Le pervers narcissique, bouc émissaire de la violence conjugale

Un spectre hante nos relations amoureuses : le spectre de la perversion narcissique. Désignant à l’origine un mécanisme par lequel un individu se dégage d’un vécu insupportable en le projetant sur autrui, la perversion narcissique est aujourd’hui synonyme de manipulation et de harcèlement. Volontiers employé pour décrire les auteurs de violence psychologique au sein des couples, le concept tend à psychologiser la violence conjugale et à masquer les rôles du genre et des rapports de domination au sein des relations hétérosexuelles[i].

De la mère séductrice au pervers narcissique

Psychiatre et psychanalyste, Paul-Claude Racamier (1924-1996) passe plusieurs décennies à soigner des patients souffrant de schizophrénie, notamment à travers des interventions groupales, familiales et institutionnelles. Ses travaux lui permettent d’identifier des dysfonctions relationnelles précoces entre la mère et l’enfant pouvant selon lui faire émerger une schizophrénie : la paradoxalité[ii] et la séduction narcissique[iii]. Ces modes de relations compromettraient le développement d’un moi autonome, la reconnaissance de l’altérité (l’autre est perçu comme un prolongement de soi) et le renoncement à la toute-puissance infantile. Devenue adulte, la victime, face à une angoisse, une ambivalence ou une conflictualité qui la placerait au seuil de la psychose, expulserait son vécu chez un tiers. Ce mécanisme est pervers car il instrumentalise l’autre tout en étant source de jouissance. On peut dire ainsi qu’au début de ses travaux, Racamier conçoit la perversion-narcissique comme une solution à la psychose.

Par la suite, le psychiatre constate que cette organisation psychique n’est pas réservée aux patients souffrant de schizophrénie et ce changement a son importance : alors que ses premiers écrits laissent entrevoir l’empathie qu’il porte pour ses patients, l’évolution de son discours trahit l’indignation morale qui le gagne progressivement : dans un ouvrage publié quatre ans avant sa mort, il note : « Il n’y a rien à attendre de la fréquentation des pervers narcissiques, on peut seulement espérer s’en sortir indemne[iv] ».

Le genre de la perversion narcissique

A l’origine, la perversion narcissique concerne autant la femme que l’homme. Ce serait toutefois les agissements d’une femme qui auraient inspirés les travaux de Racamier : « Rare, très rare si dans une institution de soins il ne se trouve pas une femme en coulisse (habile et bien placée) pour essayer de mettre la main sur le manche du pouvoir »[v]. En distinguant une forme féminine (la phalloïde, appelée ainsi pour ses caractéristiques castratrices) et masculine proche du narcissisme glorieux, Racamier s’éloigne de l’objectivité clinique pour friser avec les préjugés sexistes.

Aucune donnée épidémiologique n’est disponible au sujet du ratio hommes-femmes de la perversion narcissique, et ce pour deux raisons principales : tout d’abord le concept est une spécialité francophone, absente des grandes nosographies internationales et donc des études épidémiologiques. Ensuite, le pervers narcissique n’éprouve quasiment jamais le besoin de consulter : quand le diagnostic est posé, c’est donc à travers les plaintes de la victime – ce qui pose bien évidemment des questions déontologiques. Mais les successeurs de Racamier vont s’intéresser aux situations particulières dans lesquelles sévit le pervers : le travail, la famille, et surtout le couple : lieux ou le rapport de domination est plutôt en faveur des hommes.

A la fin des années deux-mille, une intense médiatisation contribue à faire émerger dans l’espace public la figure repoussoir et masculine du pervers narcissique, manipulateur et harceleur, jouissant en toute impunité de la déroute de ses victimes féminines. Omniprésente dans l’espace public, la thématique de la perversion narcissique est abordée avec une rhétorique belliqueuse : il s’agit de repérer, voire traquer le pervers pour ensuite le neutraliser ou s’en débarrasser.  Figure bouc-émissaire, le pervers fait de la violence conjugale un évènement ponctuel, un accident commis par quelqu’un à moitié fou, à moitié maléfique. Le pervers, c’est toujours le voisin, le collègue, le beau-frère : jamais soi-même.

