Pollution des sols urbains : une surveillance nécessaire

Dioxines et furanes. Seveso, sinistre mémoire. Des mots qui font frissonner tant ils évoquent des catastrophes lourdes en pertes humaines. Pourtant, dioxines et furanes font l’actualité de la ville de Lausanne, qui en a retrouvé dans l’analyse récente de ses sols. Bien trop. Comment est-ce possible qu’une telle pollution n’ait pas été perçue avant cette année ? Est-ce un cas isolé ? Pour l’instant, les autorités peinent à répondre car, disons-le clairement, elles ne s’en sont que peu soucié jusqu’à maintenant, surtout dans les cantons romands. La qualité des sols est le parent pauvre de la politique environnementale et ceci malgré le fait que, dans ce cas précis, nous parlons avant tout de notre santé.

Des places de jeu contaminées ? Des légumes cultivés localement bons à jeter ? Ces exemples sont devenus réalité à Lausanne, mais pourraient bien l’être aussi dans d’autres cantons romands. Car si l’article 4 de l’Ordonnance sur les atteintes portées aux sols (OSol) demande en effet une surveillance des sols de la part des cantons, en Suisse romande, seul le canton de Fribourg a réellement initié la démarche.

Le Canton de Neuchâtel devra lui emboîter le pas pour donner suite à une motion acceptée récemment par le Grand Conseil. Le chef du Service de l’environnement et de l’énergie du canton de Neuchâtel semble peu inquiet des résultats des analyses lausannoises, ceci bien que le sol neuchâtelois n’ait pas encore été investigué. Son optimisme sera-t-il confirmé ? Entre un passé industriel et une usine d’incinération présente depuis de nombreuses années sur son territoire, la ville de la Chaux-de-Fonds pourrait bien ne pas être épargnée. D’autres communes pourraient également présenter des surfaces polluées. Les résultats du canton de Fribourg le confirment: l’âge des jardins joue un rôle quant à la qualité des sols. Alors dioxines et furanes à Neuchâtel ou uniquement métaux lourds et hydrocarbures ? On a hâte de le savoir.

Actuellement, les pollutions de sol sont gérées essentiellement par deux ordonnances : l’ordonnance sur les sites contaminés (OSites) qui traite des pollutions en lien avec une activité industrielle alors que l’ordonnance sur les atteintes portées au sol (OSol) traite des pollutions diffuses. Toutes deux découlent de la loi sur la protection de l’environnement (LPE). Dès son introduction, l’OSites avait des objectifs clairs et elle a vite été accompagnée de moyens financiers pour inciter les cantons à prendre la thématique en main. Ainsi l’OSites a réussi à faire avancer de manière générale la question de la gestion des sites pollués en Suisse, mais le constat n’est pas le même quand des sols sont touchés.

Jusqu’à maintenant, la problématique des sites pollués s’est concentrée principalement sur les eaux souterraines. Un choix délibéré ? Pas vraiment. C’est surtout par manque d’intérêt, de moyens, de ressources humaines, ou peut-être parfois par manque de connaissances, que la problématique peine à avancer. Même constat quand on se tourne vers le bilan de la mise en œuvre de l’OSol: un cadre légal existant, mais dont un grand nombre de cantons de Suisse romande fait tout simplement fi.

Une révision de la LPE est en cours de consultation, mais telle que proposée et même si elle va dans le bon sens, j’affirme qu’elle ne va pas assez loin. Certes, on compte assainir les places de jeux pour jeunes enfants grâce à des moyens tout spécialement débloqués pour l’occasion. Un premier pas. Pourtant, des inégalités de traitement persisteront, ou même s’accentueront, si cette révision devait entrer en vigueur. L’incitation à assainir serait plus grande sur les parcelles publiques. Les propriétaires privés pourraient bénéficier d’aides, mais vont-ils faire les démarches s’ils n’habitent pas sur les parcelles concernées ? Questions importantes quand le but de ces analyses est de connaître l’état de la pollution, pour ensuite prendre les mesures qui s’imposent.

