Vladimir Poutine ne veut pas envahir l’Ukraine

Les présidents russe et américain Vladimir Poutine et Joe Biden se sont entretenus, hier. Ce dernier a rappelé à son homologue russe qu’il se tient toujours à disposition pour un dialogue bilatéral. Mais qu’en cas d’invasion russe en Ukraine, les conséquences seraient très négatives. Un tel scénario reste cependant rare, même si les tensions sont fortes. Les craintes de Vladimir Poutine quant à l’avenir du voisin ukrainien sont-elles légitimes?

Les téléphones chauffent entre Moscou, plusieurs capitales européennes et Washington. Hier après-midi, le Président russe, Vladimir Poutine, et son homologue américain, Joe Biden, se sont une nouvelle fois entretenus. Un énième échange tendu entre les deux hommes sur la soi-disante probable invasion de l’Ukraine par la Russie. Je peine à croire à une telle intervention, car une guerre pour Vladimir Poutine serait un désastre économique pour son pays. Les sanctions économiques internationales seraient alors très dures. Les Etats-Unis croient à cette intervention militaire puisqu’ils envoient des renforts militaires en Lituanie et en Pologne. On n’a toujours pas vu de preuves américaines là-dessus. Du côté de la Russie, on dément toute envie d’envahir le voisin ukrainien et on dénonce “une hystérie”. Joe Biden a eu l’occasion d’insister sur le fait que son pays reste ouvert à un dialogue, mais qu’en cas d’invasion russe du territoire ukrainien, celui-ci n’hésiterait pas “à répondre de manière résolue et à imposer des répercussions sévères et rapides à la Russie”.

Les présidents russe et américain à l’occasion d’une visioconférence le 7 décembre 2021. Photo : Sputnik/Mikhail Metzel via REUTERS

Une Ukraine encerclée

Actuellement, des milliers de soldats sont déployés par la Russie aux frontières ukrainiennes. Moscou et Minsk mènent ensemble des manoeuvres militaires, ce qui fait que l’Ukraine se retrouve encerclée par ses voisins russe et biélorusse. On peut comprendre la grande inquiétude des autorités et des citoyens ukrainiens. Tout pays qui voit des militaires étrangers massés à ses frontières est en droit de se sentir menacé. Ces derniers jours, Joe Biden, son Secrétaire d’Etat Antony Blinken et la presse américaine tout comme européenne défendaient ardemment l’idée d’une intervention russe en Ukraine très prochainement. Je vois une grande peur de ces acteurs-là. Mais nous Occidentaux n’est-on pas en train de devenir fou voire hystérique? Ces signaux d’alerte créent plus la panique qu’autre chose. Je reste convaincu que Vladimir Poutine ne veut pas envahir son voisin ukrainien de même qu’il ne souhaite pas une guerre. Même le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé les avertissements américains en disant que ceux-ci “provoquent la panique et n’aident pas”. A ce stade, une rencontre de haut rang entre Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky, Olaf Scholz, Emmanuel Macron et Joe Biden serait la bienvenue pour que chacun explique ses craintes à l’autre. Je verrais bien Genève ou Zurich comme plateforme d’accueil de ce sommet extraordinaire.

Poutine et ses inquiétudes

On accuse beaucoup le président russe de provoquer le chaos aux portes de l’Europe. Mais qui a essayé de comprendre ses craintes? La Russie voit une présence militaire importante à ses frontières. Dans les pays baltes, en Pologne, en Ukraine ou encore en Géorgie. Qui n’aurait pas peur de voir une mobilisation militaire aussi importante? Si j’étais président suisse et que l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la France massaient des milliers de soldats et de chars à nos frontières, je craindrais également une invasion de mon pays. Vladimir Poutine l’a dit et le répète. Il ne veut pas que l’Ukraine ou la Finlande rejoigne l’OTAN. Ce qui est compréhensible. Si la Russie installait des bases militaires au Mexique, à Cuba ou encore en République dominicaine, comment réagiraient les Etats-Unis? Il ne faut pas seulement s’alarmer de la présence militaire russe aux portes de l’Ukraine, mais également comprendre les craintes de Vladimir Poutine.

