L’Autriche interdit finalement la fumée dans les cafés : pourquoi si peu d’écho médiatique ?

Au début juillet 2019, le parlement autrichien a décidé d’interdire le tabac dans les restaurants et les cafés dès novembre. C’est la fin d’une exception en Europe et la fin d’un feuilleton politique : en 2018, l’extrême droite avec Heinz-Christian Strache avait abrogé une loi anti-tabac de 2015. Depuis l’Ibizagate en mai de cette année, M. Strache a perdu ses mandats politiques et un nouveau parlement a été élu. Ainsi, le parlement a voté l’interdiction du tabac dans les lieux publics contre l’avis de l’extrême droite. Cette nouvelle est passée quasiment inaperçue le 3 juillet 2019.
L’interdiction du tabac est une pièce importante dans la lutte contre le tabagisme actif et passif. Avec une population de près de 9 millions de personnes, jusqu’à 600 cas de cancers pulmonaires par an en Autriche sont en jeu selon une estimation personnelle basée sur les statistiques médicales du cancer pulmonaire et 15% de cancers en moins. La décision du nouveau parlement autrichien est donc une bonne nouvelle !
La nouvelle de la fin de l’exception autrichienne dans la lutte contre le tabac a été quasiment ignorée car éclipsée par l’interdiction du glyphosate décidée en même temps par l’Autriche (Le Temps du 3 juillet 2019, L’Autriche bannit le glyphosate). Pour rappel, une majorité de députés avec l’appui de l’extrême droite avait approuvé un amendement des sociaux-démocrates pour bannir totalement le glyphosate en Autriche. Si l’importance politique de la décision sur le glyphosate est claire, son importance pour la santé publique est moins évidente. Avec un possible rôle modéré dans l’apparition de lymphome (une forme de cancer de globules blancs), l’interdiction du glyphosate pourrait prévenir 2 cas par an en Autriche (autre estimation personnelle). On est loin de l’impact de l’interdiction de la fumée dans les lieux publics avec plusieurs dizaines voir centaines de cas de cancers possiblement en moins !
Pourquoi cette décision autrichienne contre le tabagisme a été éclipsée par celle contre le glyphosate ? Les débats et les nouvelles sur le glyphosate sont des poids lourds médiatiques mais les nouvelles sur la place du tabac sont bien couvertes aussi. Pour preuve, la toute récente polémique sur le partenariat entre le pavillon suisse à Dubaï en 2020 et l’industrie du tabac démontre –si besoin- l’intérêt médiatique et public sur les méfaits du tabac (éditorial du Temps le 24 juillet, Philip Morris, cet infréquentable fleuron).
On peut donc reposer la question : pourquoi la nouvelle interdiction du glyphosate a surpassé celle de l’interdiction du tabac ? Parmi diverses hypothèses, une explication pourrait être la bonne : les nouvelles impliquant des industriels à un risque de cancer vont attirer bien plus d’intérêt qu’une nouvelle conduisant un changement individuel de comportement (ne plus fumer dans les lieux publics). Ainsi, on voit que l’interdiction du glyphosate et le sponsoring par Philip Morris sont commentés tandis qu’une interdiction du tabac dans les bars autrichiens a été oubliée. Maintenant, on peut se poser la question pourquoi tout en chacun préfère connaître les risques sanitaires par les industriels plutôt que les risques liés à ses habitudes de vie ?