Succession Leuthard: qu’attend le PDC pour sortir de sa manche son Macron?

La démission d’un Conseiller fédéral et l’élection de son successeur sont une étape rituelle centrale, quasi christique, de la grande messe démocratique de la Suisse. Une sorte de transsubstantiation laïque! L’un décide seul du jour et de l’heure de son départ alors que l’autre “offre sa personne à la patrie”. On a coutume de dire que la décision de démissionner est pratiquement la seule importante que prend un Conseiller fédéral. C’est sans doute largement exagéré, tant cette décision n’a au fond pas grande importance, sinon pour lui. Quand au Parlement, il entre en pré-conclave, avant de pénétrer dans la Chapelle Sixtine. Jamais les parlementaires n’ont autant l’impression d’être au centre du jeu. Durant les quelques semaines que dure le processus, ils sont courtisés par les représentants de la presse plus que pendant le reste de la législature. Les plus transparents d’entre eux, ceux qui n’ont généralement guère d’existence médiatique, se pressent pour être sur la photo alors que les stars se prennent volontiers pour des faiseurs de rois. L’ensemble des médias entre en transe et devient monomaniaque! Les citoyens, le souverain dans notre système, ne l’oublions pas, jouent le rôle de figurants entièrement passifs. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, s’ils en éprouvent de la frustration, puisqu’ils ont refusé l’élection directe du Conseil fédéral. Jusqu’à nouvel avis, ils resteront donc dans la salle, alors que la classe politico-médiatique seule occupera le devant de la scène.

En décembre prochain, deux vacances seront à repourvoir. Si du côté du PLR, les jeux semblent faits en faveur de Madame Keller-Sutter, en revanche le PDC offre un désert de candidats valables traditionnels. Ce sont les partis cantonaux qui proposent des candidats, parmi lesquels le parti national choisira le candidat ou le ticket qu’il proposera au Parlement. Pourquoi ne pas inverser le processus? Après tout dans les grands groupes industriels, et les moins grands d’ailleurs aussi, ne charge-t-on pas des chasseurs de têtes de trouver le candidat idéal? Au sein du PDC, ils n’auraient pas à chercher bien loin. Walter Thurnherr, le Chancelier de la Confédération, cela tombe bien, est membre du PDC. Mais au-delà de cette qualité sine qua non, il est une personnalité suisse hors du commun. Ingénieur de formation, il est aussi un gentilhomme du XXIème siècle. Les racines dans l’histoire, il a les ailes dans l’avenir. Aucun des défis de notre temps ne lui est étranger. Son intelligence stratégique lui permet d’aller toujours à l’essentiel. Il s’est trouvé que je l’ai côtoyé au cours de mon parcours professionnel, sans devenir un proche ni être encarté au PDC, ce qui me donne toute liberté pour en parler en toute honnêteté.

Alors bien sûr la classe politique est certainement d’avis que le poste à repourvoir revient, comme une prébende, à l’un ou l’une d’entre elle, blanchi/e sous le harnais. S’il me consultait je dirais au PDC, auquel un passéisme dépassé colle à la peau comme un sparadrap,  qu’en présentant Walter Thurnherr il reviendrait dans le siècle (n’est-ce pas Raymond Loretan qui a accusé le PDC de revenir 50 ans en arrière?). Je lui dirais aussi que Doris Leuthard elle-même l’a délivré de l’obligation de présenter une femme, comme si elle voulait ouvrir la voie à son ancien collaborateur qu’elle a apprécié. Non décidément, cher PDC, vous avez le choix entre offrir au pays un Conseiller fédéral anormalement qualifié, pour la Suisse, ou simplement une prébende à un de vos membres qui n’aurait pas démérité. La Suisse a plus que jamais besoin d’élus qui soient à la hauteur des défis pour agir et non pas de Conseillers fédéraux qui se promènent dans les allées du pouvoir comme des dandys juste satisfaits d’être là.  

Comparaison n’étant pas raison, je terminerais quand même en disant au PDC qu’il a dans sa manche un Macron suisse. A lui de rendre cette candidature possible. Sinon qu’il se contente d’alimenter les tabloïdes avec les déboires extraconjugaux de ses représentants, qu’il garde son sparadrap, qu’il passe au-dessous des 10 % mais surtout qu’il ne se plaigne pas!        

 

 

Georges Martin

Georges Martin est né en 1952. Après avoir obtenu sa licence de Sciences politiques à l’Université de Lausanne, il est entré au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en 1980. Les différentes étapes de sa carrière l’ont amené en Allemagne, New-York (ONU), Afrique du Sud, Israël, Canada, France, Indonésie, Kenya. Il fut Secrétaire d’Etat adjoint et Chargé de missions spéciales au DFAE.

4 réponses à “Succession Leuthard: qu’attend le PDC pour sortir de sa manche son Macron?

  1. Ce qu’attend le PDC ? Peut-être qu’occuper le poste de Chancelier, en plus d’un siège de Conseiller fédéral, est une constellation plus intéressante pour le parti…

    1. Vous avez peut-être raison quant à la réflexion interne que le PDC mène probablement à l’interne en ce moment, comme chaque parti, habitué à l’inertie ambiante. Je ne suis pas dans la cuisine politicienne en faisant ma proposition spontanée ! Je propose simplement celui qui me semble être le meilleur candidat qu’un parti politique suisse, quel qu’il soit, peut proposer en ce moment. D’ailleurs pourquoi le PDC n’aurait-il pas un Conseiller fédéral et une femme à la Chancellerie ? En même temps je ne suis pas naïf ! Pour que ce cas de figure se concrétise il devrait passer à travers un trou de souris. C’est pourquoi la comparaison avec Macron s’impose, au-delà des qualités de la personne et sa longue expérience au cœur de l’administration, comparable à celle du président français d’ailleurs. Un autre obstacle : traditionnellement les parlementaires aiment choisir l’une ou l’un des leurs qui ne dépassent pas leur QI moyen. Or, WT n’a jamais été élu, comme Macron….

  2. Au-delà du candidat PDC, on entend dire aujourd’hui qu’on a, à l’époque, préféré JSA moins “droitiste”, que KKS. Comme quoi, le Parlement est une farce lobby-machiste 🙂

    p.s dis pas ça pour KKS et suis sûr qu’elle sera bientôt CF, mais tout est possible, malheureusement?
    Si la démocratie consiste à élire des nuls, vive le fachisme efficient!

    1. P.S. partage, comme vous, un avis positif sur Macron.
      Mais hélàs, vous voyez bien que son meilleur Président depuis longtemps ne pourra quand même pas sauver cette France ingouvernable et encore moins l’Europe sans Merkel.

      Donc pas de mauvaise comparaison avec la Suisse, encore moins ces temps!
      Merci

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