Lucette Junod : une poésie en fusion avec le monde

Lucette Junod: mosaïque surexposée

« Fusion poème symphonique pour tire-lignes et corde à noeuds» peut-on lire à la fin d’un cahier, bref mais intense, publié en 1980 par les Éditions du Panorama fondées par Paul Thierrin. Le premier ouvrage de poésie de Lucette Junod, un texte discontinu d’un superbe équilibre , nous emmène dans un monde contemporain qui, finalement, a peu changé en presque quarante-ans. Des bribes de vies, des moments de télévision, des accès de colère féministe quand Chazot parle de Gisèle Halimi, des conversations au restaurant ou des rêves, tout prend une teinte noir-blanc vaguement surexposée qui brûle les yeux sans pour autant les détacher de la lecture. Que la poétesse et l’éditeur me pardonnent, je n’ai pas su résister à la tentation de publier deux pages afin de mieux plonger le lecteur dans les ambiances de Lucette Junod. A noter: ce sont deux pages qui ne se suivent pas.

 

 

Lucette Junod naît le 25 décembre 1932 à La Chaux-de-Fonds d’un père savoyard et d’une mère de la Broye fribourgeoise. Au Technicum du Locle – aujourd’hui CIFOM– elle obtient un diplôme de régleuse dans l’horlogerie, puis fait des études de comédienne aux conservatoires de Neuchâtel et de Genève avant de se consacrer à l’enseignement du théâtre et à son écriture. A partir de 1977, elle donne de nombreux récitals de poésie. En 1983 elle fonde les Rencontres poétiques internationales qu’elle organise à Yverdon-les-Bains et à Neuchâtel et qu’elle dirige jusqu’en 2004.

En 1980 paraît Fusion qui reçoit un excellent accueil de la critique. Suivent d’autres recueils de poèmes. Elle a également écrit plusieurs romans dont Les Grands-Champs qui reçoit le Prix Paul Budry en 1980.

Elle a également écrit des pièces de théâtre radiophoniques. D’autres, écrites pour la scène, ont été adaptées pour la radio.

Elle est une invitée régulière des soirées poétiques de Struga, en Macédoine, ainsi que des Congrés de littérature de Lesbois.

Lucette Junod a également été, de 1977 à 1989, la directrice du Service de Presse Suisse.

Elle était l’épouse de l’écrivain Roger-Louis Junod.

 

Sources :

AENJ

-Fusion, Editions du Panorama

-La nouvelle revue neuchâteloise

-Wikipédia

 

Lorinc Szabo: un poète interdit de poésie

Lorinc Szabo: poète d’extrême-droite ou dans le camp des vaincus?

Durant la Seconde Guerre mondiale, le poète hongrois Lőrinc Szabó combat dans l’armée de son pays qui fait partie de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo. En 1942, il rejoint la ” Europäische Schriftstellervereinigung ” – la Ligue européenne des écrivains -, créée par Joseph Goebbels. La correspondance avec son secrétaire principal, Carl Rothe, témoigne de leur étroite amitié.

Cela le conduit à être considéré comme un homme d’extrême droite. Motif qui, après la guerre, l’exclu de la vie culturelle hongroise. Ayant l’interdiction de publier ses propres écrits, il ne peut faire que des traductions. L’importance de son œuvre poétique, d’où il se dégage un profond pessimisme existentiel, n’a été reconnue que peu de temps avant sa mort, quand il reçu le prix Kossuth.

 

Fils de mécanicien, Lorinc Szabo naît le 31 mars 1900 à Miskolc. La famille déménage à Balassagyarmat quand il a 3 ans. Il fréquente l’école de Balassagyarmat et de Debrecen. A l’Université de Budapest, il se lie d’amitié avec Mihály Babits. Ses premiers poèmes publiés paraissent dans les années 1920 dans le Nyugat – L’Ouest. Son premier livre de poésie sort en 1922 sous le titre Föld, erdő, Isten -Terre, Forêt, Dieu- et rencontre un succès considérable. En 1921, peu de temps après son mariage avec Klára Mikes, fille de Lajos Mikes, il interrompt ses études et commence à travailler pour le périodique littéraire Az Est . Il y reste jusqu’en 1944.

Entre 1927 et 1928, il est l’un des fondateurs et rédacteurs du périodique Pandora .