La femme quant à elle est décrite soit comme victime, soit comme complice (le pervers narcissique et son complice est le titre d’un célèbre ouvrage sur le sujet[vi]) – sous entendant que la femme participerait activement à la naissance de la relation perverse. Ainsi, la soumission féminine apparait soit comme une faiblesse, soit comme un choix délibéré, une vision très réductrice qui ne prend pas compte de l’intériorisation d’un rapport de domination et de l’objectivation du corps des femmes par les hommes. Au final, l’usage du couple pervers-narcissique et victime concentre les efforts pour éclairer les mystères des personnalités du pervers et de sa victime plutôt que les mécanismes qui fondent cette domination.

« L’invention » de la violence psychologique

Psychiatre et psychanalyste elle-aussi, Marie-France Hirigoyen, va s’intéresser à cette domination en prenant le problème par l’autre bout : celui des victimes. Spécialisée en victimologie, son expérience clinique la met sur la voie d’une violence psychologique, concept qu’elle a « inventé » et qui a eu un grand succès en France. La violence psychologique désigne « un processus visant à établir ou maintenir une domination sur le ou la partenaire (…) pour se rehausser, en rabaissant l’autre »[vii]. Selon elle, toute violence physique est précédée par une violence psychique. On assiste donc à la fois à une extension du domaine de la violence conjugale et sa psychologisation[viii]. Curieusement, la psychiatre, qui multiplie les exemples de femmes harcelées par des hommes, estime que si les hommes « usent volontiers de la violence physique pour dominer et contrôler, les femmes utilisent plus fréquemment la violence perverse et la manipulation ». Elle en vient donc à décrire un fait genré (les auteurs de violence conjugale sont dans une immense majorité des hommes) à l’aide d’un processus qui semble paradoxalement « coller » à la nature féminine.

Ainsi, cette conception de la violence psychologique peut être retournée pour servir d’argument aux mouvements défenseurs des hommes. Ces derniers s’appuient sur une différenciation sexuée de la violence : à l’usage viril de la force physique (parfois vue comme l’expression naturelle et positive des sentiments masculins) répond l’usage féminin de la violence psychologique. Non seulement la violence psychologique des femmes précède et justifie la violence physique des hommes, mais cette violence est même parfois décrite comme équivalente, ou pire que la violence masculine : si un coup de poing peut envoyer la victime à l’hôpital, la parole blessante de la femme peut pousser l’homme au suicide ! Le sociologue Francis Dupuy Déri a bien décrit et démonté ces thèses dans un ouvrage sur la « crise de la masculinité » [ix].

Un autre problème avec le concept de violence psychologique est qu’il fonde la violence conjugale sur une relation « malade », qui dessine, par la négative, une relation saine, symétrique, pour peu que l’on respecte l’autre, qu’on l’écoute et qu’on ne se montre pas violent. Le respect et l’écoute sont certes importants, mais ne fondent pas pour autant une relation symétrique : qu’en est-il de la division genrée du travail, des inégalités socio-économiques, de la double journée de travail des femmes ? Qu’en est-il des rapports de domination ordinaire au sein des relations hétérosexuelles ?

La domination masculine dans les relations hétérosexuelles « ordinaires »

Dans son dernier essai, « Réinventer l’amour, comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles », la journalise Mona Chollet montre que les femmes sont encouragées socialement à se remettre en question, à pratiquer l’introspection, « mais aussi à douter d’elles-mêmes, à se culpabiliser sans cesse, à penser que tout est de leur faute ou de leur responsabilité, à s’excuser d’exister ».[x] Les hommes, eux, sont habitués à penser que tout leur est dû, et sont davantage encouragés à agir plutôt qu’à pratiquer la remise en question de soi. Mona Chollet ajoute que les femmes sont poussées à s’accomplir dans la relation amoureuse, ce qui implique un effort pour réparer la relation et éventuellement le conjoint… Comment ne pas y voir une autre explication à la prétendue « complicité » de la victime du pervers-narcissique ? Un point fort de son essai est la manière avec laquelle elle vient gratter la relation de couple hétérosexuelle « idéale ». Loin d’être un havre d’amour et de respect mutuel, les relations hétérosexuelles décrites dans les grandes œuvres cinématographiques et romanesques, sont traversées par une domination masculine et une soumission féminine. Elle montre comment la domination, l’usage masculin de la force – jusqu’au viol conjugal – a été érotisée, à tel point que pour certaines personnes, l’égalité est un tue l’amour. D’où l’importance pour elle de « réinventer l’amour ».

