FIFA, corruption et big money: et le foot dans tout ca ?

Ce matin, le journaliste facétieux de Couleur 3 m'a propulsé candidat à la présidence de la FIFA. Je répète immédiatement que je ne suis pas intéressé.

Bon cela étant fait, la corruption dans le sport prends une dimension internationale et judiciaire à un moment particulier de notre histoire qui en interpellera plus d'un. La FIFA est une association d'associations: il s'agit de l'organisme faîtier des organisations continentales qui elles-mêmes ont des représentations nationales, lesquelles traitent à leur niveau avec les clubs, les municipalités et les autres propriétaires d'infrastructures (stades etc.). A cela, il faut ajouter la gestion des aspects incroyablement diversifiés et complexes comme la gestion et la formation des agents de jouruers, des joueurs eux-même, des propriétaires, des agences de paris, des institutions de formation, auxquels il faut ajouter la gestion des événements tels que les coupes de fédérations, confédérations, coupe du monde, avec les droits et sponsorings qui s'y rapportent, les contrats de construction, les critères d'attributions et de gestion des compétitions, etc. etc. etc.

C'est un travail éminemment complexe, et comme toute chose, plus les processus sont complexes, plus les possibilités de détourner de l'argent sont grandes. A cela, il faut rajouter les différences de niveau de vie sur les différents endroits de la planète: 1 million en Europe et beaucoup d'argent, mais il change votre vie dans les Caraïbes ou en Afrique.

Le système qui a permi à la FIFA d'être l'acteur principal dans la génération, la gestion et la répartition de sommes d'argent toujours plus importantes qui se chiffrent en milliards de dollars donne à ladite association un pouvoir sur les gens incroyablement puissant. On pourra toujours s'offusquer tant de ces sommes que du montant de transferts de joueurs, à la finale de la Coupe du Monde, nous serons (presque) tous assis devant notre télévision pour regarder le match et enregistrer, consciemment ou inconsciemment, les innombrables messages publicitaires diffusés par le même canal. Selon les méthodes de calcul des revenus publicitaires, le foot est une "machine à fric". Cela est-il justifié en terme de retour sur investissement ? Etant donné que personne ne publie de chiffres, ni la FIFA, ni les grands sponsors, cela reste difficile à le savoir.

Réformer la FIFA ne vaudra rien tant que les Confédération Continentales ne se prendons pas en main. La FIFA est dirigée par elles selon les status et ce sont elles qui décident "entre copains" des allocations nécessaires, souhaitables et indispensables. Réformer ces Confédérations continentales ne vaudra rien sans que les Fédérations nationales ne se réforment pas. Et cela ne servira non plus à rien tant que les clubs eux-mêmes ne soient mis au pas. La FIFA a un rôle, celui d'organiser la planète football, et un pouvoir, celui de pouvoir atteindre, parce que le sport lui-même est populaire, des portions incroyables de la population mondiale. C'est justement parce que ce pouvoir est important qu'il dérive vers une gestion qui ressemble plus à la gestion du Sénat Romain, fait de trahisons et de complots qu'à la gestion d'une association dérivée d'un sport adulé par les enfants.

Les clubs, en premier lieu, doivent trouver un moyen d'harmoniser leurs pratiques avec les différenciations nécessaires entre les clubs amateurs et les divisions professionnelles. Le statu du club doit être réformé, voire au travers d'un status spécifique qui réponde à des exigences communes. C'est plus aux fédérations nationales d'être le moteur de ces réformes, mais également le gendarme et les arbitres de ces modifications. Le but de ces dernières doit être la promotion d'un reporting plus conforme à la réalité, d'une vision plus claire dans la gestion des clubs, mais également des infrastructures utilisées par ces clubs. Le statu de joueur doit également être clarifié voire uniformisé, ce qui évitera beaucoup de dérives et d'abus.

Au niveau supérieur (confédérations continentales et FIFA), au lieu de penser pyramide, pourquoi ne pas penser à des structures plus décentralisées dont les bases seraient les clubs et les fédérations nationales ? Les fédérations continentales pourraient exister (ou pas) sous d'autres formes, avec des "marques" spécifiques, comme l'est l'UEFA. Dans ce cadre, il s'agit principalement d'organiser de grands événements sportifs.

Il en va de même avec la FIFA qui ne devrait pas regrouper les associations continentales, mais directement les associations nationales avec des tournus plus rapides et donc plus fréquents.

Si l'exemple doit venir d'en haut, il faudrait donc que la FIFA trouve le moyen de gérer cette rupture. Aujourd'hui, avec les enquêtes pénales en cours, la FIFA n'a pas besoin de continuité mais d'une véritable rupture. Cette dernière doit se faire au travers de la transparence. En tout cas là ou elle est possible car nombre de contrats courants contiennent des clauses de confidentialité drastiques. Mais les revenus, dépenses, allocations, décisions et contrats divers devraient être publics. Si l'argent des sponsors est privé, beaucoup de dépenses consenties pour l'organisation des coupes diverses et variées, y compris pour la Coupe du Monde sont du ressort des fonds publics. Dans un optique démocratique et de gestion intègre de l'argent public, il serait bienvenu que ces dépenses soient transparentes, que les attributions des marchés le soient aussi (au sein des nations organisatrices) et que la durabilité des infrastructure puisse être du moins garanties, sinon prise en compte, que la gestion des fournisseurs et des travailleurs puisse être exemplaire. Au lieu d'être une "pompe à fric" pour quelques uns, que le football devienne une fontaine de progrès et d'espoir pour tous et surtout les enfants.

On le voit, la problématique est complexe. Il serait arrogant de penser qu'à cause de cette complexité, la gestion de la "meilleure manière de faire" ne puisse être le fait que de quelques spécialistes. Au contraire, à l'instar de la gestion de la res publica, les problématiques complexes peuvent mieux se gérer dans une perspective évolutive au travers de la critique multiple et de la remise en question par beaucoup de personnes plutôt que de la "gestion éclairée" de quelques uns. Certes, cette réflexion vaut pour nombre d'institutions et pas seulement pour la FIFA ou le football. Mais dans le cas présent, ne serait-ce pas un symbole fort que cette réforme par la transparence ne vienne justement de cette institution représentant le sport le plus populaire du monde comme un message à toutes les autres institutions: yes its possible.

 

Nicolas Giannakopoulos

Nicolas Giannakopoulos est un des spécialistes reconnu internationalement dans le domaine des organisations et autres structures criminelles. Au travers des recherches qu’il mène depuis 1991, il a apporté le soin de concilier recherche et pratique, développant ainsi des compétences scientifiques dont l’utilité pratique est quasi immédiate.