Il reçoit le Prix Baumgarten en 1932, 1937 et 1943.

Il a traduit plusieurs œuvres de Shakespeare, Les Fleurs du mal de Baudelaire -avec Babits et Árpád Tóth – ; Le Testament de François Villon , L’École des femmes de Molière, Goethe et des œuvres de Verlaine, Pouchkine, Nietzsche, Rilke et bien d’autres.

Plusieurs de ses poèmes ont été écrits pour ses enfants Lóci et Klári. Dans d’autres, il se souvient de sa propre enfance.

En 1950, sa muse et maîtresse, Erzsébet Korzáti avec qui il a entretenu, durant de longues années, une relation agitée et passionnée, se suicide. Les sonnets qu’il écrit en sa mémoire A huszonhatodik év  sont publiés en 1957. Lorinc Szabo meurt, à Budapest, le 3 octobre de la même année.

Sources:

-Wikipedia

-Biografias y Vidas

-Guillevic, Mes poètes hongrois, Éditions Corvina Budapest

 

PJ Harvey et Seamus Murphy: la violente poésie du terrain

PJ Harvey et Seamus Murphy: un ouvrage à quatre mains

Réalisé par la musicienne et poétesse PJ Harvey et par le photographe, reporter et réalisateur Seamus Murphy, Au creux de la main The Hollow of the Hand- est un livre qui allie la poésie et la photographie. Entre 2011 et 2014, les deux artistes ont entrepris une série de voyages au Kosovo, en Afghanistan et à Washington où les quartiers défavorisés sont en pleine gentrification. PJ Harvey prend des notes et Seamus Murphy des photos. Ensemble, ils créeront un ouvrage où figurent ces trois lieux. Le poème qui suit a été inspiré par l’Afghanistan.

PJ Harvey: une artiste aux dons multiples

Polly Jean Harvey naît le 9 octobre 1969, dans une petite ville du Dorset au Royaume Uni où son père dirige une entreprise de matériaux de construction. Autant le père que la mère aiment la musique : Bob Dylan, Pink Floyd où Neil Young. Parfois, des musiciens viennent “jammer” chez eux, notamment Ian Stewart, le premier pianiste des Rolling Stones.

Adolescente, PJ suit des cours de sculpture. A 18 ans, elle sait aussi jouer un peu de saxo et de guitare. Elle se tourne vers la musique.

C’est la seule artiste britannique à recevoir à deux reprises, en 2001 puis en 2013, le Mercury Prize, qui distingue, outre-Manche, le meilleur album de l’année. En 2013, la reine Elizabeth lui remet les insignes de l’Ordre de l’Empire britannique (MBE) pour “services rendus à la musique”.

Fan de littérature, intriguée “par ce que les gens peuvent faire des mots” elle admire –entre autres- les poètes T. S. Eliot et W. B. Yeats et les écrivains James Joyce et Harold Pinter.

Seamus Murphy: un photographe du monde

Seamus Murphy est né en 1959. Il a grandi en Irlande et il vit à Londres. Il a reçu sept prix World Press Photo pour les images qu’il a réalisées en Afghanistan, à Gaza, au Liban, en Sierra Leone, au Pérou et en Irlande. Il a reçu le World Understanding Award de POYi, pour son travail en Afghanistan. Le film qu’il a réalisé autour de ce travail a été nominé pour un Emmy et a remporté le prix Liberty in Media en 2011. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses expositions et publications. Au Royaume-Uni, il a réalisé des films pour The New Yorker et Channel 4 Television. Il est l’auteur de quatre livres. L’un d’eux offre un rare aperçu de la vie des femmes afghanes.

