Le climat totalitaire dans laquelle s’enfonce doucement la Suisse commence à faire froid dans le dos. Au plan politique, la radicalisation blochérienne ne connaît plus de limite, ni de contre-attaque. Au plan sociétal, les stigmatisations nauséeuses se succèdent, sans révolter les consciences.
Dernière agression en date, la jeunesse de l’UDC suisse a mis en ligne un site permettant aux élèves de dénoncer les enseignants « gauchistes ».
Or cet appel à délation, puisqu’il faut désigner cette opération par son nom, n’a pas suscité une mise à nu du procédé, ni une protestation des médias. Au contraire, certains commentateurs ont cru bon de se demander si les écoles sont vraiment tenues par des gauchistes.
C’est cette connivence immédiate avec le manipulateur, cette validation automatique de son inquisition qui fait froid dans le dos. L’infamie qu’il faudrait décoder et dénoncer devient une bonne question, puisqu’elle est posée par les « amis du peuple ».
Expliquant son travail abominable, Goebbels a montré de manière limpide comment l’agression disparaît, aussitôt qu’elle est retournée en défense d’une victime. Si l’Allemagne a dû se débarrasser physiquement des juifs, alors qu’elle aurait eu tellement mieux à faire, c’est que leur oppression devenait intolérable.
De manière similaire, s’il faut malheureusement dénoncer les « professeurs gauchistes », c’est parce qu’il existe de « pauvres élèves UDC » qui ne sont pas respectés et qui souffrent. C’est donc bien une protection des faibles, et non une agression, qu’effectue la jeunesse nationaliste avec son nouveau site internet.
Certes, la violence et la finalité des fascistes des années trente ne sont heureusement pas celles de l’UDC ou du FN d’aujourd’hui. Mais, toutes proportions gardées, les méthodes sont les mêmes.
Le manque de mise en lumière de ces mécanismes et de leurs dangers frappe et inquiète. La Suisse d'aujourd'hui apparaît faible, malade, sans courage, sans profondeur historique, sans culture humaniste. A-t-elle encore les moyens d'un sursaut?