Ode au sens commun

Pablo Picasso. “Le Charnier”, 1944-1945 © МоМА

Il faut partir en vacances. Plus elles sont rares, plus on les apprécie, et plus elles nous permettent de prendre de la distance avec le quotidien, de se vider la tête et la reremplir. Mais même en partant à l’autre bout du monde on ne peut pas complètement échapper à la réalité qui nous rattrape. Il faut donc faire avec.

Je reviens des États-Unis. Pour la première fois en 15 ans d’existence de Nasha Gazeta je me suis permis de prendre deux semaines et demie consécutives. Je vous passerai la description des parcs naturels, dont la beauté est à couper le souffle. Je vous passerai également certains détails de la vie Américaine qui peuvent surprendre : j’ai appris, par exemple, que Dieu interdit aux mormons de boire du café mais pas de le vendre, les machines Nespresso se font rares à Utah.  Je vous parlerai plutôt de l’image que nous avons dans le miroir américain.

Depuis les USA, l’Europe tout entière paraît bien petite. Que dire alors de la Suisse, qui, quand elle n’est pas confondue avec la Suède, ne provoque dans l’esprit d’un américain moyen que les stéréotypes bien connus : banques, montres, chocolat. Nos événements « locaux » ne font pas la une des journaux là-bas. Pas beaucoup de commentaires sur la conférence de Lugano consacrée à la restauration de l’Ukraine où l’insistance sur le problème de la corruption était presque gênante. Pas un mot – que je sache – sur une série de mini-drames de cet été avec la participation de nos conseillers fédéraux. Ni sur les états d’âmes des Suisses sur le principe de leur neutralité. Et certainement pas sur l’idée du gouvernement genevois d’augmenter les impôts des « riches » – n’importe quel politicien américain trouverait cette idée suicidaire car même les gauchistes évitent de couper les branches sur lesquelles ils sont assis.  

Et que disent-ils de la guerre en Ukraine, ces américaines que les Européens accusent de plus en plus de l’avoir d’abord provoquée, puis de se dégager de la responsabilité et pour finir d’en tirer les bénéfices ?

A Chicago Photo (c) N. Sikorsky

On en parle tous les jours, mais beaucoup moins qu’au début du conflit, selon mes connaissances sur place – c’est la loi des média, d’autres nouvelles arrivent. Néanmoins, on ne peut pas dire que les gens sont indifférents – pour le moins, ils lient la guerre à la hausse du prix de l’essence qui fait beaucoup de mécontents. On voit les quelques drapeaux ukrainiens par ci par là, mais ils sont moins présents que les drapeaux multicolores de la communauté LGBT+, par exemple. Ce sont les Démocrates libéraux qui les mettent, m-a-t-on dit. « Lesquels ? » « Les deux. » Les Républicains quant à eux se servent de la guerre dans leurs campagnes électorales (la course au Sénat est en cours) pour dénoncer l’irresponsabilité du président démocrate qui donne des milliards à l’Ukraine et néglige les besoins de ses concitoyens. Un discours prévisible.

Un huissier au Metropolitan Opera c’est caché le visage derrière une masque sanitaire en couleurs bleu et jaune tandis que la saison de l’illustre théâtre se terminait en beauté – par « Romeo et Juliette » de Serguei Prokofiev. Elle n’est pas donc totalement « cancelled », cette robuste culture russe.

 Mais c’est la visite au MoMA, un de mes musées préférés, qui a provoqué chez moi une réflexion que j’aimerai partager avec vous. Si vous commencez la visite depuis le haut, vous rentrez d’abord dans une petite salle de « Radical Abstractions » qui regroupe quatre œuvres des artistes qui ont travaillé à New York après la Deuxième guerre mondiale, la WW2. Le thème de la guerre se développe dans la salle suivante, où nous lisons cette citation de Pablo Picasso : « Je n’ai pas peint la guerre car je ne suis pas le genre d’artiste qui sort, comme un photographe, pour décrire quelque chose» . Il l’a dit en 1944, et le mois suivant il a entamé le travail sur son monumental « Le Charnier », une image horrifiante de la guerre et de l’Holocauste que nous connaissons tous : un empilement de corps au milieu d’une pièce où se trouve une table sur laquelle sont posés un pichet et une casserole. Parmi les corps, on distingue celui d’un homme, d’une femme et d’un enfant. Des flammes se dirigeant vers le coin gauche de la toile évoque une mort par le feu. Leurs corps son enchevêtrés et désarticulés. Les pieds de l’homme apparaissent à gauche tandis que sa tête gît les yeux ouverts à droite et ses poignets, attachés par un lien, sont tendus vers le ciel. La tête de la femme se trouve à gauche, avec un seul œil ouvert, et ses pieds à l’autre bout du tableau, tandis qu’une de ses blessures saigne encore. L’enfant, les deux yeux fermés, tente d’arrêter le saignement de sa mère avec sa main.