Les mesures, de manière générale, diffèrent malgré tout d’une ordonnance à une autre. En effet, un dépassement des valeurs limite – pourtant les mêmes – n’a pas les mêmes conséquences si la pollution est considérée comme étant diffuse ou en lien avec un site pollué. La source de la pollution influe ainsi sur les mesures à prendre, alors que la pollution elle-même aura un impact identique sur la santé des enfants ou sur la qualité des aliments dans notre assiette. Actuellement, si une pollution dépasse les valeurs limites et qu’elle provient d’une pollution diffuse, elle ne nécessitera pas d’assainissement alors que si elle provient d’un site pollué, cela sera exigé. Une incohérence crasse qui n’encourage pas à détecter les pollutions diffuses.

Et dernier élément problématique, et non des moindres: les valeurs limites de certaines substances sont trop élevées. Sur la base de réflexions du Centre Suisse de Toxicologie Humaine Appliquée (CSTHA), une révision de l’OSites avait été initiée avec comme objectif d’abaisser les valeurs limites du plomb et des hydrocarbures aromatiques polycycliques pour les surfaces de sols où les enfants jouent régulièrement. Les valeurs limites proposées permettaient d’être au niveau des valeurs utilisées en comparaison internationale et d’ainsi de permettre une meilleure protection de la santé chez les jeunes enfants notamment. Mais actuellement la consultation de la révision LPE ne les mentionne pas et ne garantit pas une suite à ce dossier. Ceci malgré un engagement pris sur cette thématique par le Conseil fédéral à plusieurs reprises, lors d’interventions parlementaires.

Il est temps que les autorités prennent leurs responsabilités, que cela soit au niveau fédéral ou cantonal, et qu’elles examinent de manière approfondie l’état de la qualité des sols. La population est en droit de savoir sur quel sol grandissent les enfants et sont cultivés une partie des aliments qu’elle consomme.

Cataclysme et désolation

Aube du 23 juin 2021. Cataclysme et désolation. Presque 2 ans jour pour jour après les inondations du Val-de-Ruz à Dombresson, c’est Cressier qui paie son lot à la sauvagerie des éléments, avec son si joli petit Ruhaut, devenu torrent dévastateur en quelques minutes durant la soirée précédente. Ce n’est pas la première fois que le ruisseau du village fait des siennes, mais ici, l’accumulation des phénomènes a rendu l’évènement d’une terrible violence. Un alignement de planètes en quelque sorte. Si ce n’était pas tant lié à d’autres enjeux bien plus graves, je serais tout simplement fascinée. Nous le sommes toutes et tous : quand la nature se déchaîne, l’humain se fait tout petit. Malaise. Colère. Lien évident avec le réchauffement climatique. Ici, heureusement pas de décès, mais que ce serait-il passé à l’heure des trajets scolaires ? Je ne veux pas l’imaginer.

 

23 juin 2021. Collision des faits : le dernier rapport provisoire du GIEC confirme ce qui est prédit par de nombreux scientifiques. Les impacts dévastateurs du réchauffement climatique sur notre environnement et sur notre société vont s’accélérer. Le ton est alarmiste, voire apocalyptique : les scientifiques veulent que leur voix soit enfin entendue. Combien de versions de rapports, toujours plus alarmistes, faudra-t-il pour une réelle prise de conscience ? Combien d’évènements extrêmes, comme celui de Cressier, pour qu’on intègre que si nous ne faisons rien, la crise climatique engendrera une crise sociale et qu’elle durera ?

 

Des questions auxquelles je ne vois toujours pas de réponse suffisamment percutantes. C’est finalement, la communication de l’USAM qui m’aura fait esquisser un sourire cette même journée. Sourire d’espoir ? Que nenni : sourire jaune. Car, la bouche en cœur, elle demande de « maintenir » les instruments de politique climatique « qui ont fait leur preuve ». Preuve de quoi ? Preuve de leur inefficacité ? Quelle naïveté, que dis-je, quelle indécence ! Sont-ils réellement convaincus de ce qu’ils écrivent ? Prise de position incompréhensible, qui fait l’inventaire du vocabulaire du bon néolibéral et nappée de bonne conscience, ou plutôt d’inconscience. Odeur de naphtaline surtout. La même odeur qui se dégage de la tribune de Philippe Nantermod qui accuse les grévistes du climat du refus populaire de la Loi sur le CO2. Tellement facile de trouver des coupables alors que, disons-le clairement, c’est bien le PLR qui n’a pas fait son job dans ce cadre précis alors qu’il a participé au compromis.

