La mort programmée des partis politiques traditionnels?

Les partis politiques ont depuis toujours eu une place prépondérante dans la gestion des affaires publiques. Lieu de rassemblement de citoyens mus par des principes, valeurs et vision du monde communs, cette organisation est un des éléments fondamentaux de notre système démocratique pluraliste. Participant à la construction de notre identité morale et politique, le parti remplit deux fonctions principales : celle de représentant du peuple auprès du gouvernement, et celle de la conquête et de l’exercice du pouvoir. En Europe, ce dernier est partagé depuis plusieurs dizaines d’années en alternance entre des forces sociales-démocrates et libérales-conservateurs. Or, l’émergence de nouveaux partis contestataires lors des dernières échéances électorales a fragilisé leur mainmise sur l’échiquier politique. Cette tendance qui se généralise à travers toute l’Europe confirme ainsi l’avènement d’un phénomène marquant : la caducité des partis politiques traditionnels.

Les nouveaux partis contestataires

L’exemple le plus récent demeure le succès fulgurant d’En Marche ! (devenu La République En Marche !) lancé par Emmanuel Macron qui le vit prendre les rênes de l’Etat français 13 mois seulement après avoir créé son mouvement. S’opposant au clivage traditionnel gauche-droite, la REM prône une posture progressiste pro-européenne conciliant mondialisation et modernisation de la vie politique française. Tirant profit d’un fort capital sympathie grâce à son utilisation intensive des réseaux sociaux et au jeune âge de son fringant dirigeant, la REM a su fédérer un électorat jeune, mobile et avide d’un renouvellement de la classe politique.

Ce succès n’est pas un cas isolé. Podemos en Espagne, le Mouvement 5 étoiles en Italie, Syriza en Grèce ou encore le Parti pirate en Islande sont parvenus, avec plus ou moins de réussite, à s’imposer comme acteurs majeurs de la vie politique de leur pays. Se nourrissant de la colère des populations, ces nouveaux venus ont pour points communs d’être principalement issus de la société civile, d’avoir peu d’expérience en politique et de revendiquer une reconfiguration du système actuel. Face à une caste politique qui soutient peu ou prou un même programme, ces mouvements ont su également répondre aux nouvelles formes d’engagement citoyen qui se développent en dehors des partis traditionnels, tels que Nuit debout en France ou le mouvement des Indignés en Espagne.

Les raisons du déclin 

Trois raisons sont à l’origine de ce phénomène. Un problème de confiance tout d’abord. Embourbés dans des affaires de corruption en tout genre et défendant leurs intérêts personnels au détriment du bien commun, les partis traditionnels sont discrédités. Leurs représentants sont repliés sur eux-mêmes et déconnectés des préoccupations du citoyen qui ne se reconnaît plus dans leurs actions et dans les valeurs qu’ils défendent.

Un problème de communication ensuite. L’apparition d’Internet et des nouvelles technologies a bouleversé les moyens de communication traditionnels qui liaient auparavant les partis à leur base électorale. La prépondérance des réseaux sociaux et la spontanéité de l’information ont drastiquement changé toute stratégie de communication, forçant les représentants à utiliser de nouveaux outils et à modifier leur langage pour rendre accessible au plus grand nombre leur message.

Un problème d’innovation finalement. Basés sur un modèle social dépassé et une structure organisationnelle sclérosée, les partis traditionnels n’arrivent plus à mobiliser leurs électeurs aux aspirations multiples. Ils sont incapables de proposer des solutions innovantes aux défis majeurs de notre temps – économiques, sociaux, environnementaux et technologiques –, craignant entre autres de perdre leur assise politique. L’instauration de modèles économiques conciliant rendement financier avec impact social et environnemental pour contrer la dégradation des ressources naturelles, l’intégration des réfugiés dans le tissu socio-économique local pour répondre à la crise migratoire européenne, ou encore la création de nouveaux emplois et l’apprentissage de nouvelles compétences pour mitiger les effets de la robotisation croissante, tels sont des exemples d’initiatives qui pourraient répondre aux nombreux enjeux de notre époque.

Bien que l’apparition de partis « antisystèmes » ne va pas jusqu’à remettre en cause l’existence même des régimes représentatifs actuels, cette tendance est amenée à se renforcer. Ainsi, ce n’est qu’en réformant leurs manières de faire, de dire et de penser la politique que les partis traditionnels pourront endiguer leur déclin et rassembler à nouveau la population autour d’un projet commun porteur d’espoir.

Keyvan Ghavami

Keyvan Ghavami est directeur exécutif et cofondateur d'Act On Your Future, une fondation genevoise qui vise à promouvoir les droits humains de manière innovante auprès des générations futures. Il a acquis plusieurs expériences dans les domaines de la philanthropie et de l’investissement d’impact et porte un intérêt particulier aux enjeux actuels de société. Keyvan est membre du Comité Human Rights Watch de Genève, membre des Global Shapers du Forum économique mondial, et ambassadeur NEXUS Suisse. Il est titulaire d’un MSc en études du développement de SOAS et a obtenu un BA en science politique à l’UNIL.

Une réponse à “La mort programmée des partis politiques traditionnels?

  1. La vision des raisons de la fronde des partis n’est pas complète à mon avis. Ces personnes ne représentent pas grand monde. Prenons exemple la grande nation, la mère des romands; dans d’autres pays les causes sont similaires. La constitution F donne au président des pouvoirs royaux, il désigne le 1er et les ministres, les révoquent comme il dissout le parlement. Le parlement élu avec un mode de scrutin d’une république bananière (avec les voix de 16,55% des électeurs il y a une grande majorité au parlement !) est nulement représentatif de la diversité des partis et de la population, C’est cela la raison des abstentions et des frondes. Le parlement ne sert à rien, le roi dicte des lois par ordre au 1 er ministre, si le parlement mouton ou pas rejette, il y l’article 49 al. 3 de la constitution et la loi est acceptée sans vote. Belle mère de la démocratie pour ceux qui ne vivent pas dans le pays. Droit d’initiative, de référendum connait pas etc… Changer de parti ne sert à rien. Changer de constitution et de mode de scrutin oui! Il ne faut pas sortir des grandes écoles pour comprendre cela, mais personne n’en parle, vous non plus, sauf de la Turquie… Le jeux imbécile blanc ou noir ne mène à rien, il faut un représentativité de tous les acteurs, même de ceux qui ne plaisent pas aux colonisateurs, ainsi qu’un gouvernement de coalition. Le parlement doit avoir le pouvoir, pas le roi ou des ministres! La CH est un excellent exemple pour ceux qui la connaissent. Là c’est encore une autre histoire que l’on constate chaque jour dans les journaux romands rédigés avec des commentaires censurés par des internationaux depuis Paris… Ce doit être l’intégration ou l’annexion allez savoir ?

Répondre à Daniel Luder Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *