la confiance se défait

Médias et démocratie suscitent la méfiance : comment remonter leur cote ?

Le constat est cruel. Malgré une démocratie suisse citée en exemple et une densité de journaux parmi les plus hautes au monde, la confiance de la population envers la presse et les institutions politiques de notre pays s’érode. Les médias « traditionnels » souffrent de la baisse de leurs recettes publicitaires, beaucoup de journaux mettent la clef sous la porte. Comment surmonter cette crise ? Le scrutin du 13 février 2022 permettra, si l’on accepte la nouvelle loi sur les mesures en faveur des médias, de faire un premier pas, à faire suivre par d’autres avec des effets sur le plus long terme.

Le résultat de la votation du 28 novembre dernier sur la loi COVID est pour moi symptomatique : près de 40% de la population dit non aux propositions des autorités politiques pour faire face à la pandémie, et une majorité de jeunes votant.es les refuse, alors même que les mesures proposées sont parmi les moins sévères d’Europe.

En ce qui concerne la presse, si la population s’informe de plus en plus en ligne, les utilisateur.trices sont moins disposé.es à payer pour l’information numérique, peinant à en comprendre la valeur par rapport à des offres « papier ». Concernant ces dernières, depuis 2003, environ 70 journaux suisses ont mis la clé sous la porte, souffrant particulièrement de la baisse des recettes publicitaires. Les scrutins consécutifs sur le « No Billag » et sur l’aide à la presse sont aussi des signes de sa fragilisation.

Les raisons de la crise de confiance sont multiples, mais l’arrivée des géants du web, les GAFAMs (pour Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft), a bouleversé les usages des citoyennes et citoyens, surtout des plus jeunes. Alors quels nouveaux modèles développer pour faire face à cette crise de confiance majeure ?

Presse et démocratie
On sait le rôle primordial de l’information pour la démocratie, dont elle est l’un des piliers constitutifs, avec la transparence et la séparation des pouvoirs. Les sociétés sans presse digne de ce nom sont plus corrompues et les droits humains y sont plus aisément bafoués. La presse est surtout un contre-pouvoir : elle exerce son rôle critique à l’égard du politique. La manière dont elle exerce la liberté d’expression est la garantie de la démocratie. Elle doit être un poil à gratter pour lutter contre l’entre-soi et les petits arrangements entre amis. La crainte d’un scandale public est un garde-fou de plus pour inciter les élu.es à la vertu. De plus, en donnant la parole à tous les camps politiques, elle permet aux citoyen.nes de se faire une idée objective avant chaque scrutin. Elle est ainsi un booster de démocratie.

Maria Ressa, journaliste philippine qui a gagné le Prix Nobel 2021 de la Paix, met ainsi en lien démocratie et journalisme, égratignant préalablement Facebook qu’elle accuse d’être partial contre les faits et contre le journalisme : « Si vous n’avez pas de faits [dans le journalisme], vous ne pouvez pas avoir de vérités, vous ne pouvez pas avoir confiance. Si vous n’avez rien de tout cela, vous n’avez pas de démocratie. Au-delà de cela, si vous n’avez pas de faits, vous n’avez pas de réalité partagée, vous ne pouvez donc pas résoudre les problèmes existentiels du climat, du coronavirus » (The Guardian, 9 octobre 2021). (1)

Presse = bien collectif
Ce bien collectif que sont les informations journalistiques est nécessaire à toute la société, au même titre qu’un réseau de routes ou d’écoles. C’est un bien précieux. Ne connaît-on pas la désinformation comme arme de guerre ou de déstabilisation ? (2)

Si l’information est un bien collectif, il faut qu’elle soit produite par un marché dynamique, avec une certaine concurrence entre titres et l’existence de sensibilités diverses. De plus, la Suisse multiculturelle implique une variété d’acteur.trices médiatiques sans doute plus élevée qu’ailleurs. Notre pays est vraisemblablement celui qui appelle le plus ses citoyen.nes aux urnes : des médias variés, indépendants les uns des autres et en nombre, sont nécessaires pour accompagner et nourrir cette vie démocratique.

L’information a un prix
Les journaux régionaux favorisent également le lien social. Ils informent et permettent la participation et la connaissance réciproque des habitant.es d’une communauté, curieux.ses de ce qui se passe près de chez eux. Au niveau national, la SRG-SSR joue un rôle de liant essentiel entre les quatre parties linguistiques et culturelles du pays.