 

Alors, pointons les vrais coupables ! Visons les industries de notre pays qui peinent à réduire leurs émissions et sont surtout actives dans leur travail de lobby pour que cela ne leur coûte rien. Comble de l’ironie, les plus grands pollueurs en Suisse sont liés au raffinage et à la production de ciment, deux industries bien présentes de la région de Cressier. C’est bien à nous, citoyens et citoyennes, de prendre de décisions pour ne plus être dépendant-e-s de ces industries. Cela aura certes un coût, à moyen terme. Ne rien faire coûtera bien plus cher, à long terme. Ceci est d’autant vrai pour l’environnement que pour le volet social. On doit renforcer le rôle de l’Etat, une tendance qui semble à contre-courant des majorités bourgeoises qui s’efforce de diminuer toujours plus les revenus de l’Etat. Le combat sera rude pour que la solidarité ne soit pas que présente après les catastrophes.

 

Et aujourd’hui, je pense à Cressier. A toutes les autres communes touchées par les intempéries de ce début d’été. Nous sommes ensembles face à ce défi, nous devrons le relever ensembles.

 

Ce n’est pas bien de se défausser, Monsieur le Conseiller fédéral !

« Ce n’est pas moi, c’est lui ! » Je m’attendais à une autre réponse du Conseiller fédéral Parmelin au débat d’Infrarouge de la RTS du 12 mai quant à la question « comment fera-t-on pour assainir les sols pollués aux pesticides de synthèse ? ». On s’attendait à une réponse claire de la part du Président de la Confédération, mais au lieu de proposer des solutions à cette situation, il a préféré trouver un autre coupable, l’industrie. Une posture peu digne d’un Conseiller fédéral, même s’il n’est pas faux qu’une des sources de pollution des sols sont les anciennes activités industrielles. La réponse correcte aurait été « avant de définir les méthodes d’assainissement, nous devons connaître l’état de pollution des sols, et l’impact de l’ensemble des substances présentes dans celui-ci….».

 

La position fuyante du Conseiller fédéral démontre le manque d’intérêt pour la problématique des sols de la part du Chef de l’Agriculture et de l’Économie. Durant ce débat, les opposants aux initiatives pesticides déroulent leurs arguments pour tenter de nous convaincre de ce qui est bon pour l’agriculture et surtout pour notre assiette. Aucun n’est prêt à admettre que l’utilisation de pesticides de synthèse représente un souci de santé au travail, ceci alors que d’autres pays ont classé la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle pour le milieu agricole. La Suisse est hélas assez forte dans ce domaine : fermer les yeux sur l’impact de substances nocives, produites par une industrie nationale agressivement lobbyiste. Souvenez-vous du combat acharné pour faire admettre que l’amiante peut être mortelle !

 

Ces substances nocives, si elles s’accumulent dans nos organismes, s’accumulent de façon évidente aussi dans nos sols, induisant des dégâts tout aussi graves. Rappelons que la fonction première d’un pesticide de synthèse est de lutter contre les organismes vivants. Nous ne connaissons pas grand-chose sur leur écotoxicité, sur leur biodégradabilité et donc leur persistance. C’est seulement récemment que nous avons eu une première indication sur la présence de ces substances dans les sols agricoles. Ces substances ne font même pas partie de la liste à analyser systématiquement dans le diagnostic de pollution des sols. Depuis les années 1990, nous nous concentrons principalement sur les métaux lourds et certains hydrocarbures, des reliquats de l’industrie et du trafic routier. Alors qu’on arrête de me dire que dans cette discussion, on se soucie de la ressource qu’est le sol. L’homologation de ces produits ne tient pas assez compte du principe de précaution. Ce que j’observe c’est que tout va lentement, trop lentement, et qu’on joue aux apprentis sorciers en répandant ces substances dans notre environnement sans aucun suivi.

