L’imposition ne fait pas mal qu’aux « riches »!

Analyser l’imposition et s’interroger sur ce qui peut justifier qu’un Vaudois paie bien plus qu’un Zurichois, visiblement, ça fâche des candidats au Conseil d’Etat. Il vaudrait pourtant mieux regarder cette réalité en face si l’on a l’ambition de maintenir la prospérité du canton. S’assurer des conditions-cadres à la hauteur de celles de nos voisins semble un objectif aussi raisonnable qu’essentiel.

Les études comparatives le soulignent depuis des années : il est erroné de croire que seule la classe moyenne supérieure paie davantage d’impôts dans le canton de Vaud, sur le revenu comme sur la fortune. Au niveau Suisse, si l’on consulte les chiffres officiels pour 2019, la classe moyenne était constituée, pour les personnes seules, de celles et ceux qui gagnaient entre 3’937 fr. et 8’436 fr. (revenu brut par mois). Et pour les couples ayant deux enfants, des ménages qui gagnaient entre 8’268 fr. et 17’716 fr. La fourchette est donc plutôt large. On constate pourtant, qu’en comparaison intercantonale, le canton de Vaud taxe également davantage la classe moyenne dite « inférieure ».

Vous connaissez un couple marié ayant 2 enfants et gagnant au total 80’000 fr. ? Lui aussi est taxé davantage qu’en Valais, à Genève et à Zurich par exemple. Peut-on vraiment le qualifier d’aisé ? Il en est de même pour un couple gagnant 150’000 fr. d’ailleurs. La classe moyenne d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, et c’est aussi celle qui bénéficie le moins des prestations sociales. Un jeune couple qui a deux enfants et gagne « bien » sa vie paie tout sans être aidé (frais de crèche, prise en charge parascolaire, assurance maladie…). Est-il finalement aujourd’hui si privilégié ?

Selon les derniers chiffres publiés par Statistique Vaud, la progression réelle des salaires (soit avec déduction de l’IPC) atteint 6,2% en dix ans dans le canton, avec un élargissement de la classe moyenne, puisque 70% des actifs bénéficient d’un revenu compris entre 70% et 150% du revenu médian. L’Office fédéral de la statistique définit en effet ainsi la classe moyenne en Suisse : « toutes les personnes vivant dans un ménage qui dispose d’un revenu brut équivalent compris entre 70% et 150% du revenu brut équivalent médian ».

Si le barème d’imposition vaudois n’a pas changé depuis 1987, le salaire médian, lui, a bien sûr évolué. Il est passé de 5087 fr. en 1998 à 6’490 fr. en 2020, alors que la courbe d’évolution de la taxation est restée la même. Sa progressivité n’est plus adaptée aux réalités des charges des contribuables décrites ci-dessus, et c’est bien pour favoriser le pouvoir d’achat de l’ensemble de la classe moyenne qu’une réforme s’impose. Par le simple fait de la progressivité du barème, le salaire médian se situe aujourd’hui dans une tranche d’imposition qui lui fait subir 4% de prélèvement de plus qu’il y a dix ans.

Pour financer les prestations de l’Etat, la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie mesure parfaitement combien les contribuables – personnes physiques et morales – lui sont précieux. Dans un contexte complexe, qui promet de réduire notre attractivité dans les années qui viennent, conserver sur sol vaudois celles et ceux qui permettent au Canton de fonctionner serait faire preuve de bon sens. Refuser de considérer qu’un barème en place depuis 1987 ne correspond plus à la réalité, tout comme sa progressivité, reviendrait en revanche à faire l’autruche. Notre canton aurait tout à gagner à rapprocher son niveau d’imposition de la moyenne suisse, et à garder ainsi ses contribuables pour financer ses prestations.

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Les institutions doivent maintenant œuvrer à l’après-crise

Le Conseil fédéral a géré la pandémie actuelle par ordonnance, comme la loi le lui permet. A l’approche d’un début de déconfinement, il est souhaitable que le Parlement reprenne son rôle et que les autorités planchent de concert sur l’avenir. Cela vaut aussi pour l’échelon cantonal.

La «situation extraordinaire», telle que décrite par l’article 7 de la loi sur les épidémies, a conduit le Conseil fédéral à gérer seul la crise du Covid-19. Ces pouvoirs d’exception lui ont permis d’«ordonner les mesures nécessaires pour tout ou partie du pays». Il a plutôt bien assumé son rôle, même si on est loin d’un sans-faute. L’heure d’un déconfinement progressif étant venue, il est temps que les Chambres fédérales reviennent aux affaires, elles qui ont interrompu leur session de printemps à la mi-mars. La démocratie l’exige, et cela permettra aux institutions de réfléchir davantage sur le long terme.

Les parlementaires en ressentent la nécessité. Les bureaux des deux Conseils ont d’ailleurs décidé que les Chambres tiendront une session extraordinaire d’une semaine consacrée au seul coronavirus, dès le 4 mai à Bernexpo, la pandémie ne leur permettant pas de siéger en toute sécurité au Palais fédéral. Comme les sept Sages, le Parlement peut édicter des ordonnances dites de nécessité pour contrebalancer les décisions de l’exécutif. La Commission de l’économie et des redevances du Conseil national s’est déjà manifestée le 15 avril dernier en invitant ce dernier à présenter «rapidement une stratégie visant à mettre fin prochainement au blocage de l’économie.» Pas plus tard qu’hier, son homologue des États a prié le gouvernement de modifier les bases légales de telle sorte que les exploitants d’entreprises fermées par le Conseil fédéral au-delà du 27 avril (en particulier dans la restauration) puissent bénéficier d’une exonération de remboursement du crédit Covid-19 à hauteur de trois loyers mensuels au plus, pour les cas de rigueur.