Contrairement à ce que l’apparition des journaux gratuits il y a une vingtaine d’années a pu laisser croire, l’information a un prix. La presse, à ces différents niveaux, produite par des professionnel.les, a bien sûr un coût, de par le travail de trouver et diffuser des informations fiables et vérifiables, et par les nécessités de créativité et de développement de ses publics. Ces coûts, jusqu’à récemment, étaient portés en grande partie par la publicité et les consommateur.trices.

Ce modèle d’affaires ne fonctionne plus depuis l’ère du tout écran, tout “gratuit”, les géants des réseaux sociaux aspirant le gros de la publicité en ligne. Il convient donc de s’interroger sur la valeur des médias et leur rôle pour le fonctionnement général de nos sociétés démocratiques.
Conscientes de ces enjeux et de l’indépendance rédactionnelle essentielle aux média qui limite les types de soutien envisageables, les autorités politiques locales aident souvent, régulièrement et depuis des années des organes de presse ou de petites télévisions régionales (par exemple Le Quotidien de La Côte ainsi que Nyon Région Télévision par la ville de Nyon et les communes alentours). Les autorités fédérales, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays voisins, offrent quant à elles déjà divers soutiens à la presse ou à la diffusion, comme un rabais sur la distribution des journaux en abonnement.

Les GAFAMs
Tous les médias (presse, radio, télévision, médias locaux en ligne) sont concernés par les nouvelles forces en présence sur le marché international et suisse. Les GAFAMs ont dicté le rythme jusqu’à maintenant, imposant leurs contenus, sans tri de l’information diffusée et sans autre souci que de maximiser le nombre de clicks sur leurs sites respectifs et valoriser leurs offres pour les annonceurs.

Convaincu de la nécessité de protéger la population contre les discours haineux et la désinformation se trouvant sur internet, autant que pour contrer des politiques commerciales douteuses, le Conseil fédéral vient de demander un rapport à l’OFCOM (3) pour créer le débat en Suisse. Suivant la France et l’Australie (4), il se prononcera aussi prochainement sur la question des « droits voisins », soit un dispositif qui doit permettre de faire passer à la caisse les géants du web lorsqu’ils reprennent des contenus qui ne sont pas les leurs.

Les pays plus grands, et économiquement plus puissants que le nôtre, vont paver le chemin de nouvelles régulations (une législation sur les services numériques et une autre sur les marchés numériques viennent d’être votées par le Parlement européen) avant que nous suivions, en partie ou en totalité, dans plusieurs années. En attendant, les GAFAMs mettent en danger les finances des médias locaux en diffusant leurs contenus sans les rétribuer, fragilisant ces derniers, alors qu’ils doivent développer de nouveaux modèles de financement et investir dans leur transformation. Ils mettent aussi à risque la démocratie, par leur diffusion de « fake news », d’informations non vérifiées, quand elles ne sont pas délibérément déformées.

Oui le 13 février… d’abord
Alors que nous vivons de profonds changements économiques et sociétaux liés à la numérisation, doublés d’une crise écologique et maintenant sanitaire, le réflexe humain est de se protéger soi et ses proches, de s’entourer de personnes dont on est sûr.e et d’un environnement connu et maîtrisé. Les réseaux sociaux, à la fois cause de ce rapetissement des espaces sociaux et exploitant ce besoin de proximité rassurante, ont conçu leurs algorithmes en fonction.

A très court terme, le scrutin suisse du 13 février 2022 permettra, si l’on accepte la nouvelle loi sur les mesures en faveur des médias, de leur donner un soutien supplémentaire, temporaire mais plus que bienvenu. Le soutien de la Confédération sera étendu aux titres à grand tirage et à la distribution des journaux tôt le matin. Les médias en ligne seront eux aussi soutenus, et l’aide aux radios locales et télévisions régionales pourra augmenter. La condition pour bénéficier de ces soutiens est de s’adresser à un public majoritairement suisse, et de traiter une variété de thèmes politiques, économiques et sociaux.
La presse sous forme numérique est pour l’heure encore moins rentable que celle imprimée sur papier ! L’affinage des modèles d’affaires n’est pas si simple, donc pas immédiat, à réaliser. Un oui permettra de gagner un temps bienvenu pour que ces acteurs indispensables à la démocratie se fortifient.