Différentes grilles de lecture

Il ne s’agit cependant pas de rejeter la perversion narcissique du seul fait que son usage est galvaudé. Il existe des personnes manipulatrices qui tirent jouissance de la dévastation d’autrui, appelons les pervers narcissiques. Il existe également des personnes dont certaines vulnérabilités les poussent à répéter des situations traumatiques, appelons les complices. En fait, nous pouvons tous, face à un évènement qui nous submerge, devenir momentanément pervers ou complice de perversion, sans que cela fasse de nous un pervers-narcissique. Dans tous les cas, il est primordial que la souffrance des victimes puisse être reconnue.

Seulement, ces analyses psychologiques ne sont pertinentes que pour décrire des souffrances singulières, dans le cadre de conjugopathies, où un membre du couple exerce une emprise psychologique sur l’autre. Le problème apparait lorsque que cette grille de lecture sature l’espace public et entend généraliser ses conclusions sur un problème aussi complexe que la violence conjugale. Il faut rappeler que cette dernière n’est pas un problème psychologique : la plupart des auteurs de violences ne souffrent pas de maladies psychiques, et la majorité des personnes souffrant de maladies psychiques ne sont pas violentes.

La perversion ou la part sombre de nous-même

Dans son ouvrage : « La part sombre de nous-même, une histoire des pervers », Élisabeth Roudinesco, commentant les travaux de Foucault, appelait les pervers « ceux qui sont désignés tels par les sociétés humaines, soucieuse de se démarquer d’une part maudite d’elles-mêmes[xi] ». Aujourd’hui, le pervers narcissique est désigné pervers pour que l’homme « ordinaire » ne se sente pas concerné par un rapport de domination qui se joue chaque jour, dans toutes les relations hétérosexuelles. Que restera-t-il de la perversion narcissique, le jour où les rapports de domination cesseront au sein des couples ?

 

Illustration: Peter Paul Rubens – deux satyres, Wikipedia Commons

[i] [i] Cet article ne traite que des relations hétérosexuelles. Cela ne veut pas dire que la violence conjugale n’existe pas au sein de la communauté LGBTIQA+, mais qu’elle n’est pas médiatisée de la même manière.

[ii] La paradoxalité consiste à soumettre à une personne des injonctions inconciliables. Incapable de répondre à l’injonction qui lui est faite, l’enfant se voit empêché de penser et disqualifié dans son être. Ce concept rapproche Racamier des travaux de Bateson et l’école de Palo Alto, avec la notion de double bind, ou des travaux du psychiatre Harold Searles, résumés dans son livre au titre éloquent : les efforts pour rendre l’autre fou. L’exemple d’injonction paradoxale souvent évoqué est celui d’une mère qui offre deux cravates à son fils, une verte et une jaune. Pour faire plaisir à sa mère, le fils porte la jaune. Celle-là s’écrie : « tu n’aimes donc pas la verte ? » L’opération se répète avec l’autre cravate. Quand, perdu, l’enfant se décide à porter les deux cravates ensemble, sa mère s’exclame : « mais tu n’as donc pas toute ta tête ! ».

[iii] La séduction narcissique désigne une relation symbiotique dans laquelle le nouveau-né est considéré comme une extension narcissique du parent. Ce type de relation abolit toute altérité et prévient le développement d’une ambivalence et conflictualité essentielle.

[iv] Racamier, Paul-Claude. « Le génie des origines, psychanalyse et psychose », Payot, 2002

[v] Ibid, ce paragraphe doit beaucoup à Joly, Marc, et Corentin Roquebert. « De la « mère au narcissisme pervers » au « conjoint pervers narcissique ». Sur le destin social des catégories « psy » », Zilsel, vol. 8, no. 1, 2021, pp. 254-283.

