Le livre de la ZAD

Vendredi passé, 30 mars 2023, 2 ans exactement après que la police a mis fin à la ZAD du Mormont, est paru le livre qui fait revivre cette expérience historique.

Rappelons les faits.

  1. Le Mormont est cette étonnante extension du Jura qui divise le canton de Vaud entre le Nord et le Sud. C’est notre « milieu du monde ». C’est un site naturel d’importance nationale qui fut un mystérieux haut lieu de la civilisation celte et un canal de navigation au début de l’ère industrielle. Aujourd’hui, l’usine de ciment Lafarge-Holcim d’Éclépens en fait sa matière première pour le bétonnage de nos régions; ce faisant, le site est le plus grand producteur de CO2 du canton (quelque 8%). L’usine a déjà creusé un très grand trou ; elle veut le faire beaucoup plus grand. Il y a pourtant longtemps que ce site cher aux vaudois est âprement défendu par les protecteurs de la nature. https://www.sauvonslemormont.ch/association/buts/.
  2. Le monde fait face à une crise vitale. Dans son langage mesuré, le GIEC le dit plus fort que jamais dans son rapport de synthèse publié il y a dix jours. Le résumé en 6 points est ici : https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/6e-rapport-devaluation-du-giec-6-points-cles-et.
    La conclusion en est que, pour sauver notre civilisation, il faut sortir très vite de l’usage des combustibles fossiles et changer radicalement notre relation à la nature. Malgré beaucoup de paroles et quelques efforts préliminaires, nous en sommes loin. Dans la situation actuelle, le monde dans lequel nous vivons court à sa perte. J’ajoute que, personnellement, je reste persuadé que si nous le voulons, nous pouvons le sauver.
  3. Le 17 octobre 2020, huit mois après la fameuse mise aux arrêtes de rigueurs du pays en raison du Coronavirus, un groupe de jeunes, proches des mouvements de défense de la vie et du climat, s’installent sur le plateau de la Birette au Mormont. C’est le prochain endroit visé par Lafarge-Holcim pour continuer d’approvisionner son usine d’Éclépens. Ces jeunes sont venu⋅e⋅x⋅s  parce que, ça ne va pas de laisser notre civilisation courir à la catastrophe, ça ne va pas de détruire la nature, ça ne va pas de vivre chacun pour soi. Iels sont venus parce qu’iels voulaient sauver la Birette et ses orchidées et parce qu’iels voulaient vivre ensemble la vie qu’iels voulaient juste. Iels l’ont fait avec force, courage et détermination jusqu’au 30 mars 2021 quand la police est venue mettre violemment fin à leur expérience.

Et alors ? Que faire et que devenir quand s’écroulent 5 mois de vie intense, d’engagement enthousiaste, de rêves, de danses, de rires, de joies et de luttes ? Que faire quand il ne reste qu’un vide immense – comme la carrière que Lafarge-Holcim va continuer de creuser ? Que faire quand beaucoup sont poursuivi⋅e⋅x⋅s, harcelé⋅e⋅x⋅s, menacé⋅e⋅x⋅s, condamné⋅e⋅x⋅s  par un système obtus et sans pardon ? Comment s’en sortir ?

Ce fut dur. Les zadistes et celleux qui leur étaient proches ont essayé beaucoup de choses ; en particulier iels ont créé le livre de la ZAD (Edition d’en bas, Lausanne).  Il a pour titre « Orchidées contre béton armé » avec, en sous-titre, « Mémoires de la ZAD de la colline » . C’est un livre qui pèse 1,4 kg et qui compte 500 pages ; il présente quelques 150 contributions signées par 50 auteurices, chacun⋅e⋅x – sauf trois – identifié⋅e par le pseudonyme qu’iel s’était donné⋅e sur la ZAD. L’œuvre est une somme de photos, de dessins, de peintures, de chants et, surtout, de textes, criant la joie, l’espoir, la fureur et, toujours, l’émotion de celleux qui ont vécu l’extraordinaire aventure de la ZAD et qui veulent la faire perdurer.

La faire perdurer ! Eh oui, il le faut, car, de deux choses l’une : ou bien notre société fera sien le message des zadistes – moyennant les adaptations nécessaires à son extension – ou bien elle sera emportée avec le chaos du climat et la détresse de la vie.

En attendant, je vous propose d’acheter et méditer « Orchidées contre Béton armé » disponible en librairie depuis hier. En vous dépêchant, vous pourrez aussi aller voir le spectacle « BOOOM ! », au théâtre de Vidy jusqu’au 6 avril. Plus tard, il sera à Genève et à La Chaux-de-dond. Dans le fond, « BOOOM ! » ou « Orchidées contre béton armé », le message est le même. Bonne lecture, bon spectacle.

Jacques Dubochet

Jacques Dubochet, professeur honoraire à l'UNIL. Il a développé, dans les années 80, les fondements de la cryo-microscopie électronique qui lui ont valu un prix Nobel de chimie en 2017. Citoyen actif, il est préoccupé par l’impact de la science sur la société. Il croit que c'est la jeunesse qui surmontera la crise du climat et de la vie.

