Marguerite Burnat-Provins : la passion à fleur de peau

Marguerite Burnat-Provins: l’exaltation de l’amour et de la volupté

En 1906 paraît, chez Säuberlin & Pfeiffer à Vevey, une publication intitulée Le Livre pour toi. S’ensuit un énorme scandale, non seulement sur la Riviera mais également en Valais. L’esclandre est rapidement étouffé, mais le livre est réédité à Paris en 1907 ce qui contribuera à donner de la visibilité à son auteure. Écrit par l’artiste peintre et dessinatrice Marguerite Burnat-Provins, une femme mariée à un notable veveysan, il s’adresse à l’amant de celle-ci, Paul Kalbermatten, un jeune ingénieur dont la famille réside à Sion. Ce livre, vibrant de passion et d’un désir sexuel que la bienséance et «l’honneur» interdit aux femmes de cette époque – de nos jours il ne sera pas moins malvenu et inconvenant qu’une personne mariée affiche publiquement son inclination pour une amante ou un amant – est une magnifique déclaration d’amour empreinte de lumière, que la jalousie et le manque de l’être aimé enténèbrent parfois.

Marguerite Burnat-Provins: de Paris à la Suisse

Marguerite Burnat-Provins naît à Arras en 1872, dans le Pas-de-Calais, en France, dans une famille riche et cultivée qui deviendra nombreuse. Soutenue par son père, elle s’adonne à l’écriture et la peinture. En 1891, elle monte à Paris suivre une formation artistique au sein d’institutions privées – l’École des beaux-arts étant encore fermée aux femmes. À vingt-quatre ans, elle se marie avec Adolphe Burnat, un architecte suisse. Le couple emménage à Vevey, d’où l’époux est originaire. De santé fragile, dès 1898, conseillée par l’artiste Ernest Biéler, l’un de ses amis, Marguerite fait de nombreux séjours à Savièse. Le soleil et le climat du Valais conviennent à sa santé. La créativité de Marguerite Burnat-Provins s’en trouve accrue. Elle réalise peintures, broderies, affiches et poursuit plusieurs projets littéraires.

Marguerite Burnat-Provins: amoureuse et libre à la folie

En 1906, elle rencontre Paul de Kalbermatten, un jeune ingénieur de la région avec qui elle entretient une liaison extraconjugale passionnée dans la maison mise à disposition par Ernest Biéler. Leur liaison offusque et fait un tel tapage, que l’artiste se voit obligée de renoncer aux séjours valaisans qu’elle aime tant. Elle divorce d’Adolphe Burnat en 1908 et se remarie avec Paul. Le couple voyage puis vit à Bayonne. Lors de la Première Guerre mondiale Paul est mobilisé en Suisse. Marguerite reste en seule France. Un choc dont elle ne se remettra pas. Rongée par la maladie, saisie par des crises d’angoisses morbides, elle exécute une série d’œuvres picturales hallucinées qu’elle prétend réaliser sous dictée. Cette période est également perturbée par les problèmes qu’elle rencontre avec ses éditeurs et l’indifférence de sa famille envers sa carrière. Toutefois, elle fait de nombreux voyages qui l’amènent à rencontrer des gens de lettres en Bretagne, dans le Midi, en Algérie, au Maroc et en Amérique du Sud.

En 1925, Marguerite apprend que Paul est épris de Jeanne Cartault d’Olive. La mort de sa sœur Marthe, puis de sa mère, le dépouillement de Paul par les Allemands et des problèmes de santé toujours plus présents la perturbent beaucoup. Ébranlée par les monstrueuses retombées de la guerre, elle trouve un peu de consolation dans la religion. En parallèle à la publication de ses livres, Marguerite Burnat-Provins poursuit sa création picturale jusqu’à son décès en 1952, quinze ans avant Paul qui, entre temps s’est remarié avec Jeanne.

Une vidéo réalisée par L’UNIL et L’ECAL. Poèmes et œuvres picturales de Marguerite Burnat-Provins.

 

Sources :

-Le livre pour toi, Editions L’Aire bleue

Catherine Dubuis

Association des amis de Marguerite Burnat-Provins

Site de la Collection de L’art Brut, Lausanne

Le poète David Diop : figure emblématique de la décolonisation

David Diop: poète et militant

Le 29 août 1960, le vol 343 Air France, pris dans une tempête, sombre en face des Almadies au large de Dakar, avec 55 passagers à bord et 8 membres d’équipage. Parmi eux se trouvent David Diop, un poète sénégalais de 33 ans, et ses manuscrits. Aucun passager ni membre de l’équipage ne survit et la commission d’enquête ne parvient pas à déterminer les causes du drame. Les écrits engagés de David Diop, militant des Indépendances Africaines et dénonciateur de la colonisation, qui ont secoué le monde politique et littéraire, alimentent l’idée que l’avion a été abattu afin de se débarrasser du poète. Rien n’a jamais pu être prouvé même s’il est certain qu’il dérangeait beaucoup de monde.

David Diop: neveu de Léopold Sédar Senghor

David Mandessi Léon Diop, naît à Bordeaux le 9 juillet 1927 d’une mère camerounaise et d’un père sénégalais qui décède quand il a huit ans. Sa mère reste seule avec six enfants dont le jeune David qui a la santé fragile. De longs séjours à l’hôpital lui permettent de découvrir la littérature, en particulier la poésie. Il connaît la guerre puis l’occupation allemande. Il commence des études de médecine puis se réoriente vers les lettres modernes. Élève de son oncle Léopold Sédar Senghor, son ainé non seulement l’inspire mais le rend également fier de ses origines africaines. Licence en poche, il décide d’enseigner au Sénégal, le pays de ce père qu’il a peu connu. Il se marie à une Sénégalaise et observe les déplorables conditions de vie des Africains.

