Les atouts de la neutralité active de la Suisse

En plein déchainement de la guerre, la Suisse aurait détruit des armes britanniques en sa possession, au nom de sa neutralité. Mais cela peut être mis au conditionnel, car selon les experts le matériel était obsolète.

Cependant, cette révélation a provoqué l’ire du présentateur Eric Brunet sur LCI.

Vendre ou donner, telle est la question

La Suisse vend pourtant des armes à l’étranger, mais ne doit pas ensuite permettre un envoi ou un renvoi dans un pays en guerre.

Je ne suis absolument pas un guerrier, mais face aux loups, je pense que nous avons le devoir de défendre les brebis.

Similitude entre la Suisse et le Saint-Siège

Le Saint-Siège prône, avec raison, l’abolition totale et unilatérale de l’arme nucléaire. Pour ce dernier, la simple possession de ces missiles ou bombes apocalyptiques est immorale.

Concernant cette guerre d’agression de la part de la Russie, le Pape François tient une position diplomatique très similaire à la confédération helvétique. Pour le premier Pape jésuite de l’histoire, son principe “le temps est supérieur à l’espace” guide son action dans ce conflit. Tous ne la partagent pas.

Peut-être qu’avec le temps qui passe, il entrevoit déjà l’avenir pour laisser la porte ouverte au Kremlin lorsqu’il devra se mettre autour de la table pour redessiner la paix mondiale. Reste aussi le fait que la médiation du Saint-Père a permis la libération de prisonniers. Un acquis surtout pas du tout négligeable.

Personnellement, je peine à comprendre sa stratégie géopolitique. Poutine est l’agresseur et il mène une guerre abjecte et génocidaire contre l’Ukraine. Le dictateur et autocrate russe ne voudra certainement jamais négocier, encore moins avec le chef des catholiques. La Russie est orthodoxe et le primat de toutes les Russies, le patriarche Cyrille, semble “se ficher” passablement de l’évêque de Rome.

Pour revenir à la Suisse, Saint Nicolas de Flue ne peut en aucun cas être convoqué pour justifier la neutralité actuelle des Helvètes. Le Cardinal Charles Journet fut un farouche combattant contre la neutralité morale de  la Suisse durant la seconde guerre mondiale.

La Genève internationale, carrefour mondial des pourparlers

Genève est une ville phare pour les organisations internationales, un haut-lieu des négociations. La Suisse est mondialement connu pour accueillir des pourparlers. Elle doit jouer cette carte, comme celle des bons offices, car elle obtient des résultats.

Preuve en est, la Russie accepte de renouveler l’accord céréalier pour 60 jours seulement. A l’issue de pourparlers à Genève, la Russie s’est dite favorable au renouvellement de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes pour 60 jours, et non 120 comme cela a été le cas jusqu’à présent. Des acquis importants. 

L’origine de la neutralité suisse

La neutralité perpétuelle de la Suisse remonte à 1815 au Congrès de Vienne, lors de la chute de Napoléon. Les grandes puissances l’ont reconnue. Plus tard, les américains ont également voulu une forte présence de l’ONU à Genève, pour autant que la Suisse reste neutre.

Cependant, nos voisins et une grande partie du monde ne comprend pas la stratégie du gouvernement suisse concernant la vente de ses armes. Le chiffre d’affaire de ce commerce a augmenté ces dernières années. La Suisse produit et vent des armes, mais pas à l’Ukraine pays en guerre. Chercher la cohérence …

Défendre les brebis face aux loups

Comment ne pas permettre aux brebis de se défendre face aux loups ? La légitime défense est moralement acceptable. Le numéro deux du Saint-Siège, le Cardinal Secrétaire d’Etat Parolin a d’ailleurs parlé de la légitimité morale de fournir des armes défensives pour les ukrainiens. Il a également conscience du risque d’une escalade.

Le refus des livraisons à l’Ukraine serait compréhensible seulement si la Suisse arrête totalement de produire ses armes.

Les deux livres noirs

N’oublions pas que le Kremlin a tué, en cent ans, plus de 100 millions de personnes. Le livre noir de Vladimir Poutine et le livre noir du communisme sont des livres à lire absolument. En face d’une telle barbarie, la neutralité ne peut pas être synonyme de lâcheté. Au vue des changements géopolitique, la neutralité doit évoluer vers une neutralité active pour la légitime défense.

 

 

Dominique Fabien Rimaz

D'origine fribourgeoise et italienne, né à Bôle (Neuchâtel), Dominique Fabien Rimaz se rêvait pilote militaire. Il passera d'abord par une formation en chimie puis en sciences politiques pour devenir un jour journaliste. Rattrapé par la vocation, il est aujourd’hui prêtre en Veveyse et aumônier des hôpitaux à Fribourg.

