4 Septembre 2025
Je me penche vers mon smartphone, ouvre mon application « My coach » et enregistre mon message: « Je ne m’entends plus avec ma collègue Murielle, que dois-je faire ? ». Lola, ma coach virtuelle, me répond « peux-tu répéter la question ? ». Je suis dans les toilettes du bureau, je chuchote pour ne pas qu’on m’entende. Je viens de m’engueuler avec Murielle, je n’arrive plus à travailler avec elle. Lola, notant que je ne réagis pas et ayant eu le temps de re-scanner mon message audio, me lance « Y a-t-il un problème avec Murielle ? ». Merde, le son sorti du téléphone est beaucoup trop fort. Un « Chut! » s’échappe de mes lèvres paniquées. J’espère que personne n’a entendu. Je suis sur la cuvette des WC, les oreilles aux aguets. Je réalise que ce n’est ni le moment, ni l’endroit d’avoir cette conversation et range mon smartphone. Nous sommes le 4 septembre 2025.
L’intelligence artificielle et le coaching : débat d’aujourd’hui
Science-Fiction, dites-vous ? Peut être pas! Les applications, logiciels et autres chatbots utilisant l’intelligence artificielle se développent de plus en plus, offrant le « rêve » d’un coach de poche disponible à tout moment. Au-delà de ce que laisse entr’apercevoir Siri de ses futures capacités (voir l’article du Temps: Siri, prochain coach de vie), certaines startups développent précisément ce concept comme « Pocket Confidant ». J’ai voulu faire le test pour vous mais la version pour les particuliers n’est pas encore disponible. Encore un peu de développement en perspective semble-t-il.
La communauté des coachs en tout cas se pose des questions et lance de grands débats sur la question. Comme on peut s’en douter des arguments « pour » et « contre » ont commencé à se faire entendre. Oui, un chatbot peut poser des questions pertinentes et sans biais. Non, il ne peut remplacer l’empathie qu’un humain peut offrir à un autre humain. Oui, l’intelligence artificielle peut être capable d’analyse technique fort utile, qu’un humain ne pourrait égaler. Par exemple, pour la prise de parole en public, que beaucoup de coachs travaillent avec leurs clients, l’intelligence artificielle pourrait être capable de décrypter une présentation dans le détail, en faire ressortir la structure, les tics de langage, le rythme, la puissance de la voix et donner des conseils avisés. Non, un tel logiciel ne pourra pas dire si ce speech l’a fait frissonner.
Comme dans beaucoup de cas concernant l’IA, elle est et deviendra un outil sûrement indispensable mais probablement complémentaire à d’autres approches où l’humain aura aussi un rôle à jouer.
Plaidoyer pour un art sensible
Ma préoccupation liée au développement de ces technologies vient de son décalage avec le niveau d’intégration du coaching dans nos entreprises. Le coaching, mené par de vrais coachs (humains), ne semble pas encore avoir pleinement pris sa place dans l’entreprise (surtout en Europe) que nous comptons déjà sur des robots pour faire le job dans le futur. Il ne faudrait pas que la technologie devienne la réponse « facile » à des questions auxquelles nous ne voudrions pas répondre aujourd’hui: Où trouver du soutien en entreprise ? Comment rester motiver dans le long terme ? Où puiser ses ressources pour performer sans se laisser engloutir par le stress?
Mettre un outil-robot dans les mains de ses collaborateurs pour qu’ils règlent leur problème dans leur (petit) coin, évaluer leur besoin de formation en analysant leur « data », répondre à des questions auxquelles leurs managers n’ont pas de temps à consacrer… pourraient nous faire passer à côté des choses simples et essentielles. Le besoin d’écoute, de reconnaissance, de discussions. Attention à la solution de facilité qui serait de recourir à de telles technologies sans se pencher sur le fond.
Petites divagations
J’avais envie de vous laisser avec quelques phrases qui illustrent mon expérience en tant que coach. Des phrases lancées par dessus bord qui témoignent combien le coaching est un art sensible et passionnant.
La discussion qui se développe comme une danse entre les deux interlocuteurs: on accélère, on ralentit, on fait un pas de côté, on recule sur un temps et on avance sur deux.
L’invitation à regarder plus loin au travers d’un silence respectueux.
Jauger du moment où l’on peut bousculer le coaché, le challenger, le déranger, être politiquement incorrect, le sortir de sa zone de confort.
Le rire du coaché face à une question qui le prend au dépourvu et qui ouvre une nouvelle perspective.
« C’est au contact d’autrui que l’homme apprend ce qu’il sait. » disait Euripide. Mon intuition me dit que c’est un peu moins le cas au contact d’un robot.
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