Incident au Palais fédéral : la sécurité des Conseillers fédéraux et des Parlementaires est-elle trop faible?

À la suite d’une alerte à la bombe heureusement sans conséquence grave mardi dernier, le Palais fédéral a dû être évacué d’urgence après qu’un homme a essayé de pénétrer dans le bâtiment. Andreas Wortmann, chef de la sécurité du Parlement, a dit ce jeudi comprendre les critiques adressées par plusieurs parlementaires dont le député Andrea Caroni (PLR/AR). Nos élus sont-ils assez protégés? Ne faudrait-il pas s’inspirer des mesures de sécurité qui entourent des politiciens américains ou chinois?

“Je dois avouer ne pas avoir compris le système d’évacuation, comme d’ailleurs tous mes collègues”. Cette phrase plutôt surprenante provient du Conseiller aux Etats PLR d’Appenzell Rhodes-Extérieures Andrea Caroni. Au lendemain d’une importante intervention policière sur la Place fédéral à Berne, des voix critiques se font entendre quant au processus d’évacuation. Il est vrai que la question mérite d’être posée. Certes, les attaques violentes contre des élus ou des bâtiments gouvernementaux fédéraux restent heureusement rares en Suisse. Mais on n’est jamais à l’abri d’une telle action. Surtout depuis l’assaut du Capitole par des partisans de l’ex-Président américain Donald Trump ou les événements de Brasilia au début de cette année. Andrea Caroni ajoute qu’au moment d’évacuer, “les portes ne nous laissaient sortir qu’individuellement, donc de manière très très lente, et quand tout le monde était dehors, on s’est réunis sur la place tous ensemble sans aucune protection”. Il a qualifié cette situation de “bizarre” et a ajouté que “cela aurait été le scénario idéal pour une attaque sur tous les membres présents”.

La protection des sept sages remise en cause

Du côté du Conseil fédéral, on reconnaît que l’évacuation des bâtiments gouvernementaux fédéraux devrait être réévaluée voire adaptée. Le gouvernement entend se pencher sur la question dans les prochaines semaines. En séance avec le Commandant de corps Thomas Süssli mardi après-midi lorsque l’ordre d’évacuer a été donné, la Vice-Présidente Viola Amherd a passé plusieurs heures réfugiée dans le restaurant du Bellevue Palace. La ministre en charge du DDPS a certes salué la protection de la police fédérale, mais elle a estimé qu’il est possible “de faire encore mieux”. Mais ça veut dire quoi concrètement? A mon avis, il faudrait s’inspirer des mesures de sécurité des présidents, ministres, etc. qui sont appliquées par exemple en France ou aux Etats-Unis. Là-bas, le président ou un ministre est étroitement protégé. Dans la presse de ce dimanche, le Conseiller fédéral Guy Parmelin en rajoute une couche et se montre critique sur l’évacuation du Palais fédéral. «Ce qui m’a personnellement dérangé, c’est que nous avons dû quitter le bâtiment via un tourniquet», dit-il. «Cela peut être dangereux, poursuit le Vaudois dans un entretien avec la NZZ am Sonntag, dans un tel moment, une large sortie de secours doit être prévue.»

Un douloureux souvenir

Ce malheureux incident n’est pas sans rappeler l’attentat contre le Parlement cantonal de Zoug en 2001. Depuis cette tragédie nationale, la sécurité s’est renforcée au Palais fédéral. Détecteur de métaux à l’entrée, contrôle des bagages et autorisations spéciales ont été instaurés pour entrer dans le bâtiment. Plus récemment, des bornes de granit ont été installées devant l’entrée principale, notamment après l’attaque du Capitole en 2021.

 

Sécurité des Conseillers fédéraux : faut-il la renforcer?