Je crois aux vertus du dialogue. A mon avis, il faudrait que Russes et Américains retirent leurs soldats de l’Ukraine ou des pays alentours pour permettre un retour au dialogue et à la confiance mutuelle. Joe Biden dénonce la possible intervention russe en Ukraine. Doit-on rappeler les intervention militaires américaines catastrophiques en Irak, en Libye ou en Syrie? On connait tous la situation dramatique dans ces pays, actuellement. Joe Biden se voulait être un homme de paix, le voici en homme de guerre. Le rêve se brise.

30 ans d’indépendance : comment quatorze ex-républiques soviétiques ont quitté l’URSS

Il y a trente ans, en 1991, l’URSS (Union des Républiques socialistes soviétiques) de Mikhaïl Gorbatchev commençait à se disloquer. L’une après l’autre, les quatorze républiques soviétiques commençaient à se libérer de la tutelle de Moscou. C’est dans ce contexte que certaines ont célébré, célèbrent ou célèbreront prochainement les trente ans de leur indépendance. A l’image de l’Ukraine qui a fêté ses trente ans d’indépendance le 24 août dernier avec au menu de la journée un défilé de soldats, de chars et de missiles. Un message politique fort envoyé de la part de Volodymyr Zelensky, le jeune Président ukrainien, à son homologue russe, Vladimir Poutine. Rappelons que ce dernier a en 2014 fait rattacher illégalement la Crimée (territoire ukrainien) au reste de la Russie. Aujourd’hui, quel est l’état des relations entre la Russie et ses anciennes républiques soviétiques? Quelle place occupent ces nouveaux Etats indépendants sur la scène mondiale? Pourquoi ces pays sont importants aux yeux de la diplomatie suisse? Tour d’horizon.

Nouveaux Etats indépendants, entre intérêts russes et européens

De manière générale, la Russie de 2021 entretient de bonnes relations diplomatiques avec la plupart des ses anciennes républiques soviétiques. On peut citer parmi elles : 1) Les cinq pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan). La Russie mise sur la coopération économique et militaire et surtout la stabilité de cette région, propice aux mouvements islamistes radicaux. 2) Les deux pays du Caucase du Sud (Arménie et Azerbaïdjan). La Russie s’efforce de rester neutre dans le conflit du Haut-Karabakh et soutient le processus de paix qui pourrait permettre le retour à la paix entre Bakou et Erevan. 3) La Biélorussie. La Russie souhaite poursuivre l’intégration dans le cadre de “l’Union d’Etats Russie-Biélorussie”, un rapprochement qui devrait à terme créer un seul Etat entre les deux pays. 4) La Moldavie. Même si la Présidente actuelle est une pro-européenne convaincue, elle a assuré qu’elle s’efforcerait à trouver un équilibre entre l’Union européenne et la Russie, ce qui n’a pas déplu à Vladimir Poutine. La Russie va poursuivre la coopération économique avec ce petit pays.

A l’inverse, la Russie entretient des relations diplomatiques difficiles avec 1) La Géorgie. En 2008, des combats ont eu lieu dans les deux régions séparatistes pro-russe que sont l’Ossétie-du-Sud et l’Abkhazie. Treize ans après le conflit, les relations ne sont toujours pas rétablies. 2) Les trois pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie). Ceux-ci ont été marqués par la période soviétique et redoutent à chaque instant une invasion russe sur leur territoire. Leur appartenance à l’UE et à l’OTAN permet néanmoins de s’assurer d’une protection de leurs frontières. 3) L’Ukraine. Depuis l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, les relations entre d’un côté Moscou et de l’autre Bruxelles et Washington se sont fortement dégradées même si tout le monde s’efforce à poursuivre le dialogue pour trouver des solutions pacifiques. Preuve de l’importance de l’Ukraine aux yeux de la Russie, Lénine disait même que : “si nous perdons l’Ukraine, nous perdons la tête.”

Rencontre des chefs d’Etat de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de la Moldavie, de la Biélorussie, de la Russie, du Tadjikistan, du Turkménistan et de l’Ouzbékistan à l’occasion d’un sommet de la Communauté des Etats indépendants en octobre 2014 en Biélorussie. Photo : compte Twitter de la présidence russe.