 

Tout comme l’eau, le sol est indispensable à notre survie. C’est le cas pour notre alimentation, mais le sol est aussi l’interface entre le monde minéral et biologique, le support pour la faune et la flore. Il participe à la préservation de la biodiversité. Ne pas préserver le sol, c’est détruire la biodiversité, la vie. Ne pas protéger la vie du sol, c’est réduire le volume de matière organique qui participe à la fertilité du sol. Une matière organique dont le monde scientifique s’accorde à dire qu’il est plus que nécessaire de l’augmenter pour faire face au réchauffement climatique, puisqu’elle permet de capter le CO2 et in fine de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

 

Alors, Monsieur le Conseiller fédéral, il est trop facile de trouver d’autres coupables à l’état préoccupant de la santé des sols. En tant que pédologue, je ne peux pas me contenter de telles réponses à court terme ou passéistes quant à l’origine de la pollution des sols. Les pollutions liées directement à l’industrie font partie du passé, même si leur assainissement n’est pas du tout résolu. J’aimerais qu’on se concentre sur l’avenir. En tant que politicienne, j’attends que le Conseil fédéral ose prendre des décisions sans céder à la pression des lobbys agricoles et agro-chimiques. Travaillant dans un syndicat, j’attends que le Ministre de l’Économie prenne ses responsabilités pour garantir des conditions de travail sans risque, notamment dans le milieu agricole. Et en tant que maman, j’aimerais qu’un Conseiller fédéral ait une vision à long terme de la gestion des ressources naturelles, et s’engage pour les générations futures. J’espère toutefois que vous assumerez la responsabilité d’expliquer un jour à mes enfants que l’infertilité ou les problèmes neurologiques, en augmentation, sont dus à votre inaction politique !

 

Une chose est sûre, même si les initiatives du 13 juin ne sont pas parfaites, je voterai deux fois oui ! Il est temps qu’on ait une vision à long terme et qu’on dépasse la seule logique du profit économique. Ceci pour permettre un avenir plus durable, par un réel soutien à l’agriculture en menant à bien cette reconversion nécessaire !

Un accord trompeur

Les affirmations voulant que l’accord de libre-échange avec l’Indonésie « pose les bases d’une économie plus durable et équitable »[1] ou « l’accord de libre-échange renforce le développement durable »[2] ne manquent pas ces temps-ci. En effet, l’économie et certaines personnalités politiques soutenant cet accord se veulent depuis quelques semaines être de grandes promotrices de la durabilité. La droite et les milieux économiques auraient-ils enfin intégré que nous n’avons une seule planète ? J’ai bien peur que nous en soyons une fois de plus encore très loin…

Le 7 mars prochain, le peuple suisse devra se déterminer sur cet accord commercial avec l’Indonésie. Un nouvel accord de libre-échange car la Suisse n’en est pas à son premier. Mais pour la première fois, le peuple pourra donner son avis. Une disposition nouvelle qui permet un réel débat dans notre pays en actionnant le référendum.

Même s’il est vrai que cet accord a un chapitre dédié à la durabilité et qu’il a été renforcé par le Parlement, il reste insuffisant. Il n’y a aucune garantie de l’application de sanctions en cas d’infraction lors de la production d’huile de Palme. La certification RSPO n’a rien de convaincant et la formulation dans l’accord reste très vague[3]. Pas besoin de vous faire le dessin que sans contrainte, il n’y aura pas d’avancées avec cet accord.

De plus, alors que la Suisse développe son Agenda 2030 (agenda pour le développement durable), nous pouvons nous demander si un tel accord est compatible avec les objectifs fixés ? L’augmentation de la production l’huile de palme entrainera inévitablement des violations de normes dans le domaine social et environnemental pour garantir une maximisation des profits[4]. Des profits dont seule une minorité profitera. Encore une façon d’un peu plus creuser le fossé entre les pays du Nord et du Sud, au contraire de ce que vise l’Agenda 2030.

Une maximisation des profits qui détruit la planète mais qui a aussi des conséquences sociales : travail forcé ou avec des salaires indécents notamment. L’huile de palme est un triste exemple. Cette activité agricole est accélératrice de la déforestation de notre planète. Une déforestation de la forêt tropicale qui touche directement la biodiversité et le climat, en asséchant des zones comme des tourbières.

Il est temps que nous agissons pour une réelle prise de conscience de la nécessité de la préservation de la nature et de sa biodiversité, et ceci aussi de manière globale. A force de détruire la biodiversité, de diminuer nos ressources naturelles, nous impactons également négativement des populations et accentuons davantage les inégalités. Le vote sur cet accord est l’occasion de nous opposer à ces échanges économiques qui n’ont plus d’avenir si nous voulons réellement vivre dans un monde durable.

