Mon intervention au Conseil national lors du débat sur l’Initiative populaire fédérale “Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS)”
Après AVS21, où les femmes ont été les grandes, les très grandes perdantes de la campagne, on a vu sans surprise les partis de la Droite et du Centre immédiatement renier leurs promesses de campagne et affaiblir le projet LPP21, qui devait pourtant selon eux venir compenser ce sacrifice des femmes. Pire encore, les voilà à lancer une initiative visant à indexer l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie, pour les accabler encore davantage.
Nous savons pourtant que, dans notre pays :
- les retraites des femmes, comme leur salaire tout au long de leur vie, sont toujours nettement inférieures à celles des hommes;
- que plus d’un tiers des retraitées ne reçoivent AUCUNE rente du 2e pilier;
- et que même lorsqu’elles ont un 2e pilier, leurs rentes ne représentent en moyenne que la MOITIÉ de celles des hommes.
Dans l’AVS par contre, les rentes des hommes et des femmes sont similaires, étant donné que la garde des enfants et l’assistance apportée aux proches y sont prises en compte.
Mais les chiffres sont là: la rente AVS moyenne s’élève à peine à 1’800 francs par mois ! Alors que depuis 50 ans, des rentes AVS assurant le minimum vital sont censées être garanties par la Constitution ! Or, aujourd’hui en Suisse, personne ne peut vivre uniquement de sa rente AVS. Une obligation constitutionnelle visà-vis de la population qui n’est pas tenue, et vos choix politiques d’année en année ne font que creuser les inégalités.
Aujourd’hui en effet, la rente AVS moyenne ne représente plus que 21 % du salaire moyen contre 26 % dans le passé.
Les rentes des caisses de pension diminuent aussi, puisqu’une personne qui a pris sa retraite en 2020 reçoit 200 francs de moins par mois de la caisse de pension que ses collègues partis cinq ans plus tôt. Les prestations effectives du 1er et du 2e pilier s’éloignent ainsi de plus en plus de l’objectif de prestations de 60% du dernier revenu. Et, vous le savez, le 2e pilier n’offre aucune protection face à l’inflation, ni aucune garantie des prestations de rente !
Les banques et les assurances dénigrent l’AVS afin de vendre le plus possible de produits du 3e pilier, sachant très bien que cela ne concerne et ne favorise dans une large mesure que les assurés aux revenus très élevés.
Le résultat: la moitié des personnes qui sont parties à la retraite en 2017 doivent s’en sortir avec une rente de moins de Fr. 3476.- par mois, 2e pilier compris ! Et presque un·e retraité·e sur dix dans notre pays a besoin de prestations complémentaires, car sa rente ne suffit pas pour vivre. Pour les femmes, ces chiffres sont encore plus critiques.
Alors je vous le demande: quelle réponse leur apportons-nous, leur apportez-vous?
Comment expliquer aux femmes de Suisse qu’AVS21 a permis d’économiser neuf milliards de francs sur leur dos, alors que même les scénarios les plus prudents du Conseil fédéral prévoient que le 1er pilier réalisera d’ici à 2030 quasiment 20 milliards d’excédents, et que malgré ces économies et bénéfices astronomiques, rien n’est fait pour résoudre le problème de rentes qui ne leur suffisent tout simplement pas pour vivre?
Pendant ce temps, les loyers et les primes-maladie continuent d’augmenter inexorablement, la crise aggrave la situation, avec une hausse vertigineuse des prix des denrées de base, des factures d’énergie qui deviennent incontrôlables… Les conditions de vie basiques des personnes qui ont contribué par leur labeur à la société suisse se précarisent de jour en jour sans qu’on leur apporte la moindre solution de rééquilibrage.
Le 13e versement AVS demandé par l’initiative constitue précisément un début de rééquilibrage. Il apportera une retraite plus digne aux retraité.e.s qui réalisaient de bas revenus durant leur vie active. Il correspond à une augmentation de 8,33 % des rentes AVS. Et renforcer l’AVS, c’est renforcer un système qui bénéficie à tout le monde, c’est renforcer l’égalité entre femmes et hommes.
Les regards des femmes et plus généralement de tous les seniors qui peinent à joindre les deux-bout mais qui se sont saigné-e-s à construire la prospérité de notre pays sont braqués sur le Conseil national, sur nous en ce moment.
Le temps est venu de tenir les promesses, d’apporter de la dignité à nos concitoyen-ne-s et de garantir leurs moyens de subsistance à la retraite.
Le +10% avait été refusé par le peuple en 2016 avec 59.4% de NON.
Le +8.33% va-t-il connaître un résultat différent ? Je mise sur le non.