 

Sources :

Au creux de la main, Editions L’Âge d’Homme

-L ‘OBS, article de Bernard Géniès et Frantz Hoez

Le site de Seamus Murphy

-Wikipédia

Marguerite Burnat-Provins : la passion à fleur de peau

Marguerite Burnat-Provins: l’exaltation de l’amour et de la volupté

En 1906 paraît, chez Säuberlin & Pfeiffer à Vevey, une publication intitulée Le Livre pour toi. S’ensuit un énorme scandale, non seulement sur la Riviera mais également en Valais. L’esclandre est rapidement étouffé, mais le livre est réédité à Paris en 1907 ce qui contribuera à donner de la visibilité à son auteure. Écrit par l’artiste peintre et dessinatrice Marguerite Burnat-Provins, une femme mariée à un notable veveysan, il s’adresse à l’amant de celle-ci, Paul Kalbermatten, un jeune ingénieur dont la famille réside à Sion. Ce livre, vibrant de passion et d’un désir sexuel que la bienséance et «l’honneur» interdit aux femmes de cette époque – de nos jours il ne sera pas moins malvenu et inconvenant qu’une personne mariée affiche publiquement son inclination pour une amante ou un amant – est une magnifique déclaration d’amour empreinte de lumière, que la jalousie et le manque de l’être aimé enténèbrent parfois.

Marguerite Burnat-Provins: de Paris à la Suisse

Marguerite Burnat-Provins naît à Arras en 1872, dans le Pas-de-Calais, en France, dans une famille riche et cultivée qui deviendra nombreuse. Soutenue par son père, elle s’adonne à l’écriture et la peinture. En 1891, elle monte à Paris suivre une formation artistique au sein d’institutions privées – l’École des beaux-arts étant encore fermée aux femmes. À vingt-quatre ans, elle se marie avec Adolphe Burnat, un architecte suisse. Le couple emménage à Vevey, d’où l’époux est originaire. De santé fragile, dès 1898, conseillée par l’artiste Ernest Biéler, l’un de ses amis, Marguerite fait de nombreux séjours à Savièse. Le soleil et le climat du Valais conviennent à sa santé. La créativité de Marguerite Burnat-Provins s’en trouve accrue. Elle réalise peintures, broderies, affiches et poursuit plusieurs projets littéraires.

Marguerite Burnat-Provins: amoureuse et libre à la folie

En 1906, elle rencontre Paul de Kalbermatten, un jeune ingénieur de la région avec qui elle entretient une liaison extraconjugale passionnée dans la maison mise à disposition par Ernest Biéler. Leur liaison offusque et fait un tel tapage, que l’artiste se voit obligée de renoncer aux séjours valaisans qu’elle aime tant. Elle divorce d’Adolphe Burnat en 1908 et se remarie avec Paul. Le couple voyage puis vit à Bayonne. Lors de la Première Guerre mondiale Paul est mobilisé en Suisse. Marguerite reste en seule France. Un choc dont elle ne se remettra pas. Rongée par la maladie, saisie par des crises d’angoisses morbides, elle exécute une série d’œuvres picturales hallucinées qu’elle prétend réaliser sous dictée. Cette période est également perturbée par les problèmes qu’elle rencontre avec ses éditeurs et l’indifférence de sa famille envers sa carrière. Toutefois, elle fait de nombreux voyages qui l’amènent à rencontrer des gens de lettres en Bretagne, dans le Midi, en Algérie, au Maroc et en Amérique du Sud.

En 1925, Marguerite apprend que Paul est épris de Jeanne Cartault d’Olive. La mort de sa sœur Marthe, puis de sa mère, le dépouillement de Paul par les Allemands et des problèmes de santé toujours plus présents la perturbent beaucoup. Ébranlée par les monstrueuses retombées de la guerre, elle trouve un peu de consolation dans la religion. En parallèle à la publication de ses livres, Marguerite Burnat-Provins poursuit sa création picturale jusqu’à son décès en 1952, quinze ans avant Paul qui, entre temps s’est remarié avec Jeanne.

Une vidéo réalisée par L’UNIL et L’ECAL. Poèmes et œuvres picturales de Marguerite Burnat-Provins.

 

Sources :

-Le livre pour toi, Editions L’Aire bleue

Catherine Dubuis

Association des amis de Marguerite Burnat-Provins

Site de la Collection de L’art Brut, Lausanne

Gustavo Adolfo Bécquer : un romantique inspiré par Heinrich Heine

Gustavo Adolfo Bécquer : Rimes pour la postérité

Écrivain, dramaturge et poète romantique, Gustavo Adolfo Bécquer est considéré comme le fondateur du lyrisme espagnol moderne. L’amour qu’il porte à une cantatrice, l’amène à écrire les Rimes auxquelles il doit sa renommée littéraire. Elles sont à l’origine du courant de poésie intimiste inspirée par Heinrich Heine qui s’opposait à la rhétorique pompeuse des poètes romantiques antérieurs.