Les ex-républiques soviétiques sur la scène géopolitique mondiale

Parmi ces quatorze ex-républiques soviétiques, certaines ont su se placer sur l’échiquier géopolitique mondial. Le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie et l’Ukraine mais pour des raisons différentes. Le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et l’Ukraine pour leurs exportations vers l’Occident de pétrole, de gaz naturel, de ressources minières et de produits agricoles. L’Ouzbékistan et le Tadjikistan pour leur rôle de pays stables et de soutien à lutte contre le terrorisme en Afghanistan. Leur poids dans la région devrait encore se renforcer à la suite du retrait chaotique et précipité des Américains d’Afghanistan. Tachkent et Douchanbé pourront compter sur l’appui militaire de Moscou afin de protéger leurs frontières, qualifiées parfois de poreuses. L’Arménie pour la défense des Chrétiens dans une région majoritairement musulmane. Un thème cher pour les dirigeants occidentaux. La Biélorussie à cause de sa position géographique, un pays aux portes de l’Europe. Depuis la réélection contestée d’Alexandre Loukachenko l’été dernier, les relations avec Bruxelles et Washington se sont encore dégradées.

A l’inverse, d’autres pays comme le Kirghizistan, le Turkménistan, la Moldavie, la Géorgie ou les trois Etats baltes ne représentent pas ou peu d’intérêts politico-économiques pour Washington, Bruxelles et Berne. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’y passe rien, simplement que ces pays ne divisent pas l’Ouest et l’Est comme c’est le cas pour le dossier ukrainien.

Le Président français Emmanuel Macron avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian.

Les relations entre la Suisse et les ex-républiques soviétiques

On pourrait croire que la Suisse n’a de liens économiques forts qu’avec la Russie. Au contraire, la Suisse jouit d’une place importante auprès de certains de ces pays. A commencer avec les cinq pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) avec qui elle collabore étroitement au sein des groupes de vote de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (institutions de Bretton Woods). Le Kazakhstan est le premier partenaire commercial pour la Suisse dans cette région. D’après l’agence de presse Kazinform, le Président kazakh devrait bientôt se rendre en Suisse dans le cadre d’une visite officielle. Dans le Caucase du Sud, la Suisse s’efforce de soutenir le processus de paix dans le conflit d Haut-Karabakh opposant l’Arménie et l’Azerbaïdjan. D’ailleurs, en 2015, l’ancien Président suisse Didier Burkhalter avait proposé ses bons offices en accueillant un sommet entre les présidents azéri et arménien pour relancer le dialogue. Concernant la Géorgie, la Suisse représente depuis 2009 les intérêts diplomatiques de la Géorgie à Moscou et ceux de la Russie à Tbilissi. Cela fait suite au conflit armé de 2008 entre les deux pays. L’Azerbaïdjan est le premier partenaire commercial pour la Suisse dans cette région.

A l’opposé, avec les Etats baltes, les relations diplomatiques sont bonnes mais pourraient encore être développées. La Lituanie est le principal partenaire économique dans cette région. La Suisse joue un rôle important dans la résolution du conflit entre la Russie et l’Ukraine. La Suisse veut préserver ses relations diplomatiques avec Kiev et Moscou au travers de sa politique des bons offices. Elle accueillera l’édition 2022 de la Conférence sur les réformes en Ukraine. Enfin, pour ce qui est de la Biélorussie et de la Moldavie, les relations économiques sont modestes. La Suisse a très peu développé ses relations avec ces deux pays.

L’ancien Président de la Confédération Ueli Maurer s’était rendu en visite officielle au Kazakhstan en novembre 2019. Pour rappel, le Kazakhstan est le premier partenaire commercial de la Suisse parmi les cinq pays d’Asie centrale. Photo : compte Twitter du Département fédéral des finances.

Trente années se sont écoulées entre 1991 et 2021. Les quatorze ex-républiques soviétiques se sont libérées des ordre de Moscou et ont pu se (re)construire et suivre leur propre chemin. Toutes veulent garder des bonnes relations avec la Russie mais elles cherchent aussi à diversifier les partenaires. Certaines d’entre elles ont su s’imposer sur la scène internationale, notamment avec l’exportation d’hydrocarbures. Certains diront que ces pays n’ont pas suivi le chemin de la démocratie. Tant pis, le plus important est que ces pays restent des partenaires stables, notamment dans la lutte contre le terrorisme international.

