Les folles semaines du Conseil fédéral

Parmi les sept membres du Conseil fédéral, quatre d’entre eux auront mérité leurs vacances d’été. Le Président de la Confédération et chef du DEFR Guy Parmelin, le Vice-Président de la Confédération et chef du DFAE Ignazio Cassis, la cheffe du DETEC Simonetta Sommaruga et le chef du DFF Ueli Maurer ont vécu ces dernières semaines une séquence diplomatique d’une densité rare. Après la date du 26 mai 2021, synonyme de la rupture voulue par Berne des négociations de l’accord institutionnel entre la Suisse et l’Union européenne, les quatre ministres ont enchainé pas moins d’une vingtaine d’entretiens avec des chefs d’Etat et/ou de Gouvernement répartis entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Une manière peut-être d’atténuer les effets négatifs à venir de l’abandon de l’accord-cadre. Après l’échec de cet accord, doit-on voir dans ces différentes rencontres une offensive économico-diplomatique du Conseil fédéral pour rassurer et diversifier les partenaires commerciaux de la Suisse? Tour d’horizon pour chacun des Conseillers fédéraux de leurs différents voyages.

Guy Parmelin, un UDC à l’esprit européen

Les 8 et 9 juin, Guy Parmelin s’est rendu en Slovénie pour y rencontrer le Président Borut Pahor ainsi que le Président du Gouvernement Janez Janša. Cette rencontre a eu lieu dans la perspective de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. A chaque fois qu’un pays membre de l’UE accède à la présidence pour une période de six mois, il est de coutume pour un Président de la Confédération de se rendre dans ce pays-là et de faire le point sur la relation bilatérale, la collaboration Suisse-UE et les défis à venir pour le continent. La France succédera à la Slovénie le 1er janvier 2022 donc normalement Guy Parmelin devrait rencontrer à Paris son homologue français Emmanuel Macron. Le 14 juin, Guy Parmelin a effectué un déplacement en Suède dans le cadre d’une visite présidentielle. Reçu par le Roi Charles XVI Gustave et par le Premier ministre Stefan Löfven, ils ont célébré ensemble 100 ans de relations diplomatiques entre Berne et Stockholm. Les 15 et 16 juin, à l’occasion du sommet historique entre Vladimir Poutine et Joe Biden à Genève, Guy Parmelin a obtenu une rencontre avec les deux chefs d’Etat. Remercier et parler avec le président du pays hôte était la moindre des choses. Enfin, les 28 et 29 juin, Guy Parmelin a pris part à la rencontre annuelle des chefs d’Etat des six nations germanophones, aux côtés du Président allemand Frank-Walter Steinmeier, du Grand-Duc Henri de Luxembourg, du Prince héritier Alois de Liechtenstein, de Philippe, Roi des Belges ainsi que du Président autrichien Alexander Van der Bellen.

Rencontre sexpartite annuelle des chefs d’Etat des pays germanophones fin juin à Potsdam en Allemagne. Photo : compte Twitter du Président suisse.

Ignazio Cassis décroche l’édition 2022 de la Conférence sur les réformes ukrainiennes

Les 11 et 12 juin, Ignazio Cassis était en Autriche pour y rencontrer son homologue et prendre part au Forum européen de la Wachau. Il a rencontré brièvement le Chancelier fédéral Sebastian Kurz. Ce dernier a plaidé encore une fois pour une bonne entente entre notre pays et l’UE. A l’occasion d’une tournée dans les trois Etats baltes pour une double célébration (100 de relations diplomatiques et 30 ans de reprise des relations suite à la chute de l’URSS) entre le 4 et le 8 juillet, Ignazio Cassis a pu s’entretenir avec le Président letton Egils Levits. Malheureusement et pour une raison inconnue de ma part, il n’a pas été en mesure de rencontrer les chefs d’Etat et/ou de Gouvernement de l’Estonie et de la Lituanie. Présent à Vilnius pour l’édition 2021 de la Conférence sur les réformes en Ukraine, il a échangé avec le Président Volodymyr Zelensky ainsi que le Premier ministre Denys Shmyhal. Coup de poker pour la diplomatie suisse puisque l’édition 2022 se déroula au Tessin.

Discussion entre le Président ukrainien Volodymyr Zelensky et le Vice-Président suisse Ignazio Cassis à Vilnius en Lituanie, en marge de l’édition 2021 de la Conférence sur les réformes en Ukraine. L’an prochain, l’édition 2022 se tiendra dans le Canton du Tessin. Photo : compte Twitter du Président ukrainien.

Simonetta Sommaruga et Nana Akufo-Addo, une amitié helvetico-ghanéenne

Entre le 5 et le 9 juillet, Simonetta Sommaruga s’est rendue sur le continent africain, plus particulièrement au Sénégal et au Ghana. A Accra, elle a pu s’entretenir avec le Président Nana Akufo-Addo. Pour la petite anecdote, en 2020 et juste avant la fermeture des frontières presque partout dans le monde, Simonetta Sommaruga, alors Présidente de la Confédération, avait reçu Nana Akufo-Addo pour une visite d’Etat historique en Suisse. Une manière sûrement de la part du Ghana de souligner les liens forts entre les deux pays.