Restaurer la confiance en parallèle
Plus globalement, notre projet de société devrait consister à retisser les liens de confiance : le sens de la communauté locale est le premier à devoir être revivifié ; la mise en lien dans le voisinage, à l’échelle d’un quartier, d’une commune, d’une région est à repenser. Des démarches participatives, mais aussi des débats politiques au sein d’une population dont les participant.es sont tiré.es au sort, à l’instar de ce qui a été testé à Sion (5), sont des options très intéressantes) : elles permettent de se confronter à la différence, donc à la compréhension et à la co-construction. Le politique en tant que tel doit se réinventer, viser la qualité plutôt que le spectacle, l’information plutôt que la communication et les croyances ; recentrer le débat sur les faits; être proche des gens, responsable, exemplaire.

Bien sûr, l’école et les diverses institutions de formation sont par excellence des lieux où l’éducation civique est primordiale, tout comme l’éducation aux médias : en particulier, la semaine des médias (6) est une démarche à saluer. Elle permet aux élèves de Suisse romande d’aiguiser leur esprit critique vis-à-vis des informations qu’ils reçoivent, d’analyser des productions médiatiques et de réaliser des contenus dans les règles : textes, photos, chroniques radio, vidéos. Il s’agirait de la généraliser, avec les formations du personnel enseignant préalables.

Les recettes sont les mêmes pour les médias que pour les politiques : resserrer les liens avec leurs bases, retrouver leur essence, faire comprendre comment est construit un titre ou une émission, ce qu’est le travail de journalisme. Il n’y a rien de tel qu’être sur le terrain en dialogue constant avec le public, consommateur ou non de presse, pour comprendre les demandes et besoins de ce dernier.

Lors du Forum des médias romands tenu en septembre dernier, Juan Señor, consultant international spécialisé en médias, indiquait que les nouveaux chiffres d’abonnements à la presse étaient en forte hausse au niveau international ; le journalisme “Facebook” aurait vécu selon lui, et le public voudrait de la qualité. Pour cet expert, le journalisme sauvera le journalisme ; et il y aurait une chance unique à saisir avec le COVID : (la pandémie) aurait permis au public de retrouver le chemin des sites média traditionnels. Selon Juan Señor, les jeunes publics vont naturellement être attirés par la qualité ; il conclut qu’«il faut réinvestir dans les rédactions, avec un public au rendez-vous avec les bons contenus… Il faut donc y mettre les moyens».

En bref, un pays tel que la Suisse ne peut fonctionner que si sa presse et plus globalement sa démocratie ont la confiance de la population. Les deux doivent être soutenus durant cette phase de numérisation. La variété et la diversité, les avis divergents, font la richesse d’une communauté, avec toutes les imperfections, aléas et remises en question que cela peut causer. Quel monde triste serait celui de l’uniformité et de dépendance à quelques oligopoles, notamment étrangers et loin de la riche et variée réalité helvétique !


(1) Le journaliste et essayiste Olivier Villepreux définit le journalisme dans son dernier ouvrage «Journalisme» ainsi : « cette activité qu’exercent régulièrement des femmes et des hommes rémunérés pour chercher, trouver, travailler et diffuser des informations fiables et vérifiables en direction de lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, par des canaux appartenant à un ensemble de sociétés dites de « presse ».

(2) On peut citer entre autres la désinformation américaine au Rwanda liée aux massacres du début des années 1990 ou celle en provenance de Russie pour influencer ou déranger les divers récents processus d’élections européennes ou nord-américaines.

(3) Office fédéral de la communication (OFCOM)

https://www.bakom.admin.ch/bakom/fr/home/das-bakom/medieninformationen/medienmitteilungen.msg-id-85905.html

(4) L’Australie a légiféré dans le sens d’un « code de conduite contraignant » obligeant nommément Facebook et Google, de sorte qu’elles concluent des accords avec les éditeurs pour les rémunérer. Après un bras de fer ouvert par Facebook, bloquant tout partage d’articles de presse sur son réseau, et la résistance du gouvernement australien, des négociations ont été conclues entre les mastodontes, permettant de soutenir des groupes de presse nationaux ou locaux.

