Arménie / Azerbaïdjan : un “nouveau” conflit aux portes de l’Europe?

Depuis le 27 septembre dernier, séparatistes arméniens et militaires azéris s’affrontent violemment dans la région du Haut-Karabakh. Territoire situé en Azerbaïdjan mais peuplé avant tout d’Arméniens chrétiens, ce conflit n’est pas récent et remonte à l’époque soviétique. Equation difficile pour les Occidentaux qui doivent faire un choix entre l’importation d’hydrocarbures et la défense d’une communauté chrétienne. Vladimir Poutine s’impose une nouvelle fois comme le détenteur de la clé de résolution du conflit.

Petit rappel géographique. Le Haut-Karabakh est une enclave peuplée majoritairement d’Arméniens mais située en territoire azéri. A la dislocation de l’URSS en 1991, cette région s’est auto-proclamée indépendante. C’est là-bas que depuis deux semaines séparatistes arméniens et militaires azéris s’affrontent violemment. Malgré l’appel de plusieurs acteurs du dossier, à savoir les co-présidents du Groupe de Minsk (Russie, France et Etats-Unis) ou l’Union européenne, à cesser immédiatement les combats, ceux-ci continuaient jusqu’à hier midi. L’histoire des tensions entre les deux ex-pays soviétiques remonte à l’époque stalinienne.

Un conflit qui date de l’ère soviétique

Joseph Staline (1878-1953) devient en 1922 le nouveau Secrétaire général de l’URSS. Une année avant cet événement, il décide de donner à l’Azerbaïdjan (population musulmane chiite) la région du Haut-Karabakh (population arménienne chrétienne). Un “mariage” entre deux communautés qui provoquera de nombreux conflits dans les dernières années de l’Union soviétique. En 1991, le grand pays socialiste s’effondre et l’Azerbaïdjan et l’Arménie se déclarent la guerre. Un conflit meurtrier qui durera jusqu’en 1994 et qui fera 30’000 morts et des milliers de réfugiés. Face à cette horreur, l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) décide en 1992 la création du Groupe de Minsk. Celui-ci est co-présidé par trois grandes puissances militaires que sont les Etats-Unis, la Russie et la France. Ces trois nations arriveront finalement à mettre un terme à ce conflit régional sans pour autant trouver une solution à long terme qui profiterait à Erevan comme à Bakou.

Deux pays stratégiques aux yeux de l’Europe

Comment la Russie, la France, l’Union européenne, la Suisse ou encore les Etats-Unis vont se positionner face aux deux parties en conflit? Quel(s) intérêt(s) défendre entre d’un côté le pétrole et le gaz azéri et de l’autre une communauté chrétienne chère à plusieurs dirigeants européens? L’équation à résoudre s’annonce d’ores et déjà difficile. Le Caucase du Sud c’est principalement trois pays : dans l’ordre alphabétique l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Prenez exemple avec la Suisse. Selon le DFAE, “l’Azerbaïdjan est le principal partenaire commercial de la Suisse dans le Caucase du Sud”. Certes, Berne a des échanges économiques avec Erevan et Tbilissi mais ils ne sont pas aussi importants qu’avec Bakou. Ce pays restera pour la Suisse et d’autres pays européens un partenaire économique très important, notamment pour l’importation d’hydrocarbures. Quant à l’Arménie, la religion chrétienne, défendue par beaucoup de leaders européens de droite ou d’extrême-droite dans leur propre pays, tient une place importante dans la société. D’où le fait que Vladimir Poutine se sent aussi plus proche de la religion arménienne qu’azéri. La clé de résolution de ce conflit régional est entre les mains du grand voisin russe pour des raisons historiques mais aussi géographiques.

L’ancien Président du Conseil des ministres italiens, Matteo Renzi, accueille au Palazzo Chigi le Président azéri, Ilham Aliyev, à l’occasion d’une visite officielle de ce dernier, Rome, 9 juillet 2015. Photo : Palazzo Chigi.