Comment ne pas faire de parallèle avec les images que nous voyons aujourd’hui, pas dans les musées mais dans les journaux ?! Aucun grand artiste dont la vie a été traversée par une guerre n’a pu rester indifférent à sa violence et à la destruction qu’elle génère. Je suis certaine que d’ici quelque temps les artistes contemporains nous présenterons, eux aussi, leurs visions des événements tragiques que nous vivons.

Kazimir Malevitch. Réserviste de la Prémière division, 1914

 Mais entre-temps la direction du MoMa a créé une salle intitulée « En solidarité ». Le ton est donné par le poème de Serhiy Zhadan, lauréat du Prix Jan Michalski de littérature 2019 (la Maison d’édition Noir sur Blanc a publié en français ses livres « La Route du Donbass », 2013 et « Anarchy in the UKR », 2016 .) On voit rassemblés dans cette salle une quinzaine d’œuvres des grands artistes qui ont un point un commun : ils sont tous nés sur le territoire actuel de l’Ukraine. Puis, ils se sont dispersés dans le monde. Personne ne choisit le lieu de sa naissance, mais c’est ce fait qui est accentué dans les légendes accompagnant leurs œuvres : « Ilya Kabakov. Born Dnipro, 1933 », « Kazimir Malevich. Born Kyiv, 1878. Died Saint Petersburg, 1935 » (d’ailleurs, en 1935 Saint-Petersbourg s’appelait Leningrad), « Sonia Delaunay-Terk. Born Hradyzk, 1885. Died Paris, 1979 ». Pour être précis, la ville de Hradyzk se situait dans la région de Poltava qui faisait à l’époque partie de l’empire Russe. Etc.

J’avoue qu’en voyant Kabakov, Malevitch et Sonia Delaunay présentés comme les artistes ukrainiens j’ai été gênée. D’autant plus que, à quelques mètres de cette salle « spéciale » nous trouvons, dans une salle « ordinaire », un autre tableau de Malevitch, signé « Kazimir Malevich. Russian, born Ukraine, 1878-1935 ».  C’est un détail que la plupart des visiteurs ne remarquerait même pas. Mais moi, je l’ai remarqué.

Je peux comprendre la démarche des experts de MoMA qui voulaient se montrer solidaires avec le peuple ukrainien. Mais les grands artistes concernés ont-ils vraiment besoin qu’on « précise » leurs biographies ? Et dois-je me consterner et crier « Au voleur ! » en voyant que Marc Chagall et Vassily Kandinsky sont présentés comme des artistes français ? Tout cela m’a tellement travaillé que 24 heures plus tard je suis retournée au MoMA pour revoir cette salle ukrainienne. Et voici la conclusion à laquelle je suis arrivée.

Chaque guerre se termine forcément par le repartage : des terres, des biens, y compris des biens culturels. Mais ce n’est pas aux commissaires d’exposition américains de le faire, surtout qu’il est un peu prématuré – la guerre en Ukraine, hélas, n’est pas finie. Personnellement, je trouve l’approche qu’ils ont choisie trop simpliste et superficielle, et en plus pas cohérente avec le reste de leur propre musée. Cette démarche à la hâte me gène d’autant plus que tous les artistes exposés dans ce magnifique musée ont depuis longtemps dépassé les frontières étatiques aussi bien de leur pays de naissance que de leur pays d’adoption ayant acquis le plus honorable des statuts, celui d’Artiste Universel. Qu’ils le préservent dans les siècles à venir. Quant aux légendes qui accompagnent leurs œuvres, peut-être, effectivement, il faut éviter les adjectifs indiquant l’appartenance nationale et présenter juste les dates et les lieux de la naissance et de décès.

