cela. Il suffirait donc de réorienter les revenus générés par la route vers elle, et le tour serait joué : pas besoin d’une nouvelle hausse de la vignette autoroutière.

Il s’agit là d’une argumentation irréaliste et incohérente. Irréaliste, parce que la diversion d’une partie des fonds issus de la route vers les transports publics a déjà été avalisée par le peuple, à deux reprises, en 1983 et en 1997. Or, depuis, la part de la population qui utilise quotidiennement les transports publics, celle qui est donc directement intéressée au subventionnement des transports publics par la route, a très fortement augmenté – depuis 1983, elle a fait bien plus que doubler – on voit dès lors mal comment elle accepterait de revenir en arrière sur les financements croisés acceptés à l’époque par un peuple nettement plus automobiliste qu’aujourd’hui. Que cela plaise ou non, la subvention du rail par la route est là pour longtemps.

Et puis, ce positionnement est incohérent : il s’attaque en effet à une source de revenus qui justement ne souffrira d’aucune ponction extérieure – l’intégralité des sommes perçues sera reversée à l’entretien et à l’extension du réseau autoroutier. Sous prétexte de réparer ce qu’ils perçoivent comme une injustice – quand bien même lesdites injustices ont toutes été avalisées par le peuple –, pour des raisons purement idéologiques, les opposants à la hausse de la vignette vont de fait interdire la mise à niveau de l’infrastructure à laquelle ils disent tant tenir. Soyons clairs, si la hausse de la vignette n’est pas acceptée, le réseau ne sera pas développé, alors que tout indique que la charge qu’il porte aujourd’hui augmentera d’au moins 20% dans les deux décennies à venir. On vous laisse imaginer comment cela se traduira sur le terrain, dans les faits, matin et soir.

Et tout ça pour rien, ou presque, parce qu'à y regarder de plus près, cette vignette à 100 francs représente une hausse très modeste de la fiscalité routière. Pour un automobiliste faisant 20'000 km par an, 60.- par an, c’est équivalent à une hausse d’environ 3 centimes par litre d’essence, hausses que la plupart des automobilistes ne remarquent même plus lorsqu’elles se produisent. De plus, comme il s’agit d’une taxe forfaitaire, son coût est le même que l’on couvre 5'000 ou 50'000 km par an : les utilisateurs parcimonieux de leur voiture subventionnent ainsi les avaleurs de kilomètres, parmi lesquels, évidemment, une majorité de personnes qui roulent pour des raisons professionnelles – un subventionnement, en somme, du conducteur occasionnel vers l’économie. Laquelle, d'ailleurs, ne s’y trompe pas, qui soutient dans une très large mesure la hausse proposée par le Conseil Fédéral.

En somme, dans le but minuscule de faire économiser l’équivalent d’un plein d’essence à un public qui en consomme gaillardement plus de cinquante par année, les milieux opposés à la hausse de la vignette prennent le risque majeur d’aggraver la situation d’engorgement que vit la population qu’ils prétendent défendre, et lui fait perdre tout espoir d’amélioration réelle de ses conditions de circulation pour les années à venir.

Que cela soit un des buts des milieux opposés à la voiture, on le conçoit volontiers ; mais que cela soit le résultat des actions des lobbys pro-routiers du pays, c’est tout bonnement incompréhensible. On est en droit de se demander si les automobilistes de ce pays sont correctement défendus par les milieux qui s’en réclament, ou s’ils ne servent in fine que de « vaches à lait » idéologiques, en dépit du plus élémentaire bon sens.

Pierre Dessemontet

Pierre Dessemontet est docteur en géographie économique, syndic d'Yverdon-les-Bains, député au Grand Conseil vaudois, et vice-président du Parti Socialiste Vaudois.