Il se détache alors de l’influence de son oncle et se lance, au travers de ses écrits, dans la lutte anticoloniale. En effet, Léopold Sédar Senghor vénère la langue française, au point de la considérer comme la langue des dieux, or David Diop estime que cette langue n’est qu’un moyen d’expression provisoire, imposé provisoirement par la colonisation. Il existe une différence fondamentale entre la poésie de David Diop et celle de Senghor. David Diop est le poète de la radicalité qui a opté pour une démarche contestataire que certains qualifient de «révolutionnaire». Ses premiers poèmes sont publiés aux éditions Présence Africaine en 1956, dans un recueil intitulé Les coups de pilon.

En 1958, David Diop répond à l’appel lancé par Sékou Touré aux intellectuels et part enseigner en Guinée. Le poète se radicalise en intégrant le Parti Africain de l’Indépendance. Il croit en son combat et voit peu à peu la naissance des États africains. En 1960, les Africains sont sur la voie de la décolonisation. Il accompagne leurs efforts en préparant de nouvelles œuvres. Le 29 août 1960, l’avion de David Diop, pris dans une tornade, tombe en mer le long des côtes du Sénégal. Le corps du poète  est repêché et inhumé au cimetière catholique de Bel-Air à Dakar. Ses manuscrits n’ont jamais été retrouvés.

Autre poème de David Diop : AFRIQUE MON AFRIQUE récité par Chantal Epée.

Sources :

– Le nouvel Afrik.com

– Médiapart

– France Bleu

– Poètes d’Afrique et des Antilles, de Hamidou Dia, Editions de la Table Ronde

Un livre 5 questions: “Ce que révèle la nuit” de Sylvie Blondel

Ce que révèle la nuit de Sylvie Blondel : introduction

Dans son roman Ce que révèle la nuit, paru chez PEARLBOOKSEDITION à Zurich, Sylvie Blondel imagine la vie et les derniers jours de l’astronome Jean-Philippe Loÿs de Cheseaux, réputé scientifique du XVIIIe siècle. Né en 1718 dans une noble famille vaudoise, considéré par ses pairs européens comme l’un des plus grands scientifiques de son temps, il mourut à Paris en 1751.

À l’histoire de ce savant, Sylvie Blondel intercale un moment de la vie d’Hector, un homme de notre époque, qui souhaite écrire un livre sur cet astronome de nos jours oublié. Rapidement, il se voit confronté au manque d’information et aux interrogations que soulèvent ces lacunes, tout comme il tourne et retourne, dans son esprit, les questions qu’il se pose sur les mystérieux motifs qui ont incité sa femme à quitter le domicile conjugal sans plus donner de nouvelles.

Ce que révèle la nuit : interview de Sylvie Blondel

Une phrase du livre :

« … je me sens comme un poisson rouge dans le bocal de l’Univers avec la Lune et le silence ».

***

Merveilleuse question, car elle reflète mon état d’esprit au moment de l’écriture de ce roman, et je la place dans la bouche d’Hector : il exprime, en partie, mon désarroi.

Ce que révèle la nuit, Sylvie Blondel, PEARLBOOKSEDITION 2015.

Cette question existentielle parcourt le livre, en ces temps troublés par le changement climatique qui menace l’humanité. Je confronte l’étroitesse de vue de bon nombre de contemporains, dont nous faisons partie, et l’immensité de l’Univers. L’infiniment petit et l’infiniment grand. Entre ces extrêmes, l’individu se sent impuissant, humble, minuscule, avec ses soucis dérisoires. Il tourne en rond comme un poisson dans un bocal sans espoir d’une issue vers la liberté. À ce propos, je viens de rêver que j’étais un poisson dans l’océan et que je nageais et communiquais avec mes congénères ! Je dois dire que ce rêve m’a redonné la pêche (si l’on peut dire !) Je pense aussi souvent à l’axolotl de Julio Cortazar, à cette perméabilité entre le dedans et le dehors. Ainsi je considère ce poisson rouge comme un avatar du moi : il se croit enfermé alors que son espace vital est immense, l’Univers entier l’entoure de sa beauté absolue : la Lune. La dimension onirique est essentielle, ainsi que la dimension spirituelle. D’où l’importance de faire silence en soi et d’écouter. C’est ce que font Hector et Loÿs par moments : ressentir cet enveloppement, cette mère universelle chère aux peuples premiers (les kogis de Colombie), cet amour de l’Univers est ce qui nous porte, c’est le mystère de la création. Malheureusement bon nombre de gens ont perdu ce contact et saccagent leur environnement, se saccagent eux-mêmes. Au contact de la nature, je peux parfois éprouver ce sentiment d’unité.

Pourquoi votre choix s’est-il porté sur l’astronome Jean-Philippe Loÿs de Cheseaux ? En particulier sur les derniers moments de sa vie ?