Salvador Dali. Persistance de la mémoire, 1931. (c) MoMA

Le temps remet tout à sa place. Le temps qui coule comme sur le tableau de Salvador Dalí. Et puis qui s’arrête. Pendant mes vacances le temps s’est arrêté pour moi quand j’ai reçu un message de Kiev m’annonçant la mort de Taras. C’était un collègue journaliste, coéditeur du magazine sur les montres de luxe, le seul en Ukraine. Je ne l’ai pas bien connu, mais chaque année on se retrouvait à Genève lors du Grand Prix d’Horlogerie ou autres événements de ce genre. Cette année il n’est pas venu car il a rejoint l’armée. Il est mort au combat.

C’est la première victime de la guerre que j’ai connue personnellement. Devant cette énorme tragédie singulière, une tragédie qui a un nom et un visage, toutes les réflexions abstraites paraissent si petites, si insignifiantes. Et les questions brûlent dans ma tête : pourquoi ne parle-t-on plus de la seule chose qui compte – comment arrêter le massacre ? Pourquoi la communauté internationale n’utilise-t-elle pas son poids collectif pour obliger les leaders des pays belligérants à se mettre enfin à la table de négociations ? Le monde a-t-il perdu le sens commun ? Il faut bien le retrouver avant qu’il ne soit pas trop tard. Pour nous tous. Pour Taras il l’est déjà.

Nadia Sikorsky

Nadia Sikorsky a grandi à Moscou, où elle a obtenu un master de journalisme et un doctorat en histoire à l’université Lomonossov. Après avoir passé 13 ans au sein de l’Unesco à Paris puis à Genève, et exercé les fonctions de directrice de la communication à la Croix-Verte internationale, fondée par Mikhaïl Gorbatchev, elle développe NashaGazeta.ch, quotidien russophone en ligne.

19 réponses à “Ode au sens commun

  1. Peut-être que le “zèle” des conservateurs du MOMA est tout simplement lié au manque de culture et de repères historiques du public américain qui confond allègrement Suisse et Suède et lorsqu’on leur demandait de situer l’Irak répondait “North of the US”!
    Si cette exposition peut aider à aller plus loin et aiguiser la curiosité, on approchera “l’Universel”.

    1. Difficile d’imaginer une telle ignorance tout de même. Je pense qu’il s’agit plutôt de la précipitation et la manque de réflexion. Quant à l’impact, je crains, comme j’ai dit, que peu de personnes remarqueront ces nuances. Et que les personnes averties…

  2. On ne peut que partager votre peine et votre compassion envers votre confrère Taras, mort dans des circonstances tragiques. Aucun discours ne tient face à la mort d’un homme au combat, disait mon ancien professeur de philosophie à la Faculté des lettres de l’Université de Genève, Alexis Philonenko, français d’origine ukrainienne.

    C’est pourquoi je me méfie d’autant plus des artistes qui représentent les horreurs de la guerre sans avoir quitté leur atelier. Picasso, qui a échappé à la conscription du fait de sa nationalité et même vendu ses toiles aux pro-nazis quand il était installé à Paris pendant l’Occupation (Éric Bietry-Rivierre, “Trésor volé par les nazis. Les Alliés abusés en 1946”, dans Le Figaro du 6 novembre 2013), a pourtant représenté ces horreurs dans son “Guernica” mieux qu’aucun acteur de cette terrible bataille n’aurait pu le faire. Quand à tous ceux qui sont tombés au “champ d’horreur”, les seuls qui auraient pu en témoigner, ils ne sont plus là pour le faire.

    Ceci me rappelle aussi le cynisme auquel certains journalistes peuvent parfois céder. De retour d’une des pires batailles qu’il ait couvertes, l’un d’eux s’est rendu chez un collègue resté dans sa chambre d’hôtel et lui a dit:

    – Tu ne sais pas ce que tu as manqué en sautant celle-ci…

    Son collègue, verre de whisky en mains et assis dans son fauteuil, a retiré sa pipe de sa bouche et lui a répondu:

    – Mais ça ne fait rien, mon vieux, parce que sans avoir quitté ma chambre je la décrirai mieux que toit, ta bataille.

    Mais le cas tragique de votre confère ukrainien est tout autre: il est mort en soldat, au combat, pas comme journaliste. Comme tout homme ukrainien déclaré apte au service, il n’aurait pu s’y soustraire. Ceci ne devrait-il pas poser une autre question?
    Dès le début du conflit, le président Zelenski a interdit à tout homme de 18 à 40 ans de quitter le pays. Ce qui équivaut, ni plus n moins, à une mob G.

