Cinemovel: un projet qui montre les biens saisis en image…au cas ou certains en douteraient

Juste ce petit post pour signaler à celles et ceux d'entre vous qui souhaiteraient faire un petit gest pour la lutte antimafia. Le CineMovel est un projet pour désenclaver la lutte antimafia et dans un monde ou l'image prime, de la montrer, sous forme de films, reportages, documentaires ce que c'est que la lutte antimafia au quotidien et surtout, surtout, de partager les succès et de pouvoir montrer que c'est possible.

Né en 2006, Libre Cinéma sur les Terres Libérées est un projet unique en Europe, promu par Cinemovel Foundation, avec la présidence honoraire de Ettore Scola, et par Libera, associazioni, nomi e numeri contro le mafie, crée par don Luigi Ciotti.

 

Il s'agit d'un Festival de cinéma ambulant contre les mafias. Depuis sept ans, pendant les mois de juin et juillet, nous parcourons plus de 5000 km à bord d’un camion et organisons chaque jour dans une ville différente, une projection de cinéma en plein air. L'objectif est de contribuer à transmettre l’essence même du cinéma: raconter des histoires.   Le projet est né de la croyance que le cinéma et la vision collective ont un rôle fondamental dans la lutte contre la criminalité organisée. Il permet de réunir des gens dans les lieux publics de villes touchées par la mafia comme Corleone ou Palerme en Sicile, Naples, Casal di Principe ou Mesagne (dans les Pouilles) et de soutenir le travail, trop souvent méconnu, des personnes qui se battent au quotidien contre les mafias. Nous diffusons des documentaires et des films de fiction sur des thèmes liés au crime organisé.

 

Amener le cinéma dans les villes et dans les lieux publics signifie "occuper" le temps d’une soirée,  des villes que les mafias se sont accaparées : Corleone, Cinisi, Portella della Ginestra, Castel Volturno, etc. Cela a une portée, ne serait-ce que symbolique, très forte. De cette façon, le lieu public devient une place universelle, un lieu de dialogue et de confrontation pour promouvoir une prise de conscience, un sens des responsabilités et la culture de la légalité.   Pour refléter l'évolution du phénomène mafieux, qui s'est déplacé du sud au nord de l'Italie jusqu'à atteindre un développement international, nous devons élargir notre itinéraire et notre champ d’action.

 

http://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/cinema-libre-dans-les-terres-liberees

L’indispensable besoin de connaissance

Les annuelles statistiques de la criminalité doivent sortir aujourd'hui. Olivier Guéniat dimanche soir indiquait une profonde vérité à ce titre: les statistiques, on peu leur faire dire ce qu'on veut. Ayant été pendant 6 ans statisticien à l'Université, je sais de quoi on parle. Pourtant, je me rappelle de 1996, lorsque nous commencions notre projet financé par le Fond National pour la Recherche Scientifique dans le cadre du PNR 40 portant sur la corruption et la criminalité organisée en Suisse, nous ne disposions que très peu d'informations statistiques. Nous avions du compulser des milliers de listings de condamnation classés par tribunaux de districts et par article du code pénal (pour la condamnation principale) afin d'obtenir une vue d'ensemble, mais fois encore bien partielle, de la criminalité économique en Suisse. En ce qui concernait la corruption, le blanchiment et le crime organisé, nous étions véritablement dans le flou. Depuis, heureusement, beaucoup de choses ont évolué, notamment que l'Office Fédéral de la Statistique (OFS) publie en ligne ses statistiques, chiffres et analyses sur la vision "tribunal" de la criminalité.

En termes de récolte des données sur la criminalité, les sources ne sont pas infinies: au niveau des sources officielles, on aura les statistiques des condamnations et des dénonciations, ainsi que les enquêtes et rapports de situation, tous aux niveaux fédéral et cantonal. Sinon, d'autres sources peuvent exister, de manière plus ponctuelles et sur des éléments plus ciblés, comme des enquêtes de délinquance autoreportées ou des enquêtes de victimisation. En matière de blanchiment d'argent, les chiffres du MROS (la centrale d'annonce FIU de Suisse) les données sont également assez complètes et bien accessibles. En matière de corruption et de criminalité organisée, ainsi que de blanchiment d'argent (en tant qu'infraction subséquente), les données sont plus lacunaires et les enquêtes approfondies, qu'elles soient sous forme d'études de cas ou de victimisation sont assez lacunaires.

Beaucoup de problèmes se posent face à des statistiques comme le relèvait hier soit Olivier Guéniat dans l'émission Mise Au Point de dimanche soir. La mise en perspective est souvent une des plus grave lacune…et un des "trucs" les plus utilisés afin de faire dire aux chiffre ce que l'on veut. La vision que l'on peut avoir d'une statistiques annualisée dépends fortement de sa profondeur, étant compris par la mise en perspective d'un chiffre par rapport à une série plus ou moins longue. En effet, les analyses peuvent changer du tout au tout suivant que l'on prenne la série de chiffres sur un problème donné sur 1 and, 5 ans ou 50 ans. Cette mise en perspective des chiffres est bien connue des économistes.

