La renaissance du vin de Chambord (Premier épisode)

Si au jeu des mots je vous dis « Chambord », que me répondez-vous ? « François Ier » ? « Château de la Loire» ? Léonard de Vinci » ? « Renaissance » ? « Architecture » ? « Forêt » ? « Chasse » ? Bravo, vous avez tout juste… ou presque. Car bientôt, un nouveau terme vous viendra sans doute spontanément à l’esprit (mais aussi à la bouche) lorsqu’il sera question de Chambord : le mot « vin ».

J’ai justement profité du vernissage de l’exposition « Chambord, 1519-2019 : l’utopie à l’œuvre » commémorant le 500e anniversaire de ce château mythique, pour m’éclipser à l’heure du repas visiter le vignoble des lieux, recréé en 2015. L’occasion aussi de déguster la toute première cuvée de ce domaine hors normes.

 

14 hectares et 32 kilomètres de murs

Guidé par Annie Bigot, la responsable de l’exploitation viticole et l’une des meilleures connaisseuses du domaine, nous avons arpenté sous un frais soleil de printemps les quelque 14 hectares d’un seul tenant replantés dans l’esprit de ce qu’était le vignoble historique à la fin du XVIIIe siècle. Et cela vaut le coup d’œil.

Au milieu d’une mer de jeunes vignes, de bosquets et de prairies, apparaissent au loin, en second plan, les toits, tours et clochetons du château comme vous ne les avez sans doute jamais vus. Près de la ferme de l’Ormetrou, sèchent des planches de chêne de la forêt de Chambord qui serviront bientôt à la fabrication de tonneaux. Un domaine viticole marqué par l’Histoire, ceint de 32 kilomètres de murs de pierre et sans véritable équivalent à ma connaissance.

 

Renouer avec un patrimoine historique

Les liens entre Chambord et le vin ne datent pas d’hier, puisqu’on a commencé à y exploiter la vigne dès le Moyen Age. A l’époque, la plupart des nombreuses fermes du domaine possédaient en effet, outre leur potager, leurs champs et leurs prairies, de petits clos de vignes. A la fin du XVIIIe siècle, un vignoble de 5 ha est également planté en pinot noir sur le site de l’Ormetrou. Puis ce vignoble déclinera progressivement… jusqu’à ce que le directeur actuel décide de lui redonner vie.

Mais cette renaissance viticole à Chambord possède une autre particularité. En 1518, François Ier avait en effet importé de Beaune 80 000 ceps d’un raisin blanc qu’il affectionnait particulièrement, et qu’il avait fait replanter près de la bonne ville de Romorantin où le roi avait un grand projet architectural – vite abandonné – avec Léonard de Vinci. La tradition veut que ces 80 000 plants, désormais connus sous le nom de cépage « romorantin », aient survécu jusqu’à nos jours où ils sont exploités au sein de l’A.O.C Cour-cheverny.

En prévision du 500e anniversaire de Chambord, Jean d’Haussonville, le directeur général du domaine, décide donc en 2015 de faire replanter 14 hectares de vignes en cépage orbois ou menu pineau, gamay, pinot noir, sauvignon et… romorantin. Son objectif est bien sûr de produire un vin bio de qualité, mais surtout un vin de mémoire reflétant l’histoire, le patrimoine et la tradition dont il procède. Pour cela, il ne fallait évidemment pas chercher à copier les producteurs de la région, mais au contraire s’en démarquer… tout en intégrant l’appellation locale et en obéissant à ses normes. Une aventure complexe à laquelle ont collaboré des spécialistes de la vigne, bien sûr, mais aussi des conservateurs, des historiens, des administrateurs, des juristes, et même l’architecte Jean-Michel Wilmotte, qui édifiera l’an prochain sur la ferme de l’Ormetrou un chai flambant neuf. (Lire la suite dans le prochain post)

Olivier Le Naire

Olivier Le Naire, journaliste et écrivain, ancien rédacteur en chef adjoint du magazine français L’Express, est passionné par l’univers du vin et des spiritueux. Auteur de nombreux livres, dont "Découvrir lez vins bio et nature" publié chez Actes Sud, il est diplômé du fameux Wine & Spirit Education Trust (WSET). Juré de concours vinicoles, il anime aussi les formations de L’Atelier des Dégustateurs.

2 réponses à “La renaissance du vin de Chambord (Premier épisode)

  1. Bois de cerf et cornes de bouc, la vigne n’est pas en grève,
    oui, j’adore autant les femmes que la vigne, alors une nouvelle positive, c’est pas de refus.
    Font-ils du bio?
    Il me semble avoir vu passer une réalisation magistrale de Wilmotte dans le bordelais.

    1. Oui, tout est en bio et supervisé par Henry Marionnet, un as du vin nature ! Quand à Wilmotte, on lui doit effectivement le chai (d’oeuvre) de Cos d’Estournel, à Saint Estèphe.

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