J’ai envisagé le point de vue le plus large pour arriver au plus petit. J’ai tapé sur Google le mot «  Nuit » et je suis tombée sur J-P L de Cheseaux. J’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur lui, et sa brève destinée m’a frappée. On s’identifie toujours un peu aux personnages qu’on crée. J’ai été impressionnée par sa passion des études scientifiques, son rôle de chercheur, son courage et sa modestie. J’ai volontairement laissé de côté d’autres aspects de sa vie (la religion.) Dans mon aventure d’écrivaine, j’aime ce côté voyage dans le temps, cet aspect fantastique propice à l’invention. Et j’aime particulièrement le 18e siècle pour une certaine forme d’optimisme et de liberté, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le Siècle des Lumières. Il a aussi sa dimension tragique, raison pour laquelle je me suis également attachée à la figure de Davel qui a donné sa vie pour la liberté du canton de Vaud, lui aussi fut un héros méconnu en son temps. J’ai imaginé qu’il aurait pu être admiré par le grand-père de Loÿs. Écrire une biographie historique n’est pas ma tasse de thé, raison pour laquelle j’ai relaté seulement certaines scènes de la vie du personnage. Je me suis inspirée des faits historiques (canevas), mais le contenu est purement imaginaire. Je me suis limitée à ses dix derniers jours, car c’est un concentré de la vie humaine : l’espoir et la souffrance, les amours et les regrets, la question de la vie après la mort (qui reste ouverte). Le récit est fait de va-et-vient entre présent et passé (on dit que notre vie défile à toute allure avant de mourir). En me concentrant sur quelques heures dans la vie d’un homme, mon sujet pouvait être appréhendé sans me perdre. Chaque chapitre forme une unité, comme un découpage cinématographique (scénario pour un téléfilm !) D’emblée, j’ai été révoltée par la manière dont la France de l’époque a traité ce grand savant en le jetant dans une fosse commune, car tel était le sort des protestants, des comédiens ( Molière) et des parias. Loÿs de Cheseaux était pourtant membre de l’Académie royale des Sciences à Paris ! N’oublions pas le massacre des protestants après la révocation de l’Édit de Nantes ; on parle beaucoup du génocide arménien, du génocide des Juifs, etc… il y eut en France le génocide des protestants. S’il n’avait pas eu lieu, la France actuelle serait peut-être plus ouverte, mieux gérée, tant la vision de l’État de la part des protestants est à l’opposé du pouvoir royaliste et centralisé d’aujourd’hui.

Ce que je veux dire c’est que Loÿs de Cheseaux est resté assez méconnu alors que ses travaux scientifiques ont joué un rôle éminent : découvreur de comète avec une simple lunette astronomique ! Bon nombre d’artistes suisses restent aujourd’hui méconnus également tant notre territoire est restreint. Les pouvoirs publics ne s’intéressent pas beaucoup à la plus value que représente la littérature.

Dans votre ouvrage, Hector vit au XXIe siècle et souhaite écrire un livre sur l’astronome vaudois. Les documents existants sur ce personnage historique sont-ils aussi lacunaires que dans votre roman? Si oui, cela vous a-t-il laissé beaucoup d’espace de liberté ou au contraire était-ce une contrainte?

Oui, hélas, c’est véridique : tous ses instruments et documents ont été détruits. À une époque pas si lointaine, on n’avait aucune conscience de la nécessité de conserver le patrimoine. De plus, lorsqu’on a passé au système métrique, toutes les anciennes mesures sont devenues caduques. Comme dit dans le livre, ma principale source est le professeur d’astrophysique Georges Meylan qui fait de nombreuses conférences sur J-P L de Cheseaux et dispose de copies des documents qui restent de ce savant : on a donc à la BCU le « traité de la comète » (illisible pour un non scientifique) et quelques autres œuvres assez ardues et très techniques destinées à un public restreint d’hommes de science. Ses dessins sont magnifiques. Il y a aussi un historien, que je cite dans les références de mon roman, qui a résumé cela mais de manière plate et non fictionnelle. Cela n’était donc pas une contrainte, mais une liberté, car il n’existe aucune anecdote sur la vie personnelle de Loÿs. Je lui ai inventé un amour impossible pour lui donner un peu d’humanité, mais comme il s’est épuisé à la tâche, il a été souvent malade et déprimé (en burn-out, dirait-on aujourd’hui.) J’ai fait une assez large place à la médecine de l’époque. N’oublions pas que l’espérance de vie était d’à peu près 40 ans. Les voyages étaient épuisants et très longs. J’ai des centaines de pages de documents, mais ne les ai pas fait apparaître dans le roman pour ne pas alourdir le propos.

Hector considère l’astronome comme un jumeau d’un autre âge. Et vous ? Avez-vous une jumelle – ou un jumeau – dans une autre époque ?

Je trouve cette idée très romanesque. J’aime beaucoup Julio Cortazar. Il articule bon nombre de ses nouvelles des Armes secrètes sur ce mélange des strates temporelles. Si l’on en croit les astrophysiciens et les bouddhistes, le temps n’existe pas, nous sommes dans un éternel présent (enfin si j’ai bien compris.) J’aime à penser, mais ce n’est qu’une croyance, que des esprits peuvent communiquer avec nous par le biais des rêves, des synchronicités. Cf le réalisme magique de Garcia Marquez, Isabel Allende, notamment. Les anciennes civilisations d’Amérique latine font état aussi de cette présence des esprits des morts, c’est une hypothèse artistique pour moi, pas une conviction, mais je pense que les artistes sont habités par plusieurs vies, sont des éponges qui captent diverses ondes émanent de leur environnement. J’ai mis ces hallucinations d’Hector sur le compte de son état dépressif suite à un deuil… Donc je n’en sais rien, mais cela m’inspire pour l’écriture. Il m’a paru intéressant de mêler l’esprit rationnel, scientifique et le paranormal. Beaucoup de phénomènes nous échappent.

Je ne crois pas avoir un jumeau dans une autre époque. J’ai bien souvent cru à l’âme sœur – tomber amoureuse d’un type impossible parce que nous nous étions connus dans une vie antérieure et que le destin nous avait séparés et qu’il fallait revivre cette histoire au présent pour libérer nos âmes du chagrin – beaucoup de voyantes disent cela.

Pensez-vous que deux personnes de deux époques différentes puissent se rencontrer ? Que le temps puisse se plier comme le prétendent certains physiciens ?

Réponse, j’y crois et j’y crois pas. Pour la deuxième partie, cela défie la raison, mais en effet la notion du temps est subjective et les physiciens ont encore bien des choses à nous révéler. Comme dit plus haut, notre connaissance du temps est partielle. Il est théoriquement possible qu’on puisse remonter le temps avec des instruments de plus en plus sophistiqués jusqu’au big bang, mais certains en doutent, car nous n’aurons jamais de télescopes aussi puissants, c’est le résultat d’extrapolations. Je pense comme eux qu’il est plus important de poser des questions que d’apporter des réponses lorsqu’on parle d’astrophysique et de spiritualité.