L'effet d'entonnoir dans le cas de la criminalité, soit le passage des actes réels à la connaissance approfondie des actes écrème parfois plus de 90% des cas suivant les infractions. Les statistiques donnent également des faits bruts tirés d'une source. Elles sont autant le reflet d'un travail policier (dans le cadre des statistiques de police) qu'une extrapolation (assez fidèle malgré tout) de ce qui se passe parmi les comportements criminels. Mais elles ne permettent pas de décrypter les mécanismes, la logistiques sous jacente à chaque action criminelle et donc ne permet pas à en cibler les points vulnérables pour mieux les attaquer. C'est comme cela que l'on gagne en efficience sinon en efficacité.

Au delà des statistiques de police, de justice ou des enquêtes malheureusement trop rares, il existe malheureusement encore d'énormes lacunes dans la connaissance des phénomènes criminels en ce qui concerne la criminalité en entreprise (fraude, détournements, faux, etc.), la corruption et la criminalité organisée. La connaissance est importante car elle permet avant tout de diriger des politiques publiques chargées de combattre ces phénomènes. Qui dit politique publique, dit argent publique, ressources, moyens, et, naturellement en périodes de restrictions pour tous, efficacité voir si possible efficience.

De telles connaissances sont utiles également à beaucoup de choses et à beaucoup d'acteurs. Elles permettent de mieux cibler les actions répressives publiques, la prévention publique et privée, elles permettent d'améliorer la compréhension des mécanismes criminels non seulement par les polices et les organes de justices, mais également par les entrepreneurs, les banquiers, les administrateurs, les actionnaires et les employés. Elle permettent de cibler les comportements et les techniques sur leurs points faibles et de hausser drastiquement le coût de réalisation du crime. En gros, la connaissance permet de comprendre un phénomène et donne les moyens à la société toute entière de mieux le contrôler.

A ce titre, la création d'un Observatoire de la sécurité et des libertés publiques à l'Université de Genève serait un grand avancement pour cette connaissance.

Je fini ce billet le mardi…les statistiques s'étalent dans la presse, et elles sont surprenante. Par contre, l'insécurité, sentiment distillé par la peur, est partout en augmentation. Comment combat-on la peur ? Par la connaissance. On a peur de ce que l'on ne connait pas. Alors faisons un pas en direction de cette peur afin d'en faire reculer les frontières.

L’Etat de Genève en mère maquerelle ?

Quelle ne fut pas ma surprise ce jour là… Au détour d'une conversation amicale, un ami lâche une bombe: "tu savais que le Canton de Genève habrite un bordel ?". Sans blague ? C'est ce genre de révélations qui, malgré une certaine habitude, me fait toujours l'effet d'une immense surprise. Tant, mieux, me disais-je, constatant avec satisfaction que ma capacité d'indignation et de surprise reste à peu prêt indemnne, malgré les horreurs quotidiennes, petites et grandes (c'est mon métier).

Intrigué, je lui demande plus de détails. Il s'avère qu'une amie à lui, étudiante, habite dans un appartement vers les Acacias. L'immeuble abrite plusieurs étudiant(e)s et…un salon de massage…Mais le plus drôle, m'indique t'il, c'est que cet immeuble appartient à l'Etat de Genève. Gardant cette information en tête de retour au bureau, je consulte le Registre Foncier en ligne de notre belle administration cantonale en indiquant l'adresse confidentiellement fournie par mon ami. Et Bingo !!! Effectivement, il apparaît que le lot entier appartient à l'Etat de Genève.

J'effectue ensuite quelques petites recherches internet, quelques coups de fil, et je tombe sur la confirmation que ledit salon de massage est bien à l'adresse indiquée. Et voilà…

Bon, rien de pénalement répréhensible là dedans. Il semble que le salon soit dûement enregistré et que les demoiselles qui y travaillent le soient aussi (pour un salon qui affiche ses atours sur les affiches de la Ville, j'ai (à raison ou à tort, l'avenir le dira) plutôt tendance à faire confiance en nos institutions. Mais quand même…je ne suis pas (et de loin) chantre de la répression tous azimutes et je n'ai jamais été et ne serais jamais un de ces ardents défenseurs de la moralité pudibonde. Il me revient toutefois à l'esprit une recherche qui avait été effectuée il y a environ 10 ans par MM Froidevaux et Sardi intitulée "Le monde de la nuit". Dans cette étude, les auteurs posaient notamment la question (restée sans réponse depuis) des tarifs de location des lieux pratiqués par des propriétaires et/ou des régies. Pour exactement le même bien, les tarifs pratiqués présentaient des différentiels abyssaux. Serait-ce pour des raisons bassement vénales que le Canton octroyerait cet espace qui permettrait de proposer aux étudiant(e)s des loyers plus abordables ? une simple question de compensation ?

En outre, il paraît opportun de rappeler dans ce contexte le psychodrame annuel des autorités à chaque rentrée universitaire pour loger ces pauvres étudiants sans le sous dans un Canton qui manque cruellement et historiquement de logements (certains dirons de distractions aussi…ce n'est pas faux). Le Canton de Genève aurait-il eu l'idée perverse de simplifier le paiement des loyer par les étudiantes en manque de revenus en conciliant lieu de travail et lieu d'habitation ?

