Il faut s’émanciper des pesticides

L’OMS et le Programme des Nations Unies pour l’environnement reconnaissent le danger des pesticides. Raison pour laquelle il convient aujourd’hui de combattre les pesticides à la source. C’est le propos de deux initiatives, soumises à la population le 13 juin prochain. La première, l’initiative «Pour une Suisse libre de pesticides», vise l’interdiction de l’utilisation de tout pesticide de synthèse dans la production agricole, la transformation des produits agricoles et l’entretien du territoire, dans un délai de dix ans. Pour la deuxième, l’initiative «Pour une eau potable propre et une alimentation saine», les subventions allouées à l’agriculture, les paiements directs, ne sont octroyés qu’aux exploitant.e.s qui n’utilisent ni pesticides ni antibiotiques à titre prophylactique, d’ici huit ans dès le vote de la population.

Un tiers des espèces animales et végétales est aujourd’hui menacé. Les habitats disparaissent ou se dégradent, la surface des marais diminue toujours plus. Notre biodiversité va mal, très mal. En parallèle, 2000 tonnes de produits phytosanitaires sont vendues en Suisse chaque année, tandis que l’agriculture rejette 110’000 tonnes d’excédents d’azote et 6000 tonnes d’excédents de phosphore dans l’environnement. Ces produits terminent leur route dans les nappes phréatiques, notre eau potable, et en chemin attaquent les insectes, les rongeurs, les plantes, affectant la qualité des sols et fragilisant notre biodiversité.

Loin d’être extrêmes, ces initiatives sont nécessaires et urgentes, alors que la pollution de notre eau potable est inquiétante et les importations d’aliments pour animaux en provenance d’Amérique du Sud sont débridées. La science jouera un rôle central, elle est prête à s’engager sur la voie d’une agriculture sans pesticides. Le Centre fédéral de recherche agronomique Agroscope a d’ailleurs déjà annoncé l’objectif d’une agriculture sans pesticides avec l’appui de 20 centres de recherche agricole en Europe.

La sécurité de l’approvisionnement de la Suisse passera par la qualité de ses sols et une alimentation saine, loin, très loin de la campagne d’intimidation financée, en face, par les entreprises agrochimiques. Loin aussi des dernières décisions du Parlement national de suspendre la réforme agricole suite à un malheureux marchandage entre EconomieSuisse et l’Union suisse des paysans. Si l’Assemblée fédérale n’est pas capable de faire les bons choix, c’est à nous citoyennes et citoyens de ce pays de faire entendre notre voix.

Les deux initiatives se complètent et permettraient de déclencher des réformes essentielles. Une occasion aussi de concilier l’agriculture et la nature, c’est aussi l’avis de Bio Suisse, de l’Association des petits paysans ou de Pro Natura. Le secteur de l’agriculture n’affiche aucune baisse notable d’émissions de gaz à effet de serre depuis le début du siècle. Nous devons changer de cap sans attendre et ces deux initiatives sont une excellente opportunité.

Delphine Klopfenstein Broggini

Delphine Klopfenstein Broggini est conseillère nationale et présidente des Vert-e-s genevois-es. Elle est membre des commissions de l'environnement, de l'énergie et de l'aménagement du territoire et des institutions politiques. Au niveau associatif, elle est membre du comité de Pro Natura et vice-présidente de Pro vélo suisse. Elle est sociologue de formation.

3 réponses à “Il faut s’émanciper des pesticides

  1. Tout le monde est d’accord du problème . Mon soucis est qu’en est-il de la solution pour le corriger ?
    Comment on va aider TOUS les paysans à la transition totale ? Qui va contrôler et taxer les importations , pas très aux normes , des grands distributeurs et industriels alimentaires ?
    On sait bien que l’idéal serait d’acheter uniquement la production indigène mais c’est idéal n’est pas à la portée de toutes les bourses,et la quantité est insuffisante.
    Qui va me donner ces garanties de ne pas encore plus charger le char administratif de mon paysan voisin ? En le laissant travailler aux champs en connaissance de son sol et en lui faisant confiance pour petit à petit le rendre à sa virginité naturelle et quand même productive .
    vaste questionnement

  2. Si les 2 initiatives sont acceptées, il faudra pas vouloir appliquer des dogmes, mais tenir compte d’une paysannerie à plusieurs vitesses, car certaines ont encore de grosses dettes et les banques ne feront aucun cadeau concernant le paiement des intérêts et le remboursement des prêts. La plus forte résistance viendra j’imagine des secteurs qui croient encore à cette sempiternelle théorie du « rendement » qui est aussi stupide que celle du « ruissellement ».

  3. “La sécurité de l’approvisionnement de la Suisse passera par la qualité de ses sols et une alimentation saine”. Cela ne veut rien dire, c’est du blabla vert pour noyer le poisson. C’est lié à la quantité produite, c’est tout. A moins de vouloir affamer la population.
    Quant à l’alimentation saine, à moins d’une dictature, les gens mangerons ce qu’ils veulent. Et donc, si la nourriture suisse est seulement à la portée des bobos, une grande frange de la population mangera de l’importation bio ou pas.

    Si on ajoute le paramètre de la forte augmentation de la population, voulu par la majorité de la gauche et la droite, le résultat est plus de béton (quelle cohérence avec le soutien de la ZAD…), moins d’autonomies, plus d’impacts sur la nature.
    Ce qui amplifie le désastre écologique, c’est la surpopulation. A un moment, il faudra cesser de planter sa tête dans le sable et agir.

    Nous savons que les initiants sont des menteurs en disant que nous pouvons être indépendant en alimentation. Probable que d’ici 10 ans, on sera 1-2million d’habitants de plus, alors la solution ?

    Je suis bien sûr pour l’arrêt des pesticides, mais sans hypocrisie et sans diktat.
    Tant qu’on importe nos aliments, on est dans l’hypocrisie, et le diktat favorise un mouvement antiécologique comme l’UDC qui s’oppose simplement parce qu’il y a le mot “écologie”. La radicalité sur des sujets stupides des maires français écolos, ont fait effondrer l’enthousiasme pour leur parti, les Verts se sont tirer une balle dans le pied.

    La priorité de l’écologie devrait être la diminution de la population. De là, il serait plus facile d’atteindre les buts. La priorité n’est certainement pas de courir derrière une surpopulation et bricoler des solutions. En cela, la gauche fière du bétonnage pour accueillir plus de gens, est désespérant.

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