Nos problèmes de riches : les vaccins Covid-19 !

La Confédération propose gratuitement des vaccins d’une qualité exceptionnelle à la population, ceci sur la base d’expériences très solides et des études scientifiques de très grande ampleur et qualité. Comment est-t-il possible qu’une frange importante de la population refuse ces vaccins ?

Mes collègues des pays africains nous répondent très simplement : vous avez des problèmes de riches ! Et notre arrogance est sans limites car nous avons perdu la conscience de la chance que nous avons dans notre pays.

 

Les deux vaccins disponibles en Suisse ont montré leur efficacité (95%) pour prévenir les formes sévères du Covid-19. Ils sont le meilleur moyen de contrôler la pandémie et ainsi de permettre à notre société de reprendre une vie normale. Environ 62% des habitants sont vaccinés ; au moins 80% serait nécessaire pour une bonne protection de la population, encore mieux serait d’atteindre 90% comme en Norvège par exemple. Ces vaccins protègent également contre le variant delta. Les formes graves du Covid-19 touchent également les jeunes, et la majorité des cas se retrouve chez les non-vaccinés.

Malheureusement des informations erronées circulent et sont adressées ici.

  • Les vaccins ne sont pas des produits génétiquement modifiées – l’ARNm est similaire à un brin de code informatique. Il ne peut pas s’intégrer dans nos gênes et ne peut pas modifier notre matériel génétique. Ces produits ne sont pas du tout comparables par exemple au maïs génétiquement modifié
  • Tous les composants de ces vaccins sont connus de longue date, donc aussi les possibles effets indésirables. Ceux-ci sont assez fréquents 1-2 jours après l’injection ; les effets secondaires graves sont extrêmement rares, selon des études scientifiques avec un très grand nombre de vaccinés et un recul de plus d’une année. La très grande majorité disparait en quelques jours.
  • Cette recherche révolutionnaire sur l’ARNm a débuté il y a 40 ans, et son potentiel reconnu dans la lutte contre le Covid-19. Les très importants investissements ont accéléré le processus en réduisant significativement le temps de production. Cette méthode permet une adaptation du vaccin en 8 semaines, ce qui est un avantage considérable pour lutter contre les variants.

De plus, des partis politiques comme l’UDC, distillent des messages désastreux pour la santé publique : la distinction « subtile » entre être pour la vaccination mais contre le certificat covid-19 a intellectuellement certes un certain sens, cependant au point de vue santé publique ces distinctions ne font que perturber la campagne de vaccination. Pour la santé du pays et notre économie, la vaccination généralisée est le seul moyen de gérer la pandémie intelligemment pour le bien de tous : ainsi nous devons tous promouvoir la vaccination dans un esprit de cohésion sociale.

La vaccination de tous, y compris des jeunes est nécessaire car le virus circule largement dans cette population. Les personnes infectées profitent également du vaccin. Comme la vaccination permet une protection personnelle et de la population, c’est un acte de solidarité dans notre société de se vacciner.

Bien des gens dans le Sud du Monde prendraient bien notre place et s’interrogent de notre arrogance de riches gâtés.

Forum Santé 2021: Un titre mal choisi : « le patient, ce grand oublié ?”

Les rencontres du journal Le Temps sont toujours intéressantes, animées et en rapport avec les problèmes de société, comme celui sur les transports par exemple.

Le Forum santé 2021 aborde un problème fondamental pour notre société touchant d’une part un bien essentiel et d’autre part mettant à mal nos finances individuelles. Aux vues de la tension grandissante entre prestations du système de santé et leur financement, le citoyen devrait pouvoir idéalement se prononcer dans une démocratie directe comme la nôtre. Le citoyen subit la hausse des primes sans pourvoir réagir. La réalité est que le rituel risible de la communication qui entoure la discussion opaque sur les primes d’assurance, reste inchangé aussi cette année. Ceci n’est qu’un exemple parmi bien d’autre.

Le titre du Forum 2021 : « le patient, ce grand oublié ? » est cependant mal choisi. La majorité d’entre nous sommes des citoyens matures et des clients potentiels du système de santé. Lorsque nous sommes patients, nous perdons l’objectivité nécessaire pour décider sur les réformes du système. Pour le politique, il est plus facile de faire vibrer la fibre du danger que représente la maladie, que la raison afin de préparer les changements de fond nécessaires urgemment à notre système de soins.


Le titre du Forum 2021 aurait pu être : °Quel système de santé pour notre pays et à quel prix ? » Notre système fonctionne avec une loi sur le financement du système (LAmal), et ainsi tous les intérêts particuliers défendent leurs tranches du gâteau, et nous les citoyens payons passivement la facture sans avoir de choix réel. Nous avons besoin d’une loi sur la santé qui rassemble nos aspirations en tant que société et ceci en regard des investissements que nous sommes prêts à payer. Ce choix est à la portée du citoyen, mais pas du patient. Une telle loi devra se baser sur les principes de santé publique : la pandémie nous a montré de façon criante que nous pourrions nous améliorer considérablement. La prévention ainsi que l’accès au système de santé devront être revus du point de la société dans son ensemble. Actuellement, le système est profondément fracturé entre tous les intérêts particuliers (cantons, hôpitaux, ambulatoires, assureurs médecins, pharmaciens, soignants… , etc.) bloquant toute réelle transformation. L’initiative sur les soins infirmiers sur laquelle nous voterons le 28 novembre est un exemple de manœuvre cosmétique que les lobbys n’osent pas critiquer par peur de mettre en danger leurs intérêts particuliers spécifiques.

Pourquoi ne pas proposer en 2022 une édition du Forum pour établir « une constituante pour une nouvelle loi sur la Santé en Suisse ».

