Pour l’amour de la langue françaisE

Ecriture inclusive et amour de la langue française; l’élégance avant tout!

 

Je suis un amoureux des langues, et de la langue française en particulier ; d’une part parce que c’est ma langue culturelle et identitaire, et d’autre part parce qu’elle est d’une richesse folle, métissée qu’elle est de plusieurs siècles d’échanges avec toute l’Europe et au-delà. Je n’oublierai notamment jamais cette magnifique exposition temporaire organisée au début du millénaire par le Musée Romain de Lausanne-Vidy : Archéologie du français.

Or la vitalité et la précision de notre langue est régulièrement attaquée, notamment dans les médias et les parlements. Quelques hystériques militants du genre et bien organisés tiennent absolument à la réglementer et nous imposer des interdictions, telle une chape de plomb idéologique. Ceci, alors que notre langue peut être si belle et subtile dans ses nuances.

Au XVIIème siècle, Louis XIII lui-même, avait donné pour mission à l’Académie française de «rendre le langage français non seulement élégant mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences». Gardons-le donc élégant, subtil et apte à traiter avec précision les vrais enjeux de notre époque.

A l’heure où le genre ne se limite plus à une question binaire ou l’une ou l’un l’emporte systématiquement sur l’autre en fonction du contexte, il est normal que nous soyons beaucoup à trouver vieillies, inélégantes et inadaptées deux règles étonnantes qui ont pris le pouvoir dans nos livres d’école et dans beaucoup d’esprits : « le masculin l’emporte sur le féminin pour l’accord des adjectifs » et «le neutre prend les formes du masculin ». Deux règles qui impliquent une neutralisation du féminin par le truchement du masculin, en faisant de ce dernier un genre par défaut. Quelle pauvreté et quel manque d’imagination !

Heureusement, une nouvelle génération d’amoureuses de la langue ne se satisfait plus de cette situation et ose redonner à notre langue française ses lettres de noblesses : en redonnant du sens aux mots, en nous permettant de savourer la racine latine du percutant terme d’autrice, en nous faisant jouer avec les rythmes et allitérations qui se cachent dans un toutes et tous, dans un françaises, français, en osant parfois la concision d’un genre alternant avec l’autre ou en nous suggérant d’opter parfois pour le parfum et la beauté subtiles d’un accord de proximité. Quel plaisir d’explorer de nouveaux terrains de jeu, et d’accompagner notre langue si belle vers une intégration tant littérale que littéraire de l’égalité entre femmes et hommes !

Nous devons encore apprendre à maîtriser les différentes dimensions d’une écriture plus inclusive, à comprendre comment elle s’exprime en fonction des différents registres de langage ou dans les différents contextes, à trouver les tournures qui nous plaisent et celles que nous évitons. Avec de la bonne volonté, c’est aisément à notre portée.

Et si quelques enseignantes et journalistes retraités ont de la peine à se faire à cette façon d’utiliser notre belle langue à bon escient, c’est compréhensible, et pas très grave. Car comme le disait le regretté linguiste et lexicographe Alain Rey, en fin de compte, c’est l’usage qui a raison.

Pour aller plus loin:

HISTOIRE D’AUTRICE, DE L’EPOQUE LATINE À NOS JOURS, par Aurore Evain LIEN

Un passionnant article du Monde qui nous parle de l’accord des genres et de l’Académie française :

Et un excellent Podcast de Laelia Veron sur Binge Audio, qui explore avec curiosité le pourquoi et le comment de l’écriture inclusive

Pour nous, hommes, le temps est venu de prendre le pouvoir

Le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, j’avais l’occasion de participer à une table ronde. J’étais l’homme quota parmi quatre autres femmes toutes plus compétentes les unes que les autres, avec des parcours professionnels admirables. Pour la première fois, je découvrais le syndrome de l’imposteur, et je passais une bonne partie de la journée à réfléchir à ce que je pourrais bien y dire, devant un parterre probablement très féminin. Sans cette journée internationale et sans cette invitation, il n’y aurait pas eu ce papier.

 

Une affaire de pouvoirs

En matière de promotion d’égalité des sexes comme dans d’autres domaines, on entend souvent que le pouvoir ne se donne pas, mais se prend. Autrement dit, même si les hommes encore majoritaires doivent permettre cette place, l’aménager même, l’égalité ne se fait que si certaines pionnières prennent ce pouvoir. Si au final il en va de responsabilités partagées, il s’agit souvent dans un premier temps de renégocier les pouvoirs. Mais là n’est pas mon sujet.

 

A propos de première ministre

Il est un domaine où les hommes manquent cruellement de pouvoir : la sphère familiale, et en particulier dans les ménages avec enfant. Si on a aujourd’hui presque tous conscience de l’importance du partage des tâches (à des degrés de concrétisation divers il est vrai) on est encore très loin du partage du pouvoir.