Des remarques plus ou moins placées, intéressantes ou éventuellement graveleuses, la question qui se pose dans le cas présent est double: qu'est ce qu'un salon de massage vient faire dans une maison d'étudiants, et quel chemin tortueux ou idiot l'administration cantonale a t'elle suivi pour attribuer ce bien locatif à une personne qui visiblement possède ou gère déjà deux autres salons de massage en ville ?

Cela n'enlèvera certes pas le déplaisir des locataires féminines qui a toute heure, se rendant ou quittant en leur domicile se voient demander à combien s'élèverait le montant d'une pipe par des bipèdes mâles encombrant le hall d'entrée de l'immeuble. Cela ne leur enlèvera pas également les nuisances sonores que certains pourraient trouver drôles (dans le sens graveleux) quelques minutes, mais franchement dérangeantes pendant des heures (preuve que le secteur est moins touché par la crise que d'autres).

La question de fond qui transparait de tout cela est à nouveau la gestion cahin-caha du parc immobilier genevois. Quand on connaît les difficultés à se loger dans le canton, la morale de cette histoire est que pour avoir un logement, il vaut mieux savoir se prostituer. A quand les cours spécialisés ?

Wanna eat some mafia? (ou lorsqu’elle s’invite dans nos assiettes à nos risques et périls)

Cela fait plus de 10 ans que je répète à l'envie et à qui veut l'entendre que le problème de la criminalité organisée commence à être combattu non pas seulement lorsque les autorités le décident (ou pas) mais surtout lorsque les gens, vous, moi, tout le monde, est conscient que ces réseaux criminels affectent des routines quotidiennes, les petits faits de tous les jours. En l'état, on pourrait parler de transports, de téléphonie mobile, de travail, etc. mais quoi de plus commun à toutes et tous de faire ses courses et de manger ? En plus, ce matin, la Reppublica reprends une enquête de la Guardia di Finanza italienne selon laquelle  4 bouteilles d'huile d'olive italienne sur 5 ne contient "pas que" de l'huile d'olive italienne mais bel et bien des mélanges sensés faire diminuer le prix de revient du produit.

Cela m'a rappelé que dans mes cours, je parle assez souvent de mafia alimentaire, de "agromafia" comme ils disent au sud des Alpes. Comme je le rappelle souvent, la problématique de la criminalité organisée dans l'industrie alimentaire est complexe et recouvre des multiples facettes: sécurité alimentaire, pression sur les prix, fraude, vols, contrefaçons, tout cela tant dans la production que dans la distribution et le transport, le stockage et les contrôles. Cela pose également la question des entreprises "légales" du domaine. Leurs produits sont victimes de contrefaçons, de vols ou de pillages. Ils sont concurrencés rudement par des produits présentés comme équivalents mais qui ne sont que des copies de mauvaises, voire très mauvaises ou de dangereuses qualité. En Italie, La Commission sur la Contrefaçon alimentaire (si, si, ca existe) indiquait en 2011 que le chiffre d'affaire de la criminalité organisée dans l'agrobusiness se montait à 12,5 milliards d'Euros par an, soit plus de 5% du total de la branche. Ceci au travers d'investissements dans les terrains, les bâtiments, les équipements, la cultivation, la transformation et le transport. La filière du faux pesait quant à elle plus de 60 milliards d'Euros par an. Une étude spécifique de l'EURISPES (l'institut statistique italien) a même été réalisée et est actualisée chaque année depuis plus de 5 ans.

Pour s'adapter, beaucoup font le pas sur des marchés de niches, comme le recyclage des produits carnés, viande et saucisses, ou dans les fruits et légumes qui pourissent au bout de quelques heures dans nos cuisines. Tout cela sans parler des conditions de production: on a eu les plaintes sur la production de fraises espagnoles (tout le monde s'en fout que ca soit des esclaves qui ramassent le précieux fruit), on connaît la situation des sans papiers forcés de travailler sur les champs de légumes du sud de l'Italie, d'Espagne, du Portugal, de Grèce et encore plus loin, en Afrique, en Asie… On trouve par exemple les mains de la yakuza japonaise derrière l'épidémie de bactérie E.COLI au Japon, à Taiwan, en Chine et même aux Etats-Unis principalement dans les écoles. Ces épidémies se répètent visiblement depuis plusieurs années et chaque année, des milliers d'enfants et d'adultes sont contaminés, certains en meurent.

On sait que les entreprises de transport sont des cibles d'investissement privilégiées par les organisations criminelles, quelles que soient leurs nationalités: camions, bateaux, avions, du Japon aux Caraibes en passant par le Moyen Orient, l'Afrique, l'Europe et les Etats Unis, personne n'est à l'abris. Les flottes de pêche mafieuses sont légion et se soucient comme d'une guigne de l'impact environnemental comme des traités sur la pêche. En 2011, l'UNODC s'est même fendue d'un rapport spécial sur l'industrie mafieuse de la pêche. La CFP Reform Watch (Common Fisheries Policy) indique clairement en faisant référence à ce rapport que la pêche mafieuse met en péril les industries de la pêche légales. On sait également que les organisations criminelles privilégiaient la pêche à la crevette notamment dans les Caraïbes et avaient acquis de véritables flottes, principalement pour transporter des stupéfiants. On sait également que les flottilles de pêches sont largement utilisées en méditerranée ou en Galice, pour décharger les supéfiants (ou autre chose) des cargos en provenance d'Amérique Latine ou d'Asie au large des côtes. On sait aussi que dans les zones sinistrées, ou personne ne pêche plus pour des raisons sanitaires, eux y vont et vendent leur produits à des prix défiant toute concurrence…après tant pis pour le consommateur.