[1] https://www.swissinfo.ch/fre/votations-du-7-mars_simone-de-montmollin—cet-accord-de-libre-échange-pose-les-bases-d-une-économie-plus-durable-et-équitable-/46300222

 

[2] https://www.economiesuisse.ch/fr/articles/libre-echange-avec-lindonesie-des-opportunites-pour-les-deux-pays

 

[3] https://www.publiceye.ch/fr/thematiques/politique-commerciale/politique-commerciale-bilaterale/indonesie/votation-ale-indonesie

 

[4] https://www.pronatura.ch/fr/2018/pas-de-libre-echange-pour-lhuile-de-palme

 

QUI A PEUR DU GRAND MÉCHANT LOUP ?

Le retour du loup n’a pas laissé les politiciennes et politiciens indifférent∙e∙s. Interpellations, questions, motions… le Parlement fédéral s’est fait le lieu de nombreuses interventions ces dernières années. Doris Leuthard, ancienne ministre en charge de l’environnement, était contrainte d’aborder la question à presque toutes les sessions. En effet, le loup est réapparu sur le sol suisse au début des années 1990. Un loup qui fait peur, un loup pour lequel une révision du cadre réglementaire s’avérait nécessaire.

Alors que la révision de la loi sur la chasse devait être modérée et permettre de renforcer la coexistence entre l’humain et les animaux sauvages, le texte sorti des débats parlementaires en 2019 n’est pas acceptable. Disons-le clairement : la loi sur la chasse sur laquelle nous allons voter n’est en aucun cas un projet abouti. Au contraire, elle met en péril le dispositif existant de protection des espèces chez les mammifères et les oiseaux sauvages. Ces espèces seraient soumises à une pression plus forte encore.

Mais de quelles espèces, mis à part le loup, parle-t-on ? Des espèces protégées comme le lynx, le castor ou le cygne tuberculé, qui pourraient être ajoutés à la liste des animaux pouvant être régulés, aux côtés du bouquetin et du loup. « Régulés », cela veut dire : tirés et abattus lorsque leur présence dérange. Avec la nouvelle loi, ils pourraient être abattus avant même d’avoir causé des dommages ou d’être considérés comme un danger, sans même que des mesures de protection raisonnables aient été prises au préalable.

La peur du loup n’a rien de nouveau. Pour faire face aux problèmes que pourraient provoquer les loups, des solutions efficaces existent déjà, par exemple la protection des moutons et autres animaux d’élevage. Il est déjà possible de décimer sélectivement des meutes.

Cette peur n’est pourtant pas justifiée, car rappelons-le : le retour du loup n’a jamais été une menace pour les habitantes et les habitants de notre pays.

Au contraire, le retour d’espèces animales indigènes a de réels effets positifs sur notre nature, nos écosystèmes. Les aménagements des castors créent de nouveaux habitats pour la faune locale (poissons et oiseaux, par exemple). La présence de lynx et de loups permet de réduire la multiplication incontrôlée des ongulés tels que cerfs et sangliers, dont les dégâts dans les forêts ou les champs et pâturages sont bien connus. Ces espèces participent en fait à l’équilibre naturel. C’est pourquoi toutes les organisations environnementales et de protection des animaux, la société forestière suisse ainsi que de nombreux forestiers, chasseurs et professionnels de la faune sauvage disent clairement Non à cette loi.

De plus, par cette loi révisée, les cantons pourraient ordonner eux-mêmes de décimer des animaux protégés alors qu’actuellement il faut l’assentiment de la Confédération. Ainsi, l’existence de ces animaux dépendrait de leur localisation et des politiques cantonales : comme si les animaux connaissaient les frontières cantonales !

Le référendum a abouti très rapidement : plus de 70 000 signatures ont été recueillies au cours des sept premières semaines de collecte. Alors direz-vous non le 27 septembre prochain ? Si la majorité du peuple suisse va dans ce sens, cela permettra d’ouvrir la discussion pour une nouvelle loi qui devra être moderne et, surtout, qui respectera notre nature et nos animaux sauvages.