En ce moment j’ai de gros doutes quand à la survie de l’âme : j’ai vu ma mère dévorée par la maladie d’Alzheimer, perdre peu à peu la mémoire et la capacité de penser. Si le cerveau est détruit, que reste-t-il de l’esprit ? La vie se résume-t- elle à un tas de cendres ? Je crois que c’est inadmissible pour un écrivain dont le rôle est de faire vivre l’humain et toute forme d’existence à travers l’imaginaire.

Donc mon roman est le résultat de ce questionnement sur le caractère à la fois poignant et éphémère de la vie humaine dans l’immensité de l’univers.

La question que je pose à chaque auteur-e : à quel personnage littéraire vous identifieriez-vous ?

J’aime beaucoup Stendhal et son style haletant. Je dirais Clélia dans la Chartreuse de Parme. Une héroïne prisonnière d’un secret, d’un vœu, très puissant ressort romanesque. La légende de Tristan et Iseut, comme l’a bien montré Denis de Rougemont, façonne encore aujourd’hui la vision tragique de l’amour en Occident. La soif de passion à l’opposé d’une vie tranquille et sans histoire, c’est peut-être pour cela que, dans les films, les femmes choisissent les mauvais garçons ! (cf aussi Marguerite Duras.) Stendhal termine ses romans de cette façon : les amants sont enfin réunis…mais il est trop tard, la mort emporte l’un des deux. Idem dans Tristan et Iseut.

Mon personnage, J-P L de Cheseaux, vit aussi un amour impossible. Le tragique de l’histoire, c’est que son Isabelle, devenue enfin veuve, pourrait l’épouser, mais il meurt avant de connaître la vie tranquille sur cette Terre, mais peut-être dans l’au-delà.

 

Début du roman lu par l’auteure Sylvie Blondel.

Biographie de Sylvie Blondel:

Sylvie Blondel, professeur de français et journaliste radio, est née à Lausanne.

Sa vie est jalonnée par de nombreux voyages qui ont inspiré le recueil de nouvelles : “Le Fil de soie ”  éditions de l’Aire, 2010. En 2015, elle publie le roman « Ce que révèle la nuit », PEARLBOOKSEDITION. D’autres textes figurent dans des recueils collectifs.

Actualité et projets à venir de Sylvie Blondel:

Une nouvelle parue dans « Le livre des Suites « , éditions l’Age d’Homme, 2018.

Une nouvelle à paraître dans un recueil collectif d’écrivaines de Suisse romande à l’occasion de la future grève des femmes du 14 juin 2019.

La sortie de son prochain livre est prévue pour début 2020.

 

Cette entrevue, réalisée par Dunia Miralles, est extraite du blog : “Écrire à mille: littérature romande et autres art”.

Gustavo Adolfo Bécquer : un romantique inspiré par Heinrich Heine

Gustavo Adolfo Bécquer : Rimes pour la postérité

Écrivain, dramaturge et poète romantique, Gustavo Adolfo Bécquer est considéré comme le fondateur du lyrisme espagnol moderne. L’amour qu’il porte à une cantatrice, l’amène à écrire les Rimes auxquelles il doit sa renommée littéraire. Elles sont à l’origine du courant de poésie intimiste inspirée par Heinrich Heine qui s’opposait à la rhétorique pompeuse des poètes romantiques antérieurs.

 

Gustavo Adolfo Bécquer : orphelin et malade

Né à Séville le 17 février 1836, fils et frère d’artistes peintres, il devient orphelin à l’âge de dix ans. Son frère aîné, Valeriano, et lui sont adoptés par leur oncle.

A l’âge de dix ans, Gustavo Adolfo commence une carrière nautique à l’école San Telmo de Séville. Sa vocation est frustrée lorsque l’école ferme ses portes. Sa marraine, Manuela Monahay, le recueille. En femme cultivée, elle possède une merveilleuse bibliothèque ou l’adolescent passe des heures à lire des livres de toutes les époques et de tous les horizons.

En 1854, avec son frère, il s’installe à Madrid où il collabore à plusieurs publications journalistiques tout en adaptant des pièces de théâtre, des œuvres dramatiques légères françaises ou italiennes. Avec quelques amis, il fonde la revue España Artística  mais de graves problèmes économiques et de santé – il est atteint d’hémoptysie – commencent à l’affaiblir. Il se réfugie dans le monastère de Veruela afin de se rétablir. De là, il envoie ses écrits à diverses revues parmi lesquels Lettres de ma cellule.

Gustavo Adolfo Bécquer : un amour intouchable

De retour à Madrid, il éprouve un amour profond, passionnel et platonique pour la cantatrice Julia Espín. Beaucoup de ses rimes sont inspirées par elle mais c’est avec Casta, la fille de son médecin, avec qui Bécquer se marie en 1861. Avec elle, il aura trois enfants, mais le dernier d’entre eux est source de conflit entre les époux, Gustavo l’attribuant au fruit d’un amour extra-conjugal.

Gustavo Bécquer a été rédacteur en chef du journal El Contemporáneo, mais n’a jamais participé à la vie publique ou politique. La célébrité ne l’a pas accompagné de son vivant. On le disait sérieux, gentil, peu expressif et se contentait d’un cercle d’amis restreint. Il admirait Chopin et s’évadait dans la musique.

Son travail simple, chaleureux, sentimental et raffiné se compose de ses célèbres Rimes, d’un ensemble de 94 poèmes courts, de 25 légendes et de ses neuf lettres littéraires avec le titre Desde mi Celda.