[vi] Eiguer, Alberto. « Le pervers narcissique et son complice », Dunod, Paris, 2012

[vii] Hirigoyen, Marie-France. « Femmes sous emprise, les ressorts de la violence dans le couple », Oh éditions, 2005.

[viii] Delage, Pauline. « Perversion narcissique, genre et conjugalité », Zilsel, vol. 8, no. 1, 2021, pp. 240-253.

[ix] Dupuis-Déri, Francis. « La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace », les éditions du remue-ménage, 2017.

[x] Chollet, Mona, Réinventer l’amour, comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles, Zones (La découverte), 2021.

[xi] Roudinesco Élisabeth, La part obscure de nous-mêmes, une histoire des pervers, Albin Michel, 2007

Jérémie André

Jérémie André est médecin, doctorant à l’Université de Lausanne et écrivain. Au carrefour entre médecine, psychiatrie et sciences humaines, ce blog aborde des thèmes de société avec un regard de clinicien. Crédit photo : Céline Michel

13 réponses à “Le pervers narcissique, bouc émissaire de la violence conjugale

  1. Bonjour
    Merci a vous d’avoir exploré toutes ces pistes de l’intrapsychique a l’interpersonnel, ainsi que des auteurs comme Racamier!
    Du coté de la métapsychologie, le point central & qui relie la question de la relation dite “perverse-narcissique” au sujet, qui subit/ou impose ce mode relationnel ne serait elle pas, dans l’échec de la construction de son (d’un) narcissisme suffisamment “porteur” ou “bon” , qui lui permettrait un repérage interne plus pertinent, au cours de sa vie, de ce qui est “suffisamment” satisfaisant pour lui ou non?
    Le préalable étant d’avoir précédemment connu un type de relation “suffisamment satisfaisant” lors de son développement psycho-affectif,
    Ceci nous ramènerait a la relation mère-enfant &/ou père/enfant.. & à la nécessité pour le sujet , lors d’une relation de type paradoxale, d’avoir recours au clivage du moi à des fins de survie.. s'”amputant” d’une part de lui-même pour rester en lien avec l'”objet” (comme disent les psys..) & comme R. Roussillon l’a théorisé..
    Merci pour vos développements très interessants & excellente recherche a vous

    1. Cher Monsieur,
      Je viens de lire votre réponse concernant les pervers narcissiques .,réponse à l’article de Monsieur Jérémie André du 18 oct 2021.( Le Temps).
      Permettez moi de vous dire que j’ai apprécié votre article car j’ai personnellement vécu une relation toxique et perturbante avec un homme que je considère «  malade du lien »…. Suite à une remarque de mon frère psychiatre et d’une amie éclairée j’ai lu des tas de livres sur le sujet( de Racamier à Hirigoyen )et j’ai vu ma vie sur papier… j’ai réussi à m’en sortir … extrêmement difficile de sortir de ce genre de relation, car: addiction, emprise et incrédulité face à tant de méchanceté et de perversion… à bout de souffle j’ai consulté mon médecin de famille et demandé de l’aide à un psychiatre… dépression moyenne me concernant mais capacité de résilience et d’introspection…. Je suis de celle qui veut comprendre pour se libérer, 17 livres dévorés , et 1 année de thérapie… j’en ressors libérée et allégée…
      Je suis parfaitement consciente que le terme PN est galvaudé et très à la mode mais croyez moi cher monsieur qud vous avez vécu une relation toxique et malsaine sans pouvoir réellement savoir ce qui se passe et voulant de toutes ses forces croire en des jours meilleurs( suis de nature positive) … le fait de pouvoir lire des mots qui expliquent votre ressenti… croyez moi cela fait du bien.
      j’ai 55 ans et ai connu cet homme à mes 46 ans… notre relation était du on/ off durant 8 ans. Chacun vivant de son côté et indépendance totale de ma part, malheureusement j’ai senti un malaise très vite et je n’ai pas écouté ma petite voix… je sortais d’un chagrin donc j’étais la proie facile…
      Je ne suis ni féministe ni sexiste, j’aspire tout simplement au bonheur entre deux êtres … avec ses hauts et ses bas…. Mais je peux vous dire que ce genre de relation vous marque à tout jamais… une perversité du lien , un besoin réflexionnel de détruire ce qui rapproche deux êtres ne peut que refléter un passé douloureux , tordu et malsain… alors pathologique je dirais oui….
      Voilà, si vous voulez d’autres renseignements de ma part je reste à votre disposition…
      Merci de m’avoir lue , je vous souhaite une belle journée.
      Marie -Claude.