La filière du lacté n'est pas en reste. On connait les déboires du "roi de la Mozzarella"…Giuseppe Madara, arrêté pour liens avec la camorra, la mafia napolitaine. Ce que l'on sait moins de cette affaire, en tout cas ici, largement reprise par LIBERA en italie, c'est que l'entreprise de l'individu écoulait 30 million de produits par ans et produisait non seulement en Italie, mais également au Japon, aux Etats Unis, en Australie et dans l'autres pays européens. L'affaire Parmalat est également dans tous les esprits. Toutefois, peut de gens on pu voir les connexions entre l'empire Tanzi et les cartels sudaméricains au travers de sociétés panaméennes servant à blanchir de l'argent au travers du retail business.

La viande non plus n'est pas à l'abri. Nous avons tous en tête les innombrables trafics de viande qui ont fleuri lors de l'embargo sur la viande anglaise lors de la crise de la vache folle. Mais les trafics de viande on connu depuis une telle expansion que le FBI leur a donné un nom: les Organized Retail Crime. Plusieurs opérations ont eu lieu dans les chaînes d'abattage, de transport et de vente des produits carnés, tant aux Etats Unis qu'en Europe et en Angleterre. Il est clair que la présence des organisations criminelles dans le business de la viande aux Etats Unis n'est pas neuf. On trouve déjà en 1974 des documents judiciaires relatif à des opérations à large échelle menées par les "mobsters" de New York City. Ce qui est plus nouveau, c'est leur internationalisation et leur industrialisation.

On ne parlera pas ici de la main mise qu'on pourra qualifier d'historique des organisations criminelles sur les marchés divers et variés, tout autour du monde: les marchés des légumes à NYC ou à Milan, les marchés aux poissons à Palerme, au Japon ou en Chine, etc. etc. Peu d'opérations policières malgré tout et le mafiafood revient finalement dans nos assiettes.

Enfin, je ne vais pas continuer à vous dégoûter, mais dans l'assiette comme dans l'industrie, il faut toujours connaître son producteur. C'est mieux pour sa santé.

Et si vous voulez du 100% antimafia dans votre assiette, consommez LIBERATERRA.

Bon appétit!

 

 

La stratégie des biens confisqués à la mafia: un bon outil dans de mauvaises mains ?

A l'heure de cette nouvelle année, je vais me permettre un petit blog touffu. L'idée n'est pas de peser lourd sur une politique ou un autre (principalement en matière criminelle) mais, pourquoi pas, de jeter les bases d'un petit chantier fort utile concernant la lutte antimafia en Suisse qui, d'après les récents articles de presse relayant les actions du MPC, semble reprendre du poil de la bête (on verra si le TPF suivra…mais ca c'est une autre histoire).

Je voudrait parler ici de la stratégie de confiscation des biens appartenant à des clans ou personnes mafieuses et de leur réutilisation à but social ou commun. Le concept est le suivant: une fois les membres d'un clan condamné, les biens saisis, que ce soit en liquide, en titres, en parts, en biens immobiliers ou mobiliers, en bijoux etc., au lieu d'être revendus par l'Etat ou appropriés directement par ce dernier, sont alloués à une agence qui s'occupe de leur redistribution pour le bien de la collectivité publique. Le message est fort et la stratégie implacable. En effet, tel un parasite sanguinaire, les clans mafieux s'approprient indument des avoirs par des actions licites ou illicites (le second servant de base au premier) en ponctionnant les collectivités dans lesquelles ils vivent comme les poux sucent le sang de leur hôte. Mais une fois le poux mis hors d'état de nuire, que faire avec tout ce sang, richesses volées à la communauté qui l'a si longtemps abrité et nourri, parfois protégé par peur de terribles représailles ? Et bien ces richesses sont rendues à cette communauté. Il s'agit d'une extension intelligente de la saisie des avoirs mafieux, de la stratégie de "taper où ça fait mal", c'est à dire l'argent, les avoirs, le pouvoir, leur pouvoir.

Cette stratégie est intelligente à plusieurs titres: d'abord économiquement, puisqu'un clan mafieu privé de ses avoirs perds largement de son pouvoir et de ses bases de contrôle (généralement des biens immobiliers). Il est idiot de mettre des mafieux en prison en laissant leurs richesses mal acquises à disposition de leurs remplaçants familiaux. Ce ne serait qu'un acte judiciaire manqué, un travail fait à moitié, et d'ailleurs bien inutile (sauf à dépenser de l'argent publique pour faire fonctionner des tribunaux) ou à risquer inutilement la vie de policiers sur le terrain.