    Or, même pendant les deux guerres mondiales et en état de mobilisation générale, la Suisse n’a jamais interdit à aucun de citoyens déclarés aptes au service de quitter le pays en-dehors de leurs obligations militaires. Un Blaise Cendrars, et bien d’autres Suisses avec lui, ont pu s’engager dans la Légion étrangère. Qui donc est le plus dictatorial – Poutine ou Zelenski?

    Mais revenons aux artistes ukrainiens et au MoMA. Que celui-ci s’approprie ou “récupère” certains artistes au nom de la défense de la cause ukrainienne à l’heure où n’importe quel fournisseur de services commerciaux ne manque pas d’afficher “We stand for Ukraine” sur sa devanture, quel pays, quelle institution, quel parti n’en on-t-ils pas fait autant pour des motifs autres qu’artistiques? Gogol, né en Ukraine, n’a-t-il pas été “naturalisé” russe par le pouvoir soviétique comme Mozart, autrichien, a été “germanisé” par le parti nazi? Vladimir Nabokov est-il resté moins russe depuis qu’il a reçu son passeport américain ou Vladimir Volkov, Henri Troyat, Arthur Adamov, Joseph Kessel, Romain Gary, Andreï Makine, Nathalie Sarraute, la comtesse de Ségur, Elsa Triolet, Elena Joly ou encore l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse depuis qu’ils sont devenus français ou ont choisi de s’exprimer dans la langue de Voltaire?

    Comme vous le rappelez à juste titre, l’art n’a pas de frontières – pas plus que la science, d’ailleurs. Mais je me défie d’autant plus de ceux qui prétendent pouvoir exprimer l’inexprimable.

    1. Merci pour votre commentaire qui, si je comprends bien, ne demande pas de réponse de ma part. 🙂

  3. Votre désarroi est totalement compréhensible, et partagé, devant ce conflit fratricide, dévastateur (pas seulement sur le plan humain et matériel mais aussi des consciences) et complètement vide de sens (il n’y a pas beaucoup de peuples autant proches que les Russes et les Ukrainiens). Mais quand vous écrivez: “Pourquoi la communauté internationale n’utilise-t-elle pas son poids collectif pour OBLIGER les leaders des pays belligérants à se mettre enfin à la table de négociations ?”, on ne peut que se demander, comment? A commencer par le fait que la “communauté internationale” n’existe pas en l’occurrence, le monde est profondément divisé entre les pays qui soutiennent Poutine, ceux qui s’opposent fermement à lui et, une majorité probablement, dont les préoccupation sont bien ailleurs et qui ne se sent guère concernée. Mais surtout, comment “obliger” l’un et l’autre des belligérants à négocier sérieusement une fin des combats? Par la force de la simple persuasion ? Assez peu de chance que ça fonctionne! Par des sanctions? On a vu toute leur “efficacité”! Par la force? Avec quelle armée? Sans compter le risque alors d’internationaliser le conflit et le faire dégénérer en Troisième guerre mondiale. On ne voit qu’une sortie possible, mais elle est terrible (et sera longue à venir), que cette guerre qui ne dit pas son nom finisse par coûter si cher à l’un ET l’autre que la sagesse consistant à y mettre fin finisse par s’imposer, en acceptant de faire des concessions importantes d’un côté comme de l’autre.

    1. Merci pour votre commentaire. Non, pas par les sanctions. Ni par les menacés, ni par le chantage, ni par les humiliations. Je ne vois qu’une seule voie – diplomatique. Regardez, l’accord sur l’exportation des céréales a été signé aujourd’hui, c’est un pas important. Il faut continuer, persévérer. Mais pour cela il faut des diplomates intelligents, fins… Les avons-nous encore? C’est une vraie question.