Mais attention, je ne parle pas là de pouvoir global, mais de pouvoir pour tout ce qui tient de la planification, de l’organisation et de la gestion du ménage au sens très large.

Sous une forme très pernicieuse pour les deux sexes, la femme tient souvent un rôle du premier ministre dans la monarchie anglaise. Elle est en charge du gouvernement exécutif, et gère la bonne marche du pays, souvent de facto parce que depuis la naissance des enfants, elle a endossé ce rôle en étant plus souvent à la maison.

Selon les cas, l’homme remplit un certain nombre de tâches domestiques, qui va de descendre les poubelles, réparer un objet, s’occuper du jardin, voire même du foot du garçon le samedi matin (ou rien du tout, voire pour cela le dessin de Chappatte du 20 mars 2020 dans Le Temps https://www.chappatte.com/) Bref, je caricature, mais vous me suivez. Le partage des tâches n’est pas un partage du pouvoir ni de responsabilités, mais une forme de délégation. L’attribut le plus lié à cette forme de gouvernance est la charge mentale, une découverte récente, probablement il y a trois ans pour moi.

 

La reine mère

Là où le système devient clairement injuste, et je reviens à mon analogie avec la monarchie anglaise, c’est si l’homme a laissé avec complaisance sa femme au poste de premier ministre à la naissance des enfants, la coutume veut qu’il endosse la fonction de Reine mère. Il ne fait rien, mais il a le pouvoir sur le premier ministre. En cas de crise, sa parole a plus de poids, et en situation protocolaire, c’est à lui que l’on s’adresse. Mais les problèmes, ce n’est pas lui qui les gère… La reine mère, c’est ce que l’on appelle le patriarcat.

 

Le modèle suisse

Si l’on veut changer cela, il ne suffit pas que les hommes abandonnent la fonction de reine mère. Mais il leur faut prendre leur place dans un gouvernement au pouvoir partagé, à la Suisse, ou chaque membre a des dicastères et des pouvoirs bien définis.

Au niveau de la gestion de la famille et du ménage, les hommes doivent donc reprendre du pouvoir exécutif, et prendre leur place au gouvernement familial. Ils ne seront plus ni reine mère, ni commis. Ce changement est inconfortable, il peut être source de conflit, et demande de l’engagement, des preuves par l’acte ; aucun premier ministre ne laissera son poste sans être sûr que son nouveau collègue s’engagera pleinement. Cela implique de se laisser chacun plus de place, cela implique de faire confiance à l’autre, et cela implique de (re)définir les domaines de responsabilité. Par jour de la semaine ou par moment de la journée, par domaine (alimentation, finances, ménage, enfants, loisirs, relations sociales, projets de vie), par phase de vie, que sais-je. Mais surtout, ne pas confondre partage des tâches, partage des responsabilités et partage du pouvoir. Faire les courses lorsqu’on nous demande de les faire est une tâche ; faire en sorte que le frigo soit plein et que ce qu’il y a dedans permette de cuisiner 3 repas en fonction des activités de chacun est une responsabilité, en même temps qu’un pouvoir.

 

Pas d’égalité dans la sphère professionnelle sans égalité dans la sphère privée

Bref, si l’on veut que les femmes puissent aussi prendre des responsabilités dans la sphère professionnelle sans devoir être exceptionnelles, il faut que les hommes, exceptionnels ou non, prennent plus de pouvoir et de responsabilités dans la sphère privée. Ils en lâcheront alors automatiquement au niveau professionnel. Pour le bénéfice de l’une comme de l’autre, et pour une égalité de fait, et non seulement de droit.

 

Pas de blog sans Corona :

Aujourd’hui, nous avons une chance unique de changer cela, au moment où le Covid-19 nous confine pendant quelques semaines dans la sphère familiale, permettant à l’autre comme à l’une de changer ses habitudes… D’autant plus que statistiquement, les femmes sont aujourd’hui surreprésentées dans les activités indispensables pour résister à la crise (soins, alimentation). C’est le moment ou jamais… Alors, on le prend ce pouvoir ? Ensemble?

Et vos pères, vos frères et vos fils repasseront en choeur.

Tendance en émergence, les Ironing clubs for men s’apprêtent à ouvrir dans plusieurs capitales du monde. Pratique méditative et acte citoyen, l’ironing s’annonce comme une contribution essentielle à la prochaine révolution sociale.

Main de l'auteur, repassant. (Mai 2016)
Main de l’auteur, repassant. (Mai 2016)

Ce n’est pas en lisant une étude américaine récente, mais bien en pratiquant cette activité d’avenir que l’évidence du phénomène m’est apparue. Laissez-moi vous glisser quelques pistes brèves sur les vertus cachées de ce qui était jusqu’à peu considéré comme la corvée de la ménagère, et du sens éminemment citoyen et noble qu’il faut lui accorder.

Mais avant cela, quelques conseils pour une pratique dans les règles de l’art.