Le mutant Indien : la rapidité virale et la lenteur coupable de l’OFSP !

Le 30 mars 2021 le nouveau variant indien est détecté en Suisse. L’OFSP informe par tweet le 24 avril 2021…. La situation catastrophique en Inde est à la une des médias depuis plus de 10 jours avec une explosion des cas sans précédent. Certes la situation n’est pas d’emblée comparable à celle en Europe. Cependant nous devrions être inquiets pour notre pays d’avoir un Office Fédéral de la Santé Publique aussi lent, procédurier et très éloigné des réalités des citoyens et de l’économie du pays qui tarde à réagir et informer.


La Suisse, plus d’une année après la première vague, ne dispose toujours pas d’un système performant pour le contact tracing ! Si nous voulons éviter une troisième vague ou du moins l’atténuer, un contact tracing électronique, centralisé et instantané est la seule alternative possible. De nombreuses solutions partielles et locales existent mais pas de solution unitaire pour le pays. La protection des données est toujours mise en avant pour expliquer l’absence d’un système qui informe immédiatement les personnes ayant été en contact avec un cas positif. Le fait est que l’OFSP manque de façon flagrante à ses obligations de protéger la population : l’informatique proposée ne fonctionne pas, l’OFSP se montre dogmatique et semble extrêmement méfiante envers le secteur privé qui propose des solutions existantes qui fonctionnent ? Pourtant avec un mutant aussi contagieux que celui décrit en Inde, il est nécessaire d’être très réactif.




La campagne de vaccination est lente en comparaison par exemple de celle en Israël. Une excellente émission de Temps Présent, montre très clairement que bon nombre de facteurs de ce retard sont liés en partie à l’incompétence de l’OFSP. Les délais de livraisons sont tout à fait compréhensibles et certainement pas de la responsabilité de l’OFSP. Le succès d’Israël repose cependant aussi sur une informatique de pointe, un dossier électronique du patient et une collaboration réelle entre les partenaires : personnel de santé, logistique, assureurs, état, … Pourquoi n’arrivons-nous pas aussi à une telle constellation ?


Troisième exemple : la gestion et promotion des tests dans les entreprises. Le processus de l’OFSP est typiquement le produit de quelques fonctionnaires éloignés de la réalité économique et scientifique. Le processus est trop complexe et surtout le délai en cas de découvertes de cas positifs est beaucoup trop long (48 à 72 heures). La solution évidente est une large utilisation des auto-tests nasale pour le personnel, avec en cas de positivité faire un test antigénique rapide (15 min) pour avoir le résultat tout de suite.



Ces exemples montrent que le perfectionnisme et la protection des données, nous empêche d’utiliser des solutions pratiques et efficaces pour réduire la circulation du virus dans la population. La Suisse dispose d’industries de pointe, d’écoles polytechniques et d’une informatique performante dans le secteur privé. Pourquoi, cette réticence du gouvernement d’utiliser toutes les ressources à notre disposition pour sortir gagnant de cette pandémie ? L’attitude actuelle ressemble plutôt aux méthodes soviétiques des plans quinquennaux … Ne serait-t-il pas temps de nous distancer des vues étatiques et socialiste de l’OFSP ? : il dispose de collaborateurs très compétents dans de nombreux domaines, mais l’organisation d’ensemble se paralyse elle-même, avec un réflexe du Bernard l’Hermite à la moindre critique et stérilise le bon sens.

 



Et pourquoi ne pas donner la gestion de la crise Covid-19 au CF Dr. Med. I. Cassis qui est médecin, spécialisé en santé publique et ancien médecin cantonal ?

Les limites du fédéralisme dans la gestion de la pandémie Covid-19

Depuis mars 2020 la pandémie Covid-19 est un vrai « stress-test » (analogie avec les banques) pour les démocraties dans le monde, en particulier pour les pays organisés en fédération comme la Suisse, les USA ou l’Allemagne.

 


Dans le canton de Berne, une étude récente compare la gestion de la pandémie en 1918 avec celle de la pandémie actuelle. Les auteurs ont eu accès aux archives de 1918-19 de toutes les communes (98 %) du canton, et ont pu ainsi comparer l’évolution de la mortalité en fonction des décisions politiques. Lors de la première vague, le gouvernement central du canton a fixé les mesures pour tout le canton. Cette première vague de la pandémie avait été relativement bien contrôlée. Lors de la deuxième vague en 1919, le conseiller d’état n’a pas voulu imposer des décisions à tout le canton, et a laissé les choix aux communes des mesures à prendre. Ceci a été associé à une très importante deuxième vague. Cette décentralisation est très vraisemblablement la cause de l’explosion des cas en 1919.

 


Les parallèles avec la gestion pour l’OFSP et le Conseil Fédéral sont assez évidents : la gestion centralisée de la première vaque a été assez bien contrôlée avec une politique rationnelle et centralisée, mais dès le premier déconfinement les mesures sont devenues de plus en plus confuses en raison de la volonté de gérer le problème selon un principe fédéraliste pour un problème qui lui ne connait pas la notion de frontières, ni cantonales ni nationales.

