Wording Reding

En cas de oui à l’initiative «contre l’immigration de masse», la libre circulation des personnes ne pourra pas être renégociée, a dit en substance la Commissaire européenne Viviane Reding. Le marché intérieur de l’Union Européenne est un tout et «la Suisse ne peut pas y choisir ce qui lui plaît», a-t-elle ajouté.

Stupéfaction de certains observateurs. Quoi? L’Europe ne serait pas disposée à satisfaire tous les désirs de la Suisse? Elle oserait de plus le faire savoir?

En fait, Madame Reding n’a fait que répéter des positions bien connues et déjà communiquées. Sur le principe de la libre circulation des personnes ou sur l’obsolescence du processus bilatéral sectoriel, ses propos s’inscrivent dans des analyses maintes fois développées par les instances européennes.

Mais c’est le wording de la Vice-présidente de la Commission européenne qui a suscité l’émoi. Elle aurait fait preuve d’arrogance, en osant mettre la Suisse en garde. Elle serait intervenue de manière dictatoriale, en pratiquant une forme de chantage au cœur d’une campagne de votation.

En réalité, Madame Reding n’a dit que la vérité, de manière ferme mais courtoise. Mais la vérité est-elle encore recevable dans une Confédération où le nationalisme a réduit le débat européen à la célébration narcissique de mythes passéistes?

Le plus fascinant dans cet émoi tient à son oubli des insultes anti-européennes que les Suisses s’autorisent depuis des années. Dénigrer l’Union Européenne constitue un devoir patriotique. Critiquer nos voisins, un sport national. Traiter l’Union Européenne de 4ème Reich, une plaisanterie sans importance.

Les analyses politiques de Madame Reding sont insupportables et les rédactions s’insurgent. Par contre, quand Monsieur Maurer, alors Président de la Confédération, ose dire qu’«il faut avoir une case en moins pour s’intéresser à l’Europe», ce n’est pas un sujet.

Il est vrai que, dans le climat actuel, une telle déclaration ne représentait qu’une manifestation banale et supplémentaire de l’élégance vertueuse des Helvètes.

François Cherix

Spécialisé dans la communication politique, François Cherix travaille depuis des années sur la réforme du modèle suisse, l'organisation de l'espace romand, la question européenne, les liens entre politique et médias. Essayiste, il a publié plusieurs ouvrages et de nombreuses analyses. Socialiste, il a été membre de l'Assemblée constituante vaudoise et député au Grand conseil. Aujourd'hui, il est co-président du Nouveau mouvement européen suisse (Nomes).