Il incarnait une gauche adroite et réaliste qui replaçait la sécurité publique comme une condition incontournable de la qualité de vie pour tous. La sécurité comme un bien public intégrée – tout comme les hôpitaux et les écoles – au cœur de la défense des services publics que la gauche défend. Avec lui, il n’était dès lors pas surprenant de voir le gouvernement français empoigner pleinement et avec succès cette thématique importante.
Or, depuis un mois notamment, le ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, dérape. D’abord, des propos selon lesquels « les Roms ont vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie ». Des propos publics, culturalistes et discriminatoires à souhait, tenus en totale contradiction avec les principes de la politique migratoire du Parti socialiste. Une politique axée sur le critère primordial du travail : si une personne – quelque soit son origine – travaille sur le territoire depuis une durée suffisamment longue (par ex. 5 ans), elle doit avoir droit à un permis de séjour. Ce premier couac sonnait comme un avertissement.
Le deuxième dérapage est plus grave. Le cas de Leonarda G., une jeune fille rom de 12 ans arrêtée en pleine sortie scolaire devant ses camarades, est totalement excessif. Il y a clairement une faute de la part de la police concernant les modalités de l’action de renvoi: on n'use pas d'un stratagème pour arrêter un enfant sans-papier. C’est un fait connu que les agents de police ne peuvent pas suivre un enfant sans-papier au sortir de l’école pour l’arrêter. Ils ne peuvent pas non plus l’arrêter devant l’arrêt de bus qui le conduit à l’école. Une arrestation sous de telles circonstances viole les dispositions fondamentales de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), à savoir le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant (et son droit d’aller régulièrement à l’école) qui prévaut par rapport à l’intérêt public (cf. les articles 2 § 2 et 28 CDE ainsi que l’article 5 pt. a de la Directive retour). Cette arrestation viole aussi l’article 37, lettre b de la CDE qui prévoit que les Etats veillent à ce que nul enfant ne soit privé de liberté de façon arbitraire.
Lorsqu’il a pris connaissance des faits, Manuel Valls aurait dû immédiatement condamner cette intervention et demander une modification des arrêtés de reconduite à la frontière pour que les enfants sans-papiers ne soient plus jamais interpellés dans le cadre scolaire. Un tel positionnement ne remettait pas en cause la décision de renvoi mais bien l'action policière. Les modalités de cette arrestation mettent en évidence les risques élevés d’une politique qui voit le tout sécuritaire se placer au cœur de l’action de l’Etat sans gardes-fous. La France a connu un autre ministre de l’Intérieur qui se targuait d’être le premier flic du pays. Si Valls entend s’inscrire dans cette lignée, il fait peser une très lourde hypothèque sur la gauche gouvernementale tout en décrédibilisant l’action de ceux qui veulent, avec mesure et adéquation, démontrer que la gauche, depuis toujours, se préoccupe de la sécurité publique.