Exploration spatiale

Mars comme Arche de Noé

La guerre en Ukraine remet sur le devant de la scène le danger d’une guerre nucléaire et, compte tenu des conséquences qui pourraient en résulter, de l’intérêt pour l’humanité de l’autonomie par rapport à la Terre d’une « Planète B ».

Je ne crois pas que Vladimir Poutine veuille entrer dans une guerre nucléaire avec l’OTAN. L’armée russe a attaqué volontairement un bâtiment administratif à proximité de la centrale de Zaporijia et non la centrale elle-même. Cette attaque fait donc, apparemment, partie de la guerre psychologique menée parallèlement à la guerre au sol.

Une erreur de frappe reste cependant malheureusement possible. Elle pourrait déclencher une contamination dans l’atmosphère et en surface du sol sur une très grande surface, sans doute bien au-delà des frontières de l’Ukraine. Au-delà de l’accident, toujours à redouter, il n’est pas à exclure qu’une première frappe déclenche à l’Ouest une riposte également nucléaire, vu l’état de grande faiblesse intellectuelle dans lequel se trouve l’actuel président des Etats-Unis (qui a amplement démontré son incapacité à gérer les crises internationales). Ce serait alors, littéralement, la fin du monde.

Nous n’avons pas actuellement de « Planète-B » et il faudra beaucoup de temps pour que nous en ayons une. Dans ce contexte, l’humanité peut sinon disparaître totalement, du moins connaître le sort des dinosaures après la chute de l’astéroïde de Chicxulub (je le prends toujours comme référence mais il y en a eu d’autres). J’y vois donc la nécessité de commencer, dès que possible, à entreposer sur Mars dans des datacenters ce que nous avons de plus cher dans notre patrimoine intellectuel et à installer quelques-uns d’entre nous sur cette planète au plus vite pour entretenir ce dépôt et le faire fructifier.

Je ne dis pas que Mars pourrait devenir une « nouvelle Terre » aussi belle et riche que la vraie mais je dis que c’est la seule solution pour pouvoir survivre aujourd’hui en dehors de la Terre.

Il n’est pas réaliste d’envisager comme certains le prétendent que l’on pourra terraformer Mars. Une certaine transformation/amélioration pour notre profit de l’environnement général de la planète peut être envisagée mais le retour sur investissement est impossible (beaucoup trop d’argent, et temps nécessaire au retour beaucoup trop long) donc l’investissement tout à fait improbable. Sur le plan technique, la difficulté vient de ce que planète ne dispose pas des ressources suffisantes. Il y a de l’eau mais beaucoup moins que sur Terre. Il y a très peu d’azote. Il n’y a pas de pétrole ni de gaz. Il fait très froid (entre 0°C et -80°C en moyenne à l’equateur) ce qui implique la consommation de beaucoup d’énergie. Il y a du Soleil mais beaucoup moins que sur Terre (irradiance 492 à 715 W/m2 contre 1320 W/m2 à la distance de la Terre du Soleil). L’atmosphère est très peu dense et irrespirable ce qui impose le port du scaphandre à l’air libre. Enfin le sol est exposé à des radiations spatiales dures qui ne permettent pas de rester trop longtemps hors des habitats.

Ceci dit, on pourra vivre sur Mars dans des bulles viabilisées et confortables puisque nous disposerons d’une protection anti-radiations (construites avec de la matière provenant du sol de la planète), d’un minimum de Soleil, d’eau (en raison des dépôts de glace un peu partout en surface), des mêmes éléments chimiques que sur Terre, de journées de presque 24h00 (24h39), d’une gravité acceptable (0,38g) puisqu’elle sera complétée par les équipements protecteurs que l’on devra porter), de la proximité relative de la Terre ce qui au début permettra l’importations de biens essentiels sans trop de difficultés.

Mais je ne dis pas que Mars pourra sauver tous les hommes. La population martienne croîtra très lentement car il faudra la transporter, la loger, la chauffer, la nourrir, lui fournir tous les biens essentiels. Et cela coûtera cher. Il faudra donc qu’elle soit productive pour justifier et rentabiliser la dépense. On pourra envisager quelques dizaines puis quelques centaines puis quelques milliers ou dizaines de milliers de personnes. Mais je pense qu’il faut voir le futur de Mars comme celui d’une nouvelle Islande et qu’on ne dépassera jamais quelques petites centaines de milliers d’habitants. Le projet d’Elon Musk du million d’habitants me semble tout à fait inatteignable. Mars est et restera une planète pauvre. Elle ne permettra jamais l’hébergement de millions de réfugiés terrestres pas plus qu’elle sera jamais un exutoire à la surpopulation de la Terre.