Gustavo Adolfo Bécquer : père de la littérature moderne espagnole

Bien que sa renommée soit due à ses vers, sa prose est aussi merveilleuse. Dans les Légendes, il captive le lecteur en lui montrant un monde fantastique. Il n’a essayé ni de laisser des enseignements moraux, ni de s’attacher à la logique. En auteur romantique, il a donné libre cours à son imagination et à ses sentiments. Certains textes appartiennent au gothique ou au genre de l’horreur, d’autres sont de vrais poèmes, écrits en prose, d’autres sont des récits d’aventure. L’on y perçoit son admiration pour la nature et les paysages castillans.

Avec Rosalía de Castro, il a inauguré la ligne espagnole moderne et a ainsi été reconnu par des auteurs prestigieux tels que Miguel de Unamuno, les frères Antonio et Manuel Machado, Juan Ramón Jiménez, Rafael Alberti, Federico García Lorca, etc.

Ses célèbres comptines ont été écrites en 1867, mais il a perdu le manuscrit pendant la Révolution de 1868. Il l’a reconstitué de mémoire et avec l’aide de ce qu’il avait déjà publié dans les journaux de l’époque. Il l’intitule El libro de los gorriones –Le livre des Moineaux- conservé à la Bibliothèque nationale de Madrid. Dans ces versets s’entrelacent souvenirs, amour, déception, désespoir et mort.

Usé par la maladie qui l’accompagnait depuis 1858, il s’éteint à 34 ans, à Madrid, le 22 décembre 1870 quelques mois après son frère décédé en septembre.

Parmi ses dernières volontés, il demande à son ami, le poète Augusto Ferrán, de brûler ses lettres personnelles et de publier ses vers. Il pensait qu’il serait reconnu après sa mort et sa prémonition s’est réalisée.

 

Sources :

– Rimas y Leyendas, Edición Enrique Rull

– España es cultura

– Poemas del Alma

Jérôme Meizoz : un auteur tendre, constant et prolifique

Jérôme Meizoz: érudition et discrétion

Sans tapage, ni déclarations fracassantes, le valaisan Jérôme Meizoz écrit et la liste de ses publications est longue. Essayiste, il s’adonne également à la poésie, aux récits historico-socio-politiques et à la fiction. En 2018, il devient le lauréat du Prix suisse de littérature pour Faire le garçon, un roman documentaire pertinent et tendre, sur les contraintes que l’on impose aux hommes, dès leur plus jeune âge, afin d’en faire de vrais modèles de masculinité selon les normes sociales en vigueur à la fin du XXème siècle dans une campagne catholique. En ce jour de St-Valentin où quitter, partir ou être seul-e, semble souvent plus pesant qu’un autre jour, j’ai choisi de vous présenter un poème qui décrit le désœuvrement que l’on éprouve parfois dans les gares. Paru dans Terrains vagues, éditions de L’Aire -2007-, un recueil réédité par L’Âge d’Homme – «Poche suisse », 2015.

 

Jérôme Meizoz :  biographie succincte

Jérôme Meizoz, né en 1967 en Valais, vit à Lausanne. Ecrivain et professeur de littérature française à l’Université de Lausanne, auteur de diverses études consacrées à Rousseau, Töpffer, Ramuz, Céline, à des auteurs suisses (Chappaz, Bille, Cherpillod, Nessi, Lovay) comme à la littérature française contemporaine (Annie Ernaux, Pierre Bergounioux). Son premier récit, Morts ou vif (Zoé, 1999) a reçu la mention «Livre de la Fondation Schiller Suisse 2000». Il a publié notamment Les Désemparés (Zoé, 2005), Terrains vagues (L’Aire, 2007), Fantômes (En bas, 2010), Séismes (Zoé, 2013), Haut Val des loups (Zoé, 2015). En 2018, le roman Faire le garçon (Zoé), reçoit un Prix suisse de littérature.

Pour davantage d’information, vous pouvez consultez son site où écouter l’entretien accordé à Mélanie Croubalian dans son émission Entre nous soit dit – RTS- lors de la réédition de Terrains Vagues. Meizoz y déclare aimer écrire -ou plutôt prendre des notes- dans les trains.

Afin de rester dans l’ambiance de l’auteur et de donner un écho au poème de ce 14 février, je vous invite à découvrir une vidéo tournée à la gare Genève-Cornavin d’où, Jérôme Meizoz, nous explique l’importance que l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau revêt encore aujourd’hui.

 

Jean de la Fontaine: un libertin repenti

Jean de la Fontaine : le plus moralisateur des libertins

Nous connaissons cet homme de lettres en tant que fabuliste moralisateur qui aura su se faire haïr par de successives générations de jeunes écoliers – heureusement pas de tous. Or, Jean de la Fontaine écrivait non seulement des livrets d’opéra, des pièces de théâtre et des poèmes mais également des contes licencieux. Écrivain et poète vaguement libertin, pour accéder à son rêve le plus cher – un fauteuil à l’Académie Française- il dut renier ses premiers contes, se « réconcilier » avec Dieu et surtout avec ses représentants de l’église catholique. La poésie d’aujourd’hui a pour sujet la volupté sous toutes ses formes. Elle est extraite du livre “A l’heure de l’amour et des roses”, poèmes choisis par Hubert Gravereaux et délicatement illustrés par Lotte Günthart. Parution aux Éditions Payot, Lausanne, en 1968.

Jean de la Fontaine: le protégé des Dames

Jean de La Fontaine, naît un début juillet 1621, à Château-Thierry, dans la bourgeoisie de province. Avant de s’installer à Paris, il vit ses premières années dans l’hôtel particulier que possèdent ses parents.

Proche de Nicolas Fouquet, de Molière, Boileau et Racine, Jean de La Fontaine reste à l’écart de la cour royale non par choix mais parce qu’il n’est guère apprécié en haut lieu. Il profite de cette distance pour publier, de 1668 à 1674, des Contes et Nouvelles, à tendance libertine, écrits pour l’une de ses protectrices. La méfiance de la cour à son égard, principalement due à sa fidèle amitié envers Nicolas Fouquet, ne l’empêche pas de pénétrer dans les meilleurs salons. Quelques dames amoureuses des lettres lui octroient tour à tour leur protection.