7 réponses à “Le livre de la ZAD

  1. Et c’est quoi l’alternative ? Importer le ciment d’ailleurs ? Vous avez autre chose à proposer que le béton pour construire des ponts, des hôpitaux, écoles, immeubles… ?
    C’est facile de s’ériger contre quelque chose quand on n’a rien d’alternatif. C’est pareil pour les produits phytosanitaires que les verts veulent interdire, mais pour lesquels il n’y a pas d’alternative sauf à perdre 50 à 70% des récoltes…
    On peut toujours critiquer, mais il faut proposer des alternatives crédibles.

    1. Le béton armé n’existe que depuis un siècle. Noa ancêtres ont pourtant construit quelques beaux édifices avant !

      1. Ils n’avaient pas non plus l’électricité, l’eau courante, les stations d’épuration….
        Votre conclusion, c’est vivre dans les cavernes?

  2. Ce billet comme les autres du professeur Dubochet met mal à l’aise toute une classe de la population, peut-être une majorité, qui croit que le néolibéralisme ou sadolibéralisme, comme le bétonnage, est un héritage et un progrès de notre civilisation qu’il faut préserver à tout prix, même avec les moyens les moins démocratiques. Dans le même type de rapport démocratique, on n’était pas loin, il n’y a pas longtemps, d’une vaccination expérimentale obligatoire, parce que ça remplissait les poches de quelques “influenceurs”.
    Si le néolibéralisme toxique ne peut pas être questionné et discuté dans ce pays, alors que les conditions climatiques se dégradent, c’est grave et très inquiétant. C’est comme avec les banques, il faudra que la dernière s’effondre, et la Suisse avec, pour que le Suisse moyen commence enfin à réfléchir sur sa suissitude et sa connerie.

    1. Je déduis de votre phrase de votre commentaire que vous vous considérez comme un Suisse supérieur et pas con du tout.
      Je vous remercie donc d’avoir eu la magnanimité de nous faire réaliser la gravité de cette tare qu’est la suissitude.
      Civilement.

  3. Pour information, Lafarge cité ici ne fait plus partie du groupe Holcim. Quand les éditions d’En-Bas, pour mettre en valeur cet ouvrage à peine sorti de presse, qualifient <> de “débordement d’émotions”, je ne vais certainement ni l’acheter ni le lire. Je serais d’ailleurs curieuse de savoir si les écologistes convaincus de leur combat sur la colline connaissent les lieux cachés où poussent les rares orchidées de Suisse… Quant au béton armé, je recommande les livres et conférences de Rudy Ricciotti ainsi que le magnifique film consacré à cet architecte en 2021, réalisé par Catherine Benazeth. Le béton 2023 – et de ces deux dernières décennies – est rejeté massivement mais peu analysé et compris! Et, paradoxe apparemment inaccessible aux verts très mauves, c’est un matériau non importé d’Outremer, qui mobilise du personnel, des ingénieurs et des chercheurs en proximité, propre, recyclable, et encore en évolution. D’ailleurs, on peut écouter ce que les fils de Ricciotti, Romain et Enzo, ingénieur et chef de travaux suggèrent pour ce qui est de la réduction très substancielle de production de CO2 dans leurs réalisations.

  4. Où est la violence ? Faire partir des gens , après les en avoir avertis à plusieurs reprise, occupant illégalement un terrain privé, y faisant mult dégradations, y compris fouler aux pieds les orchidées dont ils n’avaient rien à faire, et en laissant sur place dès tonnes déchets très ecolos dont des groupes électrogènes …..??? Ou occuper illégalement un terrain privé en y faisant toutes sortes de dégradations, tout en dépendant financièrement joyeusement de ceux qui, eux, travaillent et ne vivent pas plusieurs mois, pendus aux arbres et grâce aux impôts des pauvres c… qui ont autre chose à faire que de se cacher derrière des prétextes ecolos . Ces gens , toujours « contre », n’ont rien proposé de constructif, réaliste et réalisable. Certains en ont fait un art de vivre, venant de l’étranger et vivant de zad en zad, toujours aux frais des autres.
    Ces mêmes , sont bien contents d’ emprunter routes, ponts et tunnels, et de vivres dans des maisons avec béton. Et vouloir nous empêcher de produire chez nous cette matière première indispensable , revient à proposer de l’importer de loin, avec le bilan écologique négatif que l’on connaît .

    Sortir des énergies fossiles, personne n’en disconvient . Oui mais : les ecolos sont contre le rehaussement des barrages, contre les éoliennes, contre la mise en place de panneaux solaires partout …et contre les centrales nucléaires . Et encore une fois, ne proposent rien de réaliste et réalisable .

    On attendrait au moins un discours positif, créatif, avec des propositions alternatives et des encouragements, de la part de quelqu’un qui a tout de même théoriquement un niveau intellectuel le lui permettant . On attendrait de lui d’autres réponses que les jérémiades habituelles sur une génération condamnée par un « sytème obtus et sans pardon ». ( dont il a largement profité , soit dit en passant ) Quel bel exemple

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