Rencontre informelle dans la capitale ghanéenne Accra entre le Président Nana Akufo-Addo et la Ministre en charge de l’environnement et des transports Simonetta Sommaruga. Ils ont souhaité un approfondissement des relations économiques entre les deux pays. Photo : Business Ghana.

Ueli Maurer et son goût pour l’Orient

C’est Ueli Maurer qui a ouvert le bal des voyages officiels au printemps. Le 28 mai dernier, il s’est rendu en Slovénie pour une visite de travail au cours de laquelle il a rencontré son homologue ainsi que très brièvement le Président Borut Pahor. Au début de cette semaine, après une visite en Egypte, Ueli Maurer s’est arrêté quelques heures au Qatar où il a été reçu par l’Emir Tamim ben Hamad Al Thani. Ueli Maurer connaît bien cette région puisqu’à l’automne 2019, il s’était déjà rendu dans cette partie du monde et avait effectué une visite officielle aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite.

Rencontre informelle à Doha au Qatar entre le Ministre en charge des finances Ueli Maurer et l’Emir Tamim ben Hamad Al Thani . En 2023, la Suisse et le Qatar célébreront 50 ans de relations diplomatiques. Photo : Département fédéral des finances

Tous ces voyages qui interviennent après l’abandon des négociations sur un accord entre Berne et Bruxelles ne sont pas anodins. Je crois à une prise de conscience de la part du Conseil fédéral quant à une possible dégradation des relations avec un partenaire économique aussi important que l’Union européenne. Certes, nous devons aller au-delà du marché européen et assurer nos relations ou chercher des nouveaux acteurs économiques dans ce monde. Mais le Conseil fédéral ne doit pas oublier que la relation avec l’UE est primordiale pour notre économie. Maintenant que cet accord est enterré, il faut que le Conseil fédéral arrive après l’été avec un nouveau projet de stabilisation des relation bilatérales.

Jonathan Luget

Jonathan Luget est né en 1993, un mois après la visite du premier chef d'Etat européen, François Mitterand, dans la jeune République du Kazakhstan. En marche avec un CFC, deux maturités et deux diplômes SAWI (communication et réseaux sociaux). Les loisirs se partagent entre la lecture d'ouvrages géopolitiques, la rédaction d'articles, la cuisine et la natation.

6 réponses à “Les folles semaines du Conseil fédéral

  1. Je ne crois pas que le Conseil fédéral oublie que la relation avec l’UE est primordiale pour notre pays. Récemment l’ambassadeur de l’UE à Berne l’a dit clairement : la Suisse a le choix entre trois et seulement trois options : l’Accord institutionnel, dont ne veut pas le CF, l’adhésion à l’UE pure et simple, dont ne voudra pas le souverain, et l’intégration à l’EEE, l’Espace économique européen, rejetée de peu en 1992, du simple fait que, quelques mois avant le vote du 6 décembre, le CF avait fort imprudemment déposé à Bruxelles une malencontreuse demande d’adhésion, chose qui a perturbé plus d’un citoyen. Il est temps de remettre l’ouvrage sur le métier pour se préparer à cette dernière option réaliste. Rappelons qu’un pays non membre de l’UE comme la Norvège s’accommode fort bien d’être dans l’EEE, en ayant déjà refusé par trois fois, sauf erreur, d’adhérer à l’UE.

    1. Bonjour Christophe de Reyff, je vous remercie pour votre commentaire. Le Conseil fédéral n’oublie peut-être pas la relation primordiale qui nous lie à l’Union européenne, en attendant on ne connaît toujours pas sa stratégie post accord-cadre. Que va-t-il faire? Qui sont ses alliés au sein des pays membres pour mettre ce dossier en haut de la pile? La stabilisation est maintenant nécessaire. Je ne veux pas d’une intégration de mon pays dans l’UE comme beaucoup de monde mais je souhaiterais apaiser les relations et se concentrer davantage sur la coopération. Entièrement d’accord avec vous, les deux premières options sont mortes nées, si je peux m’exprimer ainsi. L’adhésion à l’EEE reste la moins mauvaise solution, le Conseil fédéral devrait se pencher davantage là-dessus. Le Prince héritier du Liechtenstein déclarait dans le journal Le Temps en 2019 que : «L’adhésion de la Suisse à l’EEE nous simplifierait la vie». Voici le lien : https://www.letemps.ch/economie/alois-von-und-zu-liechtenstein-ladhesion-suisse-leee-simplifierait-vie