  2. Votre analyse est intéressante.
    Je voudrai attirer l’attention ici sur un concept développé par Julia Kristeva je crois et entendu sur France Culture, celui de la Merversité à la fois symétrique et intriqué à la perversion narcissique. Je n’ai pas tout compris.

  3. Merci pour votre texte qui éclaire et nuance.
    Le sujet est explosif dans les discussions genrées d’aujourd’hui. Vous en parlez de manière sensible et plurielle. Bravo!
    Stephen Vasey, psy

  4. Les fanatiques féministes comme Mona Chollet sont des perverses narcissiques intellectuelles. Leur furie leur enlève toute crédibilité. Donc ne perdons pas notre temps à nous préoccuper de leurs vitupérations et vaticinations.

    Cet article est intéressant en ce qu’il nous aide à comprendre les raisons de cette psychose. Mais, s’agissant de savoir si elle touche plus d’hommes que de femmes, les statistiques en effet ne peuvent être d’aucune utilité car le nombre de cas reportés, ne correspond pas à la réalité.

    Scientifiquement on doit tenir pour certain qu’il y a exactement autant de femmes manipulatrices perverses narcissiques que d’hommes, car il n’existe aucun critère rationnel permettant d’imaginer qu’il en aille autrement.

    Les hommes et les femmes sont essentiellement égaux, aussi de ce point de vue. Le discours consistant à présenter les hommes comme des oppresseurs systématiques est une fumisterie féministe.

    1. J’ai de la peine à saisir la portée et le sens de votre commentaire virulent. Sur quoi basez vous le fanatisme féministe de Mona Chollet ? Qu’est-ce que la perversion narcissique intellectuelle ?
      Votre syllogisme “les hommes et les femmes sont égaux donc il y a autant de pervers-narcissique hommes que femmes” frise le ridicule. Il y a statistiquement autant d’hommes que de femmes: faut-il en conclure qu’il y a autant de cancer du sein chez les hommes que chez les femmes ? Prenons un exemple moins tranché, à la croisée du biologique et du social : y-a-t-il autant de cancer ORL chez les hommes que chez les femmes ? Non, les hommes sont plus touchés, car ils fument et boivent davantage que les femmes. Les diagnostics psy sont encore plus difficile à trancher : il n’existe pas de marqueur biologique, ou de modification anatomique définissant les diagnostics (sauf rares exceptions). Ce sont essentiellement des constructions empiriques, affinées avec le temps, qui visent à classer un certain nombre d’entités cliniques définies par des symptômes ou des signes cliniques. Et ces comportements sont en partie socialement déterminés. Donc il n’est donc pas impensable qu’il y ait plus de pervers narcissiques hommes.

      1. J’avais écrit toute une longue réponse à vos lignes, mais c’était sur mon iPhone et tout s’est effacé par une mauvaise manipulation. Tant pis, je ne vais pas faire l’effort de reprendre tous mes raisonnements. Ces féministes n’en valent pas la peine. Elles nous ont déclaré la guerre. Comment réagir à leur agression ? Nous devons l’accepter car c’est un fait qui nous est imposé, et donc ne pas leur faire la moindre faveur, en particulier ne jamais prendre au sérieux ce qu’elles disent. Il est vain de débattre avec elles au sujet de leurs aberrations. Il faut simplement les ignorer et les tenir à distance. Sauf erreur c’est aussi l’attitude à adopter avec les pervers narcissiques. Non ?

