Composez votre Conseil fédéral!

On a compris que cette fois les pièces du puzzle qui composera le prochain Conseil fédéral ne se mettent pas en place aisément. Après tout, ce n’est pas toutes les décennies que deux départements sont libres en même temps. Ajoutés aux envies des uns d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte, les souhaits des autres de laisser derrière eux des nœuds de problèmes inextricables offrent, les mathématiciens nous l’ont rappelé, plus de 5000 variantes de nouvelles compositions!

Ce n’est pas habituel non plus que le nouveau Conseil non seulement ne parvient pas à se mettre d’accord en une séance mais qu’il annonce qu’il lui faudra probablement une semaine pour trouver la “formule magique”. Pour donner du temps au consensus et éviter des votes sans doute! Même si cela n’est pas constitutionnel, saisissons la chance qui nous est ainsi offerte pour composer notre propre “Dream Team”. Toutes les variantes sont possibles avec une condition: l’obligation de se contenter des sept figurines proposées, même si l’on souhaiterait en échanger quelques unes comme … les Panini!

Les deux vacances peuvent déboucher sur une mini-ou maxi-rocade. Le retard de la décision indique probablement que nous sommes dans le deuxième cas de figure. Imaginons un instant que la décision ne soit pas laissée aux seuls intéressés mais proposée par un Institut spécialisé dans l’optimisation non pas fiscale mais gouvernementale.

Pour reprendre l’ordre des départements proposé par le portail officiel du gouvernement, commençons, cela tombe bien, par les affaires étrangères (DFAE) et l’intérieur (DFI). Tout devrait justifier le maintien du ministre Ignazio Cassis au DFAE, car il est le dernier arrivé et probablement son département n’excite pas outre mesure les convoitises. Or, cet aspect purement quantitatif doit être pondéré par les résultats qualitatifs que le ministre présente depuis ses débuts et la comparaison de son profile et du profile idéal de la fonction.

Ses nombreuses prises de position tranchées et clivantes sur un certain nombre de questions internationales ne furent pas particulièrement consensuelles. Il a suscité l’ire d’une partie de la classe politique, en même temps qu’il s’est fait applaudir par l’autre. Personnellement il en a conclu qu’il était dans son rôle. Tant mieux pour lui mais le problème est que la politique étrangère ne peut être conduite que de manière consensuelle donc au centre de l’échiquier, parce qu’elle doit être supportée dans l’idéal au moins par deux Suisses sur trois. Il répète justement que la politique étrangère est de la politique intérieure. Il aurait dû par conséquent être le mieux positionné pour mener à bon port la “question européenne”. On vient de voir comment il n’a pas réussi à réunir le Conseil fédéral sur une position commune, pour ne pas parler de la population, plus divisée que jamais. La vraie question le concernant est donc la suivante: pour la suite, compte tenu de la situation d’échec actuelle et des nouvelles autorités européennes dès 2019, est-il toujours la bonne personne ou ne faudrait-il pas changer de capitaine? Présente-t-il par ailleurs les qualités consensuelles suffisantes pour diriger notre diplomatie?

Le président de la Confédération, Alain Berset, termine son année présidentielle au cours de laquelle non seulement il a démontré son goût pour les rencontres et les questions internationales mais encore ses talents pour en parler et proposer des solutions. Il a plusieurs fois répété son adhésion au multilatéralisme contrairement à son collègue tessinois. Après son cruel échec lors de la votation de septembre 2017 sur les rentes sociales, il devrait peut-être aussi laisser à un autre la mission d’accompagner l’inévitable prochaine tentative.

L’évidence s’impose de manière criante: si Alain Berset présente toutes les qualités d’un ministre des affaires étrangères, ainsi soit-il! Quant au docteur Cassis, qui connait très bien aussi le domaine des assurances maladies, il pourrait reprendre le DFI et ainsi conduire à l’avenir les politiques sociales et de santé. Il y serait très probablement plus heureux qu’au DFAE, où il semble depuis quelque temps traîner un certain spleen. Au DFI, il devra apprendre à mieux calibrer qu’au DFAE ses déclarations, s’il souhaite constituer des majorités autour de ses propositions. Voilà une optimisation effective entre offre et demande!

Le département fédéral de justice et police (DFJP) semble aussi sur le marché, si l’on en croit les rumeurs selon lesquelles Mme Sommaruga souhaiterait un nouveau défi. Comme le sont ceux de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) ainsi que de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) suite à la démission de leur titulaire.

Si Mme Sommaruga présente toutes les qualités pour succéder à Mme Leuthard au DETEC, une nouvelle arrivée, Mme Keller-Sutter, serait parfaite, chacun en convient, pour reprendre le DEFR des mains de son collègue de parti démissionnaire. L’autre nouvelle et juriste Viola Amherd pourrait idéalement reprendre le flambeau des mains de Mme Sommaruga à Justice et Police.

Restent deux départements dirigés par les deux Conseillers fédéraux de l’UDC: les finances (DFF) et la défense, la protection de la population et des sports (DDPS). M. Ueli Maurer se plaît et ne démérite pas aux finances. De surcroît, il souhaite garder son dicastère et sera Président de la Confédération en 2019. Son âge par ailleurs ne fait pas de lui un homme d’avenir! Quant à M. Parmelin, il n’y a aucune raison pour lui de changer d’air. Il doit conduire à leur terme les chantiers ouverts, notamment l’achat d’un nouvel avion de combat. Il est aussi difficile de l’imaginer ailleurs que là où il est!

Je doute que “mon Conseil fédéral” ait des chances de voir le jour. Mais on peut toujours rêver…précisément d’une “Dream Team”! Qui imaginerait une équipe de football qui déciderait seule, sans coach, de sa composition? C’est ce que va faire le Conseil fédéral au cours des prochains jours!

Il est évident que ce qui précède est fictif et que toute ressemblance avec des personnages ou des situations réels n’est ni fortuite ni involontaire!

 

 

 

Georges Martin

Georges Martin est né en 1952. Après avoir obtenu sa licence de Sciences politiques à l’Université de Lausanne, il est entré au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en 1980. Les différentes étapes de sa carrière l’ont amené en Allemagne, New-York (ONU), Afrique du Sud, Israël, Canada, France, Indonésie, Kenya. Il fut Secrétaire d’Etat adjoint et Chargé de missions spéciales au DFAE.