Endre Ady: le poète du symbolisme hongrois

Endre Ady: de ma mélancolie à celle du poète

Souvent mes humeurs me suggèrent les publications et le contenu de ce blog. Ces temps, dire que je me sens saisie par la mélancolie, relève du pléonasme. Sans doute l’effet de l’automne qui sur de nombreuses personnes jette le voile sombre de la neurasthénie. Je me suis donc penchée sur un poème d’Endre Ady, un poète hongrois inspiré par les symbolistes de l’Hexagone, dont je vous ai déjà parlé en ce lieu. Vous trouverez sa biographie et un autre poème, en français, ici.

 

 

Ce n’est pas très primesautier, je vous l’accorde, mais c’est une magnifique déclaration d’amour qui doit donner toute sa puissance récitée dans sa langue d’origine.

Ci-dessous, pour le plaisir de l’ouïe, le poème Őrizem a szemed, qui signifie Je garderai tes yeux, récité en hongrois par Latinovits Zoltán. Ces quelques vers racontent l’histoire d’une personne vieillissante qui, le moment venu, veillera sur une autre également vieillissante. C’est court, intense et beau à écouter, même si l’on ne comprend pas la langue.

 

Sources:

  • Mes poètes Hongrois, de Guillevic, aux Editions Corvina Budapest, 1967.
  • Youtube

 

Marguerite Burnat-Provins : la passion à fleur de peau

Marguerite Burnat-Provins: l’exaltation de l’amour et de la volupté

En 1906 paraît, chez Säuberlin & Pfeiffer à Vevey, une publication intitulée Le Livre pour toi. S’ensuit un énorme scandale, non seulement sur la Riviera mais également en Valais. L’esclandre est rapidement étouffé, mais le livre est réédité à Paris en 1907 ce qui contribuera à donner de la visibilité à son auteure. Écrit par l’artiste peintre et dessinatrice Marguerite Burnat-Provins, une femme mariée à un notable veveysan, il s’adresse à l’amant de celle-ci, Paul Kalbermatten, un jeune ingénieur dont la famille réside à Sion. Ce livre, vibrant de passion et d’un désir sexuel que la bienséance et «l’honneur» interdit aux femmes de cette époque – de nos jours il ne sera pas moins malvenu et inconvenant qu’une personne mariée affiche publiquement son inclination pour une amante ou un amant – est une magnifique déclaration d’amour empreinte de lumière, que la jalousie et le manque de l’être aimé enténèbrent parfois.

Marguerite Burnat-Provins: de Paris à la Suisse

Marguerite Burnat-Provins naît à Arras en 1872, dans le Pas-de-Calais, en France, dans une famille riche et cultivée qui deviendra nombreuse. Soutenue par son père, elle s’adonne à l’écriture et la peinture. En 1891, elle monte à Paris suivre une formation artistique au sein d’institutions privées – l’École des beaux-arts étant encore fermée aux femmes. À vingt-quatre ans, elle se marie avec Adolphe Burnat, un architecte suisse. Le couple emménage à Vevey, d’où l’époux est originaire. De santé fragile, dès 1898, conseillée par l’artiste Ernest Biéler, l’un de ses amis, Marguerite fait de nombreux séjours à Savièse. Le soleil et le climat du Valais conviennent à sa santé. La créativité de Marguerite Burnat-Provins s’en trouve accrue. Elle réalise peintures, broderies, affiches et poursuit plusieurs projets littéraires.

Marguerite Burnat-Provins: amoureuse et libre à la folie

En 1906, elle rencontre Paul de Kalbermatten, un jeune ingénieur de la région avec qui elle entretient une liaison extraconjugale passionnée dans la maison mise à disposition par Ernest Biéler. Leur liaison offusque et fait un tel tapage, que l’artiste se voit obligée de renoncer aux séjours valaisans qu’elle aime tant. Elle divorce d’Adolphe Burnat en 1908 et se remarie avec Paul. Le couple voyage puis vit à Bayonne. Lors de la Première Guerre mondiale Paul est mobilisé en Suisse. Marguerite reste en seule France. Un choc dont elle ne se remettra pas. Rongée par la maladie, saisie par des crises d’angoisses morbides, elle exécute une série d’œuvres picturales hallucinées qu’elle prétend réaliser sous dictée. Cette période est également perturbée par les problèmes qu’elle rencontre avec ses éditeurs et l’indifférence de sa famille envers sa carrière. Toutefois, elle fait de nombreux voyages qui l’amènent à rencontrer des gens de lettres en Bretagne, dans le Midi, en Algérie, au Maroc et en Amérique du Sud.

En 1925, Marguerite apprend que Paul est épris de Jeanne Cartault d’Olive. La mort de sa sœur Marthe, puis de sa mère, le dépouillement de Paul par les Allemands et des problèmes de santé toujours plus présents la perturbent beaucoup. Ébranlée par les monstrueuses retombées de la guerre, elle trouve un peu de consolation dans la religion. En parallèle à la publication de ses livres, Marguerite Burnat-Provins poursuit sa création picturale jusqu’à son décès en 1952, quinze ans avant Paul qui, entre temps s’est remarié avec Jeanne.

Une vidéo réalisée par L’UNIL et L’ECAL. Poèmes et œuvres picturales de Marguerite Burnat-Provins.