8 réponses à “Les atouts de la neutralité active de la Suisse

  1. « La neutralité doit évoluer vers une neutralité active pour la légitime défense ».

    Traduction : « Notre neutralité sera active quand nous comprendrons que l’impartialité, qui jusqu’à maintenant entrait dans sa définition, est un obstacle dans son intention de contribuer efficacement à la paix ».

    Vous recherchez en fait une nouvelle définition de la guerre justifiant de combattre la neutralité, parce que pour vous elle peut devenir mauvaise de n’avoir pas suffisamment étudié sa chimie. Le laboratoire du ciel est-il plus fiable que celui du monde politique ?

  2. Au sujet de la (re-)vente d’armes, on ne peut que féliciter le Conseil fédéral de s’en tenir à une ligne claire et sans ambiguïté. Je m’étonne d’ailleurs qu’un homme d’église fasse la promotion d’un tel recyclage. D’autre part, vous n’êtes pas sans savoir que l’Ukraine est un pays à majorité orthodoxe et qu’une partie de son clergé, autrefois rattaché au patriarchat de Moscou, a décidé de rompre tous ses liens avec lui et s’est ralliée de fait à l’église autocéphale ukrainienne, rattachée au patriarchat de Constantinople.

    Attention donc à ne pas confondre l’orthodoxie avec le seul patriarchat de Moscou, qui n’est qu’un des sept représentants d’une autorité religieuse sans hiérarchie verticale, comme c’est le cas de l’église catholique. Le monde orthodoxe, qui s’étend bien au-delà de la Russie et de l’Ukraine, est aujourd’hui déchiré par le conflit en cours. Dans leur grande majorité, les églises orthodoxes occidentales ont condamné l’agression russe en Ukraine et certaines ont même déclaré hérétique le patriarche Kyrill 1er, ex-agent du KGB comme son ouaille Poutine, qu’il qualifie de “don divin” et sanctifie de mème comme “métaphysique” sa croisade contre l’empire occidental du mal. Au point qu’on se demande lequel des deux est le plus affecté par ce que les psychiatres appellent “délire de représentation” (ou délire systémique).

    Quant à la Suisse, ne s’est-elle pas ralliée à la condamnation quasi unanime de l’agression russe en Ukraine par la communauté internationale, dont elle a adopté les sanctions au nom du droit international, du droit humanitaire et de la morale? Pourquoi devrait-elle y déroger et au nom de quel droit?

  3. Lorsque vous parlez d’un prêtre, est-ce pour disqualifier mes propos ?

    Lorsqu’il s’agit des êtres humaines, laissez-moi à ma responsabilité. Merci.

    Nous vivons dans une laïcité providentielle. Donc Jésus, le Prince de la Paix, j’y crois à 200%.

    Toutefois, je peux vous conseiller d’aller vivre en Ukraine ou en Russie. Le contact direct avec les personnes impliquées est très instructif.

    J’ai des amis ukrainiens qui me donnent des informations de premières mains.

    1. Comme je l’ai dit j’ai des sources ukrainiennes et ces personnes vivent dans leur chair la folie de la guerre voulue par Poutine.

      1. Les personnes qui comme vous disent leur empathie, parce que leur chair n’est pas différente de celle des Ukrainiens… des Russes ou de n’importe quel être humain, vous aideront à combattre avec votre cœur pas si différent du leur, même sans s’être efforcés, pour beaucoup, d’atteindre la pureté de l’âme pour se sentir juste : c’est la sensibilité humaine qui se manifeste aussi chez des populations que l’on dit pas croyantes, que l’on a persécuté avec la volonté de les détruire. Être bon avec son prochain conférerait-il la capacité de choisir la bonne religion, le bon camp, de construire sa raison en opposition à la folie désignée devant soi ? Ou celle d’un président sain qui refuse de négocier avec son homologue malade ? Cette guerre vous rend triste, moi aussi, et les commentateurs de cette page tout autant. Nous sommes tristes encore en peinant à comprendre comment la composition de vos remèdes pourrait faire espérer…

      2. En mars de l’an dernier, le pope d’une communauté rurale à quelques 250 kilomètres au nord-est de Moscou était arrêté par la police et amendé sur dénonciation d’un de ses paroissiens pour avoir invoqué le cinquième commandement, “Tu ne tueras point” dans son homélie dominicale.