Manger sainement doit être un droit et non un luxe

Contre une alimentation à deux vitesses

 

« Je ne sais plus quoi manger »… La phrase m’est arrivée au vol, dans un café de La Chaux-de-Fonds. Une femme discutait avec une amie et le sujet m’a fait tendre l’oreille. J’apprends alors que non, ce n’est ni l’écoeurement, ni la lassitude qui a coupé l’appétit de cette quinquagénaire, mais ses questionnements sur la santé et l’environnement en lien avec l’alimentation. Sa perplexité est largement partagée : comment manger sainement, sans traces de pesticides, par exemple, en épargnant nos ressources naturelles ? Comment savoir si ce que nous ingérons est à la hauteur de nos attentes ? Le florilège des qualificatifs utilisés par l’agriculture moderne, « biologique », « biodynamique », « de proximité », « durable », « extensive », « en respect des animaux » ou « sans pesticide de synthèse », façonnent notre alimentation mais ne simplifie pas vraiment la situation. Comment savoir si on fait réellement le « bon choix », pour nous, pour les générations futures, pour la préservation des écosystèmes ?

 

Cette femme n’est pas aidée dans sa réflexion par les débats parlementaires. Alors que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme en révélant notamment la présence de substances toxiques dans nos aliments et leur nocivité, les décisions politiques ne suivent pas ou si peu (la preuve encore lors de la session d’été, qui a vu la majorité du Conseil national s’opposer aux initiatives anti-pesticide). Pendant que les lobbys d’une certaine agriculture, de l’agroalimentaire et de la chimie hantent les couloirs du Palais fédéral, nous, consommatrices et consommateurs, sommes bien seul-e-s face à ces choix cornéliens. « Faut-il se tourner vers le bio, un choix en augmentation, mais est-ce vraiment accessible ?» se demandait ma voisine de table. Après une santé à deux vitesses, une alimentation à deux vitesses ? Malheureusement oui et depuis longtemps. Manger sainement devrait être pourtant un droit et non un luxe ! Se nourrir sainement à tous niveaux a un prix, et c’est peut-être ça le plus grand dilemme et la première injustice.

 

Le temps est venu d’une réelle politique d’incitation pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès à une alimentation exempte de substances toxiques. Pourtant, les réticences sont légion : les discussions récentes au Grand Conseil neuchâtelois en sont la preuve. Que ça soit la volonté d’interdire les pesticides de synthèse ou demander la reconversion des exploitations agricoles sur terrain de l’État en culture biologique, une certaine retenue pour ne pas dire une réelle opposition des autorités est palpable. Des craintes quant à la faisabilité, mais surtout de chambouler une partie du milieu agricole qui a de la peine à se réinventer.

 

Or, se réinventer par rapport au mode de production concerne également les conditions de travail. Encore dernièrement, la Chambre d’agriculture de l’Union paysanne suisse s’est démarquée en ne voulant pas reconnaître la rétribution du travail fourni par les paysannes avec une couverture sociale. L’agriculture ne pourra être durable que lorsque l’ensemble des actrices et acteurs des exploitations seront traité-e-s décemment. Dans le système actuel, qui voit l’agriculteur bien mal payé pour son travail alors que les distributeurs et intermédiaires se frottent les mains, il n’est pas normal que le coût ne soit que pour nous, consommateurs et consommatrices.

 

L’enjeu est majeur : notre société doit se réinventer et ce ne sera pas une petite affaire !

 

Et des solutions existent pour faciliter une transition agricole durable et bio. Des mesures d’accompagnement pour soutenir les agricultrices et agriculteurs qui passent à des cultures biologiques ou qui souhaitent s’en rapprocher sont un moyen d’y parvenir, tout en tenant compte que la faisabilité de reconversion dépend du type de production. De la même manière, pourquoi les établissements publics, comme cantines et autres cafétérias de lieux de formation par exemple, ne passeraient-il pas au bio en s’approvisionnant par circuits courts ? Une mesure favorable à plus d’égalité des chances qui permettrait également de garantir aux agriculteurs locaux l’achat de leurs produits et à nos plus jeunes une alimentation saine.