 



La gestion des programmes de vaccination ou de tests de masse sont des excellents exemples. La délégation de la gestion aux cantons introduit beaucoup de difficultés supplémentaires (et donc des coûts) sans compter les pertes de temps. Nous sommes 8.5 millions d’habitants, ce qui est très peu par rapport à d’autres démocraties, et ainsi cette fragmentation des chaînes de décisions est un luxe inutile et contreproductif. L’unique but est de tester mais aussi vacciner le plus possible de citoyens ceci le plus vite possible. Il est incompréhensible que le conseil fédéral et l’OFSP délègue leurs compétences afin d’atténuer des susceptibilités politiques ou locales. Nous sommes dans une situation d’urgence sanitaire, mais surtout économique, et ainsi la gestion doit suivre les principes d’efficience de l’industrie privée, et non les processus procéduriers de notre administration. Nous devons apprendre à reconnaitre les situations urgentes et vitales et adapter nos processus à la situation réelle : clairement suivre le but primaire, et non les méandres politiques locales car contraire au bien commun. Certains partis de ce pays devraient sérieusement revoir leur notion de bien commun et d’urgence !

Référence: Public Health Interventions, Epidemic Growth, and Regional Variation of the 1918 Influenza Pandemic Outbreak in a Swiss Canton and Its Greater Regions.
Kaspar Staub, PhD*; Peter J€uni, MD*; Martin Urner, MD et al.
Ann Intern Med. doi:10.7326/M20-6231 – 2021

La Suisse a-t-elle une stratégie COVID-19 : pour les tests, pour les vaccins ?

Une première année COVID-19 s’est écoulée : les surprises et les découvertes se sont succédé. Le développement du vaccin à m-ARN est certainement un exploit de notre société moderne. Par contre les relations entre les politiques et les scientifiques furent très chaotiques et indignes d’une démocratie : en Suisse la demande de museler la task force scientifique démontre un mépris pour la méthode scientifique ainsi que nos acquis démocratiques ; la gestion de la pandémie par l’administration Trump est le meilleur exemple du déni coupable des réalités scientifiques.


Le débat politique est très problématique, aussi bien en Suisse qu’en Europe : il se caractérise par le retour des barrières, à un moment où nous aurions besoin de collaboration et de partage face au COVID-19 qui lui ne connait pas de frontières. Dans un monde connecté, nous fragmentons nos efforts au lieu de les aligner : les limites du fédéralisme sont devenues criantes à tous les niveaux ; la communauté Européenne montre aussi clairement son repli avec un reflexe nationaliste.


De parler de dictature sanitaire du conseil fédéral est profondément contraire à notre état de droit et constitution, et insultant pour nos autorités qui doivent choisir des options en temps réel. Il doit choisir parmi les options proposées, principalement celles de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP). Malheureusement, il nous manque une claire stratégie de santé publique depuis le début : l’OFSP louvoie au gré des événements, et très souvent s’écarte des principes simples de l’épidémiologie. Les épidémies ne sont rien de nouveau et accompagnent l’humanité depuis des millénaires. Les porteurs sains sont un bon exemple : l’existence de ceux-ci fut mise en doute au début d’épidémie, bien que presque toutes les maladies infectieuses ont des porteurs sains (une des raisons d’ailleurs pour laquelle une épidémie peut se propager) – la prise en compte précocement de cette réalité aurait permis de mieux cibler les tests de screening et de quarantaine. Nous savons maintenant que la proportion de porteurs sains peut aller jusqu’à 50% des personnes infectées. Ces derniers alimentent largement la propagation de l’épidémie. De cette constatation devrait découler une stratégie de test à large échelle, ce que nous avons aussi raté jusqu’à présent.


Les conséquences économiques et sociales de l’absence de stratégie sanitaire associées aux problèmes du fédéralisme sont devenues évidentes et notre facture sera lourde. Le cafouillage avec les terrasses en montagne est un exemple, certes avec des implications mineures, mais révélateurs de la fragmentation issue du fédéralisme en Suisse. Les difficultés de rapidement établir un programme de vaccination est encore plus difficile à comprendre : pourquoi Israël est-t-il capable et nous pas ? L’OFSP ainsi que les cantons n’ont pas d’infrastructure logistique ni informatique pour un tel programme clé et urgent. Il aurait certainement été plus adéquat et plus efficace de s’adresser aux professionnels de la logistique pour faire le travail? Dans l’urgence économique dans laquelle nous sommes, il faut une gestion d’ensemble centralisée et ensuite décliner en périphérie la réalisation à des partenaires capables de le faire (c.à.d. qui ont une expérience logistique).


En suisse nous n’avons pas de dictature sanitaire car le conseil fédéral se base sur l’OFSP qui devrait préparer les options stratégiques pour le gouvernement. Cependant l’OFSP semble travailler en autarcie et sujet à un mode procédurier. JF Kennedy disait « L’art de la réussite consiste à savoir s’entourer des meilleurs » – Dans un pays avec des universités, des hôpitaux et des écoles polytechniques parmi les meilleures au monde ainsi que des distributeurs efficaces, l’administration avec son mode autarcique, ne sert pas le pays comme il le devrait. Pourquoi cette peur des faits scientifiques, du monde académique et de l’industrie ? Nous devons développer un mode d’emploi pour intégrer les connaissances acquises et les capacités des meilleurs, et non museler les scientifiques ou écarter des distributeurs du privé.

Nécessité d’utiliser très largement les tests virologiques de détection du covid et le « contact tracing » digital : une priorité absolue pour réussir le dé-confinement !

Pour quelques temps, ce blog va aborder des questions en rapport avec la pandémie actuel – Covid-19.

Comme ancien médecin cantonal du canton de Berne (2014-2018) et ayant repris un mandat dans le cadre de la pandémie (ouverture du Drive-In de Berne le 2.4.2020), je me concentrerai sur des thèmes très pratiques touchant nos vies de tous les jours : les mesures de protection, les tests virologiques (détection du covid) et sérologiques, les visites dans les EMS, le contact-tracing digital, mais aussi les personnes les plus touchées comme les sans-papiers, etc.