 

Sources :

-Le livre pour toi, Editions L’Aire bleue

Catherine Dubuis

Association des amis de Marguerite Burnat-Provins

Site de la Collection de L’art Brut, Lausanne

Apollinaire: parce que tu m’as parlé de vice…

Apollinaire : un poète devenu héros

Guillaume Apollinaire serait né à Rome en août 1880, et mourut à Paris le 9 novembre 1918, d’une grippe aviaire dite “grippe espagnole“. La faiblesse induite par une blessure à la tête, occasionnée par un éclat d’obus, l’empêcha de surmonter la maladie. A cause de son engagement durant le conflit 1914-1918, on le déclara mort pour la France. On en parle beaucoup, ce mois-ci, où l’on commémore le centenaire de la fin de la Grande Guerre  et… le centenaire de la disparition du poète. Ainsi, je me contenterai de présenter le poème que je préfère de lui, et d’en invoquer les motifs.

Apollinaire et la guerre

L’on prétend qu’Apollinaire aimait la guerre. En homme curieux, ses mécanismes, ses enjeux, ses conséquences, la façon dont elle change les paysages et le comportement humain, le fascinaient probablement. Mais, quand je lis ce poème, je ressens surtout qu’il l’a trouvait aussi vulgaire qu’une certaine hypocrisie bienséante envers les affaires de sexe. Certes, il s’était engagé de son propre chef mais – selon Daniel Delbreil, professeur à l’université Sorbonne nouvelle-Paris III, spécialiste du chantre de la poésie moderne – afin d’obtenir la nationalité française, comme beaucoup d’étrangers qui vivaient en France à l’époque. Par ailleurs, personne ne pouvait prévoir l’hécatombe qu’allait devenir la Première Guerre mondiale.

Apollinaire et le sexe

J’ai découvert ce poème quand j’étais élève au Cours de l’acteur Florent, à Paris. Nous devions étudier une poésie et la présenter sur scène. Nous avions le choix du poème, pas du poète. Ma professeure de théâtre Michèle Harfaut m’a attribué Apollinaire. J’avais envie qu’il soit question d’amour. J’ai acheté Poèmes à Lou. J’ai toujours défendu la liberté sexuelle et ses diverses pratiques à condition qu’elles s’effectuent entre adultes consentants. Ce poème correspond exactement à ce que je pense : lorsque deux personnes – ou davantage – sont d’accord sur les règles du jeu, il ne saurait y avoir de débauche. Certaines choses de par le monde, à commencer par le peu de cas que l’on fait de sa destruction –par exemple – s’avèrent bien plus choquantes, à mes yeux, que ce qui se passe dans une alcôve entre adultes consentants. Mon choix s’était porté sur Parce que tu m’as parlé de vice dans ta lettre d’hier parce qu’Apollinaire y suggère clairement la sodomie et le SM.

Le Poèmes à Lou que j’emmenais au cours.

Extrait de la préface de Poèmes à Lou et d’ Il y a

“Amant persuadé que
Le vice n’entre pas dans les amours sublimes
il chante la joie et la douleur des corps sans oublier que “le corps ne va pas sans l’âme”, à la fois rêvant d’un inaccessible absolu et acceptant les partages les plus dérisoires.
Soldat vivant au jour le jour les misères des premières lignes, il a le courage de contempler l’insolite beauté que suscite la guerre, et de la dire.
Mais dans la magnificence de l’amour comme dans l’émerveillement qu’il ressent, artilleur, sur la ligne de feu, il reste, proche de nous, l’homme qui sait sa faiblesse et le prix de l’attente:
Je donne à mon espoir tout l’avenir qui tremble comme une petite lueur au loin dans la forêt.

Michel Décaudin

 

Article sur la grippe espagnole dans le journal Le Temps:

“Aucune autre pandémie dans l’Histoire n’a autant tué”.

 

Sources:

-Éditions Gallimard

-Télérama

-Wikipédia

 

Endre Ady: l’influence de Baudelaire et Verlaine

Le symbolisme français pour décrire la Hongrie

Issu d’une famille noble désargentée, Endre Ady de Diósad né en 1877 à Érmindszent et décédé à Budapest en 1919, est un poète hongrois également connu sous le nom d’André  Ady, chef de file du renouveau de la poésie et de la pensée sociale progressiste en Hongrie au début du XXe siècle. Le poème suivant se situe à Paris où le poète a découvert le symbolisme français.

Après des études de droit, Endre Ady travaille comme journaliste puis, avec son amante, une femme mariée appelée Léda dans ses poèmes, il se rend à Paris où il reste un an, ce qui lui permet de s’initier aux nouveaux courants de la littérature européenne.

À son retour, Ady recommence à travailler comme journaliste tout en écrivant de nombreux poèmes. Il s’intéresse aussi à la politique. Grâce à ses expériences parisiennes, il élabore un nouveau style, à savoir le patriotisme critique. A travers sa poésie il souhaite révéler les problèmes socio-politiques de la Hongrie et amener une transformation politique.

Cependant Ady est âprement attaqué non seulement pour son attitude politique, considérée comme non patriotique, mais aussi pour ses poésies érotiques. Atteint de syphilis, sa créativité faiblit, ce qui ne l’empêche pas de s’insurger contre le nationalisme hongrois durant la première guerre mondiale.

La poésie d’Endre Ady est fortement influencée par le symbolisme français, en particulier par Baudelaire et Verlaine. Son œuvre reflète la décadence et les injustices sociales de la monarchie hongroise.

Rarement dans l’histoire, un poète aura autant embrasé et embrassé un pays, un peuple, une langue, tout en culminant dans l’universel. Livré à la rage d’aimer et d’être aimé, le poète sera la proie d’une angoisse existentielle, qui ne le quittera jamais : « Celui qui voit avec mes yeux le monde et soi-même dans le monde, accepte par là même la mort, le dépérissement, l’anéantissement ».

Le poème publié est issu du livre Mes poètes Hongrois, de Guillevic, aux Editions Corvina Budapest, 1967.

Sources:

– Christophe DAUPHIN dans la Revue Les Hommes sans Epaules.

– Wikipédia