        Hier, l’homme politique russe de l’opposition et ancien maire d’Ekaterinbourg, Yevgeny Roizman, a été emprisonné pour avoir posté sur les réseaux sociaux un soutien au critique emprisonné du Kremlin Alexei Navalny, a rapporté le média local It’s My City.

        Roizman est accusé d’avoir publié un clip vidéo montrant brièvement le logo de la Fondation anti-corruption de Navalny, qui a été interdite en tant qu’organisation “extrémiste” en 2021, sur la plateforme de médias sociaux VKontakte en février dernier, selon la police.

        Toute forme de contestation du discours officiel étant réprimée d’office, n’est-il pas trop commode de plaider pour la poursuite de l’armement de l’Ukraine depuis l’extérieur quand les vrais opposants à la guerre en Russie sont réduits au silence et emprisonnés, voire pire?

        N”existe-t-il pas une multitude de possibilités de soutenir le peuple ukrainien victime de l’invasion russe, à commencer par l’aide humanitaire urgente, comme le fait la Suisse? N’est-ce pas ce qu’on attend d’un représentant de l’Eglise, plutôt qu’un plaidoyer pour l’envoi d’armes?

        Ou alors, j’en perds mon catéchisme.

  4. Selon moi, vous ne devriez pas mélanger la religion et la (géo)politique. Cela aboutit souvent à des conclusions très discutables et orientées.
    D’autre part, la Suisse a déjà pratiqué la “neutralité active”, durant la 2e guerre mondiale, quand elle favorisait l’Allemagne nazie face à l’URSS.
    Ou plus récemment, avec l’espionnage américain via Crypto AG.
    Et il n’y a pas de quoi en être fier après coup de ce type de compromissions avec les grandes puissances qui nous entourent.
    Il faut soutenir la neutralité tout court. Pas d’implication dans les guerres. Une implication dans la paix. Point.
    Certes, c’est une position délicate, qui peut être mal comprise.
    Et logiquement, les pays amis, qui sont activement engagés dans la guerres ne seront pas forcément d’accord. Mais la Suisse n’a pas à changer sa neutralité pour leur faire plaisir.
    La neutralité est une position de principe qui incite les autres à négocier. En cela, elle est un argument de paix fondamental, qui restera valable aussi longtemps que nous l’appliqueront vraiment.
    Et contrairement à ce que vous dites, la neutralité ne signifie pas de renoncer à son armée. Au contraire, une armée défensive est tout à fait justifiée.
    Livrer des armes à des pays qui ne sont pas en guerre est aussi possible.
    Si l’on va au bout du raisonnement, on ne devrait livrer des armes qu’aux pays qui déclarent leur neutralité de manière constitutionnelle. Bien évidemment, on perdait quelques gros clients.
    L’OTAN est certes composé de démocraties, mais sa politique a souvent été unilatérale et très peu respectueuse du droit international. Donc, ce n’est pas et ne sera jamais une base solide pour amener la paix en ce monde. La neutralité est un principe bien meilleur qui permettrait d’inclure d’autres pays et cultures dans l’équation.
    Mais pour cela, il faudrait s’y tenir.

  5. Bravo pour vos propos .

    La Suisse fabrique et vend des armes avec des produits juteux . Et prétend qu’il ne faut pas utiliser ces armes dans des guerres …: mais où ailleurs ? Les mettre dans des jardins avec des géraniums? Quelle hypocrisie…
    Nous vivons tranquilles au milieu d’une Europe actuellement unie, et sous protection de l’otan : nous nous sentons protégés ….et libres de nous cacher lâchement derrière notre neutralité. Mais nous oublions que si, par malheur, le conflit devait s’étendre , les amis et proches voisins auxquels nous avons tourné le dos, s’en rappelleront et nous laisserons tomber….avec raison .
    J’ai honte à ma Suisse et je suis triste de constater que mon pays aimé, qui a fourni sans état d’âme des armes au troisième Reich, qui continue à fabriquer et vendre des armes létales, détourne le regard quand une victime ( qui nous protège, ne l’oublions pas ) a besoin d’aide ….J’ai honte et je suis triste .

    Quand au pape , censé être le grand exemple d’une religion d’amour, il ose mettre sur le même plan la victime et l’agresseur : ainsi il fait peser sur la victime le poids de la responsabilité d’un conflit engendré pourtant par le narcissisme d’un seul homme. Son origine d’Amérique du Sud ,et les traumas vécus par son pays, ne devraient pas l’autoriser à oublier ce qu’ il représente maintenant .

    Et n’oublions pas que notre neutralité n’est pas constitutive de la Suisse, n’est pas son ADN , mais nous a été imposée lors du traité de Vienne.

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