Aujourd’hui un grand nombre d’employés retournent à leur place de travail après 8 semaines de confinement : la validité ainsi que le coût sanitaires et sociaux devront être encore évalués. La reprise d’une vie normale et économique est indispensable, mais nous devons être prudents et considérer une deuxième vague comme une réalité. Tous s’accordent là-dessus, mais pas sur les mesures à prendre.

Lors d’une épidémie, il est essentiel de reconnaître très précocement les foyers infectieux. Chaque jour compte en particulier lorsque la contagiosité est élevée. Avec le covid-19 nous avons tous été très lents : nos systèmes d’alarme ne fonctionnent pas, et nous ne disposons pas des instruments informatiques de base pour contrôler une épidémie : registre des cas suspect en temps réel, système électronique de gestion des cas confirmés. Maintenant que nous avons une assez bonne connaissance du virus, reconnaître la deuxième vague devrait être nettement plus aisé. La rater sera de la négligence pure et simple.

Nous allons retourner dans les restaurants et les magasins. Comme assurer la meilleure sécurité possible pour les employés et leurs clients ? Les règles très génériques de l’office fédéral de la santé publique (OFSP) doivent être adaptées à chaque contexte particulier et rendues praticables pour le quotidien. Cette « traduction » demande de l’imagination, de l’innovation et des essais itératifs pour arriver à des mesures protectrices et opérationnelles pour l’économie. Mettre l’accent uniquement sur la santé n’est pas une option viable, et notre société doit trouver un équilibre optimal.

Les employeurs mettent en place les mesures de protection. Ils doivent s’assurer de leur compréhension et mise en pratique par tous les employés. Un climat de confiance mutuelle est indispensable au sein de l’entreprise car l’efficacité dépendra de l’effort commun. Les mesures actuelles de l’OFSP préconisent un confinement de 10 jours pour toute personne avec des symptômes. Pour une reprise de l’économie, ceci est inadéquat et contreproductif : d’une part l’évaluation personnelle de la gravité variera grandement d’un employé à l’autre, d’autre part par crainte de perdre leur emploi les collaborateurs ne s’annonceront pas pour une quarantaine spontanée lors de symptômes peu prononcés. Ainsi il y aura une augmentation des transmissions dans la population active. Cette non-reconnaissance précoce des cas d’infection aura comme conséquence que le confinement ne pourra pas se limiter uniquement à un petit nombre de personnes.

L’emploi très large des tests virologiques est nécessaire et doit être associé au « contact-tracing ». Ceci est également préconisé par la task force scientifique (ncs-tk.ch) Chaque employé doit s’annoncer s’il a des symptômes et aller se faire tester dans la journée (les tests devraient être pris en charge par l’employeur si le canton ou la caisse-maladie ne le font pas). S’il est positif, il restera à la maison pour les 10 jours de confinement et une analyse de ses contacts doit être faite, afin de pouvoir avertir ces derniers qui pourront alors aussi se faire détecter au moindre soupçon de la maladie. Pour celui qui a un test négatif, il pourra retourner au travail. Avec cet algorithme simple, la majorité des employés pourront travailler et ainsi éviter un nouveau confirment, tout en permettant d’identifier les cas de contagion.

                              Drive-In Berne

Le test virologique de détection du covid est la meilleure méthode dont nous disposons pour reconnaître les personnes infectées, et ainsi rechercher de façon ciblée les contacts potentiels des personnes positives et réduire substantiellement le nombre de personnes à mettre en quarantaine. L’algorithme comporte un risque résiduel, car les personnes infectées sont contagieuses déjà deux jours avant l’apparition des symptômes, mais aucune méthode ne peut actuellement réduire ce fait inhérent à toute épidémie. Ainsi, les tests virologiques pour le covid-19 doivent être largement accessibles et pris en charge financièrement par la confédération ou les cantons.

 

L’OFSP soutient timidement cette option, mais demande la prescription du test par un médecin afin d’assurer le remboursement de cette prestation par la caisse-maladie. Cette condition n’est ni pratique ni utile pour les cas simples, mais uniquement en cas de maladie avec un certain degré de sévérité nécessitant une consultation. D’un point de vue santé publique, les tests doivent être librement accessibles et gratuits : toute autre méthode crée des incitatifs négatifs.

 

Contact-tracing
                            Contact-tracing

Notre administration souffre d’un perfectionnisme chronique : ainsi nous manquons le plus souvent le moment optimal pour mettre une mesure en place. Le dernier exemple en date est le report du contact-tracing digital par le biais de nos smartphones. La méthode est pragmatique, efficace et adaptée à la situation actuelle – le contact-tracing manuel n’est pas possible dans le cadre d’une pandémie simplement à cause du nombre de personnes à contacter. Facebook, Instagram, etc. sont alimentés en continu par les citoyens, ce qui ne suffit pas dans ce cadre et que personne ne semble craindre. Ainsi, les arguties de juristes concernant la protection des données sont dangereuses et irresponsables dans le cadre de l’urgence pandémique. Avec un peu de courage et de pragmatisme le conseil fédéral pourrait simplement imposer le contact-tracing pour une période de quelques mois.

Contact-tracing digital
                    Contact-tracing Digital

La combinaison de l’utilisation très large des tests virologiques avec le contact-tracing représente la seule solution adéquate afin de permettre la reprise des activités, la protection de la santé et l’évitement d’une deuxième vague, ce qui est la seule solution pour réduire au maximum le risque d’une deuxième phase de confinement, que notre société aurait beaucoup de difficultés économiques à absorber.

 

Pourquoi la Suisse n’a-t-elle toujours pas de dossier électronique du patient ?