Poutine le pacificateur 

D’ailleurs et pour appuyer mon dernier propos, le Ministre russe des affaires étrangères Sergei Lavrov a annoncé hier l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu. Vladimir Poutine a probablement dû faire pression sur le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan et sur le Président azéri Ilham Aliyev pour obtenir cette trêve. Au-delà de ce conflit caucasien, il y a une chose intéressante à relever. La Russie de Vladimir Poutine est incontestablement celle qui détient certaines solutions dans plusieurs conflits autour du monde. En Biélorussie, en Libye, en Syrie ou encore au Venezuela, à chaque fois les Américains et les Européens n’ont pu se passer de la décision des Russes. Ou je dirais qu’ils ont enfin compris que la Russie joue son rôle de grande puissance et qu’elle devient un partenaire de premier plan pour tenter de trouver des solutions à des conflits anciens ou récents.

Vladimir Poutine à l’occasion d’une visite de travail en Arménie. Discussion officielle avec le Premier ministre Nikol Pashinyan, Erevan, 1er octobre 2019. Photo : compte Twitter de la présidence russe.

 

Jonathan Luget

Jonathan Luget est né en 1993, un mois après la visite du premier chef d'Etat européen, François Mitterand, dans la jeune République du Kazakhstan. En marche avec un CFC, deux maturités et deux diplômes SAWI (communication et réseaux sociaux). Les loisirs se partagent entre la lecture d'ouvrages géopolitiques, la rédaction d'articles, la cuisine et la natation.

4 réponses à “Arménie / Azerbaïdjan : un “nouveau” conflit aux portes de l’Europe?

  1. Un membre de l’ONU ne peut pas déclarer la guerre à un autre membre de l’ONU, c’est dans la charte ! Donc toutes les guerres entre membres se font au nom de la défense de quelque chose! L’une des innombrables hypocrétines des nations, prétendument unies !

    1. Bonsoir, “un membre de l’ONU ne peut pas déclarer la guerre à un autre membre de l’ONU…”. Entièrement d’accord avec vous là-dessus. Malheureusement, ce n’est pas la première fois. Prenez exemple dans le conflit Russie – Ukraine, les deux sont membres de l’ONU dont l’un siège en plus au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce que j’essayais de dire c’est que l’Europe est face à un dilemme difficile : les hydrocarbures de l’Azerbaïdjan ou la défense du christianisme en Arménie. Combien de dirigeants de droite dure ou d’extrême-droite disent défendre les valeurs chrétiennes sur notre continent. Voilà une équation difficile. Moi-même j’aurais de la peine à savoir quel(s) intérêt(s) défendre. Et vous?

  2. Le Président turc a démarré dans un court laps de temps 3 problèmes; En Lybie, dans les mers avec les grecs et depuis quelques semaines dans le Caucase. Il se dit peut-être que les grandes puissances viendront négocier, et ils me donneraient gain de cause sur au moins un sujet, pour calmer le jeu sur les deux autres. Son but ultime est de modifier l’acte de naissance de la Turquie de 1920 à Lausanne mais l’ONU n’ouvrira pas la boite de Pandore. Beaucoup de frontières de pays ont bougé après la guerre mondiale. Ce plan ne passera pas. A 66 ans c’est pour lui maintenant ou jamais !

    1. Bonsoir, il existe plusieurs fronts où les tensions entre l’UE et la Turquie sont fortes. Comme vous l’avez mentionné, il y a la Libye, la Grèce, maintenant le Caucase du Sud et il ne faut surtout pas oublier la Syrie. A chaque dossier, la Turquie se positionne différemment de l’opinion générale. A tort ou à raison, après tout c’est une puissance qui défend ses intérêts comme le font d’autres. Au sein même de l’UE, il y a des divergences quant à comment traiter certains dossier régionaux / internationaux face à Ankara. Par exemple, la France a montré une position très dure vis-à-vis de la Turquie. Regardez le soutien militaire apporté à la Grèce. Au contraire de l’Allemagne qui est plus prudente à cause de deux choses : la communauté turque en Allemagne qui est très importante et la crise des migrants de 2015. La Turquie accepte de garder les migrants chez elle, en contrepartie d’argent européen. Il est très difficile de savoir comment vont évoluer les relations UE – Turquie. Quant aux relations Suisse – Turquie, je crois qu’elles ne sont pas trop mal. Le Ministre des affaires étrangères de Turquie était d’ailleurs en Suisse au mois d’août.

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