Vladimir, Guy et Joe

Le mercredi 16 juin 2021 restera comme l’une des journées les plus importantes de l’année pour la diplomatie suisse et mondiale. Les Présidents américain et russe Joe Biden et Vladimir Poutine se sont rencontrés face à face à l’occasion d’un sommet historique à Genève. Plusieurs sujets d’intérêts communs et de tensions comme par exemple le désarmement nucléaire, le climat ou la situation de l’opposant russe emprisonné Alexeï Navalny ont été passés en revue par les deux délégations. Plusieurs observateurs des relations russo-américaines entendus à la radio avaient redouté de grandes avancées. Et pourtant, à la fin de la rencontre, les deux hommes ont émis une volonté de restaurer le dialogue et de travailler ensemble. Un des points importants de ce sommet à retenir est le retour en fonction à Washington de l’ambassadeur russe et à Moscou de l’ambassadeur américain. D’ailleurs, Anatoli Antonov, ambassadeur de Russie aux Etats-Unis, s’est envolé aujourd’hui pour Washington. Après les quatre années de haine déversée par Donald Trump contre les institutions internationales, Genève a-t-elle retrouvée sa place de plateforme de dialogue entre les grands de ce monde?

Un premier sommet Etats-Unis – Russie déjà en 1985

Il s’est passé 35 ans depuis la dernière rencontre Russie (URSS à l’époque) – Etats-Unis. C’était en novembre 1985 à Genève également, avec les leaders américain et soviétique Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev. Les Russes ont donc accepté l’offre des Américains de se rencontrer en présentiel en territoire neutre. Chapeau pour la diplomatie suisse car elle s’est activée en coulisse pour vanter les atouts de Genève. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, injustement condamnée par les Occidentaux, Washington et Moscou ne se parlait quasiment plus. Outre ce dossier chaud, l’avenir de Bachar al-Assad en Syrie ou celui d’Alexandre Loukachenko en Biélorusse sont aussi des sujets où Poutine et Biden analysent la situation différemment. Ce n’est pas cela qu’on devrait retenir mais plutôt la volonté des deux hommes de rétablir un canal de communication respectueux. Si les Américains et les Russes ne se parlent plus, alors le monde ne pourra jamais aller mieux. Depuis 1985, le monde a bien changé. A l’époque, il y avait d’un côté le camp communiste (Etats liés à l’URSS) et de l’autre le camp occidental (Etats liés aux Etats-Unis). Aujourd’hui, il y a des puissances qui ont un poids considérable autour du globe soit par leur économie puissante soit par leur arsenal militaire (Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Etats-Unis). Mais il y aussi eu ces dernières années une émergence de puissances dites régionales qui ont une certaine importance mais relative (Brésil, Japon, Allemagne, Pologne, Turquie, Israël, Australie, Inde, Indonésie, Thaïlande, Nigeria, Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Ethiopie ou encore l’Algérie). Les Etats-Unis et la Russie continueront à s’affronter idéologiquement mais davantage par le biais de leur alliés, les puissances régionales.

La Suisse, puissance ni économique ni militaire mais diplomatique

La Suisse en accueillant ce sommet a mis les petits plats dans les grands. Côté protocole, accueil des deux chefs d’Etat et sécurité, tout s’est bien passé. Joe Biden a eu un droit à un accueil à l’aéroport mais pas Vladimir Poutine. On dit qu’il n’aime pas trop ce côté protocolaire mais plutôt qu’il veut aller droit au but. Aucun incident n’est survenu pendant le sommet. On peut remercier ainsi toutes les personnes qui ont travaillé pour ce sommet et qui ont permis la tenue de cette rencontre. La Suisse a la particularité de parler à tout le monde, c’est-à-dire à des régimes démocratiques comme à des régimes semi-autoritaires. Notre Président Guy Parmelin a parfaitement endossé son costume de président, il a été au top. Il s’est entretenu le jour avant le sommet avec Joe Biden et le jour du sommet avec Vladimir Poutine. En ce qui concerne les relations Suisse – Etats-Unis et Suisse – Russie, il existe une volonté d’approfondir les relations bilatérales qui sont déjà très bonnes. Quand un Président de la Confédération rencontre un grand de ce monde, c’est toujours une marque d’estime. Enfin, je ne cache pas ma joie d’avoir vu Air Force One sur le tarmac de l’aéroport de Genève ou les cortèges de voitures américaines et russes circuler en ville de Genève. C’est toujours impressionnant de voir peut-être 30 ou 40 véhicules assurer la sécurité d’un chef d’Etat russe ou américain. En Suisse, on est tellement loin de ce “show”. Mais si j’étais Président suisse, probablement que je demanderais à Fedpol ou au SRC que le cortège présidentiel suisse soit plus imposant pour le public. Il faut montrer qui est le boss!