Le dossier électronique : triste réalité helvétique. Imaginez-vous, vous avez un pépin de santé ou un accident loin de votre domicile. Vous avez besoin des services de santé sur place, mais le médecin qui vous prend en charge n’a pas accès à votre récent bilan de santé pratiqué chez votre médecin traitant, et refait donc une partie des examens, comme par exemple les tests de laboratoire. De retour chez vous, vous aurez au mieux une lettre résumant les soins reçus. Votre médecin traitant n’aura donc pas d’accès en ligne à vos radiographies, examens de laboratoire ou protocole opératoire. Durant ce même séjour, vous avez retiré de l’argent dans un automate. Accepteriez-vous lors d’un deuxième retrait, deux jours plus tard, que l’automate affiche à l’écran : « nous ne savons actuellement pas de combien vous disposez sur votre compte, veuillez repasser dans 2 jours ».  C’est malheureusement exactement ce qui se passe avec vos données médicales sans que nous nous en offusquions ! Pourquoi ?

 

Le dossier électronique du patient est un instrument central pour la gestion des coûts de la santé : il contribue à la qualité des soins et permet une grande transparence dans l’analyse des coûts. Bien que notre système de santé helvétique nous coûte au moins 80 milliards par an (près de 10’000 CHF par personne !), nous ne disposons pas d’un tel outil au niveau national. La transparence est un des quatre piliers de la stratégie 2020 de l’OFSP : le constat est triste à l’aube 2020, car ceci est resté un vœu pieux, et l’absence de dossier électronique national en est une conséquence désastreuse. La Suisse héberge parmi les meilleures écoles technologiques au monde et dispose d’un secteur financier de pointe reposant fortement sur l’informatique. Donc, le retard ne peut pas être technologique.

 

 

Chez Kaiser Permanente (Californie), le dossier électronique existe depuis bien plus de 10 ans : il permet de gérer tous les aspects des soins ainsi que les finances du système de santé global. Cette gestion centrale leur permet d’être parmi les meilleurs aux USA avec un budget nettement moindre que le nôtre soit 80 milliards de US$ pour une population de 12.2 millions d’assurés. Ils sont aussi en mesure de publier un grand nombre d’études dans les meilleurs journaux scientifiques ceci dans des délais très courts, aussi un marqueur très clair de bonne qualité des soins. Pourquoi n’allons-nous pas apprendre chez les acteurs ayant une très large expérience ?

Un dossier électronique du patient unique et national accessible partout en Suisse, permettrait une très grande transparence financière dans les domaines des soins, ce qui est aussi un facteur essentiel pour la qualité. Il permettrait une analyse des activités et des coûts en temps réel, ainsi qu’une analyse coût/bénéfice profitable à la population. Ainsi nous aurions enfin la possibilité de faire des économies circonstanciées et documentées, et non des coupes arbitraires basées sur des prémisses politiques.

 

 

Mais le fédéralisme avec pour conséquence la fragmentation cantonale des soins ainsi qu’un perfectionnisme presque maladif bloquent tout progrès réel. La réalité est que nous sommes face à des résistances de médecins et de leurs associations professionnelles ainsi qu’à la passivité de l’OFSP. Pour certains, la transparence fait peur car elle pourrait remettre en cause certains dogmes, même peut-être la façon de fonctionner du système de santé dans son ensemble. Cette analyse qui serait facilement réalisable avec un dossier du patient électronique ainsi qu’une remise en cause de nos processus de soins sont la première étape incontournable pour tout progrès de notre système de santé d’un point de vue global.

 

Le corps médical affirme travailler uniquement pour le bien de leurs patients. Ainsi, pourquoi cette résistance au dossier électronique ?  Les lobbies ont réussi à repousser l’introduction du dossier électronique en ambulatoire et en plus à ne pas rendre obligatoire pour tout professionnel de santé d’y mettre les données ! Un dossier électronique incomplet n’est-il pas plus dangereux car on se base sur des données qu’on croyait complètes et qui ne le sont pas ? N’est-ce pas un risque de le tuer avant qu’il n’existe ? Auraient-ils peur de la transparence ? L’OFSP qui devrait stimuler, voir imposer le dossier électronique, multiple les comités, workshops, et groupes d’experts, mais principalement autour du problème de la protection des données. En Suisse, il est bien connu que pour bloquer un bon projet, il faut brandir la protection des données. Pourtant les Suisses font confiance à leur banque et ne semblent pas avoir de problème avec leurs cartes de crédits ou avec l’utilisation de bancomats, de services contactless etc. La technologie pour la protection des données existe donc. L’OFSP et la politique devraient enfin poser la question directement aux consommateurs de savoir quelle protection des données ils souhaitent, plutôt que d‘argumenter inlassablement entre eux.

 

 

Que répondraient les citoyens si on leur disait qu’avec l’utilisation d’un dossier électronique sécurisé comme leur carte de crédit, cela permettait de réduire leurs primes maladies de 15-20% ?

 

 

Le dossier électronique du patient unique et national est donc une priorité essentielle pour la qualité et la transparence dans le système de santé suisse. Il est une condition sine qua none pour contrôler les coûts. Actuellement le système de santé se comporte comme une industrie qui refuserait d’utiliser une comptabilité analytique, ce qui semble totalement archaïque à une époque où l’informatique permet une gestion sure et performante. Donc, si la politique et l’OFSP souhaitent être crédibles sur la question du contrôle des coûts, ils doivent imposer au plus vite un dossier électronique unique et national. Les projets actuels ne visent pas un dossier unique et national, ne donnant ainsi aucune garantie d’être accessible partout en Suisse. Tout retard contribue au désastre du statu quo et alimente l’explosion des coûts.

Quant à nous, citoyens payeurs de prime, nous devons exiger que ce dossier soit rapidement mis sur pied, qu’il soit accessible partout en Suisse et qu’il soit complet en forçant la main à tous les professionnels de santé pour que toutes nos données y soient.