  4. Cette guerre, comme toute guerre, est abominable. On aurait pu espérer qu’au XXIIème siècle l’interpénétration des économies multiplierait les contacts donc la compréhension entre les peuples. Mais les colères l’ont encore emporté. “La colère est une courte folie”. Et les médias nous informent très mal ou plutôt sont partiaux. Oui mais, quand même, 14000 morts avant l’arrivée des Russes! Pourquoi les pays voisins de l’Ukraine n’ont-ils pas attiré l’attention du monde sur la situation intérieure à ce pays? Pourquoi Poutine a-t-il agi sans prévenir ni porter le problème à l’ONU. Orgueil? Amour de la violence? Cela c’est le passé. Vous avez raison en écrivant “il faut des diplomates intelligents, fins”. Mais que peut-on leur proposer de dire, de faire? Une nouvelle frontière russifiant les séparatistes ukrainiens? un déplacement de ces derniers vers la Russie? Zélenski ou Poutine peuvent-ils accepter ce genre de chose? J’en doute! Et les US qui veulent affaiblir la Russie? Si vous avez des idées pour faire revenir la paix, ce serait formidable. Seulement, ce n’est pas simple! Et, comme ils disent, cette guerre va durer, hélas!

    1. Evidemment, ce n’est pas simple. Mais l’accord a bien été signé hier en Istanbul. Je regrette que la Suisse a cédé son rôle de médiateur à la Turkey, mais c’est fait – c’est M. Erdogan qui est glorifié maintenant. Je trouve que le moment est venu pour mettre la pression pas seulement sur M. Poutine mais aussi sur M. Zelenski – pour sortir du rôle de Rambo et se mettre à négocier le meilleur deal pour son pays. L'”après” de la guerre n’est jamais exactement comme “avant”. Il faut donc trouver un compromis.

  5. Bonjour Madame,

    Avec tout l’intérêt que je porte à vos interventions et tout le respect que l’on vous doit, permettez-moi deux remarques.

    Zelensky, qui aujourd’hui se défend devant l’agression russe et commande des armées , mérite-il d’être traité de Rambo ? ( il faut mesurer ce que cela représente que de donner des ordres à ceux qui risqueront leurs vies sur la base de ces ordres, et ne le mesurent généralement que ceux qui ont été obligés de le faire )

    L’accord sur les céréales signé hier est curieusement suivi d’un bombardement sur Odessa ( le port permettant d’acheminer lesdites céréales). Ce qui ne peut que faire douter les diplomates les plus aguerris.

    Poutine fait se succéder comportements et gestes militaires installant l’idée que des accords seront possibles……selon ses conditions !. On n’appelle pas cela des accords ou un deal, mais une menace et une contrainte asymétrique.
    Alors oui, comment établir un rapport diplomatique équilibré et constructif avec ce type d’interlocuteur ?

    Je tiens par ailleurs à vous remercier pour votre témoignage sur le MoMa et vous souhaite le meilleur courage après la perte de votre ami.

    1. Monsieur,

      Il n’y a aucune connotation négative – à mes yeux – dans l’image de Rambo, idole pour plusieurs générations des spectateurs. Plus encore, je sais que plusieurs de mes amis ukrainiens qui étaient assez sceptique à son égard avant la guerre ont changé d’avis, impressionnés par son courage. Mais il arrive un moment quand il faut passer des batailles aux négociations. C’est inévitable. Evidement, le bombardement d’Odessa est déplorable et absolument inexplicable du point de vue du sens commun, justement. (Mon texte a été écrit avant.) Vous rejetez mon idée de la voie diplomatique mais ne proposez aucune autre solution. Désolée, mais cela ne nous avance pas beaucoup.

      1. Merci pour cette réponse Madame.

        Je n’avais effectivement pas lu votre propos sur Rambo dans l’esprit que vous lui donnez. Ce qui m’a fait croire à du péjoratif. Je suis navré de cette méprise.

        Croyez bien que je ne rejette aucunement votre solution diplomatique. D’autant qu’elle est la plus raisonnable dans l’absolu.
        Mais il faut pour cela un dialogue équilibré, des constances chez les interlocuteurs, une volonté de trouver des compromis et le respect des compromis établis.
        Les conditions ne me semblent malheureusement pas réunies pour installer une confiance minimale.

        Ainsi, vous dites que ce bombardement est inexplicable du point de vue du sens commun.
        Pourtant je crains qu’il ne soit au contraire très explicable. C’est l’une des étapes tactiques tristement prévisibles de la stratégie de Poutine. Il s’agit pour lui d’une décision à valeur de message envoyé aux ukrainiens, aux occidentaux et au Monde. Ce message est simple : “je suis en position de force, je vous fais tous trembler , je tiens le calendrier et je définis mes règles .”