Jean de la Fontaine: les contes ou le fauteuil

Malgré des oppositions, il est reçu à l’Académie française en 1684. A cette occasion, il est obligé de renier publiquement ses contes licencieux.

Après la perte de Madame de la Sablière, sa dernière protectrice, son moral tombe au plus bas. Il perd goût à la vie, tombe malade, passe son temps à lire les Évangiles et entame des discussions avec les prêtres. Un abbé persuade Jean de la Fontaine de se confesser. Il insiste sur une confession publique afin que tous puissent assister au reniement de ses contes. Il le fait dans sa chambre en présence des académiciens. L’abbé lui fait promettre de ne plus écrire que des textes pieux et lui accorde l’extrême onction.

Contre toute attente, il se rétablit et retourne à l’Académie.

Il meurt le 13 avril 1695.

Pour écrire ses fables, Jean de la Fontaine s’est inspiré des fabulistes de l’Antiquité gréco-latine et en particulier d’Ésope. Le premier recueil qui correspond aux livres I à VI des éditions actuelles est publié en 1668, le deuxième (livres VII à XI) en 1678, et le dernier (livre XII actuel) est daté de 1694. L’adresse de ses vers et la morale des textes, plus complexes qu’ils n’y paraissent, ont assuré leur succès. Actuellement, Les Fables de La Fontaine sont considérées comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature française. Le fabuliste a éclipsé le conteur d’autant, qu’afin de sauvegarder la morale, on a mis dans l’ombre ses contes licencieux.

Un merci à Michel Pennec et à la Librairie Humus à Lausanne.

Sources :

-Histoire pour tous

-Musée Jean de la Fontaine

-Wikipédia

Alexis-Félix Arvers : une muse énigmatique, un sonnet et Gainsbourg pour le chanter

Alexis-Félix Arvers : un sonnet passé à la postérité

En 1906, Le Soleil du Dimanche illustré du 9 septembre annonçait que l’on venait de poser une plaque commémorative sur la maison où était né, cent ans plus tôt, Alexis-Félix Arvers. A présent oublié, cet homme de lettres doit sa réputation à l’une des poésies les plus récitées de son siècle et, surtout, au mystère qui entoure la muse qui l’aurait inspiré. La version proposée – il en existe plusieurs mais seuls quelques détails changent – est tirée de l’hebdomadaire cité plus haut. Ce poème porte comme titre Un secret  mais il est généralement nommé Sonnet d’Arvers.

 

Alexis-Félix Arvers : un dandy ami d’Alfred de Musset

Le poète et dramaturge français Alexis-Félix Arvers naquit à Paris le 23 juillet 1806, au numéro 1 de la rue Budé, dans le 4ème arrondissement.

Notaire de profession, il rêvait de devenir un homme de plume. Il y réussit en faisant jouer une douzaine de comédies légères, un genre dont raffolait le public petit-bourgeois de l’époque. Leur succès lui permit de mener une existence « de dandy » et de fréquenter d’autres auteurs, notamment Alfred de Musset dont il était vraisemblablement un proche.

Mille suppositions pour un sonnet

C’est dans le salon littéraire organisé par Marie Menessier-Nodier, poétesse et écrivaine fort connue en son temps, où il était coutume que chaque invité laissât quelques vers où phrases dans l’album de la maîtresse des lieux, qu’Alexis-Félix rendit public son sonnet titré Un secret. Presque aussitôt, il devint n°1 au « hit-parade » de la poésie et y resta longtemps. En effet l’énigmatique femme à qui s’adressait ce poème, ne cessa d’intriguer et de faire parler les contemporains du poète. Si la majorité s’accordait à penser qu’il s’adressait à Marie Menessier-Nodier, d’autres estimèrent que cette femme n’existait pas réellement, qu’il s’agissait d’une allégorie. Certains relevèrent que l’inconnue pouvait être Adèle Hugo, l’épouse de Victor Hugo. Ils s’appuyaient sur deux rimes du dernier tercet : « fidèle » et « d’elle » qui feraient écho au prénom Adèle.

De nos jours, une hypothèse penche pour qu’il s’agisse de son amour d’adolescent, une jeune fille de son âge qu’il ne put ni épouser ni courtiser, d’autant qu’elle mourut très jeune.

Quoi qu’il en fût, à l’époque, ce sonnet su et récité par toutes les femmes, et dont on parlait dans les salons les plus chics, fit la gloire de son auteur, mais lui attira aussi de nombreux ennemis, dont Prosper Mérimée qui le détestait. Souvent pastiché, y compris vers la moitié du XXème siècle, il inspira également Serge Gainsbourg qui en fit une chanson très swing, au début des années 1960.

Le 7 novembre 1850 à Paris, Alexis-Félix d’Arvers, alors âgé de quarante-quatre ans, décéda d’une maladie de la moelle épinière, pauvre et, à l’instar de son œuvre hormis son fameux sonnet, oublié de tous. Son corps repose dans le cimetière de Cézy, d’où sa famille était originaire. Il semblerait que la jeune adolescente qui l’aurait inspiré y est aussi enterrée.

Écoutez, ci-dessous, la version de Serge Gainsbourg.

 

Sources :

Le Soleil du Dimanche illustré, septembre 1906

-Un jour un poème

Bacfrançais.com

-Wikipédia

-Youtube: Chansons, folklore et variétés

Clémentine Faïk-Nzuji Madiya: littérature orale et interculturalité

Clémentine Faïk-Nzuji Madiya : la tradition orale pour inspiration

Les premiers vers de Clémentine Faïk-Nzuji Madiya, professeure, philosophe, écrivaine et poétesse kino-congolaise paraissent en 1967.