Cette stratégie est également intelligente, puisqu'il faut bien le reconnaitre, les investissements mafieux se sont largement diversifiés depuis plusieurs années. On est loin de l'époque où l'on saisissait des avoirs sur un compte bancaire (généralement plusieurs) et on s'illusionnait que le tour était joué. En jouant le rôle de coffre fort des mafias du monde entier, la Suisse à longtemps, et encore à plus d'un titre aujourd'hui, cru pouvoir se cantonner à saisir des valeurs mobilières sur des comptes bancaires. Pendant longtemps, la Suisse s'est même faite laminer par ses partenaires étrangers lorsqu'il s'agissait de se répartir le "butin" mafieu. Heureusement, une loi fédérale est venue cadrer cet épineux problème il y a moins de 3 ans. Mais les avoirs mafieux sont aujourd'hui tellement diversifiés qu'il convient de concevoir le concept de saisie et surtout de "réutilisation" une, voire deux étapes plus avant. En effet, outre les innombrables comptes bancaires, on trouve également des instruments financiers à terme, des investissements immobiliers (privés, terrains, commerces, bâtiments etc.), les titres divers (dont des obligations d'Etat) mais surtout des participations partielles ou totales dans des entreprises, petites, moyennes, grandes voire multinationales. Il faut donc pouvoir s'occuper de ces différents "trésors de guerre" qui nécessitent tous des soins particuliers, des démarches et des connaissances spécifiques et pointues.

Enfin, cette stratégie est également intelligente sur le plan symbolique: rendre à la communauté ce qui lui a été injustement soustrait par la violence ramène non seulement au rôle de l'Etat redistributeur mais également à ses prérogatives régaliennes de maîtrise de la sécurité, de la force publique et de la gestion d'un territoire. Sur le plan symbolique donc, le retour à la communauté permets non seulement de créer une dynamique positive au sein même de cette communauté, comme incitation à sortir d'une logique trop longtemps dictée par la peur et la misère, et de créer une dynamique négative chez les clans qui voient ainsi leurs "trésors de guerre" patiemment constitués au prix du sang, du leur aussi, leur échapper pour terminer dans des mains qui servent la communauté dont ils ont si longtemps tiré leur pouvoir par la peur et l'oppression.

En Italie, l'Agence Nationale pour l'Administration des Biens Confisqués à la Criminalité Organisée a été instaurée par le Décret-Loi no 4 du 4 février 2010 et converti en Loi no 50 du 31 Mars 2010. Cette agence règle l'utilisation, l'allocation et la réutilisation de tous les biens confisqués aux clans mafieux en Italie. Cette Agence est placée sous la Direction du Ministère de l'Intérieur Italien. A ce jour, 12'670 biens ont étés saisis pour une valeur de plusieurs dizaine de milliards d'euros. Certains ont étés réalloués, d'autres ont étés vendus (principalement des voitures et d'autres biens dont la vente est facilitée par la nature du bien) et d'autres encore attendent encore un repreneur. De cette Loi italienne, LIBERA, l'association italienne anti-mafia dirigée par Don Luigi Ciotti et FLARE, le réseau européen anti-mafia de la société civile, ont entrepris les démarches auprès de l'Union Européenne pour en faire une Directive européenne qui s'appliquerait du coup à tous les Etats Membres, ce qui devrait être chose fait l'année prochaine ou au pire en 2014. Cela dépendra de la crise…la belle affaire.

Si sur le papier, la situation semble maîtrisée, la réalité du terrain tend à se dégrader. Le côté positif est que les produits des coopératives, principalement agricoles, qui ont vu le jour grâce au travail acharné de quelques passionnées et passionés, dont certains y ont laissé leur vie, sont distribués à grand échelle en Italie et commencent à apparaître dans les différentes boutiques spécialiées européennes grâce à un travail remarquable de tous ces réseaux d'associations. Il s'agit principalement de produits finis alimentaires, comme des pâtes, du riz, des tomates, du vin etc. commercialisés sous le label Libera Terra. Des associations à but non-lucratif, comme les aides aux handicapés, aux travailleurs immigrés, aux "esclaves modernes", à la lutte contre la toxicomanie, à l'aide aux prostituées, à la prise en charge d'enfants dans des quartiers défavorisés de Rome, Naples, Palerme, Milan, Turin, des clubs de sport et des lieux culturels voient le jour et font de leur mieux pour transformer des vies broyées par la violence et la misère. Des bâtiments reviennent aux communes et aux régions, collectivités locales qui retrouvent des moyens, certes parfois modeste, pour servir et améliorer la situation de leurs concitoyens. Tout cela ne peux exister sans une implication forte de membres de la société civile qui, malgré le danger et faisant confiance au droit, mettent leur énergie, leurs compétences et leur vie parfois au service du bien public et de la Justice.