C’est un moment plutôt rare dans l’histoire récente des conférences de presse du Conseil fédéral. Mercredi 1er septembre, à la fin du point de presse hebdomadaire, Guy Parmelin, le Président de la Confédération, a lancé un appel au calme. Il s’inquiète de la montée des tensions et de la violence verbale voire physique liée d’une part à la vaccination et d’autre part au pass sanitaire. Dans la capitale fédérale tout comme dans les Cantons, les responsables de la santé constatent avec tristesse une détérioration du climat général et font face hélas aux insultes et menaces. Il paraît loin le temps où on pouvait croiser un Conseiller fédéral ou un Conseiller d’Etat dans la rue ou dans les transports publics. A l’image des Etats-Unis, la Suisse ne devrait-elle pas se doter d’une force de sécurité supplémentaire type “CH Secret Service”?

Lors de la conférence de presse du Conseil fédéral de mercredi dernier, le Président de la Confédération Guy Parmelin a lancé un appel singulier et plutôt rare chez nous. “L’ennemi c’est le virus, pas les citoyens, les concitoyens et concitoyennes qui pensent différemment. Si je souligne aujourd’hui cette apparente évidence, c’est que j’observe avec une grande inquiétude une montée des tensions.” Aux abords du Palais fédéral, la sécurité a été renforcée afin de protéger les bâtiments et les employés de l’administration fédérale. Depuis plusieurs mois, il est devenu rare de voir un Conseiller fédéral seul dans les rues de Berne ou du pays : escorte en civil lors des déplacements à pied ou forces spéciales du Canton de Zurich pour la présence d’Alain Berset dans l’émission Arena de la SRF. Tout cela montre une division forte entre les pro et anti-vaccins. L’office fédéral de la police admet une augmentation inquiétante des propos insultants envers les élus politiques, en premier lieu sur les réseaux sociaux.

Agression physique à Zurich

Le mois dernier, à l’occasion d’une campagne de vaccination, la Conseillère d’Etat zurichoise en charge de la santé, Natalie Rickli, a été aspergée de jus de pommes. Cela peut faire sourire mais montre le climat délétère et inquiétant en Suisse, un pays pourtant habitué des débats respectueux. Dans le Canton de Genève, c’est la Médecin cantonale Aglaé Tardin qui a été victime de propos menaçants. Elle se trouve actuellement sous protection policière. La police fédérale a les moyens d’agir. Elle peut en premier lieu envoyer une lettre de recadrage, se rendre au domicile de la personne agressive et la rappeler à l’ordre ou encore prononcer une garde à vue. Mais cela est-il suffisant? Clairement non! Je suis d’avis qu’elle devrait aussi pouvoir arrêter la personne et la condamner à quelques années de prison (1-5 ans) pour atteinte à la sécurité nationale.

La Ministre zurichoise de la Santé, Natalie Rickli (UDC), lors de l’inauguration d’un bus vaccinal à Gossau et quelques minutes avant l’attaque au jus de pommes. Photo : Keystone

Recopier le modèle de sécurité américain

A l’image des Etats-Unis et de leur célèbre US Secret Service, la Suisse devrait aussi se doter de ce type de sécurité spéciale. Elle pourrait prendre la forme d’un “CH Secret Service”. Cette unité serait en charge de la protection de personnalités politiques comme : le Président, le Vice-Président, les Conseillers fédéraux, le premier cercle familial des personnes précitées, les anciens Conseillers fédéraux et leur conjoint, les candidats au Conseil fédéral (tous les quatre ans), les Parlementaires fédéraux, les juges fédéraux, des personnalités liées à la gestion d’une crise sanitaire ou économique, etc. Il est triste d’en arriver à ce point-là mais on ne peut pas jouer avec la sécurité d’un représentant politique au niveau fédéral ou cantonal. D’où l’importance pour la Suisse de se doter d’une force de sécurité supplémentaire pour les élus politiques.

En tant que citoyen et Conseiller communal, je souhaite qu’on puisse revenir à des discussions respectueuses autour des questions liées à la vaccination et au pass sanitaire. Dans une démocratie libérale, il est sain de se poser des questions ou de ne pas être d’accord. Toutefois, il y a une limite des propos quant ceux-ci commencent à devenir menaçants et/ou dangereux envers les personnes qui ont un autre regard que nous. Le système politique suisse est presque unique au monde. Nous devons le protéger pour les générations futures et refuser la violence politique.