        Constater cette intentionnalité de la part de Poutine pour ce qu’elle est, est au moins une manière de décortiquer la psychologie et la stratégie de son adversaire. Et connaître son adversaire est déjà se doter d’un outil pour , ou le vaincre, ou obtenir des négociations diplomatiques viables.

        Je conseille souvent la lecture de cet ouvrage,La guerre de Tchétchénie, ou, L’irrésistible ascension de Vladimir Poutine( Jacques Allaman) et pense à la naïveté, la cécité ou la cupidité des occidentaux face à un homme qu’ils pouvaient apprendre à connaître.

        J’avoue bien humblement n’avoir aucune option ,à mon misérable niveau de compétence, pour contourner l’impasse dans laquelle Poutine semble vouloir projeter le Monde.

        1. Monsieur,

          Que je sache, l’impossible n’est pas français.
          Il ne peut par y avoir d’impasse dans une vie internationale. Une solution se trouvera forcement. La question reste, à quel prix.
          Bonne soirée.

    2. Tel que Madame Sikorsky en fait usage, le mot “Rambo” ne peut-il pas s’appliquer aussi bien à Zelensky qu’à Poutine? Après tout, qui est le plus enclin à rouler les mécaniques, à soigner son image de macho, certes plus doué pour le judo que pour les concours d’histoire? Jusqu’à preuve du contraire, a-t-on déjà vu un chef d’Etat se ridiculiser au point d’exhiber ses pectoraux à dos de cheval ou, canne à pêche en mains, en rivière, chasser la baleine et le tigre en Sibérie ou jouer les Tanguy et Laverdure aux commandes d’un avion de chasse – histoire de prouver au monde qu'”il en a”?

      Au sujet de Rambo, permettez-moi d’ajouter ce souvenir personnel: Silvester Stallone, alias Rambo, a été élève de ma mère, professeure de langues à l’American College à Leysin dans les années soixante. Plus amateur de la triade “sun, sex and ski”, de filles et de marijuana que de littérature ou de mathématiques, ce futur archétype du machisme Yankee n’avait de respect pour personne, à l’exception de ma mère. Or, celle-ci était Russe, née comme Madame Sikorsky à Moscou. Même au plus fort de la guerre dite “froide”, tous les ponts n’étaient pas coupés entre les deux blocs. Il semble qu’il n’en reste plus beaucoup d’encore praticables aujourd’hui.

      Comme les temps changent…

      1. Merci pour ce commentaire. Comme c’est interessant! Votre maman est-elle en vie? J’aimerais tant lui parler!

        1. Chère Madame Sikorsky,

          Merci pour votre réponse. Ma mère est décédée en 2004 mais Je suis certain qu’elle aurait été ravie et très touchée de faire votre connaissance, elle aussi. Elle avait si peu l’occasion de parler russe depuis que ses parents et elle, comme tous ceux de la première émigration, celle des années 1920, avaient dû quitter la Russie et étaient devenus apatrides. Je n’a aucun doute que si elle l’avait connue, elle serait devenue une lectrice assidue de “Nasha Gazeta”.

          Peut-être est-ce d’ailleurs mieux qu’elle soit partie, car son coeur bien slave, qui avait pourtant survécu à une révolution (et non des moindres), deux guerre mondiales et… trois enfants, n’aurait pas résisté au chagrin qu’elle aurait ressenti à coup sûr au tragique spectacle que l’actualité nous impose sur son pays natal.

          Mais je m’en voudrais d’abuser de votre hospitalité sur votre blog pour trop m’épancher sur notre vie de famille qui, comme bien d’autres, n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Vous connaissez mon adresse e-mail, n’hésitez pas à me contacter si vous le souhaitez. Ce serait pour moi un grand plaisir de pouvoir poursuivre nos échanges.

          Avec mes salutations les meilleures entre-temps (et mes excuses pour mon pseudo),

          N. M.

  6. Madame,

    “La question reste, à quel prix”…….
    Je vous rejoins totalement !

    Raymond Aron a dit : ” Qui a vécu sous Staline ou sous Hitler sait que le pire est possible. Garder l’espoir c’est croire qu’il n’est pas certain”

    Souhaitons que les femmes et les hommes de l’ombre ( diplomates et autres corps de métier discrets ) soient à l’œuvre pour trouver des solutions.

    Belle soirée à vous Madame !

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