La Genève internationale, plateforme de dialogue indispensable

Genève est une ville connue dans le monde entier. Ce sommet a permis de remettre cette ville au cœur de la diplomatie mondiale. En gros, il y a un conflit ou une crise entre deux pays, les dirigeants devraient immédiatement penser à Genève. Un futur sommet Etats-Unis – Chine / Etats-Unis – Corée du Nord / Etats-Unis – Cuba / Etats-Unis – Iran, Genève est prête! Les années Trump et la crise du Covid-19 ont été un cauchemar pour la Genève internationale. Certes, Joe Biden reste un président américain qui défend d’abord ses intérêts mais quand un locataire de la Maison Blanche dit que le multilatéralisme a une importance, alors ses mots résonnent dans le monde entier. La Suisse doit continuer et elle le fera à soutenir la Genève internationale et le multilatéralisme. Face aux armes, le dialogue pour trouver des solutions sera toujours plus fort.

Arménie / Azerbaïdjan : un “nouveau” conflit aux portes de l’Europe?

Depuis le 27 septembre dernier, séparatistes arméniens et militaires azéris s’affrontent violemment dans la région du Haut-Karabakh. Territoire situé en Azerbaïdjan mais peuplé avant tout d’Arméniens chrétiens, ce conflit n’est pas récent et remonte à l’époque soviétique. Equation difficile pour les Occidentaux qui doivent faire un choix entre l’importation d’hydrocarbures et la défense d’une communauté chrétienne. Vladimir Poutine s’impose une nouvelle fois comme le détenteur de la clé de résolution du conflit.

Petit rappel géographique. Le Haut-Karabakh est une enclave peuplée majoritairement d’Arméniens mais située en territoire azéri. A la dislocation de l’URSS en 1991, cette région s’est auto-proclamée indépendante. C’est là-bas que depuis deux semaines séparatistes arméniens et militaires azéris s’affrontent violemment. Malgré l’appel de plusieurs acteurs du dossier, à savoir les co-présidents du Groupe de Minsk (Russie, France et Etats-Unis) ou l’Union européenne, à cesser immédiatement les combats, ceux-ci continuaient jusqu’à hier midi. L’histoire des tensions entre les deux ex-pays soviétiques remonte à l’époque stalinienne.

Un conflit qui date de l’ère soviétique

Joseph Staline (1878-1953) devient en 1922 le nouveau Secrétaire général de l’URSS. Une année avant cet événement, il décide de donner à l’Azerbaïdjan (population musulmane chiite) la région du Haut-Karabakh (population arménienne chrétienne). Un “mariage” entre deux communautés qui provoquera de nombreux conflits dans les dernières années de l’Union soviétique. En 1991, le grand pays socialiste s’effondre et l’Azerbaïdjan et l’Arménie se déclarent la guerre. Un conflit meurtrier qui durera jusqu’en 1994 et qui fera 30’000 morts et des milliers de réfugiés. Face à cette horreur, l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) décide en 1992 la création du Groupe de Minsk. Celui-ci est co-présidé par trois grandes puissances militaires que sont les Etats-Unis, la Russie et la France. Ces trois nations arriveront finalement à mettre un terme à ce conflit régional sans pour autant trouver une solution à long terme qui profiterait à Erevan comme à Bakou.

Deux pays stratégiques aux yeux de l’Europe

Comment la Russie, la France, l’Union européenne, la Suisse ou encore les Etats-Unis vont se positionner face aux deux parties en conflit? Quel(s) intérêt(s) défendre entre d’un côté le pétrole et le gaz azéri et de l’autre une communauté chrétienne chère à plusieurs dirigeants européens? L’équation à résoudre s’annonce d’ores et déjà difficile. Le Caucase du Sud c’est principalement trois pays : dans l’ordre alphabétique l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Prenez exemple avec la Suisse. Selon le DFAE, “l’Azerbaïdjan est le principal partenaire commercial de la Suisse dans le Caucase du Sud”. Certes, Berne a des échanges économiques avec Erevan et Tbilissi mais ils ne sont pas aussi importants qu’avec Bakou. Ce pays restera pour la Suisse et d’autres pays européens un partenaire économique très important, notamment pour l’importation d’hydrocarbures. Quant à l’Arménie, la religion chrétienne, défendue par beaucoup de leaders européens de droite ou d’extrême-droite dans leur propre pays, tient une place importante dans la société. D’où le fait que Vladimir Poutine se sent aussi plus proche de la religion arménienne qu’azéri. La clé de résolution de ce conflit régional est entre les mains du grand voisin russe pour des raisons historiques mais aussi géographiques.