(5) L’innovation démocratique comme remède au populisme – – UNIGE
La recette est simple: un panel de citoyens tirés au sort est invité à rédiger un rapport neutre, après quelques jours de délibération, sur un objet soumis au vote du peuple. L’information est ensuite envoyée à la population, en même temps que le matériel de vote et la brochure d’information de la Chancellerie fédérale.
Plus concrètement, 2000 personnes, tirées au sort parmi les quelque 20 000 Sédunois possédant le droit de vote, ont reçu une invitation à participer au projet. 205 personnes ont répondu positivement. Une sélection aléatoire de deux panels distincts de 20 participants chacun a été ensuite réalisée grâce à un algorithme permettant de conserver la représentativité de la population (âge, genre, niveau d’éducation). En Oregon, les expériences menées [sur le même modèle] ont montré que 43% des votants avaient pris en considération le rapport citoyen pour leur vote. « Le point de vue des citoyens paraît plus fiable que celui des élites politiques qui ont bien souvent des intérêts particuliers, estime Victor Sanchez-Mazas. La démocratie se doit d’évoluer en fonction des changements sociétaux. L’approche délibérative est une réponse au populisme, au désintérêt croissant des citoyens pour la chose politique et à la méfiance envers les élites ».

(6) La Semaine des médias à l’école est un partenariat entre la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) avec les médias de service public (Radiotélévision Suisse), la presse écrite, l’agence de presse Keystone-ATS, des médias audiovisuels (TV et radios régionales) et des médias en ligne. En 2021, elle a été organisée du 22 au 26 novembre. Elle s’adresse aux enseignant-e-s romand.es avec des contenus adaptés pour les jeunes de 4 à 15 ans et plus. Avec un rythme annuel, la Semaine des médias à l’école en Suisse romande a l’ambition de toucher l’ensemble des élèves de la scolarité obligatoire, mais aussi ceux et celles du post-obligatoire. Comme en France, la participation des enseignant-e-s à la Semaine de la presse et des médias est volontaire. e-media

Fabienne Freymond Cantone

Fabienne Freymond Cantone est membre des Conseils d’administration de la Banque Cantonale Vaudoise, de Transitec SA et des comités de la SSR Suisse Romande, d’Innovaud et de la Centrale d'émission pour la construction de logements, à côté d'engagements bénévoles dans diverses associations et fondations à buts d'insertion professionnelle, social, culturel ou environnemental. Economiste, elle œuvre et a œuvré pour des sociétés locales autant qu'internationales Elle a été impliquée à tous les niveaux de la politique, du communal, cantonal au fédéral, du régional à l’intercantonal, de l’association locale à l’agglomération franco-valdo-genevoise (16 ans de Parlement cantonal vaudois et 15 ans d'Exécutif à la tête de la Ville de Nyon). Elle nous propose donc son regard sur l'actualité au travers des variées facettes composant son curriculum.

14 réponses à “Médias et démocratie suscitent la méfiance : comment remonter leur cote ?

  1. Effectivement, il n’est pas facile de croire à ce que peut nous raconter les journaux car ils sont payés par les lobbyistes qui tournent autour du palais fédéral et par d’autres intérêts privés.
    Heureusement qu’il y a des blogs comme celui du Temps qui est une source des sentiments de la population sur bon nombre de sujet.
    Après quelques lignes de votre texte, vous dites “le rôle primordial de l’information pour la démocratie, dont elle est l’un des piliers constitutifs, avec la transparence et la séparation des pouvoirs.”
    Pensez-vous vraiment ce que vous écrivez ?
    1 Il faut savoir que l’information dont le rôle serait de servir la démocratie est gangréné par de l’information manipulée par les différents départements fédéraux qui par exemple « évite » de fournir à la SSR et autres médias les chiffres journaliers qui feraient peur à la population concernant la pandémie ? Ils ont même engager une entreprise de Comm pour édulcorer le discours!
    2 Transparence : Constitutif de notre démocratie ? Demandez le rapport sur l’affaire Crypto, il manque des pages aux archives fédérales comme par hasard. ….
    3 Séparation des pouvoirs : Exemple du Valais ou les juges de commune sont élus par cooptation des partis politiques ! Bonne base de justice!
    Donc ce ne sera pas facile de convaincre le citoyen de faire confiance aux médias et à cette démocratie que je décrirai plutôt comme une acratie comme tout le monde peut le voir.