 

Les pessimistes diront que pour passer au bio l’ensemble des cultures à l’échelle mondiale, il faudrait soit augmenter les surfaces des sols soit limiter le gaspillage. Et que la Suisse peine déjà à maintenir ses surfaces cultivables. C’est un fait. Mais pour ce qui est du gaspillage, nous savons combien notre marge de manœuvre est gigantesque. Saviez-vous que l’agriculture actuelle génère plus de 200 000 tonnes de déchets alimentaires alors que les 90% pourraient être évités ? Et que les ménages produisent un million de tonnes de déchets, dont la moitié pourrait être évitée ? Là aussi, il est temps que nous agissions pour trouver des solutions.

 

Car, finalement, d’un point de vue global, si tout le système change, il y aura surtout des bénéfices tant sur notre vie quotidienne que celle de nos enfants et sur les coûts de la santé, de même que pour les travailleurs agricoles.

 

Qu’avons-nous à perdre?

 

Le sol, cette ressource non renouvelable

Avec l’initiative STOP Mitage, un réel débat pouvait s’ouvrir sur la gestion de l’utilisation du sol : un débat plus que nécessaire, non ? Pourtant, une fois de plus, les commentaires des opposants à l’initiative ne se focalisent que sur ce qui pourrait être limité et non pas ce qui devrait être protégé. En somme, la guerre des chiffres a été lancée pour savoir si l’effet de la révision de la LAT (Loi fédérale sur l’aménagement du territoire) a un effet sur les zones à bâtir ou si on doit encore accentuer les mesures. Bien sûr, aucune réelle considération sur ce qu’il va nous manquer, à notre alimentation notamment, si nous ne nous préoccupons pas de protéger le sol en tant que ressource naturelle.

 

Il est clair que notre population augmente et que les besoins en logement s’élèvent en proportion, mais il n’est toutefois pas judicieux de se focaliser seulement sur cet aspect. Il existe des façons de penser le construit autrement. Quant aux sols, une réflexion plus large doit être menée pour aboutir à une gestion intégrée des sols, comme cela se fait pour la ressource « eau ». Une gestion qui implique l’ensemble des acteurs avec une réelle pesée des différents intérêts. Bien que la stratégie « sol » de la Confédération aille dans ce sens, les effets prendront du temps à être visibles. Patience me direz-vous ? Peut-être, mais la dégradation des sols agricoles fertiles se poursuit sans discontinuer. C’est stupéfiant lorsque que l’on sait que le sol est une ressource naturelle qui, en raison d’une formation très lente après un processus complexe, est considérée comme une ressource non renouvelable. Ainsi, lorsqu’il est imperméabilisé (par la construction d’infrastructures ou d’habitat), le sol peut être considéré comme perdu, excepté s’il est déplacé pour être réutilisé – mais les cas sont insuffisants pour être significatifs. Et quand il n’y a plus, il n’y a plus !

 

Espérons que les résultats du programme PNR 68 puissent enfin être pris au sérieux en intégrant un indice de la qualité des sols dans les décisions d’aménagement du territoire. Ayons le bon sens de préserver les bonnes terres au détriment des terres dégradées. Un bon sens qui ne va pas de soi, car l’on se heurte rapidement au fait que le sol est considéré comme un bien privé, à l’inverse de l’eau potable dont le caractère public n’est jamais remis en cause au sein de la population. Le sol doit retrouver une vocation publique, par un soutien d’un agriculture biologique durable qui permette de satisfaire le consommateur par des produits sains et de proximité, en garantissant des conditions de travail adéquates. Un soutien qui permettra également une préservation de la biodiversité, une biodiversité qui, même si certains en doutent encore, est indispensable à l’être humain. Ne pas préserver les sols, par l’effet en cascade qui en découle, c’est simplement ne pas garantir un avenir durable à l’être humain.

 

L’inaction décrite n’a rien de nouveau et surtout, malheureusement, rien d’étonnant ! Malgré les fonctions primordiales de la ressource naturelle « sol » – telles qu’abri pour la biodiversité, support de la production de biomasse (de notre nourriture comme les légumes par exemple), régulateur du régime hydrique (effet éponge) pour la prévention des inondations, purificateur des eaux chargées en pollution ou capteur de COqui permet d’agir sur le changement climatique – celle-ci est souvent le parent pauvre des discussions environnementales.  Cette inaction implique une perte directe de la ressource “sol”, une perte liée à une imperméabilisation sans cesse en augmentation, et dont les effets sont principalement visibles sur le paysage. Le sol est aussi le parent pauvre des budgets cantonaux : les cantons sont censés surveiller la qualité des sols, mais rares sont ceux qui s’appliquent à cette tâche par manque de ressources pour certains et/ou de volonté politique pour d’autres. L’excuse est, dans les deux cas, facile.