        1. Vous dites “il est vain de débattre avec elles”, alors que vous n’avez pas avancé un seul argument dans vos commentaires. Je vais donc faire comme vous faites avec “elles” “les ignorer et les tenir à distance”, sauf si vos prochains commentaires se montrent argumentés et non agressifs.

  5. Bonjour,
    Très intéressé par votre thème de recherche (que j’étudie moi-même depuis plus de 20 ans), je me permets quelques observations et commentaires sur votre article.
    Je précise pour plus de transparence que je suis également membre sympathisant de l’APAOR (l’Académie Psychanalytique Autour de l’Œuvre de Racamier) présidée et dirigée par les successeurs de P.-C. Racamier (les Dr J.-P. Caillot, M. Hurni, G. Stoll, etc.) dont vous trouverez facilement les ouvrages incontournables sur le sujet que vous traitez dans cet article.
    Il va de soi que le concept de “pervers narcissique” est aujourd’hui totalement galvaudé. Malheureusement pour le pire bien plus que pour le meilleur. Racamier écrivait d’ailleurs dans son dernier ouvrage au sujet de l’incestuel, qu’il y a deux façons d’escamoter un concept : le taire ou le mettre à la mode. Il parlait alors de l’inceste, mais cette règle s’applique également à la notion de perversion narcissique.
    Le principal problème à mon sens, c’est qu’il est également galvaudé par ceux-là même qui le diffusent ou bien qui se donnent pour mission de le critiquer. Je peux comprendre que son usage “perverti” (étymologiquement la perversion désigne le “bouleversement, [la] falsification d’un texte”) en irrite plus d’un, mais de là à produire des analyses sur la foi de ce pervertissement, cela témoigne selon moi d’une absence de pensée critique fort regrettable jetant le trouble et la confusion dans toutes les tentatives d’explication de cette “pathologie” (mot que j’utilise à défaut de mieux). Or, la confusion est très souvent associée à des “mouvements pervers”.
    Il est manifeste que vous vous soyez inspiré du dossier paru dans la revue Zilsel n°8 de février 2021 et notamment de l’article de Marc Joly et Corentin Roquebert pour rédiger votre billet. C’est là reproduire l’erreur de raisonnement qu’ils ont commis sans même s’en rendre compte. Participant ainsi à semer plus le trouble et la confusion sur ce concept plutôt que de tenter de rendre compte de sa pertinence (ou non) : il ne rentre pas dans le domaine de recherche d’une psychanalyse groupale et familiale telle que P.-C. Racamier a pu la développer de tenir compte des “rôles du genre et des rapports de domination au sein des relations hétérosexuelles”. Thème de recherche relevant de la sociologie. De fait, le concept de pervers narcissique se borne à décrire les processus psychologique en œuvre dans cette forme de violence au sein des familles, des groupes et des institutions.
    Dévoiler ce rôle appartient donc aux sociologues et il est regrettable qu’en se focalisant sur le mésusage d’un concept par les médias mainstreams, Marc Joly et Corentin Roquebert se départissent de cet objectif pour critiquer, par une évaluation très personnelle et subjective de l’auteur, une théorie qu’ils ont manifestement très mal interprétée. Les auteurs de ce dossier auraient-ils préféré que Racamier fasse le boulot à leur place ? A les lire, c’est ce que nous pourrions croire.
    De fait, leur étude mêle le bon, le moins bon et le “minable”. Attaquer un auteur sur des considérations personnelles que Marc Joly et Corentin Roquebert ne font qu’ânonner comme de vulgaires perroquets est ce que je nomme “minable”, d’autant que je connais parfaitement la source et l’origine de ces attaques qui sont le propre des attaques perverses telles qu’un “mouvement perversif” est en mesure de les produire (mouvement perversif pouvant être produit par tout un chacun, mais qui fera le miel d’un véritable pervers narcissique). S’en faire l’écho revient donc par naïveté et ignorance à se rendre complice de telles attaques qui n’ont aucune objectivité et pertinence clinique.
    D’un point de vue sociologique, mieux vaut encore prendre connaissance des travaux d’André Sirota même si l’étude de MM Joly et Roquebert nous communiquent des informations précieuses sur la récupération de ce concept par les médias mainstreams.
    Après, j’apprécie et approuve votre “relativisme” et votre tentative de modération, mais il ne faudrait pas perdre de vue le contexte dans lequel le concept de perversion narcissique a été développé qui n’est pas celui que décrivent les auteurs de l’article dont vous vous êtes inspiré. Or, ignorer un tel contexte revient une nouvelle fois à faire preuve d’une totale absence de pensée critique (ça commence à faire beaucoup pour des auteurs qui souhaitent nous éclairer sur cette notion).
    Aussi, lorsque vous évoquez une conjugopathie, et même si Racamier n’emploie pas ce terme, il faut savoir que c’est bien dans un tel cadre que la notion de perversion narcissique a été développée puisqu’elle est définie comme une pathologie du lien. Des auteurs tels que Pirlot et Pedinielli parlent même à juste titre de “pathologie de l’agir de parole”. Pour s’en assurer, il suffit d’aller aux sources et de lire le livre majeur Le génie des origines de Racamier, de suivre sa trajectoire et de s’imprégner du réseau de concepts qu’il a tissé tout au long de sa carrière pour nous permettre de comprendre la notion de perversion narcissique.
    Bref, attention aux critiques qui, malgré leur “sérieux” dû à leur fonction ou à leurs titres, ne se sont pas donné la peine d’explorer correctement les sources des concepts qu’ils soumettent à leur analyses.
    En résumé, l’enquête de MM Joly et Roquebert est excellente pour tout ce qui concerne le point de vue sociologique du concept de pervers narcissique, mais elle a été totalement bâclée pour toute la partie relevant de la clinique de cette notion qui s’est transformée en une attaque personnelle envers l’auteur de ce concept (qui n’est nullement responsable de l’utilisation dévoyée que l’on peut aujourd’hui trouver dans de nombreux écrits).