Sa poésie inspirée de la tradition orale, érotique, souvent voluptueuse, se réfère au pays natal, à la femme, la mère, l’amante et l’épouse. Elle décrit aussi certaines situations tragiques comme dans le poème ci-dessous :

 

Clémentine Faïk-Nzuji Madiya est née à Tshofa le 21 janvier 1944 dans la province du Kasaï-Oriental, en République démocratique du Congo. Elle fait ses études à l’institut religieux du Sacré-Cœur, puis à l’École normale moyenne de Kinshasa. Au début des années 1960, elle obtient une licence en philologie africaine de l’Université nationale du Zaïre et commence sa carrière de poétesse. De 1964 à 1966, elle dirige le « cercle culturel de la Pléiade » à l’Université Lovanium. Son amour pour la poésie l’amène, en 1969, au Festival de Dakar où elle remporte le premier prix du concours de poésie Léopold Sédar Senghor. Elle réalise des études à l’Université de la Sorbonne Paris III et devient Docteur d’Etat ès Lettres et Sciences Humaines. Elle enseigne les littératures orales et la stylistique africaines, d’abord à l’Université Nationale du Zaïre de 1972 à 1978, puis à l’Université de Niamey de 1978 à 1980. Depuis 1981, elle enseigne la linguistique, les littératures orales et les cultures africaines à l’Université Catholique de Louvain, en Belgique.

De 1986 à 2016, elle a dirigé le Centre international des langues, littératures et traditions d’Afrique au service du développementCILTADE-  qu’elle avait fondé, et au sein duquel elle a poursuivi ses recherches dans les domaines de la linguistique bantu générale, et dans ceux de la symbologie, des tatouages et des scarifications. Cette organisation a été dissoute en 2016.

Actuellement, elle continue des recherches à titre personnel et collabore avec des institutions universitaires africaines, notamment avec la Faculté de Philosophie Saint-Pierre Canisius Kimwenza, à Kinshasa, RD Congo et à  l’IFAN – Institut fondamental d’Afrique noire- à Dakar au Sénégal. Elle est régulièrement invitée dans des institutions universitaires européennes pour des consultations et des expertises. Ses nombreuses publications scientifiques se regroupent essentiellement dans les domaines des littératures orales, de la symbolique africaines et de l’interculturalité. Ces recherches l’ont l’amenée à participer à de multiples rencontres scientifiques internationales, à donner de nombreuses conférences et à animer des séminaires sur ses thèmes de recherche.

Clémentine Faïk-Nzuji Madiya a aussi été lauréate au Concours de nouvelles en langues africaines de l’Afrique centrale, organisé par l’Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer -Belgique, 1987- et lauréate au Concours de la Meilleure Nouvelle de langue française organisé par Radio France-International à Paris en 1990.

 

Vous pouvez consulter le site de Clémentine Faïk-Nzuji Madiya en cliquant ici.

Sources :

-Poètes d’Afrique et des Antilles, de Hamidou Dia, Editions de la Table Ronde

– Wikipédia

-Groupe culturel et artistique “Kamikaze”.

 

Anne-Sophie Dubosson: une globe-trotteuse studieuse

Une poésie d’eau rage

Originaire de Troistorrents, en Valais, Anne-Sophie Dubosson, née en 1986, parcourt le monde en étudiant. Les poèmes qui suivent sont extraits de son recueil De rage et d’eau.

 

 

J’ai rencontré Anne-Sophie Dubosson, un peu par hasard, au Salon du Livre et de la Presse, à Genève, le printemps dernier. Après la lecture de son recueil de poèmes, j’ai eu envie de publier son travail sur ce blog. La biographie qu’elle m’a donné étant pleine d’allées-venues, je lui ai demandé des éclaircissements.

« J’ai obtenu un Bachelor en sociologie de la communication à Fribourg, puis je suis partie faire une maîtrise, aussi en communication, à Paris, pendant une année. Je suis par la suite allée vivre pendant un moment au Colorado, je suis revenue en Suisse puis repartie à nouveau aux USA où j’ai eu mon Master en littérature française en Ohio. J’ai enseigné par la suite en Floride et je suis revenue vivre en Suisse pendant 3 ans. Et me voilà à nouveau aux Etats-Unis où je vis avec mon mari américain ».

Comment est né De rage et d’eau ?

« Après avoir vécu quelques années aux Etats-Unis, j’ai ressenti le besoin de rentrer en Suisse et de me reconnecter à mes origines. J’ai donc passé du temps en Valais mais aussi à Fribourg et à Yverdon. Ce retour aux sources s’ouvre pour moi sur une période de réflexion et d’introspection. Le recueil De rage et d’eau en est le reflet ; il est imprégné de ces ponctuels émerveillements, d’un certain abandon face à la nature et à la vie. Ecrire ce recueil, c’était choisir quelque chose proche du dénuement. C’est ce que je recherchais à ce moment-là. Lorsque j’ai décidé de vivre à Yverdon, j’ai voulu écrire l’absence, ce sentiment d’absence, la difficulté à retrouver du sens dans ce pays qui est pourtant le mien. Un déchirement intérieur peut-être. Cette nécessité d’avoir ces montagnes et ces eaux, cette nature spectaculaire, d’entendre la parole des gens de chez moi et la difficulté d’y vivre complètement. J’ai fait cependant en Suisse, à cette période-là, de magnifiques rencontres. Fondamentales même. Ce retour en Suisse s’est révélé être extrêmement créatif. Et ce recueil en porte aussi la marque.

En décembre 2017,  De rage et d’eau est publié aux éditions Torticolis et frères et j’écris pour des revues littéraires, tels que Le Persil et La Cinquième Saison. Mais la nécessité de partir se fait à nouveau ressentir. Je quitte mon travail pour aller vivre pendant 5 mois au Vietnam. Je passe mes journées à écrire et prendre des photos entre Hanoï et Ho Chi Minh Ville. Je suis en train de réécrire l’histoire de ce séjour en Asie et j’espère que ces textes poétiques pourront faire l’objet d’une publication dans l’année à venir.