 

 

Le sol, grand absent des discussions concernant notre alimentation ?

Alors que les débats en lien avec les prochaines votations fédérales s’enflamment pour savoir s’il faut manger bio, sans viande, avec quinoa, local ou fait maison, la thématique du sol est souvent oubliée. Et pourtant, le sol, ce substrat sur lequel poussent nos carottes, notre blé, et où paissent nos vaches qui nous fournissent viande et lait aurait sa place au cœur du débat. Les sols ont de nombreuses fonctions, souvent oubliées, comme celle d’être filtrants, notamment pour les eaux souterraines. Une eau qui irriguera nos champs ou que l’on retrouvera à notre robinet. Mais les sols font aussi office de tampons en présence de certaines substances, ils stockent les nutriments et le CO2, ils servent enfin de support pour la production de biomasse, à commencer par les denrées alimentaires au cœur des débats de cette fin d’été.

Malgré ces fonctions essentielles, le sol a subi et subit encore nombre d’attaques, de dégradation, toutes liées à des utilisations peu reluisantes. Ainsi, lorsqu’il se trouve aux abords d’une route, d’un ancien site industriel, ou s’il supporte une agriculture intensive utilisant pesticides et autres produits de synthèse, le sol voit des substances telles que métaux lourds et autres polluants nocifs pour la santé s’accumuler et le dégrader.

Actuellement, lorsqu’une pollution est constatée, la seule solution consiste à purement et simplement retirer le sol touché pour l’éliminer (principalement en décharge) avant finalement de le remplacer par un autre. Un système qui connait des limites car, là où il faut quelques années à anéantir un sol de notre plateau, il a fallu des milliers d’années à le former.

Autant de considérations qui échappent à la majorité de la Commission de l’environnement du Conseil national. Celle-ci, au lieu de prendre des mesures pour limiter voire supprimer tout apport de pollution et ainsi préserver la qualité des sols, n’a rien trouvé de plus ridicule que de se tirer une balle dans le pied et de faire une fleur… aux fusils. La commission a, en effet, choisi de proposer la suppression du délai, fixé actuellement à 2020, à partir duquel les assainissements de sols ne sont plus subventionnés par la manne publique si les sols ont été pollués par des tirs. Ainsi, l’assainissement des sols pollués par le tir en campagne et les tirs historiques sera toujours soutenu par des subventions fédérales. Par cette démarche à la virilité et au courage que je vous laisse apprécier, la commission attribue un permis de polluer sans limite à la pratique du tir en campagne. Le tir en campagne qui, juste en passant, provoque en une journée une pollution équivalente à celle l’activité annuelle d’un stand de tir. La pollution au plomb, dont la toxicité n’est plus à démontrer, perdurera ainsi des milliers d’années dans le sol.

Anecdotique pour certain, cet exemple parmi tant d’autres, témoigne de la non-volonté, pour ne pas dire de l’obstructionnisme, dont fait preuve l’actuelle majorité à mener une politique de réelle protection des sols, de l’environnement et donc de la santé. Alors qu’une densification du territoire devrait encourager à trouver des solutions pour préserver les sols dont la qualité est reconnue, le Conseil fédéral fait la sourde oreille aux interpellations et postulats demandant de tendre à une gestion durable des sols. Il invoque le manque de données à disposition. Soit, mais que fait-il pour dépasser cet écueil. Le manque de données disponibles ne devrait-il pas interpeller pour agir concrètement et rapidement ?

La nécessité de préserver, voire améliorer, la qualité des sols est impérative. Une détérioration continue de leur qualité ne permettra plus de maintenir les fonctions essentielles des sols, cette détérioration étant de surcroît rarement réversible. Quand bien même les surfaces cultivables actuelles permettraient de garantir de vivre en autarcie, moyennant certes des changements dans nos habitudes alimentaires, faudrait-il encore que la qualité du sol le permette. De quoi regretter que le sol, cet essentiel substrat à la vie, soit si peu abordé dans les discussions en cours sur notre alimentation.