Sur le terrain, la situation est loin d'être rose. Dans des coopératives agricoles en Sicile, les plants de vigne, de tomate ou de blé sont régulièrement saccagés par des séides à la solde des clans, anciens propriétaires. Des outils et des machines sont volés ou détruits. Dans le Piémont, juste en dessous du val d'Aoste, pas si loin de chez nous, une vaste propriété appartenant à un clan, jugé comme tel, saisie par la Justice, à mis plus de 12 ans avant de pouvoir être investie par les pouvoirs publics et les associations. Avant leur départ forcé, le clan avait tout saccagé: électricité, plomberie, toiture, portes et fenêtres, et il a fallu tout reconstruire. Des immeubles saisis ne trouvent simplement pas preneur, par peur des représailles. Dans les Pouilles, la Présidente d'une coopérative agricole produisant du vin s'est faite assassiner. A tous ces risques, violences et problèmes quotidien, il faut ajouter les vexations politiques et administratives. Cela va de déclarations politiques malveillantes attaquant non pas le principe (trop dangereux politiquement), mais les compétences, le courage, la mécanique, les résultats, aux actes administratifs inutilement compliqués et décourageants, donnant par là une vague idée de comment il est difficile d'entreprendre dans un pays comme l'Italie et pourquoi le Sud du pays reste largement sous doté d'entrepreneurs et d'entreprises par rapport au nord du pays.

Mais le plus gros problème vient aujourd'hui des entreprises saisies. En effet, sur les 12'670 biens saisis, 1'663 sont des entreprises. Et Don Ciotti et Libera poussent en cette fin d'année un cri d'alarme: sur plus de 1'600 sociétés confisquées depuis 1982, seules 35 sont encore actives aujourd'hui. Et les grands quotidiens de la péninsule de titrer le "Waterloo des séquestres" et d'écrire noir sur blanc que lorsqu'une entreprise est en mains mafieuses, tous marche parfaitement bien et dès qu'elle se trouve saisie et placée sous un administrateur professionnel, elle dépérit et meurt rapidement. Parmi les "trésors" confisqués aux boss mafieux, on trouvera l'Hotel San Paolo de Via Messina à Palerme, l'entreprise agricole Suvignano Srl à Sienne en Toscane, de 713 hectares et disposant de 13 bâtiments, de 2000 têtes bovines et de 200 porcines, une oliveraie de 5 hectares et une réserve de chasse, le Château de Miasino à Novara (ou connu sous le nom de Villa Brette), ancienne propriété de la société DEUTZIA SRL appartenant au boss Pasquale Galasso, possèdant 30 pièces et un vaste parc ou encore la structure sanitaire Gruppo Villa Santa Teresa appartenant auparavant à l'ing Aiello, évalué à environ 800 millions d'euros et composée de 16 sociétés et divers bâtiments. Tous ces biens, saisis avant 2010, sont soit dans le rouge, soit encore en attente de mise en service (de la communauté). En Calabre, un des plus vastes parc d'éoliennes d'Europe est à l'arrêt, faute de repreneur (ce cas passant également par la Suisse pour les investissements).

Sur les 1'663 entreprises saisies, 88 étaient dans le secteur agricole, il y avait 164 hotels et restaurants, 24 avaient une activité financière, 137 étaient dans les branches immobilières, location, informatique et services aux entreprises, 35 dans le secteur des activités manufacturières, 462 dans le commerce, la réparation de véhicules, les biens personnels et les services à domicile, 23 étaient dans l'extraction minière, 15 dans la pêche, la pisciculture et les services connectés, 6 dans la production et la distribution d'énergie électrique, gaz et eau, 19 dans l'assitance sociale et 60 dans le transport et le stockage.

Les raisons de cet échec, comme l'appel Don Luigi Ciotti, sont multiples. Il dénonce d'abord la bureaucratie, l'indolence et le désintéressement. Il dénonce également la faillite de la vraie lutte antimafia de l'Italie. Mais ce cri d'alarme pose de vraies, de bonnes questions. Des questions qui nous concernent toutes et tous et qui doivent être replacées dans une dynamique actuelle pour tenter d'en comprendre les cause et d'en esquisser les solutions pour les prochaines années.

Une société appartenant à un clan mafieu n'est pas une entreprise comme les autres. Bénéficiant de rentrées provenant d'activités illégales, elle ne craint ni la faillite, ni le crédit. Elle paie ses impôt, son compte bancaire est toujours plein au grand bonheur de son banquier et elle est en constante expansion, gagnant des marchés publics et privés soit à coup d'actes d'intimidation, de violence, de corruption ou de cooptation, soit encore par une concurrence déloyale acharnée sur les prix, faisant travailler des esclaves modernes, ne respectant aucune réglementation sur les assurances sociales, les normes de sécurité, la qualité des produits délivrés, etc. Les conséquences de cette criminalisation de l'économie sont multiples: elles précipitent la faillite des systèmes de welfare, faisant peser des ponctions toujours plus lourdes sur les entreprises qui "jouent le jeu", elles augmentent la réglementation pour éviter ce tels cas mais pénalisent avant tout les entreprises "légales" et les activités réellement productives, elles éjectent des marchés publics et privés les entreprises "légales" par une concurrence effrénée sur les prix, prix qui ont d'autant plus d'importance dans une situation de crise économique et qui ramènent toujours plus de clients, privés ou publics, vers les produits et services les moins chers mais aussi de moins bonne qualité fourni par les entreprises qui ne respectent aucune norme légale. Cette concurrence pousse les autres autres entreprises vers l'illégalité, lesquelles, sans être "mafieuses" au sens strict, sont de plus en plus tentées par les facilités qu'offrent le non paiement de cotisations sociales, la fraude fiscale, la fraude à la TVA, le paiement de salaires au rabais ou l'embauche de salariés sans papiers (et sans droits), la contrefaçon, l'utilisation de matières premières de mauvaise qualité (des enquêtes sur la qualité du béton dans les ouvrages publics en Italie, en France ou en Espagne font assez peur et posent des risques d'effondrement, mais également des problématiques d'amortissement et de pertes financières).