L’ancien Président du Conseil des ministres italiens, Matteo Renzi, accueille au Palazzo Chigi le Président azéri, Ilham Aliyev, à l’occasion d’une visite officielle de ce dernier, Rome, 9 juillet 2015. Photo : Palazzo Chigi.

Poutine le pacificateur 

D’ailleurs et pour appuyer mon dernier propos, le Ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov a annoncé hier l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu. Vladimir Poutine a probablement dû faire pression sur le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan et sur le Président azéri Ilham Aliyev pour obtenir cette trêve. Au-delà de ce conflit caucasien, il y a une chose intéressante à relever. La Russie de Vladimir Poutine est incontestablement celle qui détient certaines solutions dans plusieurs conflits autour du monde. En Biélorussie, en Libye, en Syrie ou encore au Venezuela, à chaque fois les Américains et les Européens n’ont pu se passer de la décision des Russes. Ou je dirais qu’ils ont enfin compris que la Russie joue son rôle de grande puissance et qu’elle devient un partenaire de premier plan pour tenter de trouver des solutions à des conflits anciens ou récents.

Vladimir Poutine à l’occasion d’une visite de travail en Arménie. Discussion officielle avec le Premier ministre Nikol Pashinyan, Erevan, 1er octobre 2019. Photo : compte Twitter de la présidence russe.

 

Alexandre Loukachenko : une réélection controversée au-delà des frontières biélorusses

Au pouvoir depuis 1994, le Président de la Biélorussie Alexandre Loukachenko a remporté la présidentielle du 9 août dernier avec 80% des voix contre 10% pour sa principale opposante Svetlana Tikhanovskaya. A l’annonce des résultats, des milliers de manifestants ont dénoncé les fraudes et sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère. Face aux tensions avec l’UE mais aussi avec la Russie, Alexandre Loukachenko pourra-t-il se maintenir éternellement au pouvoir? Résumé aussi en fin d’article de l’état des relations entre la Suisse et la Biélorussie.

Dimanche passé, sans surprise, l’indéboulonnable Président biélorusse, Alexandre Loukachenko, a été reconduit à la tête du pays pour un sixième mandat. Avec 80% de voix en sa faveur contre 10% pour sa principale opposante, Svetlana Tikhanovskaya, c’est un quasi score soviétique qu’a réalisé le chef de l’Etat. Il faut se souvenir que le Président biélorusse est arrivé au pouvoir en 1994, j’avais à peine 1 an. Imaginez donc les jeunes de mon âge qui sont nés en Biélorussie, ils n’ont connu qu’Alexandre Loukachenko! A l’annonce des résultats au soir du dimanche 9 août, des milliers de manifestants protestaient contre le réélection de l’autoritaire ou du dictateur Loukachenko (à vous de choisir le terme qui décrit le mieux ce personnage). Ces derniers dénoncent des fraudes massives lors de la présidentielle. Par la suite, les manifestations pacifiques ont été violemment voire brutalement réprimées par les forces de l’ordre. La crise politique s’installe sur fond de tensions avec l’Union européenne et la Russie.

