Depuis mars 2020 la pandémie Covid-19 est un vrai « stress-test » (analogie avec les banques) pour les démocraties dans le monde, en particulier pour les pays organisés en fédération comme la Suisse, les USA ou l’Allemagne.
Dans le canton de Berne, une étude récente compare la gestion de la pandémie en 1918 avec celle de la pandémie actuelle. Les auteurs ont eu accès aux archives de 1918-19 de toutes les communes (98 %) du canton, et ont pu ainsi comparer l’évolution de la mortalité en fonction des décisions politiques. Lors de la première vague, le gouvernement central du canton a fixé les mesures pour tout le canton. Cette première vague de la pandémie avait été relativement bien contrôlée. Lors de la deuxième vague en 1919, le conseiller d’état n’a pas voulu imposer des décisions à tout le canton, et a laissé les choix aux communes des mesures à prendre. Ceci a été associé à une très importante deuxième vague. Cette décentralisation est très vraisemblablement la cause de l’explosion des cas en 1919.
Les parallèles avec la gestion pour l’OFSP et le Conseil Fédéral sont assez évidents : la gestion centralisée de la première vaque a été assez bien contrôlée avec une politique rationnelle et centralisée, mais dès le premier déconfinement les mesures sont devenues de plus en plus confuses en raison de la volonté de gérer le problème selon un principe fédéraliste pour un problème qui lui ne connait pas la notion de frontières, ni cantonales ni nationales.
La gestion des programmes de vaccination ou de tests de masse sont des excellents exemples. La délégation de la gestion aux cantons introduit beaucoup de difficultés supplémentaires (et donc des coûts) sans compter les pertes de temps. Nous sommes 8.5 millions d’habitants, ce qui est très peu par rapport à d’autres démocraties, et ainsi cette fragmentation des chaînes de décisions est un luxe inutile et contreproductif. L’unique but est de tester mais aussi vacciner le plus possible de citoyens ceci le plus vite possible. Il est incompréhensible que le conseil fédéral et l’OFSP délègue leurs compétences afin d’atténuer des susceptibilités politiques ou locales. Nous sommes dans une situation d’urgence sanitaire, mais surtout économique, et ainsi la gestion doit suivre les principes d’efficience de l’industrie privée, et non les processus procéduriers de notre administration. Nous devons apprendre à reconnaitre les situations urgentes et vitales et adapter nos processus à la situation réelle : clairement suivre le but primaire, et non les méandres politiques locales car contraire au bien commun. Certains partis de ce pays devraient sérieusement revoir leur notion de bien commun et d’urgence !
Référence: Public Health Interventions, Epidemic Growth, and Regional Variation of the 1918 Influenza Pandemic Outbreak in a Swiss Canton and Its Greater Regions.
Kaspar Staub, PhD*; Peter J€uni, MD*; Martin Urner, MD et al.
Ann Intern Med. doi:10.7326/M20-6231 – 2021
Bonjour et merci pour votre texte passionnant. Le bien commun tout à fait !
Mais que signifie encore « bien commun » face à l’empilement des richesses dans les coffres-forts des Pharmas ? Absolument rien du tout. Et que fait notre gouvernement pour définitivement briser cette mainmise absolue ? Absolument rien du tout. Il est même complice de leurs exactions en leur fournissant d’emblée un vrai passeport d’exemption de responsabilités (en cas d’effets secondaires délétères voire mortels des nouveaux vaccins et cet après-midi nous voyons encore une annonce à ce sujet).
Suite à la suggestion d’un internaute, je suis en cours de lecture de « Une histoire des inégalités : de l’âge de pierre au XXI ème siècle » Prof. Walter Scheidel, Stanford (Actes Sud ed.). Édifiant par rapport au « bien commun ».
Et merci beaucoup pour la référence dans Ann Intern Med 2021 …. .pdf d’emblée téléchargé. Le seul microscopique bémol à mes yeux concerne un des relecteurs cités dans les « acknoledgments » et dont les apparitions télévisées par rapport à la pandémie actuelle sont décevantes, un peu comme s’il avait été d’emblée disons « muselé ».
En accompagnement de cette étude rétrospective de Staub K, et al, nous aurons toutes et tous noté le très intéressant commentaire éditorial de Graham Mooney (https://doi.org/10.7326/M21-0449 Ann Intern Med du 09.02.2021). Du même Graham Mooney, nous avions déjà l’an dernier « A menace to the public health – contact tracing and the limits of persuasion” (NEJM 2020; 383:1086-8).
Les limites de la persuasion ! Tenter de persuader une population de plus en plus réticente/réfractaire et très méfiante envers ses propres autorités devient un travail bien plus difficile que les 12 travaux d’Hercule……
Une excellente soirée.