Sept raisons pour Alain Berset de reprendre les affaires étrangères

Projeter deux Suisse à l’extérieur est suicidaire

Après la démission de Doris Leuthard et de Johann Schneider-Ammann, la prochaine répartition des Départements en décembre prochain pourrait donner à certains titulaires des envies de rocade. Suivant les rumeurs des  “Pas-perdus », qui, comme le disait l’ancien Président de la Confédération Jean-Pascal Delamuraz, contrairement aux athlètes, transpirent avant de courir, plusieurs ministres auraient envie d’aller voir ailleurs si la pelouse est plus verte! Ce sera aussi l’occasion de corriger les mauvais castings voire de retoquer les déficients. L’actuel ministre des affaires étrangères pourrait être concerné. Après un an à la tête de notre diplomatie, le bilan de santé diplomatique du docteur Cassis n’est pas convaincant. Il est quasi invisible, que ce soit sur le front intérieur (au lieu de parcourir le pays et l’arrière-pays pour « défendre sa politique européenne ( ?) » ou, ce qui est paradoxal, sur le front extérieur. Ne répète-t-il pas à l’envi que « la politique extérieure est de la politique intérieure » ? De là à imaginer qu’il allait appliquer à la lettre, en ce qui concerne l’étranger, le mantra qui lui tient lieu de programme…il n’y avait qu’un pas, franchi allègrement par l’intéressé.

La récente présence concomitante à l’Assemblée Générale des Nations Unies à New-York du président et du ministre de la (même ?) Confédération n’aurait pas pu mieux illustrer la discrépance entre le premier, porteur dans le monde de la tradition humaniste et multilatéraliste de la Suisse et le second, tournant avec le vent du temps, populiste, « trumpiste » et plutôt critique à l’égard du multilatéralisme (« ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent », dixit Edgar Faure). Alors que le premier défend une «politique étrangère visible, stable, fiable et prévisible », on a souvent l’impression que le second s’évertue à la rendre invisible, instable, peu fiable et imprévisible! Il est temps de mettre un terme à cette discrépance, sous peine qu’un petit pays comme le nôtre en paye le prix fort. L’occasion de décembre doit être saisie. La solution s’impose d’elle-même : qu’Alain Berset reprenne le DFAE! Le Parti socialiste doit sacrifier les siens aux intérêts supérieurs du pays. D’autant plus que les candidats dont on parle pour succéder aux démissionnaires n’offrent pas toutes les garanties, tant s’en faut, pour, de manière efficace, reprendre immédiatement notre diplomatie en friche depuis un an.

Au moins sept bonnes raisons pour qu’Alain Berset reprenne le DFAE

1. Il s’inscrirait dans la tradition humaniste et multilatéraliste de la Suisse. Au cours de son année présidentielle, il a eu plusieurs fois l’occasion de recadrer son ministre des affaires étrangères à ce sujet. Encore récemment à New-York.

2. Dans le dossier européen, le plus important pour la Suisse, il pourrait recoller les pots cassés avec la gauche, un des principaux soutiens à l’ouverture, sans lequel il est difficile d’imaginer une percée définitive.

3. Il serait le garant que nos politiques de coopération, de promotion de la paix et de défense des droits de l’homme continueraient de bénéficier des moyens financiers nécessaires. Avec l’actuel chef de notre diplomatie la vieille rengaine de la conditionnalité avec la question migratoire s’est à nouveau faite entendre !

4. Il remettrait sur de bons rails, ou s’assurerait qu’ils y restent, des dossiers aussi importants pour notre crédibilité dans le monde que le Traité d’interdiction des armes nucléaires, la Convention des Nations Unies sur la migration, notre soutien à l’accord sur le nucléaire iranien, notre candidature au Conseil de sécurité, l’aide à l’UNWRA et les autres.

5. Il remettrait de l’ordre dans la gouvernance d’un Département qui pèche de plus en plus en la matière à entendre les uns comme les autres. Même sans tendre l’oreille plus que cela, on perçoit l’insatisfaction qui y règne suite à ce qui est perçu comme de l’arbitraire (transferts ou affectations en fonction des allégeances), de l’autoritarisme qui tend à faire disparaitre la diversité des opinions, qui avait toujours fait la force de ce Département, voire même carrément du mobbing contre ceux qui se verraient accuser de déloyauté, pour simplement s’écarter de la pensée officielle. Les récentes mesures en matière de politique du personnel, imposées aux forceps, dont l’essentiel avait été stoppé par Micheline Calmy-Rey, n’ont pas contribué à détendre les rapports de travail dans un ministère dont les personnels sont pourtant traditionnellement plutôt dociles.

6. Pour qu’elle redevienne visible, stable, fiable et prévisible, pourquoi ne pas confier notre politique étrangère à celui qui en parle si bien en Suisse et à l’étranger ? Pour assurer sa pérennité nationale et éviter que la couleur politique du chef du DFAE ne déteigne par trop sur la politique étrangère du pays, la Constitution fédérale a sagement confié sa gestion à l’ensemble du Conseil fédéral. Aujourd’hui on se rend bien compte que malgré cette précaution il y a risque lorsque le responsable de notre diplomatie provient d’un des extrêmes de l’échiquier politique. Qu’on le veuille ou non l’actuel titulaire est plutôt un troisième Conseiller fédéral UDC in petto qu’un deuxième PLR. C’est bien là où le bât blesse !

7. Last but not least, Alain Berset serait le premier ministre des affaires étrangères suisse qui aurait tenté et réussi le Concours d’entrée au service diplomatique!