Des manifestants violemment réprimés

Après 26 ans de règne sans partage, les citoyennes et citoyens biélorusses voulaient un véritable changement. Rien n’a faire! Avec les images et les vidéos violentes de répression contre les manifestants, pour la plupart pacifiques, le monde s’est encore une fois divisé en deux blocs. Côté ouest, Berne, Bruxelles et Washington, DC ont appelé au respect des droits fondamentaux : s’exprimer librement et manifester pacifiquement. Côté est, Moscou et Pékin ont simplement félicité Alexandre Loukachenko pour sa réélection. Sans surprise! La police biélorusse a annoncé mercredi dernier avoir procédé à de nouvelles arrestations et fait usage de balles réelles. D’ailleurs, un de nos compatriotes a été interpellé dans le cadre des heurts en Biélorussie. Bonne nouvelle : il a été relâché vendredi dans l’après-midi. Quant à Svetlana Tikhanovskaya, elle a malheureusement dû fuir son pays pour se réfugier en Lituanie dans la nuit de lundi à mardi. Information confirmée le lendemain par le Président lituanien Gitanas Nauseda sur son compte Twitter. Mais les protestations des capitales européennes et la menace d’un retour des sanctions (levées en 2015) de l’UE suffiront-elles à faire plier le Président Loukachenko? Face aux pressions de la rue et à l’impasse politique actuelle, le chef de l’Etat biélorusse finira-t-il par dialoguer voire même lâcher le pouvoir? Un départ de Loukachenko dans les prochains jours voire les prochaines semaines est peu probable car il dispose encore d’une base fidèle et surtout il se maintient grâce aux militaires et aux forces de police. Vladimir Poutine ne va sûrement pas le lâcher, il ne veut pas revivre un deuxième épisode ukrainien. Je pense qu’il le laissera tomber seulement s’il trouve une ou un candidat(e) qu’il juge efficace et répondant aux intérêts russes.

Manifestation de soutien au peuple de Biélorussie qui conteste la réélection d’Alexandre Loukachenko, Berlin, 14 août 2020. Photo : Presseservice Rathenow

Loukachenko, une présidence sans partage

Alexandre Loukachenko a passé 26 ans au pouvoir à la tête de la Biélorussie. Cette ex-république soviétique de 9 millions d’habitants a toujours son KGB, son économie planifiée et sa peine de mort. On le surnomme volontiers “Batka” (petit père) ou le dernier dictateur d’Europe. Les années de présidence Loukachenko pourraient se résumer à cela : anéantissement de toute forme d’opposition et fraudes électorales. Traditionnellement, la Biélorussie est très proche du Kremlin. Pourtant, ces dernières semaines, Alexandre Loukachenko a accusé sans surprise l’UE mais aussi son voisin russe d’ingérence dans la présidentielle.

Minsk-Moscou, une relation de plus en plus compliquée

La relation spéciale entre la Biélorussie et la Russie a du plomb dans l’aile. Pendant la campagne présidentielle, Alexandre Loukachenko a accusé plusieurs fois la Russie d’ingérence dans les affaires intérieures. Pour se rendre compte de cette tension, en juillet dernier, la police biélorusse avait arrêté 33 mercenaires russes du groupe Wagner. Elle les accusait de vouloir mener un coup d’Etat armé contre le Président Loukachenko. En temps normal, les relations entre Minsk et Moscou sont excellentes. Il existe même un traité datant de 1999 qui stipule qu’à terme la Biélorussie sera intégrée à la Russie pour former un seul et même pays. L’origine des tensions entre Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine remonte à 2019 : les deux hommes n’ont pas réussi à s’entendre sur les prix préférentiels des hydrocarbures russes vendus à la Biélorussie. Depuis, les attaques de Loukachenko contre son homologue russe n’ont fait que croître.

Rencontre bilatérale entre les Présidents Loukachenko (à gauche) et Poutine (à droite), Sotchi, 7 février 2020. Photo : Fre News 24h

Joli coup de poker pour Ignazio Cassis

Selon le DFAE, les relations entre la Suisse et la Biélorussie “n’ont cessé de se renforcer ces dernières années”. En février 2020, quelques semaines avant la fermeture des frontières, le Ministre suisse en charge des affaires étrangères Ignazio Cassis s’était rendu en Biélorussie. Il y avait rencontré son homologue mais aussi le Président Alexandre Loukachenko. Sa visite était aussi l’occasion d’inaugurer l’ambassade de Suisse à Minsk. Pour rappel, le Conseil fédéral avait en mai 2019 décidé “d’élever au rang d’ambassade la représentation helvétique en Biélorussie”. Je ne crois pas que les relations entre les deux pays vont s’effriter à cause des derniers événements. Fermer une ambassade inaugurée en début d’année serait un peu incompréhensible de la part du Conseil fédéral. La Suisse parle à tout le monde, y compris à des pays qui respectent moins les standards démocratiques. Le Ministre Cassis s’est entretenu vendredi matin avec son homologue biélorusse. Et l’après-midi, le citoyen suisse qui était emprisonné a été relâché. Comme quoi, même un pays neutre qui d’habitude ne se fâche avec personne, peut obtenir des résultats concrets en élevant un peu la voix.