 

 

>THE IRONING CODE OF CONDUCT (version courte, 2020)

  1. L’ironing est une activité purement masculine. Dans sa version évoluée, elle se pratique en groupe dans des clubs fermés. Plus pragmatiquement, certains l’exercent également seuls au foyer.
  2. L’ironing se pratique sur des vêtements véritables et n’est pas rémunéré. Le fait de repasser un habit est un acte engageant et socialement fort envers la personne qui portera l’habit. Il renforce les liens sociaux, qu’ils soient intrafamiliaux ou plus larges.

 

>UNE ACTIVITE AUX VERTUS INSOUPCONNEES

  • Méditation et réflexion à haute performance.
    “Tous ces divers projets m’offraient des sujets de méditation pour mes promenades : car, comme je crois l’avoir dit, je ne puis méditer qu’en marchant ; sitôt que je m’arrête, je ne pense plus, et ma tête ne va qu’avec mes pieds” confessait Rousseau. Il en est de même pour la pratique du repassage, dont le rythme lent du balancé de bras et le souffle de la vapeur laisse toute liberté aux pensées de fleurir. Ces quelques lignes ont été rédigées sous cette influence. L’Ironing est particulièrement conseillé aux professionnels à l’emploi du temps exigeant, et permet de développer des idées riches, larges et affûtées à bon prix.
  • Une activité bonne pour la santé.
    Le repassage est une activité sûre et sans risque, contrairement à la pratique de sports; pour des raisons inconnues, le complot mondial et Alain Berset – probablement sous l’influence d’Adolf Ogi – nous cachent le fait que les activités sportives sont le facteur de coût le plus important des assurances-accidents (le double de la part professionnelle). Je vous laisse juger des montants sur l’image ci-dessous, et consulter cette source si vous n’êtes pas encore convaincus.

    Coûts courants des accidents durant les loisirs selon l’activité, AANP et AAC (Statistique des accidents LAA 2015)
    Coûts courants des accidents durant les loisirs selon l’activité, AANP et AAC (Statistique des accidents LAA 2015)

     

  • Une question d’honneur et d’égalité.
    Les femmes consacrent encore plus du double du temps aux tâches ménagères que celui consacré par les hommes (sans compter le fait qu’elles seraient plus efficaces). Le temps de repassage est une façon agréable et peu fatigante de rétablir cet équilibre. On trouve quelques graphiques intéressant auprès de l’OFS; même si les chiffres sont anciens, ils n’ont pas (encore) été secoués depuis.Nombre moyen d’heures hebdomadaires de travail familial et domestique, selon le sexe, la nationalité et l’âge du plus jeune enfant, en 2'000. (Recensement fédéral de la population 2000 Avancée et stagnation dans la problématique de l'égalité entre hommes et femmes de 1970 à 2000)Nombre moyen d’heures hebdomadaires de travail familial et domestique, selon le sexe, la nationalité et l’âge du plus jeune enfant, en 2’000.
    (Recensement fédéral de la population 2000 – Avancée et stagnation dans la problématique de l’égalité entre hommes et femmes de 1970 à 2000 > consulter)
  • Le temps du futile et de l’inutile.
    Dans notre monde utilitariste, l’ironing s’aparente à un acte rebelle qui accorde de l’importance à l’inutile. Il permet de prendre pleinement conscience du temps qui s’écoule. Il remplace avantageusement des pratiques comme le Yoga, inacessibles aux rigidités masculines.
    Sans aucune utilité intrinsèque, il est essentiel que le repassage soit dorénavant considéré en fonction de ses vertus indirectes méditatives, de santé publique et sociales mentionnées ci-dessus.

 

TENDANCES FUTURES

Au vu des considérations précédentes, il faut s’attendre à une forte augmentation de l’engouement pour l’ironing. Les prospectivistes imaginent – outre des clubs à l’image de ceux de l’Angleterre victorienne où les hommes pourraient ironner entre gentlemen en sirotant un whisky – des rassemblements sous les platanes dans le midi, ou l’organisation de véritables compétitions. Des compétitions d’extreme ironing sont déjà réalité depuis le début du millénaire (“Get Out Your Boards: Extreme Ironing May Soon Be Hot”, Article du New York Times, May 21, 2004).

Le temps où vos pères, vos frères et vos fils repasseront en choeur est proche.

Il faudra néanmoins attendre le jour où une femme sera élue PrésidentE d’un ironing club pour fêter le succès de la démarche. Ce jour là, je pourrai raccrocher mon fer.

C’est en repassant que l’on devient repasseur

Après ces modestes lignes de mise en route, je prévois de poursuivre cette activité psychophysique avec ardeur et soin, en laissant de temps à autre un fil de pensée s’ébrouer sur ces “chroniques du #ferarepasser”. Même si mes pensées vagabondent depuis longtemps depuis ma planche, l’expérience est nouvelle pour moi; elle sera plus riche si je peux compter sur vos commentaires.

 

Mente ferroque.