Je vis actuellement à Nashville, où j’ai commencé un doctorat qui porte sur la littérature francophone caribéenne et haïtienne ».

Sources:

Anne-Sophie Dubosson

 

Florbela Espanca : une scandaleuse poétesse admirée de Pessoa

L’âme sœur de Fernando

L’intense et brève vie de Florbela Espanca a largement inspiré son art et aura durablement marqué son temps en touchant un vaste public. Son œuvre a également influencé un grand nombre d’auteurs, de musiciens et de chanteurs, dont plusieurs, au Portugal comme au Brésil, ont mis ses textes en musique. L’une des plus importantes poétesses du Portugal, une femme avant-gardiste, scandaleuse pour son époque, est aussi l’une des premières féministes de son pays. Fernando Pessoa, dans un poème intitulé « A la mémoire de Florbela Espanca », l’évoque ainsi : « âme rêveuse / Âme sœur de mon âme ! » La poésie suivante est extraite du livre Poètes de Lisbonne, éditions lisbon poets & co.

La sensualité et le mordant des poèmes de Florbela Espanca scandalisaient les lusitaniens de l’époque.

Florbela Espanca est née le 8 décembre 1894 dans le centre-sud du Portugal de la relation extra-conjugale qu’un érudit antiquaire-photographe entretenait avec sa femme de chambre. Elle est enregistrée à l’état civil comme fille de père inconnu, mais après la mort de sa mère, alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, son père biologique et son épouse les recueillent elle et son frère. Malgré cela, le père restera toujours absent.

A neuf ans, elle écrit ses premières poésies puis devient l’une des premières femmes du Portugal à entrer à l’école secondaire, habituellement réservée aux garçons.

En 1913, elle épouse un camarade de classe. La relation se dégrade rapidement. Elle termine ses études littéraires alors qu’elle est déjà mariée et travaille comme journaliste dans la publication “Modas & Bordados” ainsi que dans le journal “Voz Pública”.

Florbela Espanca, poétesse portugaise.

En 1917, elle s’éloigne du fiasco de son mariage en s’installant à Lisbonne où elle est la première femme à s’inscrire au cours de droit de l’université. Un comportement et des ambitions qu’au Portugal, à cette époque l’on ne tolère aucunement de la part d’une femme. Elle persiste en initiant un mouvement féminin d’émancipation littéraire dans une société de tradition patriarcale avec un groupe de femmes écrivaines qui cherche à s’imposer.

En 1919, elle publie “Livro de Mágoas” et tombe gravement malade après une fausse couche naturelle.

En 1921, elle divorce et se remarie avec un officier d’artillerie fruste et macho. En 1923, elle publie “Libro de Sóror Saudade”. La même année, elle subit une autre fausse couche et se sépare de son deuxième mari.

En 1925, elle épouse un médecin d’une grande culture.

En 1927, son frère, l’artiste peintre Apeles Espanca, décède dans un accident d’avion. Cette tragédie la mène à une tentative de suicide. La mort précoce de son frère lui inspire “As Máscaras do Destino”.

La moralisation à laquelle se livre la littérature destinée aux femmes de cette époque touchait des sujets sur lesquels Espanca tenait des positions diamétralement opposées ou du moins équivoques comme par exemple la subordination de la liberté personnelle des femmes et leur affirmation de soi à la moralité bourgeoise androcentrée, et le caractère sacré du mariage et de la vie elle-même. Tout au long de son existence, Florbela Espanca devra endurer les calomnies et le rejet de la société petite-bourgeoise dans laquelle elle évolue. Choquée qu’elle ait vécu en concubinage hors mariage, par ses épousailles et ses divorces successifs, parce qu’elle fume, ne porte pas de soutien-gorge et par ses œuvres à forte connotation sexuelle, elle l’accuse d’être une séductrice démoniaque, d’autant qu’avec le temps, l’utilisation de la première personne du singulier deviendra de plus en plus fréquente dans sa poésie, qui prendra toujours un tour plus amer et révolté, caractérisée par un fort engagement personnel où la passion conduit tout.

Cependant, son œuvre empreinte d’exaltation, de sensualité, et d’un érotisme jusqu’alors inconnu dans la poésie portugaise, s’approche davantage des courants littéraires du 19ème siècle que du mouvement moderne qui l’entoure.

A cause de sa condition de femme, et à son grand regret, Florbela Espanca publiera peu de son vivant.

La poétesse se suicide le 8 décembre 1930, le jour de ses 36 ans, en ingérant une forte dose de barbituriques après avoir écrit « La Mort », l’un de ses plus beaux sonnets.

Son chef-d’œuvre, “Charneca em Flor”, sera publié en janvier 1931.

Le travail de Florbela ne fait partie d’aucun courant mais il est imprégné de son vécu, de ses déboires sentimentaux, des drames qui ont parsemé son existence, notamment l’absence de ce père qui ne l’a reconnue que dix-neuf ans après sa mort sous la pression des « florabélistes » convaincus. Luxure, chagrin, érotisme, souffrance et joie sont quelques-uns des qualificatifs donnés à l’œuvre de Florbela par ses différents admirateurs. Actuellement, l’on ne mesure pas les efforts qu’il a fallu déployer pour affirmer les qualités de cette littérature : Antonio José Saraiva dans A História da Literatura la définira ainsi : « (…) précède de loin et stimule un mouvement plus récent d’émancipation littéraire des femmes, exprimant dans ses accents les plus pathétiques l’immense frustration féminine dans les traditions patriarcales oppressives. »

 

La version originale du poème Volupté.

Sources :

 -Poètes de Lisbonne, éditions lisbon poets & co.

-Biographie et résonance dans le travail de traduction de Florbela Espanca par Chris Gerry

-Catarina Oliveira, Ensino Superior em Comunicação (Universidade Metodista de São Paulo)

-Wikipédia