Georges Martin

Georges Martin est né en 1952. Après avoir obtenu sa licence de Sciences politiques à l’Université de Lausanne, il est entré au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en 1980. Les différentes étapes de sa carrière l’ont amené en Allemagne, New-York (ONU), Afrique du Sud, Israël, Canada, France, Indonésie, Kenya. Il fut Secrétaire d’Etat adjoint et Chargé de missions spéciales au DFAE.

6 réponses à “Sept raisons pour Alain Berset de reprendre les affaires étrangères

  1. Excellente suggestion. Il est temps (et important) que notre pays retrouve une crédibilité internationale qu’il a beaucoup perdue dernièrement à mon humble avis. L’influence qu’un pays peut exercer dans le concert des nations est plus fonction de la pertinence des idées qu’il peut présenter, et de la qualité des personnalités qu’il met en avant pour les défendre, que de sa taille.

  2. Je m’appelle comme vous mais je ne partage pas votre sentiment. Ce serait très mauvais pour la Suisse si cet euroturbo de Berset remplaçait Cassis. Personnellement j’espère que lors de l’élection des successeurs de la belle Doris Leuthard (elle aussi une euroturbo) et du très pragmatique Schneider-Amman, on choisira des eurosceptiques convaincus, et que la première décision du collège dans sa nouvelle composition sera de notifier à Bruxelles la résiliation de l’ALCP, caduc de toute façon depuis le 9 février 2015. Ceci dit je ne prend pas mes désirs pour des réalités et donc je ne pense pas que mes vœux seront exaucés. Mais je pense que les vôtres ne le seront pas non plus. Et ce qui me donne à penser cela c’est précisément cette décision de Cassis de s’attaquer à l’UNWRA. Décision incroyable qui renverse toute la politique étrangère suisse depuis Pierre Graber jusqu’à Didier Burkhalter. Elle indique une forte influence sioniste dans notre pays et c’est au point qu’on se demande si la famille Cassis de notre ministre des affaires étrangères ne serait pas d’origine juive tunisienne, comme c’est le cas des familles italiennes de Livourne portant le même nom. Bien sûr ce n’est qu’une hypothèse gratuite, mais disons que s’il y avait du vrai on pourrait s’attendre à ce que Cassis soit soutenu pour rester en place, et au DFAE. Aujourd’hui c’est l’UDC qui est faiseuse de rois à Berne et l’UDC a choisi d’être super pro Israël, dans un esprit trumpiste. Donc Cassis sera maintenu, pas pour les bonnes raisons mais au moins ça nous protégera d’un Berset au DFAE.

    Personnellement Micheline Calmy-Rey me manque. Elle était euroturbo aussi, mais elle était tellement emm… quiquineuse qu’avec elle on pouvait être sûrs que les négociations avec Bruxelles ne donneraient rien tant qu’elle était là.

    Et enfin, même si Berset allait au DFAE ce ne serait pas si grave. Il s’y casserait les dents sur la question européenne, comme Burkhalter se les est cassé, au point qu’il a préféré démissionner. Le peuple Suisse ne veut pas d’un accord cadre et aucun Conseiller fédéral ne parviendra à le faire changer d’avis sur ce point.

    1. “La belle Doris Leuthard” ?!? Diriez vous d’un homme “le beau Berset” ?
      Machiste, quand tu nous tient…

  3. Quelle que soit l’attribution des départements, on n’échappera pas aux limites et aussi forces du “Système suisse”: composer un CF et parler d’une même voix, alors qu’on a des idées (plus que souvent) opposées.

    En outre, quel exercice périlleux que de gérer un DFAE, en pleine décomposition de l’Europe et avec les détestables inputs du sieur Donald.

    On ose à peine imaginer une dégradation de la situation économique en Suisse pour lui voir adopter une attitude totalement bipolaire grâce à son fossoyeur attitré… j’ai nommé l’UDC!

  4. Les confessions personnelles d’Alain Berset avant l’intérêt du peuple suisse.

    Alors que certains politiciens se font tirer les oreilles pour des déplacements controversés, notre Président de la Confédération A. Berset a fait le 12.11.2018 le voyage à Rome pour une audience privée avec le pape François déjà rencontré le 21.6.2018 à Genève. Le 6.5.2018 et le 21.6.2018 le Président du Conseil national, D. de Buman (PDC/FR) s’était également entretenu avec sa sainteté. La garde suisse pontificale serait-elle sujette à un audit comme notre armée suisse choutée à l’Appenzeller ? Vont-ils engager des maçons grévistes pour la rénovation de la caserne des gardes suisses au Vatican ? Discuter à Rome de la hausse des coûts de la santé avec le personnel soignant qui est malade ? Trouver en François le bénévole idéal pour compléter l’équipe de la Saint-Nicolas pour 3 jours à Fribourg ? Ou encore décider religieusement des remplacements des 2 conseillers fédéraux démissionnaires en 2018 ? Le constat est qu’en cette année de présidences fribourgeoises le bilan politique 2018 est médiocre, pour ne pas dire très mauvais. Ce n’est pas le fribourgeois et président de la poste suisse Urs Schwaller qui va dire le contraire en cette difficile année pour les cars postaux suisses. Moi, je pense qu’ils vont à Rome pour obtenir le pardon et la rémission de leurs péchés pour obtenir la grâce divine pour 2019.
    Avant de balayer devant chez les autres, M. A. Berset ferait mieux de balayer devant sa porte car il en détient le pouvoir non assouvi actuellement pour son pays ou de prendre la clé des champs. Non, Monsieur Georges Martin, le DFAE n’est pas pour M. A. Berset. Le philosophe Machiavel (1469-1527) l’avait bien dit :«Gouverner, c’est faire croire ».

    Marc-Olivier PETER
    Postfach 7603
    6302 Zug

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