On le voit, les conséquences sont multiples et extrêmement grave non seulement pour notre qualité de vie, mais pour l'Etat de Droit et notre démocratie en particulier. Si nous pensons qu'il est préférable de se contenter d'un job pourri et mal payé tout en se gavant de divertissements calibrés et bourrant nos crânes indolents, c'est malheureusement que nous ne méritons pas notre démocratie. Malheureusement, nos enfants ne l'ont pas choisi. Malheureusement, quand on perd sa liberté, elle doit se reconquérir au prix fort. Il est temps de réagir et de s'impliquer, dans notre pays aussi. Notre forte culture démocratique et participative à fait jusqu'ici barrage aux gros des investissements mafieux dans notre économie, même si elle n'en est pas exempte.

Et comme objectif de notre politique judiciaire pour 2013, serait de mettre en place les outils législatifs nécessaires sur la base de la Loi italienne, qui permette aux pouvoir publics non seulement de confisquer plus largement les biens mafieux ou criminels, mais également de gérer leur réutilisation, en apportant à cette application le génie suisse qui nous caractérise.

La weissgeld strategie du Conseil Fédéral est elle une vaste blague ?

Le débat sur la TSR1 de ce jeudi soir 13 décembre fait rage sur la question de la mutation de la place financière suisse. La stratégie de "l'argent blanc" est sur toutes les lèvres. Proactivité, ligne stratégique gouvernementale, on saluera les efforts de notre gouvernement de tenter de reprendre l'avantage après avoir subit pendant des années les foudres des fiscs et gouvernements étrangers. Cette "weissgeldstrategie", tout le monde en parle, personne ne sait véritablement ce que c'est. En tout cas, au niveau conceptuel, je serais bien le dernier à remettre en cause une telle idée, moi qui répète à l'envie depuis plus de 10 ans qu'il y a toujours plus d'argent "blanc" dans le monde que d'argent "noir". Naturellement, lorsque je professais cela, je ne pensais pas du tout à l'argent de la fraude fiscale, mais bien à celui du crime.

Disons le tout net: il n'y aura aucun stratégie de l'argent blanc tant que les banques suisses garderons dans leurs coffres et sur leurs comptes des avoirs criminels. S'attaquer au fraudeurs fiscaux étrangers apparaît comme une issue inévitable, tant la pression fiscale des grands pays, très gourmants parce que très dotés en infrastructure, est devenue insupportable. Mais il ne s'agit pas de "stratégie de l'argent blanc". Loin de là. Le concept en lui même, pour attirant qu'il soit, est trompeur voir fallacieux. Et dangereux. Il conviendrait plutot de l'appeler la "stratégie de l'argent déclaré". Sortir la Suisse de son image de "place financière opaque", pourquoi pas. Ce qui est insupportable, tant pour les Suisses que pour les clients et anciens clients de banques suisses, c'est le différentiel de traitement entre le fraudeur, entrepreneur, citoyen disons à peut près normal qui, pour tenter de payer moins d'impôts dans son pays d'origine en cache une partie chez nous (maintenant il a le choix, mais c'est un peu moins efficace et plus loin) et le blanchisseur professionnel qui lui déclare par contre tout ce qu'il faut et qu'il doit. Si il y a une chose qui nous est apparue ces dernière années, c'est que les mafieux adorent payer leurs impôts. Aussi parce que les impôts le leur rendent bien: relative tranquillité et retour sur investissement en parasitant les fonctions et marchés publics.

Comment expliquer a l'entrepreneur français, italien ou allemand qui pendant des années a fraudé le fisc de son pays qu'il juge, à tort ou à raison, ce n'est pas à nous d'en juger mais aux fraçais, allemands ou italiens, qu'on les immolent sur l'autel de la transparence alors que dans le même temps, des ploutocrates et mafieux de tous types et de toutes origines ne sont ni inquiétés, ni "chassés" voire même aidés par ceux-là même qui devraient les refuser avec la dernière énergie.

Ce différentiel là est insupportable, surtout en Suisse. C'est un "pousse au crime" économique et moral.

Quelques petits exemples: le cas du système de compensation utilisé par la mafia chinoise entre l'Espagne et la Chine, en passant par Genève, l'argent volé par quelques ex-PEP d'Europe de l'est et d'Asie centrale qui font l'objet de poursuites judiciaires et policières dans les banques Genevoises et Zurichoise, l'argent de trafics de stupéfiants dans les banques genevoises, etc. etc. Bien que la plupart de ces cas soient connus, et maintenant sous enquête, il est encore et toujours étonnant de voir qu'à quelques petites exception prêt, ces cas arrivent toujours chez nous par commissions rogatoires et ne sont quasiment jamais découverts in-situ; exactement comme il y a 20 ans.