  2. Votre première phrase me consterne car je décèle encore une fois que vous vous contenter de rester le thuriféraire de M. Parmelin et des trois autres Conseillers Fédéraux.
    Je fais donc un essai divertissant aussi sur votre analyse :
    Comme les cancres en fin d’année d’école, après la course d’école à la vallée de Joux ils méritent aussi des vacances, mais contrairement à ce que vous écrivez, ce n’est en tout cas pas pour l’excellence de leur travail car ils n’ont pas de notes suffisantes pour passer l’année et surtout ne seront surement jamais major de promotion à la lecture de leurs lacunes.
    Les différentes rencontres qu’ils ont fait juste avant la cloche des vacances scolaires ne sont pas une offensive économico-diplomatique mais comme tous les cancres à la fin des cours ils essayent de se mettre en avant ou, dans le désespoir de dernière minute, essayent de faire un dernier effort pour réclamer la clémence des profs.
    Leurs bilans misérables et catastrophiques ne leur permettront pas d’avoir la clémence du peuple, mais uniquement des petits copains du conseil national à leur de la vraie rentrée. En octobre
    En ce qui concerne Parmelin, croyez-vous que le président de La France qui succédera à la Slovénie le 1er janvier 2022 à la tête de l’Europe aura une seconde à octroyer à celui dont le pays lui a infligé une gifle monumentale avec le refus du Rafale et le désastre des accords avec l’Europe ? Pour rire on se donne rendez-vous l’année prochaine !
    Vous dites qu’Ignazio Cassis n’a pu que converser que brièvement avec le Chancelier fédéral Autrichien Sebastian Kurz. Savez-vous combien de minutes ? ou plutôt de secondes car le chancelier ne voulait surement pas s’enticher plus longtemps de M. Cassis qui représente la Suisse dissidente de l’Europe ! idem pour les autres présidents des deux pays baltes qui ne voulaient eux pas se faire accuser de tentative de rapprochement avec cet étrange pays qui baffe l’Europe !
    Que dire de Somaruga ? Ses deux voyages ont permis à la Suisse de vider les poubelles de nos émissions CO2. Le Ghana ne sait pas à quoi sert la Suisse au milieu de l’europe, sauf qu’elle a pas mal d’argent pour camoufler ses émissions CO2 dans un pays qui en manque sérieusement et qui ouvre les bras aux billets de la Confédération ! C’est consternant non ?
    Tient, vous ne parlez pas de notre CF Mme Amherd. Pourtant n’aurait-elle pas encore essayé d’envoyer 4 bidasses qui ne savent pas marcher au pas au 14 juillet en France ?
    Ou bien elle est non désirable dans cette France qui défend les valeurs de l’Europe ?
    Elle a une place au fond de la classe juste à côté du radiateur …. Espérons qu’elle choisira une autre voie à la rentrée car elle a surement mieux à faire à Brique ou à la Lonza qui cherche du monde…
    Et pour la fin de votre analyse, vous pensez que c’est le Conseil fédéral qui va arriver après l’été avec un nouveau projet de stabilisation des relation bilatérales ? Non, l’église sera remise au milieu du village par l’Europe !!! et nous auront juste sept CF qui vont devoir redoubler leur année ou aller voir ailleurs car leurs bilans est consternant !
    Folles semaines, ou folles législatures de nos 7 Conseillers Fédéraux ?

    1. Bonjour M Largo, je vous remercie pour votre commentaire. Vous êtes libre d’apporter votre opinion sur mon article mais je reste fidèle à ce que j’écris en général. Très volontiers pour poursuivre le débat, d’ailleurs je vous réponds. Les Conseillers fédéraux n’ont pas de notes suffisantes pour passer l’année, pourquoi dites-vous ça? Par rapport à l’échec de l’accord-cadre ou à la gestion de la pandémie? “Copains du Conseil national”, je ne suis pas d’accord avec vous. Le Parlement élit et contrôle le travail du Conseil fédéral, ils sont loin d’être main dans la main. D’ailleurs, après la fin des négociations sur l’accord-cadre, beaucoup de parlementaires ont vivement critiqué la stratégie du Gouvernement. Ils avaient été copains, on aurait tout simplement rien entendu. Cela s’appelle la séparation des pouvoirs. Je ne peux rien confirmer à ce stade mais sûrement qu’il y aura une rencontre entre Guy Parmelin et Emmanuel Macron à la fin de l’année. Même si le Conseil fédéral n’a pas opté pour les Rafales, la France reste un partenaire important pour la Suisse en matière de commerce. Ignazio Cassis a rencontré Sebastian Kurz, le temps exact je ne le connais pas. Ce n’était pas une visite officielle mais plutôt de courtoisie, donc probablement entre 30 et 45 minutes. Je ne parle ni de Viola Amherd ni de Karin Keller-Sutter ni d’Alain Berset car ils n’ont pas rencontré de chefs d’Etat et/ou de Gouvernement à ma connaissance. J’avais lu récemment que le Conseil fédéral souhaitait revenir à la fin de l’été avec une nouvelle stratégie concernant les relations entre Berne et Bruxelles. C’est une musique d’avenir et il faudra voir les résultats d’ici un ou deux mois.

  3. Hehehehe tellement juste ! Les français ne vont sûrement pas inviter nos bidasses débraillés avant longtemps! On pourra les envoyer au Ghana il parait que la Suisse y est bien vue. Le conseil fédéral n’a rien prévu pour se rapprocher de l’Europe sinon on aurait déjà choisit un partenariat avec eux pour notre sécurité et notre souveraineté digitale au lieu de nous enticher de groupe américain comme oracle ou chinois comme huawey par copinage douteux.

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