N’oublions pas : le dossier médical appartient au patient !

 

Prochain thème: le cancer – éthique, finance et information du patient/client.

La vaccination dans les pharmacies : une évidence de santé publique ?

Le but premier de la santé publique est de prévenir les maladies aussi bien infectieuses (tétanos, poliomyélite, méningite, rougeole…) que non transmissibles (hypertension, obésité, diabète…). La découverte du principe de vaccination et l’introduction à large échelle des vaccinations ont permis de réduire très fortement la mortalité et morbidité (gens atteints d’une maladie, par exemple la grippe, mais qui n’en meurent pas) dues à certaines maladies infectieuses, ceci en particulier chez les enfants. Par exemple, les cas de poliomyélite sont devenus très rares en Suisse – celle-ci était la cause de paralysie irréversible et provoquait des handicaps majeurs chez la personne touchée.

 

 

En Suisse, nous avons chaque année une campagne de vaccination contre la grippe recommandée par l’Office Fédéral de la Santé Publique(OFSP). Le but est de réduire la circulation du virus dans la population : pour contrôler une épidémie, il faut au moins 80% de la population-cible vaccinée. Pour atteindre cet objectif, la condition essentielle est d’assurer un accès simple et rapide à la vaccination à la population générale en bonne santé. Les médecins vaccinent dans leurs pratiques, et considèrent que ceci est leur prérogative, même si la plupart du temps ce sont leurs assistantes médicales qui vaccinent. Aller chez le médecin pour se vacciner n’est pas un problème si la personne est suivie pour d’autres affections et doit de toute façon y aller.  Cependant pour les personnes en bonne santé, ceci ne fait aucun de sens, ni du point de vue médical ni du point de vue logistique.  Ainsi il est essentiel dans le système de santé suisse, que la vaccination soit accessible dans les pharmacies : les personnes peuvent aller sans rendez-vous, ceci sur leur chemin du travail ou le week-end par exemple.

Durant de nombreuses années, les organisations médicales dans de nombreux cantons s’y sont opposées ; plus grave l’OFSP qui devrait défendre les principes de santé publique, ne soutenait pas non plus cette démarche pour des raisons obscures. Actuellement encore certains cantons s’obstinent à interdire la vaccination en pharmacie malgré le fait que la vaccination soit maintenant inscrite dans la loi fédérale sur les professions médicales universitaires comme fonction attribuée aussi au pharmacien.

 

 

 

 

 

 

 

L’OMS a lancé une campagne de vaccination contre la rougeole pour les personnes non-vaccinées et pour celles qui sont incomplètement vaccinées (besoin d’une dose de rappel) Pour arrêter la transmission de ce virus extrêmement contagieux dans une population, il faut plus que les 80% de couverture : dans ce cas, on estime qu’il faut que 95% de la population soit vaccinée complètement. Nous avons actuellement une épidémie de rougeole en Suisse : à première vue étrange pour un pays hautement structuré avec un budget de santé de presque 80 milliards pour 8.5 millions d’habitants. Pourquoi ?  Je n’aborde pas ici le problème du sous-groupe irresponsable de la population qui s’oppose par principe aux vaccinations. Une couverture vaccinale de 95%ne peut être atteinte que par un large accès au vaccin : pharmacies, soignants en santé primaire, etc.  Là également, l’OSFP ainsi que les associations médicales ont refusé le principe de vaccination en pharmacie des personnes en bonne santé lors du lancement de la campagne en 2015. Donc son échec était très clairement prévisible : nous avons actuellement une couverture d’environs 87% seulement. Et malgré l’épidémie et l’urgence d’action, seuls 7 cantons (dont VD et FR) acceptent la vaccination contre la rougeole en pharmacie mais seulement pour des personnes de plus de 16 ans. Lors de ce débat, les discussions rationnelles n’ont pas été possibles et la logique lobbyiste a prévalu : de la part de médecins ceci est encore explicable, mais le manque d’appui de l’OFSP dans cette question de santé publique est inadmissible car il ne remplit pas son mandat primaire. Ainsi, un large rapport a été publié (il ne va être bon que pour les archives) – mais la réalisation pratique a échoué et ceci de façon prévisible. Par rapport à nos voisins européens, nous sommes vraiment les mauvais élèves.

 

La vaccination : une responsabilité personnelle et collective !

Comment cela est-t-il possible ? Avons-nous à faire à une guérilla des lobbys, ceci au dépend de la santé publique et de la population ? La réponse est clairement oui : l’intérêt particulier des médecins prévaut sur celui de la santé publique. Même si on peut le comprendre du côté des médecins qui défendent leur revenu, la position de l’OFSP est incompréhensible.  Dans la structure helvétique, les maladies infectieuses sont du ressort de la confédération, donc de l’OFSP qui doit mettre en pratique les principes de santé publique à l’échelle nationale. Les maladies infectieuses ne connaissent pas de frontièreset donc une stratégie nationale voir européenne est nécessaire et indispensable. En effet la vaccination protège bien l’individu, mais pour avoir un effet maximal sur une population il faut avoir un nombre important de personnes qui soient vaccinées (voir schéma). Ainsi pour les vaccinations, l’OFSP pourrait et devrait édicter des règles et principes que tous les cantons doivent suivre. La réalité actuelle est que chaque canton bricole des lois cantonales, ceci en fonction des intérêts des lobbys locaux.