Des scénarios pour l’avenir

Si la fin de la crise reste encore difficile à entrevoir, les autorités fédérales ont le devoir de proposer des scénarios pour l’avenir. L’être humain, tout comme le monde de l’économie, a horreur de l’incertitude. Aux mesures conjoncturelles prises ces dernières semaines doivent désormais s’ajouter des instruments de politique structurelle, tant il est vrai que le contexte économique sera différent désormais. Bien sûr, la violence et la soudaineté de cette pandémie impliquent une réflexion profonde avant d’aller de l’avant. Cette responsabilité, les institutions ont le devoir de l’endosser en recherchant les meilleures options pour passer ce cap périlleux. Dans ce nouveau monde qui se dessine, le maintien de bonnes conditions-cadres restera indispensable. Point positif, les élections fédérales sont derrière nous. On peut dès lors espérer que les apôtres du consensus l’emporteront sur les apprentis-sorciers et les démagogues.

Un devoir similaire incombe évidemment aux autorités cantonales. Le Conseil d’État vaudois a pris seul en main la gestion de la crise en mars dernier, mais comme à l’échelon fédéral, le Grand Conseil entend aujourd’hui retrouver ses prérogatives. Le parlement entend tenir une séance le 12 mai prochain dans une salle à Yverdon-les-Bains, qui permettra de respecter les directives d’éloignement. Là aussi, le législatif pourra compléter les décisions fédérales et infléchir, voire corriger celles, souvent timides, décrétées par le Château. On songe par exemple aux mesures trop modestes prises en faveur des start-up et des scale-up, ou encore des indépendants et des patrons d’entreprises.

Le contexte n’est cependant guère favorable. Les communales de 2021 et les cantonales de 2022 pourraient pousser nombre d’élus à une surenchère électoraliste parfaitement malvenue: que ce soit la décroissance à tout va, l’étatisme à tous crins ou encore la distribution d’argent tous azimuts. Cette parenthèse artificielle, liée à la pandémie, ne doit pas nous faire perdre de vue que notre société a besoin d’une économie forte pour prospérer et innover dans la durabilité. Celle-là même qui a permis aux autorités de disposer de sommes considérables pour atténuer les effets de cette crise sans précédent. Il faudra s’en souvenir au moment de prendre les bonnes décisions.

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Notre économie comme enjeu politique prioritaire


A l’heure où la campagne pour les élections fédérales démarre, l’actualité économique devrait retenir davantage l’attention des candidats.

Ces derniers mois, l’importance des enjeux climatiques et leur impact attendu sur les élections fédérales à venir n’a cessé d’être souligné. Pour assurer la pérennité de nos sociétés, préserver notre environnement est en effet essentiel. Et le tissu économique a tout intérêt à se saisir de cette problématique et à innover de façon à construire un développement véritablement « durable ». Cependant, assurer la prospérité de la Suisse ne pourra pas passer uniquement par là.

Sur le plan mondial, le contexte actuel laisse présager de sérieuses difficultés économiques. Notre pays – on ne le répétera jamais assez ! – n’est pas une île. Nous ne serons pas épargnés. Entre le Brexit, la guerre commerciale Chine-USA et son « carnage » boursier, les taux négatifs et les indices manufacturiers dans le rouge, les mois à venir promettent d’être difficiles. Nombre d’économistes tirent la sonnette d’alarme, les médias s’en faisant le relais. Un ralentissement – voire une récession mondiale – semble se dessiner. L’indice PMI par exemple, qui livre l’état de santé des entreprises manufacturières, a ainsi atteint son plus bas niveau depuis juillet 2009 en Suisse.

Anticiper pour rebondir
Si nous voulons que la Suisse dispose des meilleures cartes, mieux vaudrait porter cette problématique au sommet de l’agenda politique. Il s’agit de se poser les bonnes questions afin de proposer rapidement les réponses adaptées. Ce n’est pas seulement la prospérité du pays et des cantons qui en dépend, mais celle de tout un chacun. L’emploi étant bien sûr dépendant de la vitalité de l’économie.

Comme le soulignait récemment Patrick Zweifel, chef économiste de Picter Asset Management, dans Le Temps, la Suisse a des atouts, notamment son industrie opérant dans des segments à haute valeur ajoutée. Mais si aujourd’hui le franc suisse s’apprécie, c’est « parce que le monde va mal » et non parce que son économie est solide. Voilà selon lui la « mauvaise nouvelle ».

Il va sans dire que notre économie exportatrice subit les conséquences de la guerre commerciale actuelle. Et l’Allemagne, moteur économique de l’Europe, souffre particulièrement de ce conflit. De par la chute des commandes dans ses entreprises, elle considère le risque de récession comme très sérieux. Quant au fléchissement des investissements aux Etats-Unis, il suscite des interrogations parmi les économistes.

L’ensemble des indicateurs précités devrait nous amener à débattre sérieusement de notre politique monétaire, mais aussi de notre attractivité économique et du maintien de la compétitivité de nos entreprises. Ces questions doivent être traitées d’urgence, parallèlement à celles sur le défi climatique et l’importance d’innover en la matière. Penser les conditions-cadres à même de soutenir le dynamisme du tissu économique mérite donc d’être au sommet des priorités des candidats briguant un siège au niveau national. Les emplois de leurs électeurs en dépendent !

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