De là à dire que beaucoup reste à faire simplement concernant l'argent du crime, c'est plutot une phrase à La Palisse. Si la Suisse mettais plus d'fforts sur sa politique criminelle et revoyait sa procédure pénale en matière de moyens de preuve dans les cas de mafia ou de réseaux corruptifs ou criminels, elle s'engagerait véritablement dans une "Stratégie de l'Argent Blanc". Sinon, cela reste une vaste et jaune rigolade.

Un marché énergétique efficace: ouvrez les portes!

Je lis ce matin dans la presse qu'un rapport, commandé par l'Office Fédéral de l'Energie, préconise une ouverture totale du marché de l'électricité en Suisse afin de gagner en efficacité. Ledit rapport a été réalisé par une société spécialisée, Polynomics basée à Olten et se penche sur l'efficacité du marché électrique suisse par rapport aux coûts et aux principes de pollueur-payeur dans une optique de "sustainable energy supply".

Le media en question indique en titre qu'il s'agit d'un "plaidoyer pour la libéralisation du marché de l'électricité" qui amènerait des économies substantielles pour les utilisateurs et améliorerait la "balance verte" de ladite production. Plusieurs conditions sont toutefois reprises dans le rapports, comme l'introduction sur les bourses d'échanges de certificats de CO2 des "titres" relatifs aux producteurs d'électricité.

Si il est louable que notre gouvernement s'intéresse à ce domaine, ladite étude, que j'ai bien essayé de comprendre mais qui n'est disponible qu'en allemand (…autre sujet d'autres débats) fait remonter des remugles de tentatives de privatisation des opérateurs énergétiques suisses il n'y a pas si longtemps. Depuis le temps qu'on nous l'annonce, il semble que ces derniers soient prêts à revenir à la charge assez prochainement.

Le cas de cette étude n'est pas anodin pour que je le reprenne dans ce blog (et comme premier article en plus…il faut bien commencer). En effet, nous savons que l'énergie est un bien stratégique. Tous les pays, les Etats Unis en tête, se battent aujourd'hui pour leur indépendance énergétique. De plus, en Suisse, selon un rapport de l'Office Fédéral de l'Energie de 2008, l'énergie hydraulique représentait un peu plus de la moitié de la production Suisse. Et cela amène un autre débat, autour des ressources en eau potable dont chacun sait qu'elles deviennent plus rares et qu'elles représentent un actif majeur et stratégique pour la Suisse dans les 100 prochaines années.

Que l'on se pose des questions sur le coût de l'electricité, que l'on se pose des questions sur l'impact environemental de la production énergétique (évidemment, on a pas parlé du nucléaire), tout cela est très bien. Mais bon sang pourquoi, au moment où l'on débat en Suisse Romande et en Suisse alémanique de la prise de contrôle de nos industries et de nos savoirs faire par des entreprises étrangères, n'intégrons nous pas dans ces équations le risque stratégique ? Peur, ignorance, dogmatisme … le monde a changé depuis les bancs universitaires nom d'un chien. Nous faut-il brader nos seuls véritables ressources naturelles pour gagner quelques centimes sur notre facture d'électricité ?

Le risque stratégique, ce n'est pas seulement celui de voir un réseau important comme une grid électrique à l'échelle d'un pays tomber en ruine au bout de 20 ans par faute d'investissements (comme c'est le cas en Europe de l'Est, dans certaines parties de l'Angleterre, de l'Australie ou des Etats Unis). C'est aussi le risque de voir de grands groupes privés internationaux mettre la main sur la production et la distribution d'énergie en Suisse, manipuler les prix (comme c'est le cas actuellement en Angleterre où une vaste enquête est en cours sur des manipulations des prix du gaz qui auraient coûté plusieurs dizaines de milliards aux utilisateurs) ou même privilégier certaines allocations énergétiques plutôt que d'autres en cas de pénurie. C'est également le risque de voir des acteurs mafieux ou d'autres réseaux illégaux mettre la main sur les ressources stratégiques d'un pays, quitte à les prendre en otages pour leurs raisons propres. Eux qui disposent de fortes disponibilités monétaires et sont organisés en conséquence, cherchent justement à mettre les mains sur ce genre d'acteurs stratégiques qui leur offrent un levier politique et direct pour s'assurer une éventuelle tranquilité judiciaire tout comme une source de revenus quasiment inépuisable.

Et allez parler d'ordre juridique et de sanctions lorsque notre système actuel n'est même pas capable de condamner de vulgaires manipulateurs de match de football.

Il serait temps que les pouvoirs politiques et le monde académique intègrent à leurs équations le concept de ressources stratégiques d'une part et qu'elle y intègre également le concept déjà bien usé comme utilisé par nos voisins d'investissements criminels. Et de même, il serait bon que nos parlementaires se penchent sur les procédures qui empêchent systématiquement les autorités judiciaires de faire un travail que la population attend.