Donc en cette matière, le rôle central de l’OFSP doit être renforcé, et le politique doit exiger de l’OFSP que le rôle de santé public prévale sur les débats des lobbys pour le bien de la population suisse

 

La vaccination protège l’individu, mais aussi la population parce qu’elle diminue la circulation des germes responsables. Mais ceci nécessite qu’une grande partie de la population soit vaccinée (Grippe 85%, Rougeole 95%).

Prochaine thème : Pourquoi la Suisse n’a-t-elle toujours pas un dossier électronique du patient ?

L’inter-professionalité : réalité vécue ou illusion très helvétique ?

Les maladies chroniques sont en forte progression dans les sociétés occidentales. C’est le corrélat à l’augmentation de l’espérance de vie. De plus, nous vivons mieux que la génération précédente malgré ces affections chroniques. Ces développements ont des répercussions très profondes pour nos sociétés, dont nous ne mesurons que très partiellement les conséquences au long terme (par exemple l’impact sur les caisses de pension ou sur l’AVS). Ceci explique aussi une partie de la croissance des coûts de la santé, et dans ce contexte des adaptations importantes seront indispensables au niveau de la production des soins.

 

 

Le système de santé actuel est très performant pour l’aspect diagnostic et traitements d’épisodes aigus. La formation médicale est fortement axée sur ces aspects hautement techniques. L’augmentation des affections chroniques change cela en profondeur. En effet, une fois le diagnostic établi et le traitement choisi, la difficulté principale réside dans le suivi du patient : compréhension du traitement, adhérence au traitement, gestion des poly- médications soins au quotidien, soins à domicile, continuité des soins entre hôpital et retour à domicile ou prévention des hospitalisations. Pour la qualité de vie et l’économicité des soins, la gestion de ces affections chroniques doit se faire le plus possible en ambulatoire avec les patients vivant à leur domicile. La partie chronique des maladies est maintenant devenue beaucoup plus longue que la période diagnostic et prise en charge en aigu.

Considérons un instant les soins chroniques comme une « chaine de production ». Pour être efficace nous devons connaître au mieux quelles sont les étapes nécessaires pour cette production et comment articuler les différentes étapes afin d’optimiser la qualité pour le patient-client ainsi que l’économicité des soins. Dans un deuxième temps, les qualifications de chaque intervenant doivent être évaluées pour savoir qui est le mieux formé et le plus économique pour effectuer quelle intervention. En dernier lieu, une comparaison avec le système actuel est nécessaire. Toute industrie confrontée à une augmentation des coûts fait cet exercice. Monsieur Henry Ford a rendu possible la vente de voitures (Modèle T) au grand public après avoir analysé ses méthodes de production et impliqué ses ouvriers l’analyse des chaînes de productions. Pourquoi nous ne le faisons pas pour notre industrie de la santé ?

 

 

A juste titre, les différentes associations médicales (FMH, sociétés cantonales) nous alarment sur l’augmentation importante des soins à prodiguer à l’avenir en relation avec les maladies chroniques. Leur solution est d’augmenter le nombre de médecins, dans un pays qui a déjà une pléthore (voir article précédent). Cette solution est irréaliste pour deux raisons simples : nous ne trouverons pas les médecins de premier recours car les incitatifs économiques sont toujours et encore en leur défaveur, et si nous les trouvions, les coûts engendrés seraient tels que nous ne pourrions plus les financer. D’un point de vue santé publique et économie, la solution est de répartir les tâches dans les soins différemment et de faire appel au principe d’inter-professionalité. Celui-ci est ancré dans la loi sur les professions médicales (articles 6 et 7), mais largement ignoré voir combattue par les différents lobbys des médecins.

 

Citation de Henry Ford :

Se réunir est un début ; Rester ensemble est un progrès ;
Travailler ensemble est la réussite.

 

Ainsi, nous devons repenser notre chaine de production des soins. La collaboration entre les différents intervenants doit être redéfinie et fluidifiée : la gestion des affections chroniques demande d’autres types de soins que ceux donnés par les médecins au cabinet médical ou dans les hôpitaux. Par exemple, lors de la sortie d’hôpital, le transfert d’information au médecin traitant, à l’EMS ou au pharmacien reste trop souvent problématique, ce qui est un critère de très mauvaise qualité à notre époque digitalisée ! Comment expliquer au citoyen l’absence de dossier électronique du patient uniforme et accessible dans tout le pays ? (Article futur sur le sujet) Mis à part l’aspect technique de la transmission d’information, il y a un facteur humain très important qui fait défaut chez nous : la volonté de collaboreravec les autres professions Le législatif a en fait actualisé les lois avant d’étudier le processus de production des soins, bétonnant ainsi les différentes professions sans réfléchir desquelles nous aurons vraiment besoin dans le futur et pour quelles tâches.

La nécessité d’étudier et de comprendre notre chaîne de production des soins est devenue urgente afin de comprendre les raisons de l’explosion des coûts. Nous disposons de nombreux exemples dans l’industrie, cependant personne ne semble oser faire cette analyse critique qui est cependant le premier pas essentiel pour comprendre un système qui a grandi sous l’influence prépondérante des lobbys.

 

La semaine prochaine, je discuterais un exemple pratique :
La vaccination dans les pharmacies : une évidence de santé publique.

 

La Suisse a-t-elle une pénurie ou une pléthore de médecins ?

 

Les politiciens et les assureurs recommandent de consulter le médecin de famille lors d’un problème médical. Cependant, lorsqu’un médecin de famille prend sa retraite, il a souvent de la peine à remettre son cabinet à un successeur et parfois doit fermer sa pratique. Les patients eux ont fréquemment des difficultés à retrouver un médecin de premier recours, et ainsi se rendent directement aux urgences de l’hôpital quand ils ont un problème médical même mineur. Corollaire, les urgences sont à leur tour surchargées par ces patients qui vont bloquer le flux pour les vraies urgences. Un développement très coûteux et médicalement inefficace.