    1. Bonsoir Monsieur,

      Je pense évidemment ce que j’écris 😉
      Ayant pratiqué la politique pendant plus de 20 ans, je sais comment fonctionnent les choses. De fait, notre système démocratique est imparfait, tout comme l’est l’humain.
      Mon engagement (passé en politique, et actuel en écrivant des blogs) consiste à vouloir et essayer de contribuer à faire avancer les choses dans le bons sens, vers le mieux pour notre société.
      Et si oui, il y a beaucoup à redire sur les imperfections de la presse et de nos autorités politiques, je crois sincèrement que nous n’avons pas d’autre système que celui du “pouvoir critiqué par des contre-pouvoirs”. Et ces contre-pouvoirs doivent être les plus variés et indépendants possibles. A charge du public de s’informer et faire les arbitrages, réfléchir et voter en son âme et conscience.
      La critique constructive est vraiment essentielle à la presse et aux politiques… et en Suisse, ces messages passent, lentement peut-être, mais ils passent, je l’ai constaté.

  2. Voici peut-être un début de réponse à votre question : https://www.tagesanzeiger.ch/sonntagszeitung/fast-drei-viertel-aller-srgjournalisten-sind-links/story/17411512#overlay qui démontre, chiffres à l’appui, que la presse et les médias penchent très lourdement à gauche.

    Extrait (traduction Google) :
    « La conclusion sur les chiffres suisses est claire: près de 70% des journalistes de la SSR se disent de gauche. 16 % se placent au centre politique. Et 16% se considèrent comme de droite. Il a été question de la classification politique sur une échelle de 0 à 10. 0 pour la gauche, 5 pour le centre et 10 pour la droite. Aucun journaliste de la SSR ne s’est situé à l’extérieur à droite aux valeurs 9 et 10; 7,4% sont à gauche pour les valeurs 0 et 1.
    Pour les journalistes des médias privés, l’image n’est cependant guère différente: environ 62% se disent de gauche. 14,5% se trouve au milieu. Et environ 24% se disent de droite. Près de 10 pour cent sont placés à l’extérieur à gauche pour les valeurs 0 et 1; et un peu moins de 2% sont à l’extrême droite pour les valeurs 9 et 10.
    Le professeur Wyss n’est pas surpris. « Le journalisme aborde les conflits sociaux, l’irritation, et les rapports de force qui règnent sont remis en question. » Il est probable que la fonction journalistique de critique et de contrôle soit davantage corrélée à une pensée socio-politique de gauche.
    Wyss ne voit pas un danger d’une couverture unilatérale. Il faut faire la distinction entre le rôle du journaliste et celui du citoyen. »

    Le problème est que cette distinction entre le professionnel de l’information et le citoyen, voire la militant, devient de plus en plus floue au sein des nouvelles générations de journalistes. Le New York Times est, à cet égard, emblématique lorsqu’on sait que ce qu’il se passe aux Etats-Unis finit tôt ou tard par arriver chez nous : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/le-new-york-times-qui-etait-un-journal-de-reference-devient-un-symbole-du-totalitarisme-bien-pensant-20200721

    Si on peut à la rigueur l’accepter de la part de médias privés pour autant qu’ils affichent honnêtement la couleur, cela devient inacceptable pour les médias de service public qui sont censés refléter l’ensemble des opinions et des sensibilités qui traversent la société (et accessoirement de ceux qui ont l’obligation de payer une redevance).

    Il me semble qu’avec la SSR on est également très loin du compte. La crise du Covid a été un révélateur de cette dérive : on ne sait en effet plus très bien si la SSR est un organe d’information ou de propagande. Cette lente dérive est d’ailleurs également observable chez nos voisins européens. La zone grise qui sépare ces deux conceptions de l’information s’élargit de mois en mois.

    Tant que ce qu’il faut clairement appeler des dérives ne sera pas rectifié, la confiance dans les médias traditionnels continuera à s’effriter à envoyer le public dans les bras douteux des réseaux sociaux.

