Gaza, vue d’hélicoptère

Les indignés de bistrot et afficionados de la pensée unique ont sans doute apprécié la façon dont L'Hebdo a traité de la guerre à Gaza dans son dernier numéro.

Et que je t'envoie une double page blablateuse et grandiloquente, condamnant Israel sans appel, signée par un des avocats du Qatar et ex plein de choses, Dominique de Villepin. Un homme qui, en toute simplicité, se targue de détenir des "vérités qu'il faut clamer haut et fort" (texte paru dans le Figaro une semaine plus tôt). Et que j'en rajoute une pincée avec une page sur la "trajectoire" d'une israelienne mystico-religieuse et intolérante. Et que j'enfonce le clou avec un dessin déjà vu 100 fois ailleurs pour montrer que l'armée israelienne se plaît à bombarder des écoles à Gaza. Pas de quoi mieux comprendre les enjeux…

 

Etre affligé par ce qui se passe à Gaza ne devrait pas empêcher un magazine qui se dit "bon pour la tête" d'apporter une plus-value sous forme d'une vue d'hélicoptère de ce conflit, d'interrogations et d'analyses. Suite notamment à la lecture d'un article de David Brooks (New York Times), j'ai décidé, en toute immodestie, de bloguer ma propre analyse, espérant – utopique que je suis – provoquer une réflexion, même chez les inconditionnels "anti".

Ma thèse: le conflit actuel entre le Hamas et Israel n'est qu'une scène sur laquelle se déroule une guerre par personnes interposées. Croire que pour que cesse l'horreur et que tout le monde vive en paix, il suffirait que les deux parties négocient de bonne foi, que les personnes et les marchandises puissent circuler librement entre Gaza et la Cisjordanie et qu'à terme, un Etat palestinien voit le jour, me semble illusoire. La réalité a changé, même si la guerre actuelle ressemble aux précédentes. Voici pourquoi:

Emanation des Frères Musulmans, le Hamas n'a jamais changé d'objectif: l'instauration d'un Etat islamique sur le territoire actuellement occupé par la Cisjordanie, la Jordanie (dont la population est majoritairement palestinienne), Gaza et Israel et donc la disparition en tant qu'Etats indépendants de la Jordanie et d'Israel. Un but identique à celui que poursuivent les Frères Musulmans en Egypte, ce qui leur a valu le renversement de M. Morsi et la prise de pouvoir par l'armée.

La guerre à Gaza, tout comme celle qui déchire la Syrie et l'Irak, se joue sur l'air la haine que se vouent Musulmans Sunnites et Chiites et que tous deux vouent aux "infidèles". C'est elle qui a fait quelque 220.000 victimes et Syrie et en Irak, fait sombrer ces deux pays dans le chaos, provoquant l'exode de plus de 2 millions de personnes. C'est encore elle qui est à l'origine des persécutions et exactions dont sont actuellement victimes les Chrétiens et autres minorités religieuses en Irak et en Syrie notamment.

Naguère, les Sunnites (majoritaires en Egypte, Arabie Saoudite et dans les Emirats notamment) et les Chiites (majoritaires en Iran, Irak et Yemen) avaient chacun leurs fiefs et s'il ne faisait pas bon être chiite en pays sunnite, il ne faisait pas meilleur être sunnite chez les chiites.

La donne a changé avec l'émergence de l'Iran qui vise un rôle de premier plan dans la région et une extension de l'influence des chiites, que ce soit au Liban (avec le Hezbollah) à Gaza (avec le Hamas) ou à Bahrein (population en majorité chiite, mais propriété d'une famille sunnite). Cela évidemment au grand dam de l'Arabie Saoudite, bastion sunnite, fort inquiet de se découvrir un voisin aussi turbulent. Iran et Arabie Saoudite ont donc commencé à se faire la guerre par personnes interposées, encourageant, armant et finançant de nouveaux acteurs extrêmistes aussi bien chiites que sunnites.

Comprendre qui fait quoi à qui est une gageure. Ainsi, l'Iran (chiite), le Qatar et la Turquie (sunnites) soutiennent le Hamas et le Hezbollah. Ce dernier (chiite), lutte aux côté de Bachar el Assad (sunnite alawite) qui est un allié de l'Iran (chiite). L'Arabie Saoudite (sunnite) soutient les extrêmistes sunnites de ISIS (Etat islamique en Irak et au Levant) qui se bat contre un gouvernement irakien chiite et massacre les Chrétiens et autres minorités religieuses (photo ci-dessous). Enfin, l'Egypte (sunnite) espère s'être débarrassée des Frères Musulmans (proches du Hamas), ce qui fait la joie des Saoudiens, mais rend furieux la Turquie et Qatar (qui soutient le Hamas à coup de centaines de millions).

Ainsi, le Hamas (Iran, Turquie, Qatar) et Israel (USA, Egypte, Arabie Saoudite) se battent à Gaza, mais pour une raison qui les dépasse. Le Hamas représente les espoirs des fervents d'une islamisation de la région et Israel se voit comme le canari qui, dans les mines, annonce un coup de grisou; une menace pour l'Occident.

Cela vous semble "poussé"? Regardez donc à quoi ressemble le pourtour de la Méditerranée: au sud (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye), une islamisation progressive; à l'est (Syrie, Liban, Gaza), c'est déjà fait. Au nord-est, le nouveau Président de la Turquie, M. Erdogan, s'apprête à renforcer ses pouvoirs et à transformer la Turquie en République islamique. L'Albanie et la Bosnie sont majoritairement musulmans. ISIS implanté en Syrie et en Irak, rêve d'un Caliphat s'étendant, comme naguère, jusqu'en Espagne.

Les seuls pays non musulmans autour de cette Méditerranée sont le Portugal, l'Espagne, la France, l'Italie, la Croatie, la Grèce et Israel. S'il n'y avait naguère pas de quoi s'inquiéter, on peut aujourd'hui s'interroger sur les conséquences de l'évolution de l'intégrisme à deux pas de chez nous…

 

Alors, se révolter contre les massacres et les destructions à Gaza, oui. Mais prier pour la victoire du Hamas, c'est autre chose. Donc, chers inconditionnels du Hamas, méfiez-vous de vos rêves: ils pourraient se réaliser…

Michael Wyler

Heureux retraité, Michael Wyler est un ex. Ex avocat, ex directeur de feu le Groupe Swissair en Chine et ex dircom. Au passé comme au présent, journaliste, chroniqueur, père de Jonathan et Julie, dont il est fier, tout autant qu'il l'est de son épouse Cécile, hypnothérapeute, enseignante en hypnose et PNL, auteur et conférencière.