Je ne dis pas que les personnes qui vivront sur Mars pourront se passer de la Terre dès demain. Le processus d’installation sera long car difficile. C’est pour cela qu’il faut commencer maintenant. Il est évident que tout sera à créer puisqu’il n’y a aucune infrastructure, aucun capital productif sur Mars et cela prendra beaucoup de temps. Les départs sur Mars ne peuvent se faire que tous les 26 mois en raison de la circulation des planètes sur des orbites différentes à des vitesses différentes. Le vaisseau le plus grand envisageable, le Starship d’Elon Musk, ne pourra prendre au mieux (en théorie) qu’une centaine (à mon avis une vingtaine) de personnes à la fois ou une centaine de tonnes d’équipements et de marchandises. On ne peut pas non plus envisager qu’une centaine de vaisseaux partent chaque 26 mois, ce serait trop coûteux en énergie et trop polluant pour l’atmosphère terrestre ; et les infrastructures pour les recevoir ne seront pas forcément prêtes car il faudra du temps (des hommes et des machines) pour les construire (sur Mars on ne pourra jamais « coucher à la belle étoile »).

Donc, au mieux, il y aura un millier de personnes sur Mars dans 30 ans, dix mille dans cinquante ans et aucune installation ne sera viable et ne pourra être autonome avant la fin du XXIème siècle. Mais il y aura une incitation très forte pour l’autonomie dès le début de la colonisation. En effet, dès le début, il faudra pouvoir tenir 18 mois sur place, plus six mois pour revenir sur Terre, 32 mois sans aucun secours possible*. Et dès le début il faudra pouvoir faire face aux accidents qui pourraient survenir aux équipements vitaux. Il faudra pouvoir réparer, remplacer, faire face aux tempêtes de poussière qui obscurciront le Soleil, aux accidents ou aux maladies phytosanitaires qui feront échouer une culture ou périr un bac plein d’algues nutritives. Dès le début, l’autonomie sera une condition de survie et compte tenu du coût de la difficulté d’importer depuis la Terre (fenêtres de voyage, volumes, masses, coût), l’autonomie sera un avantage, un besoin et une urgence très forte.

*départ “n” au mois 0, départ “n+1” au mois 26, arrivé sur Mars au mois 26+6. Pour les voyageurs qui reviendront sur Terre, le séjour hors de la Terre sera un peu plus court (6+18+6). 

Mars peut donc être à terme, une bouée de secours pour l’humanité. Non pas une terre riche comme jadis l’Amérique mais une arche de Noé qui nous permettra de passer un mauvais cap pendant la durée nécessaire comme jadis, au VIème siècle, dans la période la plus sombre de notre histoire, des moines irlandais se réfugièrent avec leur savoir sur des rochers face au Grand Océan dans une des régions les plus inaccessibles aux barbares. Espérons que les passions humaines nous laissent le temps de construire le navire, pour un jour nous poser là-bas avant de pouvoir partir pour les étoiles.

Illustration de titre, crédit NASA: 

Nous sommes tous là. Toute notre histoire est là ; tout ce qui a jamais vécu a vécu là, à la surface de ce « petit point bleu pâle ». Avec une technique et des logiciels plus performants que les outils autrefois disponibles, Kevin Gill (expert en photographies spatiales du JPL), aidé par deux membres de l’équipe originale de Voyager 1, a retravaillé la fameuse photographie du « Pale Blue Dot » demandée par Carl Sagan à la NASA le 14 février 1990. Cela a donné cette nouvelle version de l’image, 30 ans après le cliché original. Au milieu de la bande longitudinale la plus claire, on y voit plus nettement que jadis ce fameux petit point immense. 

Illustration ci-dessous

Situation de la sonde Voyager 1 lorsqu’elle a pris la photo de la Terre le 14 février 1990, crédit Joe Haythornthwaite et Tom Ruen (CC BY-SA 4). La distance à la Terre était de 40,47 UA (6,4 milliards de km). Les barres verticales son espacées d’une année et indiquent les élévations de la trajectoire au-dessus de l’écliptique. NB: Pluton se trouve à 30 UA de la Terre et la distance de pluton au Soleil varie entre 29 et 49 UA.

Lectures : mes articles de blog du 08 ; 15 et 22 avril 2016 et 15/12/2018 :

Nous sommes uniques et vulnérables

La seconde Arche de Noé

Mars, notre nouvelle frontière

Les datacenters, une obligation, un avantage et une contrainte pour les futurs Martiens

Lien: https://en.wikipedia.org/wiki/Pale_Blue_Dot

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Index L’appel de Mars 22 02 24

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