    1. Bonjour, et merci pour votre réponse argumentée !
      Je n’ai pas lu l’article des sociologues cités de la même manière que vous. Je n’y lis pas une attaque personnelle contre Racamier, mais une analyse sociologique très fouillée et bienvenue sur la manière avec laquelle un concept psychanalytique complexe s’est transformé en fourre-tout médiatique. Les grilles de lecture psychologiques et sociologiques ne s’opposent pas forcément: elles décrivent l’objet sous un angle différent. Pour moi, les sociologues prennent souvent bien plus de précautions avec le psychologique que le contraire. Par ailleurs, je ne remets aucunement en question les travaux de Racamier. bien au contraire. Il demeure que les propos sexistes de Racamier ne doivent pas non plus être ignorés.

      1. Merci pour cet éclaircissement.
        J’avais bien compris que nous n’avions pas la même lecture de l’article dont vous vous êtes inspiré pour rédiger ce billet, d’où mon commentaire. Mais peut-être n’ai-je pas été moi-même suffisamment explicite. J’avais aussi bien compris que vous ne remettiez pas en cause les travaux de Racamier. Mais vous fondez votre article sur des auteurs qui, eux, le font (de façon très subtile, il faut le reconnaître).
        Nous sommes parfaitement d’accord concernant la partie sociologique de cet article et en désaccord sur la partie où il traite de la naissance de la notion de perversion narcissique. J’interprète cette partie comme une forme très subtile de disqualification qui n’a strictement rien à faire dans une étude qui prétend à un certain sérieux.
        Je suis également bien d’accord avec vous pour dire que les grilles de lectures ne s’opposent pas forcément. Elles se complètent même souvent. Si votre curiosité vous pousse à jeter un œil sur mon site, vous trouverez des articles de présentation d’un certain Ken Wilber, le philosophe des sciences le plus traduit au monde… totalement inconnu en France, et de sa théorie du Tout concernant une approche pertinente et très intéressante de l’ensemble de la connaissance humaine. Ce n’est qu’une carte, mais elle a le mérite d’exister et d’être suffisamment précise et détaillée pour pouvoir naviguer plus facilement dans la somme de connaissance acquise depuis les débuts de notre civilisation (de l’humanité ?). Je pense qu’aujourd’hui, un tel schéma devrait être connu de tous ceux qui s’intéressent aux sciences et à la pensée critique, car cela permettrait de résoudre un nombre considérable de conflits interdisciplinaires. Malheureusement, cette approche intégrative (ou intégrale, autre nom que lui donne Ken Wilber) en sciences humaines est quasi inexistante en France si l’on en croit l’excellent ouvrage de Maximilien Bachelart paru en 2017 : L’approche intégrative en psychothérapie.