 

Campagne de la direction de la santé publique du canton de Lucerne
Campagne de la direction de la santé publique du canton de Lucerne

 

Où se situe exactement le problème ? Aurions-nous une pénurie de médecins ?  La Fédération des médecins suisses (FMH) compte 37’525 médecins enregistrés (chiffres de 2018). Avec une population en Suisse d’environ 8,5 millions d’habitants, cela équivaut à un médecin pour 250 habitants. Selon les études de l’OCDE, il suffirait en fait d’un médecin pour 1500 habitants ! Nous n’avons donc certainement pas de pénurie mais clairement une pléthore de médecins.

Et que font les médecins en Suisse : sont-ils médecins de famille ou spécialistes? Parmi les médecins inscrits, 60% sont des spécialistes (donc 1 pour 400 habitants) et 40% sont des généralistes (1 pour 600 habitants). Or, là aussi selon les études de l’OCDE, la répartition devrait être exactement inversée pour un fonctionnement optimal du système de santé.  Un trop grand nombre de spécialistes est très inefficace d’un point de vue des soins primaires et de plus génère des coûts importants. Afin d’optimiser le système et d’avoir un triage de haute qualité dans les soins de base, nous devrions donc avoir au moins 60% de généralistes.

Est-ce qu’il y a une différence entre ville et campagne? Le manque relatif de généralistes se fait particulièrement sentir dans les zones périphériques, et les nombreuses fermetures de cabinets médicaux dues à l’absence de successeurs obligent la plupart des médecins qui restent dans les zones rurales de fournir des services d’urgence (24 heures sur 24) un à deux jours par semaine, alors que leurs collègues des zones urbaines ne fournissent souvent qu’un à quatre services d’urgence sur une année entière. Et cela bien que les deux groupes soient rémunérés de façon égale. Il est bien clair que cela rend l’activité dans les zones rurales moins attrayante et accentue de facto l’inégalité ville campagne.

Quelles sont les conséquences de ces dysfonctionnements? La fonction de triage par le généraliste devrait être la base dans un système de santé optimal, conscient du rapport coût/bénéfice et de l’aspect santé publique. Or le triage n’est plus assuré de façon adéquate à cause du manque relatif des médecins de premier recours. Les spécialistes ne sont pas en mesure d’assurer ce triage. Ceci est un exemple très classique de distribution économique perverse en lien avec des incitatifs mal ajustés à la réalité. Dans tout autre secteur de l’économie, ce problème serait corrigé par la concurrence. Mais pas dans celui de la santé suisse. Une part importante de l’augmentation des coûts est attribuable à ce problème de distribution.  En Suisse on estime quechaque nouveau médecin qui pratique coûte 500’000 CHF supplémentaires par année au système de santé. Entre 2017 et 2018, la FMH a fait état de 625 nouveaux médecins inscrits : converti en coût pour le système cela équivaut à environ 312 millions par an de coûts supplémentaires. Cet effet pervers pourrait être traité efficacement en ajustant les incitations financières. Selon la loi sur l’assurance maladie, la médecine ambulatoire est organisée comme un secteur privé. Mais dans un système actuel avec des tarifs fixes (TARMED/TARDOC) et une rémunération des médecins à l’acte, la concurrence ne fonctionne pas : pour comprendre cela il n’est pas nécessaire d’être économiste !

Bien que le système de soins existant ait clairement atteint ses limites, la FMH le défend avec véhémence et parle de pénurie de médecins dans le futur. Notre système de santé est un système de pointe reconnu à l’échelle mondiale, mais il est manifestement trop coûteux et l’absence de triage en soins primaires est un problème important de sa qualité déficiente. Quelles sont les raisons pour lesquelles l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) a tant de mal à l’exprimer clairement ? Le lobby de la profession médicale est-il mieux représenté que l’intérêt de la santé publique ?

En réponse à cette pseudo pénurie de médecins, la politique pousse à augmenter le nombre de places d’études en médecine. Mais tant que les incitations financières ne seront pas corrigées, la pénurie relative de médecins de premier recours persistera et les coûts augmenteront inexorablement. Dans tous les autres secteurs de l’économie, le revenu des généralistes augmenterait, celui des spécialistes diminuerait, corrigeant petit à petit la pénurie.  En principe, cela serait très facile à faire via le tarif des services (TARMED/TARDOC), par exemple par l’intervention du Conseil fédéral.

Il est temps de repenser le système de santé en profondeur. Les besoins des clients, c’est-à-dire de la population, doivent être pris au sérieux. Les activités et les tâches doivent être redistribuées selon les principes de rentabilité des coûts et de qualité. L’exemple de la stratégie de vaccination contre la rougeole est parlant :  la couverture vaccinale en Suisse est trop faible (nous sommes les mauvais élèves en Europe). Le but d’atteindre une couverture à 95% en 2019 en Suisse était déjà perdu d’avance car l’OFSP a limité l’accès à la vaccination. Nous aurions eu des résultats nettement meilleurs par une redistribution des tâches avec par exemple la possibilité de vacciner les personnes en bonne santé dans les pharmacies. Bien qu’il existe déjà des cantons qui suivent ce système, l’opposition lobbyiste de la profession médicale fut très forte et l’Office fédéral de la santé publique n’a pas eu le courage de défendre les principes de santé publique.

Beaucoup de courage politique est donc nécessaire afin de pouvoir remporter des succès face à cette spirale des coûts

Question pour la semaine prochaine : L’interprofessionalité – réalité vécue ou illusion très helvétique ?

 

La santé, la maladie et ses coûts nous suivent    durant toute la vie.