 

Gustavo Adolfo Bécquer : orphelin et malade

Né à Séville le 17 février 1836, fils et frère d’artistes peintres, il devient orphelin à l’âge de dix ans. Son frère aîné, Valeriano, et lui sont adoptés par leur oncle.

A l’âge de dix ans, Gustavo Adolfo commence une carrière nautique à l’école San Telmo de Séville. Sa vocation est frustrée lorsque l’école ferme ses portes. Sa marraine, Manuela Monahay, le recueille. En femme cultivée, elle possède une merveilleuse bibliothèque ou l’adolescent passe des heures à lire des livres de toutes les époques et de tous les horizons.

En 1854, avec son frère, il s’installe à Madrid où il collabore à plusieurs publications journalistiques tout en adaptant des pièces de théâtre, des œuvres dramatiques légères françaises ou italiennes. Avec quelques amis, il fonde la revue España Artística  mais de graves problèmes économiques et de santé – il est atteint d’hémoptysie – commencent à l’affaiblir. Il se réfugie dans le monastère de Veruela afin de se rétablir. De là, il envoie ses écrits à diverses revues parmi lesquels Lettres de ma cellule.

Gustavo Adolfo Bécquer : un amour intouchable

De retour à Madrid, il éprouve un amour profond, passionnel et platonique pour la cantatrice Julia Espín. Beaucoup de ses rimes sont inspirées par elle mais c’est avec Casta, la fille de son médecin, avec qui Bécquer se marie en 1861. Avec elle, il aura trois enfants, mais le dernier d’entre eux est source de conflit entre les époux, Gustavo l’attribuant au fruit d’un amour extra-conjugal.

Gustavo Bécquer a été rédacteur en chef du journal El Contemporáneo, mais n’a jamais participé à la vie publique ou politique. La célébrité ne l’a pas accompagné de son vivant. On le disait sérieux, gentil, peu expressif et se contentait d’un cercle d’amis restreint. Il admirait Chopin et s’évadait dans la musique.

Son travail simple, chaleureux, sentimental et raffiné se compose de ses célèbres Rimes, d’un ensemble de 94 poèmes courts, de 25 légendes et de ses neuf lettres littéraires avec le titre Desde mi Celda.

Gustavo Adolfo Bécquer : père de la littérature moderne espagnole

Bien que sa renommée soit due à ses vers, sa prose est aussi merveilleuse. Dans les Légendes, il captive le lecteur en lui montrant un monde fantastique. Il n’a essayé ni de laisser des enseignements moraux, ni de s’attacher à la logique. En auteur romantique, il a donné libre cours à son imagination et à ses sentiments. Certains textes appartiennent au gothique ou au genre de l’horreur, d’autres sont de vrais poèmes, écrits en prose, d’autres sont des récits d’aventure. L’on y perçoit son admiration pour la nature et les paysages castillans.

Avec Rosalía de Castro, il a inauguré la ligne espagnole moderne et a ainsi été reconnu par des auteurs prestigieux tels que Miguel de Unamuno, les frères Antonio et Manuel Machado, Juan Ramón Jiménez, Rafael Alberti, Federico García Lorca, etc.

Ses célèbres comptines ont été écrites en 1867, mais il a perdu le manuscrit pendant la Révolution de 1868. Il l’a reconstitué de mémoire et avec l’aide de ce qu’il avait déjà publié dans les journaux de l’époque. Il l’intitule El libro de los gorriones –Le livre des Moineaux- conservé à la Bibliothèque nationale de Madrid. Dans ces versets s’entrelacent souvenirs, amour, déception, désespoir et mort.

Usé par la maladie qui l’accompagnait depuis 1858, il s’éteint à 34 ans, à Madrid, le 22 décembre 1870 quelques mois après son frère décédé en septembre.

Parmi ses dernières volontés, il demande à son ami, le poète Augusto Ferrán, de brûler ses lettres personnelles et de publier ses vers. Il pensait qu’il serait reconnu après sa mort et sa prémonition s’est réalisée.

 

Sources :

– Rimas y Leyendas, Edición Enrique Rull

– España es cultura

– Poemas del Alma