    1. Bonsoir Monsieur,
      Merci pour votre réaction qui m’a fait faire quelques recherches en plus, très intéressantes.
      Pour l’étude que vous me citez, je vois aussi qu’elle relève un biais à gauche des journalistes (SSR incluse), mais qu’elle met la lumière sur le fait que les journalistes ont pour réflexe d’intégrer ce biais et de surpondérer les partis de droite (et vice-versa).
      En ce qui concerne la SSR, outre le fait qu’elle est régulièrement évaluée par des organes neutres et étrangers, les partis de gauche trouvent qu’elle fait le lit de l’UDC et les partis de droite la jugent trop à gauche. Au final, elle ne doit pas être trop loin de quelque chose de globalement équilibré, si l’on constate ces deux réactions opposées.
      En fait, l’essence de mon article est que les algorithmes poussent les lecteurs.trices à s’enfermer dans des modes de pensée et à ne plus les confronter pacifiquement à d’autres, ce qui est le fondement de toute démocratie. C’est toute une culture, notamment européenne, du débat qui est mise en danger par des sociétés étrangères privées, dont le but est le chiffre d’affaires et non des considérations démocratiques ou le maintien de médias qui travaillent selon les lignes déontologiques de la profession.
      Bref, en plus de des législations à développer pour que les GAFAMs respectent des règles élémentaires de publication (payer les contenus pris aux autres et éliminer la haine et la désinformation de leurs plateformes), je conclus que les médias doivent investir plus dans le journalisme… alors que maintenant, c’est plutôt l’inverse qui se produit à cause de la baisse des recettes des annonceurs.
      C’est par cet investissement que l’on pourra, à mon avis, assurer dans le futur une pluralité et une qualité d’informations pour le public suisse (je résume, et l’explique mieux dans mon article).

        1. Bonsoir,

          Si on reprend le raisonnement de M. Walder, en entier, on comprend que la ligne éditoriale choisie par son média l’a été en toute indépendance. Et chaque journal peut suivre la ligne qu’il veut sur tout sujet.
          En l’occurrence Ringier est loin d’être un suiviste du Conseil fédéral si on lit régulièrement ses publications et analyses de la politique suisse.

  3. Bonjour,

    en ce qui me concerne “accuser les GAFAM” me semble un argument un peu court. De tous temps, les médias ont fait “la course au scoop”. Sauf qu’avec Internet, ils sont bien souvent dépassés à ce “jeu” par l’internaute moyen. Aussi, pour “rester dans la course” ils ont justement perdu la notion de “vérification”. Cela a été parfaitement illustré en France, avec le “Dupont de Ligonnès écossais”. C’était une rumeur, “vérifiée” en interrogeant des “informateurs de cinquième main”. Ce qui a donné une “fake news” médiatique.

    De plus, Internet, en donnant accès à tous les sites d’information, sans distinction de couleur politique, a mis en évidence que 60% des informations publiées ne sont rien d’autre que des copier/coller de dépêches. Ce qui donne l’impression que tous les médias disent la même choses, et sont donc “vendus” (au pouvoir, aux riches, …). Ajoutez à cela le “suivisme” des média. L’un publie une information sans intérêt mais qui fait le buzz (genre “une girafe passant sous un pont”). Tous la publient alors. Ce qui renforce cette impression d’unicité de pensée médiatique.

    En fait, les médias n’ont compris ni les capacités de complémentarité des supports (papier, numérique), ni la nécessaire évolution de leur activité. Les médias ne sont plus “les sachants informant les ignorants”. Ils doivent dorénavant passer au stade de “créateurs de questionnement”. C’est à dire qu’au lieu de relayer simplement une information, en l’enrichissant à la marge, ils doivent au contraire utiliser l’information à la marge, et l’enrichir au maximum. Le papier et le numérique gratuit doivent être des “supports publicitaires” pour la partie riche (et payante) de l’information. Et cette partie doit exprimer toutes les approches et les questions sur l’information en question.

    Ainsi, si je prends l’exemple de la guerre civile en Ethiopie (j’évite à dessein le sujet du Covid, trop conflictuel). En dehors de l’aspect factuel, il faut des journalistes-documentalistes connaissant bien le pays, et pouvant de ce fait “poser les questions”. Comme par exemple, comment les forces tigréennes se ravitaillent-elles? Quels pays interfèrent-ils dans le conflit (USA, Chine, Egypte, …) et pourquoi? Etc.

    A partir du moment où les médias deviendront des vecteurs de développement du sens critique, ils retrouveront leur rôle de contre-pouvoir. Et ils pourront enrichir la démocratie. En redevenant intéressants ils pourront aussi espérer que les lecteurs acceptent de payer pour cette information enrichie, sous réserve qu’elle ne soit pas polluée par les publicités.