        Ceci dit, pour juger si un propos est sexiste ou non dans le cadre d’une approche psychologique, il ne s’agit pas de le sortir de son contexte pour lui faire dire ce que l’on a envie qu’il dise, mais bien de s’assurer de la pertinence de l’affirmation que l’on incrimine. Autrement dit, il faut s’assurer du fait de savoir si un constat que l’on pose (ici,, celui de Racamier jugé “sexiste”) est cliniquement fondé ou non. Et surtout, il faut veiller, comme l’écrivent MM Joly et Roquebert dès la première phrase de leur dossier en citant Pierre Bourdieu : “Il est moins facile d’énoncer […] le rapport juste à la condition que l’on décrit que de projeter dans la description son propre rapport à cette condition”. Autrement dit en langage psychanalytique, il faut veiller à ne pas projeter sur autrui nos propres états d’âme. Selon moi, c’est ce que font ces auteurs en portant une fausse accusation sur la base de propos sortis de leur contexte.
        Cliniquement, Racamier avait une très grande expérience des institutions et des jeux de pouvoir qui peuvent s’y déployer. A lire MM Joly et Roquebert, cette expérience leur manque et il ne se positionne que du seul point de vue qui est le leur, c’est-à-dire un point de vue sociologique qui a peu à voir avec une approche clinique. D’où mélange, confusion, anathème et disqualification. En sortant du champ qui est le leur, ces auteurs portent là une appréciation psychologique qu’il ne cesse implicitement de dénoncer par ailleurs. Nous sommes alors dans le registre de la paradoxalité. Nulle pathologie ici, une simple confusion entre les différents domaines d’investigation y suffit (problème de carte et de territoire). Ce que le philosophe Ken Wilber a nommé “erreur catégorielle” (que j’ai moi-même appelé “dissonance interdisciplinaire” tant ce type de confusion est source d’incompréhension et générateur de conflit).
        J’abrège, car il y aurait encore beaucoup à en dire notamment en tentant de répondre à la question que vous posez très judicieusement en toute fin d’article : “Que restera-t-il de la perversion narcissique, le jour où les rapports de domination cesseront au sein des couples ?” La réponse à une telle question nécessiterait un véritable travail sociologique qui serait une extension possible à la théorie de la perversion narcissique. Encore faudrait-il pour cela ne pas nier que ce phénomène puisse exister, ce que font implicitement les auteurs, me semble-t-il (toutefois, par acquit de conscience, ma lecture de leur dossier datant un peu, je prendrais le temps de le relire, car je rappelle que je l’ai tout de même trouvé très bon et riche d’information sur un plan sociologique).

        1. Merci pour votre commentaire. J’irai jeter un coup d’oeil sur vos travaux et ceux de Ken Wilber !

  6. Cher Jérémie,
    Merci d’avoir mis en mot un malaise qui me parcourt depuis longtemps à l’évocation de “tous ces hommes pervers narcissiques”.
    Il y effectivement mésusage et collusion. En faisant référence à tord à un mécanisme de défense intrapsychique on pointe l’individu du doigt et l’on “psychiatrise” la question alors que la domination masculine n’est pas une maladie mais bien un problème systémique que l’on s’efforce de vouloir mettre sous le tapis. Et on en oublie au final que ce mécanisme de défense du Moi se déploie indépendamment du genre, qu’il existe des perverses narcissiques.
    Malheureusement, ça n’est pas la première fois (ni la dernière) que l’on utilisera la maladie psychique pour isoler, mettre à l’écart, ceux qui dérangent et nous confrontent aux failles de nos sociétés (patriarcales). La maladie psychique comme truelle pour se murer dans le déni.

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