    1. Bonjour Monsieur,

      Je ne peux qu’être d’accord avec votre analyse. Il n’y a pas que les GAFAMs qui sont la cause de tout.
      La presse actuelle, et les politiques, n’ont rien anticipé, et se trouvent pris au piège de l’information gratuite et d’une communication très simple faite par tout un chacun au travers des réseaux sociaux.
      Avec Internet, il y a une verticalisation qui s’est faite, avec une difficulté pour les publics non avertis, nous tous en fait, de trier, arbitrer, savoir ce qui a été validé selon un code déontologique bien établi ou pas.
      Les médias et les politiques ont subi Internet et se réveillent maintenant, avec de la méfiance autour d’eux et envers eux, car toute information, de qualité ou “gratuite”, est mise au même nveau.
      C’est ainsi que je préconise dans ma conclusion que le journalisme sauvera le journalisme et qu’il faut réinvestir dans celui-ci.
      La qualité, la responsabilité, la proximité sont les seules garantes d’un retour de la confiance des publics et des audiences, des citoyennes et citoyens.

  4. S’il était écrit avant décembre 2020, votre article aurait pu décrire une situation réelle. Mais à présent le journalisme est mort, depuis que le Président Trump et Madame Merkel ont décidé que l’Occident doit, de gré ou de force, être vacciné avec du matériel à l’essai. Qu’est ce qu’ils font les journalistes? ils couvrent le plus grand scandale de l’humanité depuis la WWII. Est-ce qu’ils osent contredire les versions officielles sur l’utilité des vaccins? des masques? des pass? est-ce qu’ils posent des questions pertinentes aux responsables politiques et sanitaires? rien ! vous n’avez qu’à écouter les questions creusent dans la salle de presse au Palais fédéral, face à M. Berset, après les réunions du CF. Par la lecture de la presse sur le sujet du moment, nous célébrons tous les jours, avec regret, la disparition du journalisme. J’espère qu’ils n’auront pas l’argent en février afin que la presse regagne son statut de 4ème pouvoir.

    1. Bonjour,
      Pour moi, c’est justement des moyens supplémentaires à dégager pour la presse et par la presse qui vont permettre sa remontée de qualité.
      Comme je l’explique dans mon intervention, les GAFAMs ont asséché les recettes de tous les types de presse (malheureusement sans que cela soit anticipé), et la tendance a été de réduire les coûts (donc les analyses, les enquêtes, etc.) pour limiter leurs pertes.
      En attendant que les médias se réinventent – dans le maximum de diversité pour nous assurer des avis et contre-avis argumentés et fouillés – je ne vois pas d’autre possibilité que de leur donner un peu d’air avec de l’aide temporaire. Cette aide temporaire vise à leur donner un peu de temps afin de trouver de nouveaux modèles de financement.
      La qualité n’est jamais gratuite… Et personnellement, je suis convaincue que sans bonne presse, notre démocratie suisse s’affaiblit dangereusement.

      1. Bonjour,
        Plus d’argent distribué ne produit pas forcément meilleure qualité. Mais par contre et à coup sûr, plus de qualité produit plus d’argent pour les médias. Les suisses sont prêts à payer le prix élevé pour recevoir une bonne information de qualité. Le prix très élevé de l’abonnement au journal le plus ancien du monde (NZZ) en témoigne ! Merci d’avoir publié mon premier commentaire, je ne m’y attendais vraiment pas. Bonnes Fêtes !

  5. En favorisant les GAFAM sans donner votre adresse-courriel, vous favorisez aussi ce que vous critiquez, à savoir l’absence d’esprit critique dans “la base” (si je vous ai bien compris).
    C’est donc ici que vous trouvez l’introduction de mon envoi de hier 3.3.22:

    “A l’approche des élections cantonales vaudoises (20 mars 2022), j’ai soumis une version (un peu moins élaborée) de la lettre de lecteur ci-après à quelques rédactions de journaux suisses.
    A ce jour, elle n’est parue dans aucun des organes de la presse mainstream! Mais il me paraît que cela peut nourrir votre réflexion au moment d’élire sur Vaud, et également, mutatis mutandis, dans les pays ou cantons voisins.
    Certes, les évènements d’Ukraine pourraient relativiser ce qui se passe en Suisse. Ils montrent cependant comment un individu et sa “garde rapprochée” peuvent détourner à leur profit les institutions d’une collectivité pour semer la mort, la zizanie et la destruction. Nous devons tout faire pour que, chez nous, les germes de cette perversion (qui se sont manifestés dans la gestion de la crise Covid) soient remplacés par ceux d’un progrès vraiment démocratique. […]”

    Pierre Santschi, ancien député au Grand Conseil vaudois

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